Gaëlle Gestin-Ligonnière

Comme c’est toujours une histoire de famille, ça commence par une formule de grand-mère : « Ne t’endors pas, regarde le paysage ». C’est donc ça ! Rester aux aguets, les yeux ouverts sur le décor du monde dans ces balades que nous faisions toutes les deux. Mais c’est aussi des habitudes de grands-mères, la correspondance. Toujours penser à envoyer un message, raconter la banalité de la journée le temps de 5-6 lignes sur une carte postale pour raconter, garder le fil, continuer à voir, à imaginer.
Il y a donc d’abord ces mots qui résonnent et me guident. Observer, être sensible aux détails présents qui m’entourent, qui changent et qui savent se détacher le long d’un parcours. Se montrer donc attentive et parfois aussi : captive. Rendre cette attention et construire. Enregistrer, créer du lien, inventer un chemin.
Ces trois dernières années, plusieurs séries se développent :
- Histoire(s) de famille(s) : d’abord la mienne puis petit à petit celle des autres. Récupérer la mémoire des siens, les traces et les regards du passé. Ecouter le récit qui se construit avec. Entendre aussi comment cela s’opère quand c’est pas soi.
- Pantin : famille politique et lieu de vie : confrontation de mon regard et de celui qui s’institutionnalise, réflexion sur l’image-cliché, parcours dans ma ville.
- Me raconte pas d’histoire : quand comme une évidence l’image a besoin du support des mots et quand le récit en regard peut s’appuyer sur une image écran.
- Luxuriantes végétations : forme de tentation et d’échappement naturaliste à cette grille-méthode, hommage aussi à peine déguisé à Hockney. Silence des mots, solitude des lieux, absence de mémoires : quant à la manière des premiers paysagistes le vide de l’humain fait abstraction. Ne pas s’endormir donc et apprendre à remplir son regard et le compléter, lui adjoindre le récit, le rendre plus solide et tenir le chemin en créant des échappées possibles et donc lui donner les chances de s’ouvrir. C’est de cette dernière que je vous propose une carte et un timbre. Quoi de mieux que de pouvoir réaliser une carte avec une histoire à envoyer, ou une message à laisser penser.



© Courtesy de l'artiste


Quercy Road, 2021, 250 exemplaires

Tree, 2021, 100 exemplaires

Voir puis dessiner. Car au départ il y a déjà et avant tout le dessin. Voir et photographier car mes dessins sont issus de photographies que je prends ou que je choisis. Photographier puis écrire : depuis toujours le choix réfléchi de titres-guides, sorte de supports, puis ces derniers temps l’avènement du récit.
Ecrire puis dessiner : car le récit devient lui aussi à son tour prescripteur de l’image. Il s’agit bien donc de dessins qui s’articulent avec, à partir, extraits de photographies et d’histoires. Il s’agit d’histoires et de mots qui complètent ou qui sortent du dessin et des photographies col- lectées. Il s’agit de photographies et de moments-clés qui activent ou qui viennent du fil du récit.
Et me voilà à faire des sortes de passes–passes et ainsi se met peu à peu en place des interactions possibles entre trois pôles: dessin, photographie et mots. Trois pôles qui tour à tour, suivant les cas, sont trois supports ou matériels ou de départ, trois lignes de fuites ou extensions ou bien trois frontières ou cadres. Un triangle amoureux qui se nourrit davantage qu’il noue ou clôt, une grille-méthode faite pour poser et ouvrir.

Née à Saint Malo en 1981, Gaëlle Gestin-Ligonnière est artiste plasticienne. Elle a obtenue son DNSEP à l'EESAB Lorient, participé au collectif d’artistes l’illusoire ainsi qu'à la Revue/Fanzine RITA. Elle partage son temps entre ses expositions et son travail de chargéee des études adjointe à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Belleville.

gaellegestin.tumblr.com
Instagram : @ELLEGATE


Production


- Cartes : Impression offset sur papier 350g. 10,5 x 14,8 cm.
Timbres : impression offset numérique, La Poste. 2,5x3,5 cm
Suivi de production : Julie Morel.