Des notes de Clipperton

Voila que l’équipe de Clipperton-project a enfin eu les permis pour naviguer dans les eaux de Clipperton. C’est réellement le début du projet et je peux enfin commencer à travailler sur la proposition que je voulais développer la-bas!
Cette nouvelle coïncidait avec ma rencontre avant hier avec Annick Bureaud et Jean-Luc Soret (qui entre autre s’occupent de Nunc), et la rencontre a été une opportunité pour questionner la proposition, notamment les rapports qu’entretiennent l’art et la science.

Quelques rappels :
Le but de « The Clipperton Project » est :
– de conduire une mission scientifique & artistique, pour mener des études collaboratives dans les domaines de la biologie marine, la géomorphologie, la climatologie.
– produire autour de ce bout de terre des propositions artistiques à caractère social, politique, historique
– la collaboration entre artistes et scientifiques pour repenser leur pratique et questionner des sujets environnementales.
– une mission informative sur les questions de changements climatiques, montée et pollution des eaux/océan, biodiversité.

Pour ma part, je rappelle que je suis partie sur 3 pistes, encore à articuler entre elles :
– Questionner la relation art & science en me faisait l’avocat du diable, car je crois que les collaborations entre ces deux milieux sont basés sur des approximations, des malentendus.
Je voudrais en priorité m’attacher aux mots employés. Les mots communs à ces deux domaines : en traquer les jointures, parallélismes, disjonctions, divergences, doubles sens.. (ex : « recherche », « pratique », « restitution », « innovation », « schémas », etc). Concrètement j’aimerai travailler en me rapprochant des scientifiques participants pour pouvoir : Définir les objets, outils et méthodologies de la recherche. Questionner la représentation des résultats des collectes réalisées sur place. Interroger la subjectivité dans les milieux scientifiques, qui semble être un tabou alors quelle semble un des points fortement assumé dans l’art.
– Collecte et navigation, qui sont les deux composants de cette expédition et sa transposition possible dans le domaine d’internet ou des bases de données. C’est sur cette partie que je suis surement le moins avancée – à voir donc.
– Parler de ce qui me semble l’exploration d’une hétérotopie. Une localisation d’un espace concret qui héberge l’imaginaire, en rupture avec le temps traditionnel. Je me dis que Clipperton (appelée en français « l’île de la passion » – quelle passion?) est bien un endroit qui à le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces (incompatibles).

Quelle forme prendrait cette proposition?

Pour le moment, c’est difficile à dire. Bien sur je suis dans les questions d’archivage immédiat en ce moment, et je me dis qu’une proposition sur internet serait possible. Et puis  je me pose la question de la traduction et la visualisation d’information, le dataflow, mais pas sous un angle forcément numérique. Même si je trouve les propositions récentes autour du dataflow très intéressantes, je me sens plus proche de choses de ce type, qui pour le coup s’éloigne d’un traitement graphique numérique de l’information :
– « Les mouvements de l’air », Etienne-Jules Marey, photographe des fluides, qui me donne un base de réflexion quand à la méthode de visualisation de l’information. Bien sur je suis sensible à la machine elle-même autant qu’aux images quelles produisent.
et
– Le projet crochetcoralreef de The Institute for Figuring, que je trouve magnifique (même si je regrette que les modalités d’expositions ne soient parfois pas aussi exigeantes que le projet lui-même).

En attendant de prendre contact avec les scientifiques qui participeront à l’expédition, je fais des recherches/images glanées au fil de ma navigation sur internet. Des notes historiques. Des choses qui me paraissent connexes au projet, ou des pistes dans la méthodologie à inventer pour cette proposition. À suivre.

Untitled (Ocean) – Vija Celmins, dont j’avais découvert le travail au cabinet graphique du CGP il y a quelques années, parce que j’aimerai dessiner comme elle.

De la série « Sirène » – Philippe Droguet, dont j’ai eu du mal à trouver des photos du travail (celle-ci ne lui rend pas justice).

Poisson – Nicolas Floc’h, 7 jours et 40 km pour écrire le mot (et 500 kg de poissons pêchés).

Enfin le livre « mouvement de l’air », avec les machines de fumées de Jules-Étienne Maray, et leur éclairage sur la méthode graphique.
« La méthode graphique consiste à transcrire sur papier ou sur une surface sensible, par des mécanismes extrêmement subtils et ingénieux, les pulsations, vibrations, ondulations, secousses, tressaillements, frémissements, produits par tous les mouvements de tous les corps vivants ou inanimés. Le papier étant porté par un mécanisme à vitesse constante, le tracé ainsi obtenu représente, en fonction du temps, les diverses phases des changements qui se sont produits dans l’organe ou l’objet. Le graphique est une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps. L’acquisition de ces informations peut s’opérer soit en continu, soit à des instants déterminés. La méthode graphique a permis la connaissance, l’évaluation et donc, souvent, la maîtrise d’innombrables phénomènes relevant de la médecine, de la physiologie, des sciences naturelles et des différentes branches de la physique ».
Une image de la-dite machine et  un commentaire de cette méthode.

Puisque j’en suis à parler de mouvements de l’air, une autre méthode pour les explorer, et donc des résultats tout aussi différents chez
Timo Kahlen.

Le livre « Picturing Science, Producing Art » de Lorraine Daston et Peter Galison, que je n’ai pas encore lu, mais qui parait passionnant dans les questions soulevées, à suivre de ce côté là.

Et pour finir, je me souviens de ce spectacle de danse de Frédéric Flamand que j’avais vu à Exit (en 1999 je crois!), d’après Jules-Etienne Marey. Pas d’images ni vidéo en ligne..

Départ de La Paz (Californie du sud – Mexique) début Mars.