Pollution (2009)
Depuis quelques années, la prise en compte écologique est parvenue au premier plan des préoccupations humaines. La pollution, liée à une intense activité humaine, qui s’est accélérée ces 50 dernières années, est à l’origine des bouleversements environnementaux mettant en péril l’équilibre de l’écosystème planétaire.
Dans l’univers médiatique contemporain, la notion de pollution intervient dès lors qu’un message est altéré, transformant ou rendant difficile sa réception. D’un autre côté, la pollution apparaît aussi dans la transformation qu’elle opère sur le message, comme un élément révélateur d’un trop grand polissage du flux hypermédiatique contemporain. Dans la question environnementale, la pollution indique un excès, une saturation, qui constitue donc un indicateur et une mise en garde à plus de « précaution » et de prise en compte des écosystèmes.
La pollution est un fait nouveau qui apparaît avec la révolution industrielle. Son appropriation, sa représentation par les artistes est donc aussi un fait nouveau. Si visuellement, on peut en trouver des représentations chez William Turner (dont les travaux sont de nos jours utilisées par des scientifiques pour modéliser les changements climatiques), c’est surtout chez les expressionnistes que le motif de la pollution comme excès apparaît dans toute sa force de représentation: les toiles urbaines de Georg Grosz, les violentes déconstructions cubistes, sont autant de signes d’une cacophonie urbaine naissante à la fin du 19e siècle.
Si la pollution renvoie instinctivement à un brouillage visuel représenté par le déversement des fumées des nouvelles industries lourdes du 19e siècle, c’est aussi l’apparition d’un nouvel environnement sonore saturé de bruits qui rend compte de transformations importante dans l’espace vital de l’être humain. Hors de toute passivité face à ce nouveau fléau, Luigi Russollo s’enthousiasme dans « l’Art des bruits » de l’apparition de nouvelles formes sonores, de bruits, que ses contemporains ne tardent pas à s’approprier. Ces nouvelles formes sont un miroir évident d’une société plus nerveuse, souvent urbanisée, où la pollution des machines est devenu l’environnement de vie des contemporains.
La pollution enfin est corollaire de notre commerce quotidien avec l’électricité et le numérique qui transportent nos oeuvres de l’esprit en les transformant. Le propre même de ces nouvelles technologies de la communication est de transposer les médias en d’autres signaux, en d’autres codes, modifiant, déteriorant au passage l’information, donc en quelque sorte la polluant.
La pollution n’est pas toujours matérialisable par une altération visible de notre environnement: d’autres formes de pollution émergent, invisibles, et qui ont des effets induits dont nous sommes encore peu à même de mesurer les répercussions: pollutions électromagnétiques rendues audibles par Robin Rimbaud dans son projet sonore « Scanner », saturations cognitives dans le déferlement informationnel du réseau internet, transformation du regard face aux déferlement d’images numériques errodées par leur transcodage.
Entre destruction visible et révélation d’un fourmillement invisible de formes microscopiques, le motif de la pollution innerve l’intégralité de notre rapport à notre environnement, plus encore dans notre commerce quotidien avec les machines dont l’apparente inocuitée cache des répercussions fortes sur la transformation du genre humain.
In recent years, concerns about the environment have reached the forefront of human concerns. Pollution, a result of the intense human activity which has accelerated in the last 50 years, is at the origin of the environmental changes that currently put in danger the global ecosystem.
In the contemporary media universe, the notion of pollution becomes apparent in the alteration of messages or signals, by transforming or impeding their reception. At the same time, pollution also appears as a transformation which operates on the message, revealing the over-polished nature of the contemporary media stream. In the physical environment, pollution indicates excess and (over)saturation, acting as an indicator and a warning for greater consideration of the ecosystem.
Pollution’s significance dates back to the industrial revolution. Likewise its appropriation and representation by the artists is also a relatively recent phenomenon. If we can find visually representations in the work of William Turner (whose pieces are today used by scientists to model climate change), it is particularly with the expressionists that the concept of pollution as excess appears in all its strength of representation: Georg Grosz’s urban paintings, and the violent deconstructions of the Cubists are indeed clear signs of the urban cacophony at the end of the 19th century.
If pollution sends us back instinctively to a visual static represented by the smoke produced by the new heavy industries of the 19th century, it is also the appearance the new saturated noise environment that speaks to the significant transformation of the living space of the human being in the era. Irrespective of the generally passive response to this plague, Luigi Russollo is inspired in « The Art of Noises » by the appearance of new sound forms that he and his contemporaries did not delay appropriating. New forms such as his are a clear sign of a sensitized, often urbanized society, where the pollution by machines became and integral part of the people’s environment.
The very purpose of new technologies of communication is to transpose one form of media into signals, into other codes, modifying and degrading the information, and thus in a sense polluting it. Pollution is in the end a corollary for our daily work of using electricity and digital technology, modifying our works of the mind by transforming them.
Pollution is not always realized through a visible change of our environment: other forms of pollution appear, sometimes invisible, and which have repercussions which we still have difficultly measuring. For example: electromagnetic pollution made audible by Robin Rimbaud in his sound project « To scan », the cognitive saturations in the informative flow of the Internet, and the transformation of the regard in the face of the endless flow of digital images degraded by their transmission.
Between visible destruction and the impact microscopic effects, the question of pollution impacts at every level our relationship to our environment, especially in our daily interactions with machines where visible innocuousness often hides strong repercussions for the transformation of the human race.