Monochrome (2007)
Le monochrome a été un moment charnière dans l’histoire de l’art, d’abord présenté sur le ton de l’humour et de la caricature (1), puis pour revendiquer des intentions et concepts forts.
Quelles correspondances peut-il y avoir entre le monochrome et le numérique (Internet, l’informatique, l’ordinateur, etc.)? Sont-ils compatibles? Il semble y avoir une telle opposition entre ces deux approches: l’une simple (trop?) et l’autre technologique (trop?).
Comme l’a soutenu Carole Rinaldi: « Les monochromes ne sont pas réductibles à une expression personnelle autour de la seule couleur – même si l’origine grecque du mot « monos », seul et « khrôma », couleur, le laisse entendre – car nous ne sommes pas en l’occurrence dans le domaine de la perception pure, mais dans celui de l’abstraction des concepts. » (2)
« En peignant des monochromes, les artistes ont tenté d’approcher l’infini par le vide. Un monochrome est un tout. Est-ce parce qu’il ne montre aucune image qu’il est absolument vide? Le seul monochrome qui soit vide ne peut être que la toile du marchand, car elle est dépourvue de concept, étant en attente d’un créateur. » (3)
L’informatique génère des bugs, des erreurs, des crashs; est-ce un hasard si ces difficultés se terminent souvent sur un aplat bleu (Klein?), avec comme seul sous-titre un message indiquant le numéro de l’erreur, comme lors d’absence de signal vidéo? (4)
Le monochrome peut apparaître comme emblème du tableau pur, uni et donc idéal, mais qu’est-ce qui peut être plus pur que la lumière? Et le codage informatique de cette même lumière? (5)
Après la toile, il y a l’écran: avant le démarrage de l’ordinateur, le monochrome noir est là, qui nous regarde. Le netart a révélé des approches multimédia très variées et transversales; qu’en est-il de l’approche du genre « monochrome »? Le background d’une page html d’un parfait, lisse, impalpable, sans matière et infini aplat coloré est le point de départ de toute page Web. En 1995, Holger Friese réalisait « Unendlich, fast… » (6) un des premiers monochromes sur le Web, celui-ci jouait déjà sur les limites de la fenêtre du navigateur: trop grand pour l’appréhender en une seule fois.
Yves Klein se préoccupait surtout de la notion d’immatériel en art. Il ne travaillait pas seulement sur la couleur bleue, mais plus généralement sur le sens de l’art et sur la philosophie appliquée à la monochromie. Quoi de plus immatériel que des données informatiques? N’avons-nous pas longtemps parlé de réalité virtuelle? Bientôt des monochromes virtuels, numériques, partagés, en réseau? Quel sera le vôtre?
(1) L’origine du monochrome est extérieure à l’art contemporain et provient du salon des Incohérents au XIXème siècle.
(2) Carole Rinaldi, « Le monochrome est-il sublime? », Septembre 2005, Mémoire Master II Recherche Sciences de l’Art, p. 7.
(3) Idem, p. 94.
(4) Taper « blue screen » dans un moteur de recherche d’images.
(5) Cf. les installations de James Turrell
(6) http://www.thing.at/shows/ende.html
The Monochromes paintings have been a keystone in the Art history. They were first introduced as a critical caricature, on a humoristic tone, but they soon became a way to state strong views and conceptual intentions. The Monochromes stand at the intersections between pure perception and abstract concepts. By painting monochromes, artists have tried to approach infinity through emptiness. One can ask if not showing any image equals to void… But isn’t the only real void monochrome the bare canvas waiting for a concept, for a creator?
What are the links between « Monochrome » and the digital trio « computer/data processing/internet »? Are they compatible? At first, there seems to be an immense gap between them: one seems very simple, the other too technological.
We all experience the fact that a computer is a machine that crashes, bugs and produces errors. It often ends up as a blue screen. Sometimes the screen shows a number referring to the error, most of the time it remains completely blank. In a certain way, the blue screen of the computer, with its emanating light, is as ideal as a monochrome painting. Even turned off, deprived from any signal, the computer screen stares at us with all its blackness.
And on the internet, the monochrome is most coherent: this media and this genre both deal with the same immateriality, the same unseen, the same virtuality.
Take for instance the colour background of an Html page, as revealed in one of the first internet work: « Unendlich, fast… » by artist Holger Friese in 1995: a perfect, smooth, impalpable, flat blue coloured page.
Yves Klein’s main preoccupation was the idea of the immateriality in art. Working with the Klein blue was a way to question the meaning of art as a whole and to apply a philosophy to the Monochrome.
What is more immaterial than computer data? Didn’t we speak about virtual reality for long enough?
The internet has the capacity to challenge and redefine the notion in a very creative way, still keeping the claim to strong concept and identity. The monochrome has now to integrate new components: time, space and geographical location, generation, sharing, participative construction, and randomness, to list only a few.
The network will bring a new life to the Monochrome. A virtual one. What is yours going to look like?