Caroline Delieutraz

Deux Visions met en parallèle les photographies de La France de Raymond Depardon et les images de Google Street View. Raymond Depardon a parcouru la France pendant plusieurs années, depuis 2004, au volant de son fourgon, s’arrêtant au bord des routes pour réaliser ses clichés à la chambre photographique. Rien de spectaculaire : des panneaux, des vitrines, des routes, des arbres, des bâtiments. Un seul regard, le sien, et la volonté de laisser une trace de la France au plus près de ce qu’elle est aujourd’hui, au quotidien.Quelle signification a aujourd’hui le travail de Depardon alors qu’il existe dans les serveurs de Google, peut-être des milliards d’images de quasiment l’ensemble des routes de France ? Google réunit depuis 2006, un nombre d’images qu’un seul photographe ne réalisera jamais, même au cours de toute sa vie. Refaire ce parcours dans Google Street-View, sur les pas de Depardon, et mettre en parallèle les images prises à la chambre avec des captures d’écran, c’est mettre en perspective deux types d’images, deux intentions opposées, deux visions du monde. Il n’est d’ailleurs pas impossible que le fourgon de Depardon et la voiture de Google se soient un jour croisés.



© Courtesy de l'artiste


Deux visions, 2021
250 exemplaires

Caroline Delieutraz joue le rôle d’un bébé dans un film d’horreur à l’âge de deux ans. Dans son travail, elle explore la manière dont Internet agit sur le réel. Ses pièces débutent souvent par des enquêtes sur des phénomènes ayant des implications à la fois en ligne et hors ligne, comme le trafic d’une espèce menacée de scorpions vivants, les pratiques vernaculaires qui se développent sur les réseaux sociaux ou encore l’émergence de la figure inquiétante du troll d’Internet. Refusant de se prononcer sur le devenir (utopique ou dystopique) du Web, l’artiste lui emprunte la culture de la collaboration et du DIY. Elle rejoue le contraste qui règne sur la toile, où se mêlent images parfaitement lisses et montages bruts, manipulation des foules et valorisation de l’authenticité. À rebours de la frénésie des flux cependant, l’artiste accorde une grande place à l’attention des spectateurs, privilégiant des pièces concises mais généreuses dans l’expérience proposée. La matérialité y est très présente, à travers une réalisation toujours rigoureuse, même dans une esthétique punk. Le travail de Caroline Delieutraz en appelle également au corps du spectateur, via le selfie ou l’ASMR. Ses œuvres prennent une dimension contextuelle lorsque, exploitant les ressources des réseaux sociaux, elles créent un système d’échanges et d’interactions entre individus. Par ces échanges, ainsi que par ses enquêtes et collaborations, Caroline Delieutraz questionne le quantitatif et fait surgir du corps et de la substance dans ce qui est, sinon, balayé par le flux.

www.delieutraz.net


Production


Impression offset sur papier reyclé mat 300g.
10 x 21 cm.
Suivi de production des cartes : Julie Morel.