A Thousand Leaves : French Tickler

millefeuille

De la conservation du mille-feuille

Un projet de recherche comme Auto-archivage immédiat pose la question de son propre archivage pérenne. Comment retenir non pas les objets (virtuels ou matériels) produits – ce serait impossible de par la nature des supports utilisés [1] et dans ce cas là inutile – mais l’essence d’un tel projet?
Après réflexion je me suis fixée sur un support papier qui reste un moyen de diffusion stable (bien que moins accessible), et qui permettrait au moins de relater les enjeux et l’énergie du projet Auto-archivage immédiat.
Ce choix induit certaines contraintes, qui pourrait maintenant se résumer par la question : comment passer de contenus sur internet vers un support papier?

Dans cet objet éditorial, nous avons donc testé comment des flux pouvaient résister ou perdurer sur le papier, mais avec l’évidence que l’on ne pouvait pas opérer une simple translation d’un médium à un autre.
Si l’inverse semble couler de source – on a toujours eu ce mouvement d’aller du papier vers un média en ligne – le retour du numérique vers le papier appelle à concevoir le « livre » autrement. Je mets livre entre guillemets car je ne crois pas que l’on puisse nommer cette archive papier par ce nom, même s’il en possède les qualités formelles (matériaux, reliure, une certaine linéarité au premier abord, outils synchroniques..).
Alors, ici la question sous-tend toujours : comment définir cet objet, comment s’y prend-on pour « transcrire » des contenus en ligne, avec tout ce qu’ils possèdent d’In Absentia. Comment visualiser ce qui se cache derrière un lien, comment retranscrire une vidéo, une animation-transition en mouvement, les multiples couches qui constituent un site, ou encore le montage tellement particulier d’une navigation hypertextuelle?

Peut-être le livre d’artiste serait-il un paradigme intéressant par son approche. En tout cas, il offrirait des pistes de réponses sur ce que l’on peut développer lors d’un passage internet > papier. Il évite en effet souvent des choses telles que le codex, la pensée linéaire, la narration illustrative, la mise en page normée, la rigidité monolithique du livre, ce que nous voulons a tout pris éviter.
Il n’est pas étonnant que les objets sur lesquels je travaille actuellement, celui-ci en particulier, sont surtout des objets conceptuels. Ils font donc directement référence à cette période artistique qu’est l’art conceptuel : notamment dans la place qu’y occupe la textualité [2] et la tautologie, forcément présente dans l’archivage d’un projet sur l’archivage.

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« Free time, free time
Did I mention that you control me
Free time, free time
The merest endeavor slightly forever
Mille feuille Mille feuille Mille feuille »

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[1] qui regroupe notamment écritures, lectures préformées, flux, agrégations, montages par métadonnées

[2] le texte en tant qu’il est écrit, le texte comme process, le texte devenant image, le texte comme élément à la fois structurel, abstrait et formel