<< retour |
http://www.liberation.fr/page.php?Article=157738 14.11.2003 T'ar ton Google à la récré Marie LECHNER |
Nouvelles pratiques
Pêcher. Le moteur est également utilisé dans plusieurs pièces de net-art, comme Googlehouse de Marika Dermineur et Stéphane Degoutin. «Travailler sur "l'image" de Google contribue "gratuitement" à sa popularité, explique Marika. En contrepartie, la référence (dès le titre) est immédiate et permet de comprendre rapidement de quoi il s'agit.» De fait, Googlehouse est une maison planétaire qui se construit en temps réel à partir d'images de pièces d'habitation (living-room, tv-room, my-room, ou skull-room...) trouvées sur Internet via le moteur de recherche d'images de Google. En tapant dans le moteur "X + room", une recherche est lancée pour pêcher toutes les images répertoriées sous ce nom dans Google. Les images s'affichent l'une après l'autre pour former progressivement un long mur qui se déploie selon des règles précises jusqu'à obtenir un collage 3D de centaines de chambres, cuisines, salons qui sommeillaient quelque part dans l'anonymat de la Toile. «Googlehouse est une sorte de miroir déformant du moteur de recherche d'images Google. Ce qui nous a intéressés, c'est la position centrale des moteurs de recherche qui permettent et contrôlent l'accès à l'information sur l'Internet, y compris aux images intimes et anonymes trouvées sur les nombreux sites persos.» L'internaute s'invite dans ces maisons avec l'impression bizarre de s'introduire en douce chez des gens qu'il ne connaît pas. Curiosité. Plus que les performances techniques du moteur, c'est sa facette commerciale qui a suscité l'intérêt de Christophe Bruno, plus précisément, son système publicitaire Google Adwords. Lorsque l'on tape une requête dans le moteur Google, apparaissent dans la petite colonne de droite une série de publicités ciblées, susceptibles de faire écho au mot-clé recherché. L'artiste au départ voulait simplement promouvoir son site de net-art unbehagen. «Sur Google Adwords, tout le monde peut ouvrir un compte et acheter un mot-clé, mot-clé dont la valeur fluctue en fonction de la demande», explique l'auteur qui décide de lancer «un happening sur le Web, en forme de campagne de publicité poétique». Il achète quatre mots symptom, mary, money et dream, et écrit pour chacun d'eux une petite annonce absurde ou provocante comme «Words aren't free anymore, bicornuate-bicervical uterus, one-eyed hemi-vagina». L'objectif était de piquer la curiosité des internautes,
de les détourner de leur recherche initiale pour les attirer sur
son site. Mais, lorsqu'il lance sa dernière campagne, il se fait
censurer par une série de mails automatiques du système
lui demandant de réécrire ses annonces, parce qu'elles ne
reflétaient pas le contenu du site. «Le premier mail m'accusait
de tromper les internautes et de faire de la publicité mensongère,
le dernier m'a dit qu'il était obligé d'interrompre la campagne
parce que le nombre de gens ayant cliqué sur l'annonce n'était
pas assez élevé. Or Google ne touche de l'argent que lorsque
les internautes cliquent, ça risquait de nuire à l'équilibre
du système.» Pour l'artiste, cette censure économique
est une véritable révélation : «Les mots ont
un prix, les mots peuvent devenir des marchandises, ici, on atteint le
point culminant du capitalisme, le capitalisme sémantique généralisé.»
Dans un tableau comparatif, il s'amuse à évaluer la valeur
des mots, ainsi, Britney Spears vaut 144,20 $ Jésus 25, 59 $, Lacan
0,53 $ et net-art 0,05$. Une performance qu'il raconte en détail
sur www.iterature .com/adwords->http://www.iterature.com/adwords et
pour laquelle il a reçu le prix Ars Electronica cette année. |