Archive mensuelles: décembre 2008

Glacée

Il y a un peu plus d’un an, Marie et moi sommes parties une semaine à Noirmoutier pour travailler sur le projet iceberg… Ça a été à la fois un séjour intense et calme. La ballade quotidienne en vélo, à travers la lande pour rejoindre la plage, avec caméra et appareil photo dans la cagette-porte-bagage, des prises de vue sur les plages désertes, une production d’images 3D – j’en avais pas fait depuis l’école-, pleins d’expérimentations, des discussions et du travail très tard dans la nuit accompagnés par la musique d’Herman Düne et Jack Johnson.
Plusieurs fois nous sommes allées prendre des photos de la mer pour faire des maquettes du projet, à la tombée de la nuit car la lumière était magnifique. Un soir, Marie a eu l’idée de prendre un appareil jetable amphibie… On a pris notre courage à deux mains pour y aller, l’eau était gelée.
Elle les a fait développer hier, et me les a envoyées tout à l’heure, après les avoir capturées avec « photobooth ». Je ne poste que les clichés que l’on a faits en plus. Ceux qui ne sont pas destinés au projet. Parce que j’aime bien la superposition qui s’opère entre les images d’origines et le cadre issue de la capture. Parce que ces images sont bien étranges : elles ont un an mais je les sens vraiment proche de moi aujourd’hui. Peut-être est-ce l’addition de ces deux prises de vues. Une manière d’écrire une histoire dans la marge du projet iceberg.



Extrait

La semaine dernière, j’ai pris part à une conversation sur le site de Karine Lebrun « Tchatchhh ». Cette conversation est pour le moment en suspens et va bientôt reprendre… Au début de la conversation, je me suis posée la question du cheminement. En ce moment, je n’ai pas le temps de cheminer… tout va trop vite, alors j’ai relu ce texte, pour me rappeler d’où je pars.

Je l’ai copié ici, tel qu’il se présente sur Tchatchhh :

Je ne connaissais pas les luddites (et encore moins cette utilisation du mot appliquée aux nouvelles technologies !). Ça a pas mal raisonné en moi. En puis, en lisant ton billet, je me suis aussi posée la question de cette conversation avec toi… communication ou pas?
Je me suis dit que peut-être je pourrais la définir comme un passage à travers ton espace. Une traboule donc (« passer au travers », c’est le sens premier de ce mot), et j’y ai pensé immédiatement quand tu m’as parlé des luddites, car entre Luddites et Canuts, il n’y a pas loin…

Les traboules, ces passages utilisés par les canuts – les ouvriers soyeux de la Croix-rousse à Lyon – ont longtemps accompagné mon imaginaire.
Pendant mon enfance, c’était un réseau obscur de galeries, parfois peu sûres et labyrinthiques, que je connaissais mal et où je redoutais de me perdre… La plus connue d’entre elle, dans un sale état, portait le nom de « Vorace », que pour une étrange raison j’assimilais à du cannibalisme, et que j’évitais soigneusement d’emprunter… : ) Je crois que les traboules ont façonné mon imaginaire, jusque dans ma pratique artistique. Par exemple, j’y associe cette pratique quasi-systématique que j’ai dans mes projets de prendre la tangente, d’utiliser les chemins de traverses, par rapport à un lieu, une situation…
Plus tard, j’ai habité dans l’une d’entre elle, entre la Montée des Carmélites et la rue Pierre-Blanc. Dans un appartement qui fût comme tous les logements du quartier, un ancien atelier de tissage, avec des pièces lumineuses et froides, à cause de leurs dimensions cubiques de 4m x 4m x 4m, spécifiques à la taille des métiers à tisser. Et d’immenses fenêtres qui font que l’on a toujours l’impression d’être dehors.
Ce qui m’est resté de cette pratique quotidienne de la traboule, c’est le fait de me loger à l’intérieur même d’un passage, c’est à dire être immobile dans un espace dédié à une mobilité. Observer. Se tenir dans un point de connexion entre un monde privé et public.
Et puis il y avait cette étroitesse et la sensation paradoxale de clandestinité et de sureté que l’on y ressent souvent…
Plus tard encore, étudiante aux Beaux-arts de Lyon, j’ai lu Michel de Certeau, et « L’invention du quotidien », dont le Tome II a pour projet d’étudier les changements et modes de résistances quotidiennes adoptées face à la société de consommation au travers l’étude de la « pratique d’un quartier », celui se situant immédiatement autour de la rue Pierre-Blanc.
Encore une fois, c’est à travers ces lieux que j’ai adopté une manière de cheminer (dans la narration notamment, dans l’articulation de projets artistiques, dans mes relations aux gens), et aussi que j’ai bâti une pratique de la ville qui est plus de l’ordre de l’usage que de la consommation.

…Je ne sais si tu es originaire de Paris, s’il y a certains lieux qui t’ont, dans leur pratique, constitués, quel nom donnerais-tu donc à notre conversation, et serait-il en rapport avec un lieu (ou un non-lieu) connu?

Enfin, encore une fois, tout un cheminement pour dire, qu’ensemble, nous traboulons.