Cette année, j’avais décidé de ne pas faire de projet anniversaire. Puis finalement, je me suis dit que la vidéo « Relâche », dans le cadre de la commande Marks Blond / Kino Kunstmuseum de Berne pourrait être le projet anniversaire. A présent, me voila décidée : le projet anniversaire sera de ne pas faire de projet anniversaire. Relâche donc, mais pour vrai. Parce que parfois, il ne faut rien faire.
« Cependant.
Qu’il soit rituel ou qu’on lui préfère l’occasion subite et la fête qui définie la marche forcée du monde, l’anniversaire est bien le point de surgissement de la question du temps. Sa pointe émergente. D’ordinaire dans le cours des choses du monde-comme-il-va, le temps est souvent évoqué : l’âge, l’époque, les jeunes, les vieux, qu’en faire, et il faut prendre son temps. Cependant il ne se fait aigu qu’à ce moment précis où l’on fête sa propre naissance, qu’elle soit la répétition d’un évènement passé où l’attente de sa propre arrivée.
Et que fête-t-on alors ? Un certain ordre du monde qui est le fait du temps, son rythme : tambour et flûte. Et, tandis que pour la fête l’ordre se fait désordre, bruit, éclats, impromptu, divers, persiste en arrière plan le souvenir des individus que je n’ai pas été, les anniversaires qui ne sont pas les miens, l’étrange mélange de temps des mondes alternés situés quelque part en dehors de l’univers.
Les stoïciens pensaient le temps comme un feu pur, quand il embrase le monde, mettant fin au cycle passé : l’univers advient de nouveau, comme un présent qui se saisit lui même en tant que présent. Le présent dans sa jeunesse, une étincelle parmi les cendres, qui explose et c’est la fête. D’un jour, d’une heure, d’un seul instant. Dans la répétition dite éternelle et qui défie le temps lui-même. »
Anne Cauquelin, dans « Esse n°67 ».