Enseignement

Enseignement & pédagogie

Fulbright à Loyola University, Nouvelle-Orléans

Je suis, grâce à la Fondation Fulbright, un « Scholar in Residence » à l’Université Loyola à la Nouvelle-Orléans. Arrivée depuis 3 semaines, j’y resterai durant un an et y enseignerai deux cours : en design expérimental et sur les formes d’éditorialisations contemporaines (livres, sites internet, publications en ligne, dans l’espace d’exposition). Je poursuivrai également mes recherches et travaux artistiques, notamment celles commencées lors de la résidence Hors les murs à New York et Chicago.

Je posterai ici quelques articles de mon expérience à la Nouvelle-Orléans.
Une première carte postale, vue de mon bureau/atelier.
See you soon !
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Sculpture Question

Sculpture Question. In Reponse to Eco-political Landscape, Galerie de l’EESAB – Site de Lorient
Vernissage le mardi 10 mars à 18h / Exposition du 10 au 17 mars 2015

Galerie ouverte du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 20h, et le samedi de 14h à 18h
1 avenue de Kergroise, 56100 Lorient
Tel : 02 97 35 31 70 – http://eesab.lorient.fr

Commissaires de l’exposition : Julie Morel, Marion Bailly-Salin
Image : Beacon series (Groix) – Julie Morel

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Journée d’étude Géograhies variables à l’EESAB

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Journée d’études le mercredi 4 février 2015 à 9h30

Conférences et présentations
►9h30 – 12h30 :

> Marion Bailly-Salin et Nicolas Desverronières, anciens étudiants, artistes : présentations des propositions finales suite au voyage à la Nouvelle Orléans.

Marion Bailly-Salin  s’intéresse au rapport à l’autre. Rencontrer quelqu’un c’est rencontrer des pensées, une histoire, des expériences. Comment les donner à voir ? Mettre en scène l’autre, révéler des questions, dessiner son rapport à celui-ci et tenter d’effectuer des portraits, parfois même des autoportraits  sont les questions qui traversent son travail.

Nicolas Desverronières produit des fictions à partir des normes et standards de la vie quotidienne fictions. Gratter le vernis, déraciner la moquette, écorcher le plancher et labourer le panneau de particules, constituent divers moyens de produire des fictions : autant de sabotages ludiques réactivant un rapport physique à un monde s’affirmant comme tactile et paradoxalement de moins en moins palpable, de plus en plus lisse.

>Julie Morel, artiste et enseignante à l’EESAB-Lorient : Retour sur le contexte des arts visuels à la Nouvelle Orléans, présentation du projet « Neutral Ground »

« Julie Morel se définit volontiers comme une artiste du net, appréhendé à la fois comme l’espace, l’objet et le média de ses créations. Elle y développe et y ancre le récit de son œuvre, qui se tisse au jour le jour dans les ramifications de ses multiples projets de recherche, de création et de commissariat. »
Transversale, sa pratique est alimentée par une volonté d’interroger les relations quotidiennes qu’entretient l’homme avec la technologie, notamment au travers du langage.
Elle expose régulièrement son travail en France ou à l’étranger, dans des institutions ou des structures indépendantes.
Elle enseigne aujourd’hui à l’EESAB où elle dirige le programme de recherche Géographies variables.

> Karen Dermineur, commissaire d’exposition : Désert numérique , contexte, enjeux et transmission d’un festival en milieux rural

Karen Dermineur est artiste, curatrice d’expositions multimédia, organisatrice d’événements culturels et artistiques, curieuse des relations interpersonnelles via l’interface technologique (entre désir, art et technologies). Elle enregistre les lignes, les couleurs et les sons, conférences, promeut les logiciels libres et réalise des sites Web culturels. Elle a créé le noeud « Upgrade!Dakar » sur l’état de la création numérique en Afrique, et a rejoint Maria Luisa Angulo dans Trias Culture pour promouvoir la création numérique en Afrique. Elle vit et travaille à Dakar (Sénégal). Elle est agelement à l’initiative du festival « Déserts numériques« , qui tous les ans rassemble quarante artistes internationaux dans le contexte unique du village de Saint-Nazaire-le-Désert en Drôme provençale, autour des pratiques artistiques contemporaines et numériques.

 

►14h00 – 16h30 :

> Florent Perrier, chercheur en esthétique et théorie des arts : « Rose X – lignes de l’entrelacement passionnel en Harmonie », présentation sur le paysage autour du phalanstère

Florent Perrier, Docteur de l’Université Paris I, est chercheur associé à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine et aux Archives Walter Benjamin de Berlin. Outre sa thèse sur les rapports entre l’art, l’utopie et le politique à paraître aux éditions Payot dans la collection « Critique de la politique », il prépare un ouvrage consacré aux regards politique et esthétique de W. Benjamin sur l’œuvre de Charles Fourier.

> Cécile Babiole, artiste : présentation du travail de l’artiste

Cécile Babiole est une artiste active dès les années 80, dans le champ musical d’abord, puis dans les arts électroniques et numériques. Elle associe dans ses créations arts visuels et sonores à travers des installations et des performances qui interrogent avec singularité et ironie les médias. De dispositifs performatifs aux dispositifs impliquant le public, elle questionne de plus en plus les technologies et tente d’en transposer de façon détournée les usages normés dans le champ de la création. Cécile Babiole s’approprie un registre machinique et une culture de masse pour en tirer une confrontation entre créativité et déterminisme, usages passés et présents, techniques obsolètes et contemporaines. Son travail a été exposé internationalement : Centre Pompidou Paris, Mutek – Elektra Montréal, Fact Liverpool, MAL Lima, NAMOC Beijing … et distingué par de nombreux prix et bourses.

> Donald Abad, artiste : présentation du travail de l’artiste.

Diplômé et post-diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Donald Abad mène de front, depuis 2003, projets artistiques, résidences d’artistes et enseignements à l’École supérieure d’art et de design d’Amiens, aux Ateliers du Carrousel du Louvre, à l’Académie Charpentier et à l’Université Paris 8.
« Donald Abald explore dans son travail la dualité technologie/nature, deux notions fortes englobant les concepts des nouvelles technologies nomades (GPS, autonomie, temps réel/temps différé, nouveaux territoires de l’information et de la communication), de la performance (au sens artistique et sportif du terme) et du land-art.
C’est un artiste néo-romantique multimédia dans le sens où son exploration des nouveaux média et des technologies nomades n’est jamais le résultat présenté mais le moyen de créer de nouveaux scénarii à raconter sous forme de récits d’aventures vidéo. Ses expériences nourrissent une interrogation sur la place de l’individu face à son environnement ». Texte de Céline Bodin, Catalogue NATURE(S) (2012)

Bon accueil

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Cette semaine, en préparant ma conférence sur le projet de recherche Géographie variables, je retrouve les photos de l’atelier mené un peu avant l’été avec mes étudiants de 2ème année des beaux-arts de Lorient.
C’est à Marin’accueil, à quelques pas de l’école. Trois mois de travail en amont avec et par les étudiants, et trois belles journées de travail sur place pour réaliser le projet.
Pour que les marins débarqués de tous les pays du monde puissent avoir un endroit sur le port où se connecter à Internet qui soit accueillant. Internet et la mer. Des nœuds et des vagues, un peu comme dans mon estomac.

Béton salon, atelier dans le cadre de Géographies variables

Quelques photos de l’atelier que j’ai fait avec mes étudiants de l’EESAB au Béton salon, encadrés par Nicolas Floc’h et moi-même, dans le cadre de le cadre du partenariat Géographies variables et le béton salon. L’atelier s’est déroulé sur quatre jours avec une restitution sous la forme d’une série de performances, lors d’une des sessions du samedi, dans l’exposition les Sécession Sessions d’Éric Beaudelaire, avec comme point de départ la pratique de Gela Patashuri (Without wall), sur une proposition de Mélanie Mermod.

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22 février 2014
The Secession Sessions est WithOut Wall
Une intervention du collectif WithOut Wall (Géorgie)

La création d’un État souverain est-il encore le seul moyen aujourd’hui de permettre à un peuple son émancipation et son autonomie ? De protéger et nourrir ses spécificités culturelles et ses traditions ? Comment définir une forme culturelle spécifique, et de surcroît, dans l’une des régions les plus riches ethniquement, telle que le Caucase ?

« The Secession Sessions » accueillent une autre institution tout aussi concrète qu’immatérielle de la région du Caucase à Bétonsalon : le WithOut Wall, basé à Tbilissi. Ce groupement ouvert et sans structure réelle, qui squatte un terrain dans la banlieue de la capitale géorgienne, développe des activités artistiques alternatives, à l’écart de l’idée de célébration d’une identité culturelle et des politiques artistiques soutenues par l’État Géorgien.

Fondé en 2011 par l’artiste Gela Patashuri, le projet WithOut Wall regroupe les artistes Giorgi Kobiashvili, Eduard Oganov, Mari Tipukhian, Sergo Zhornitski, Tamar Mdivani. WithOut Wall est un projet sans structure et sans toit dont les activités ont principalement lieu sur un terrain acquis en 2006 par le commissaire d’exposition Daniel Baumann pour y construire le Tbilisi Center for Contemporary Art (TCCA). Face aux manques d’opportunités offertes aux jeunes artistes à Tbilissi, WithOut Wall s’est constitué afin d’offrir un espace ouvert de recherche, de production, de développement de processus créatifs expérimentaux et de discussions. Quand il n’y a pas d’autre alternative, vous faites juste ce que vous voulez.

Cette session a été organisée sous la forme d’un workshop avec des étudiants de l’EESA Bretagne, en collaboration avec le programme de recherche « Géographies variables » dirigée par Julie Morel. Ce programme est soutenu par le Conseil scientifique de la recherche en art (MC).

Géographies variables est un programme de recherche de l’EESA Bretagne, d’une durée de trois ans qui réunit une vingtaine de praticiens (artistes, étudiants, critiques, commissaires, philosophes) et se structure autour d’un réseau de résidences d’artistes, voyages d’études, ateliers et conférences, présentations, démos….
 Géographies variables s’attache à questionner l’art en lien avec divers territoires physiques ou symboliques, quand le processus de travail est poussé dans ses retranchements : lors de conditions limites, ou dans des territoires ou environnements extrêmes.
Quelles formes et esthétiques volontairement non spectaculaires émergent dans des conditions extrêmes, comment y inscrit-on une pratique artistique, comment rendre compte de et en rendre compte dans ces conditions ?
Qu‘est-ce qu’un territoire extrême pour un artiste ? Quelles sont les possibilités de développer une pratique artistique dans des milieux où l’art semble absent, difficilement praticable, que ce soit pour des raisons d’implantations géographiques (art en zone climatique limite par exemple), des raisons sociales (conflits, crise économiques) ou culturelles (émergence d’une identité en marge) ?
Le programme se veut transdisciplinaire, une circulation à travers différents champs, matérialisée par un ensemble d’œuvres, de dispositifs et d’expositions qui jalonnent les étapes de la recherche. Une publication est prévue en 2015.

Direction Scientifique : Julie Morel. 
Praticiens impliqués : Catherine Rannou, collectif Hehe, Florent Perrier, Julie Morel, Annick Bureaud, Laurent Tixador, Marie Bette, Mélanie Bouteloup, Nicolas Floc’h, Nicolas Momein, Valentin Ferré & Capucine Vever. Programme soutenu par le Conseil scientifique de la recherche en art (MC).

Rural Studio, Alabama

Je suis à présent dans l’Alabama, à côté de Greensboro, à Newbern exactement, dans le comté de Hale, pour visiter Rural Studio avec Catherine Rannou et Marion, Nicolas et Morgane.
Une nouvelle étape de ce voyage, toute aussi passionnante que la Nouvelle Orléans mais aussi complètement différente, si ce n’est qu’ici aussi, les questions de communautés, constructions sociales et fédération d’énergies positives sont à l’œuvre et pratiquées concrètement et quotidiennement. Le projet incroyable de Rural Studio parait idéal et je pourrais en parler des heures avec enthousiasme. J’ai hâte de commencer la publication Géographies variables, et rendre compte de tout cela en images et en textes, de faire des liens avec les différentes branches du projet de recherche. Une chose à mettre en place à mon retour en France que j’anticipe avec plaisir.

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Des photos du livre Auto-archive (livre d’artistes conçu avec Marie Daubert, Gwenola Wagon, Karine Lebrun, Reynald Drouhin et Dominique Moulon) reçu vendredi : il est super bien, il est super beau !

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Auto-Archive.
Édition de l’École européenne Supérieure d’art de Bretagne.
160 pages, (96 pages couleur, 32 pages bichromie, 32 pages noir et blanc).
ISBN : 978-2-9519868-8-6
Prix : 18€
Distribution EESAB

Pratiques éditoriales et Nouvelle Orléans

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Entre l’exposition Love au Centre Pompidou et la sortie du livre Auto-archive, peu de temps pour parler de cette rentrée aux beaux-arts de Lorient, pourtant riche en nouveaux projets. Un résumé de ce qui se met en place ou se prolonge :
– Géographies variables est devenu un projet de recherche soutenu par le Ministère de la culture, cela après 4 ans de résidences autonomes à l’école, qui ont vues passer Art of Failure, Cécile Martin, Antonin Fourneau, Sandra Lachance, Pierre Luc Lapointe, Fossile, Laurent Tixador, Valentin Ferré et Capucine Vever, Catherine Rannou, Marie Bette et Nicolas Momein.. C’est une bonne chose car cela annonce, je l’espère, une pérennisation d’un programme qui a permis à l’école de se singulariser avec un vrais projet à long terme, et de dynamiser les échanges entre étudiants et artistes invités, sur des périodes longues avec un travail de fond (et non pas seulement sur des workshops de 2 à 4 jours ou la tension est certes intéressante mais la réflexion parfois succincte…).
Le projet s’articule, autour des résidences, en diverses occurrences : ateliers, conférences, temps de partages, voyages… C’est dans ce cadre que je partirai en décembre à la Nouvelle Orléans avec 3 étudiants, pour rencontrer divers personnes (sociologues, architectes, artistes) impliquées dans la vie louisiannaise (où j’ai des connexions familiales et où, adolescente, j’ai passé mes vacances ; ), et qui nous donneront leurs points de vus sur la reconstruction matérielle et symbolique de la ville. Ces témoignages nous serviront comme base pour une réflexion et une production dans le cadre du projet.
– Enfin, suite au cours « Dispositif » que j’anime depuis 3 ans maintenant et qui explorait, avec les étudiants, l’exposition comme une pratique artistique liées à un montage éditoriale (qui fait écho à ma participation au collectif « Le sans titre » dont je parlerai lors d’un prochain article), je prends part à un atelier commun commun avec Yannick Liron autour des pratiques éditoriales. J’ai soumis à l’école cette synthèse qui me parait bien résumer les différents axes de recherches que nous développerons cette année.

En guise d’introduction, quelques réflexions qui m’ont parues importantes lors de la rédaction de cette proposition :
> Ce nouvel atelier ne peut se faire sur une base de classement par media ou par disciplines établies (toute recherche étant par essence transdisciplinaire et puisant dans divers champs). Il s’agit donc de trouver un cadre de recherche sous la forme d’un point de vue critique.
> Le cadre mis en place doit proposer aux étudiants en art et en communication de s’engager dans un projet de fond dans lequel ils puissent se retrouver. Ce sont les acteurs de mention, ils doivent être au cœur de cette proposition et pouvoir s’identifier à celle-ci.
> Les intitulés « pratiques éditoriales », et plus encore « édition », restent des termes ambigus : porteur de plusieurs sens pour l’un, et radicalement fermé et peu inclusif pour l’autre. Il est en revanche intéressant de s’intéresser à l’origine de ces deux mots – le verbe éditer, qui ouvre une perspective pour les artistes et étudiants en art, et une analogie plus claire dans monde de l’art.

 

Le terme Éditer rassemble en français deux sens (que l’on retrouve en anglais sous les verbes « edit » et « publish »).
Le premier s’entend comme l’action d’agencer et de traiter de contenus liés à différents médias – du texte à l’image en passant par le son – et donc de les mettre en récit, cela quels qu’en soit les modes de diffusion.
Le deuxième sens s’attache à la diffusion de publications dans un mouvement de partage et d’ouverture vers l’extérieur.
Mettre en forme un contenu et l’ouvrir à un public, voilà donc ce qui sous-tend dans ce mot. Cette ouverture permet différentes directions de travail :

– Le commissariat d’exposition
Le commissariat peut être pris sous un certain angle : là ou les mots montage/monter et éditer se rencontrent. Envisagés ainsi, les différents acteurs de ce contexte (artiste, curateur, critique) peuvent se faire les éditeurs de l’espace d’exposition, pris en tant qu’espace à expérimenter,
dispositif à déjouer, et contenus – texte/image/volume – à faire dialoguer.
> Ex :
– « Images empruntées : l’artiste comme éditeur », Journée de colloque au Frac Toulouse (2013).
– « Les fleurs américaines », exposition au Plateau (2013) par Elodie Royer et Yoann Gourmel
– « Multiplier-médiatiser », exposition d’Antoni Muntadas (Cneai, 2000)
– « Abstractions sentimentales et quelques éditions », exposition collective au Cneai (2011)
– « This is Tomorow », exposition de The Independant Group (ICA, 1956)

– L’édition envisagée comme espace d’exposition :
À l’inverse, l’édition (dans son sens large) peut être vue comme un espace d’exposition, et/ou comme outil d’un processus artistique, et non pas uniquement comme moyen de diffusion d’un travail terminé, d’un évènement qui lui serait extérieur. Il est à traiter comme espace prédéfini, à investir. L’artiste devient éditeur, dans « un rôle comparable à celui du commissaire d’exposition ».
Cette entrée permet de multiples occurrences vers la narration, le récit, la littérature, le documentaire, l’archive, certaines formes d’esthétique, etc.
> Ex :
– « Suite pour exposition(s) et publication(s) », Cycles d’expositions satellites au Jeu de Paumes
(2012)
– Christophe Lemaitre & Aurélien Mole, « Post document » (Cneai 2010)
– « Les espaces d’exposition imprimés », Marie de Boüard dans « L’Esthétique du livre » (2010)

– Le livre d’artiste
Paradigme intéressant car il prend l’objet imprimé, ou tout autre mode de publication (édition numérique, éphémèra, affiche, fanzine, publication à la demande) comme support d’un projet de recherche artistique.
Il évite souvent les effets de normalisation inérant au codex, à la pensée linéaire, la narration illustrative, la mise en page standardisée, la rigidité monolithique du livre classique. Sa forme est au service du projet, ou la forme constitue elle-même, de façon tautologique, le projet.
> Ex :
– Guy Debord & Asger Jorn, « Mémoires » (1959)
– William Gibson, « Agrippa, Book of the Dead » (1992)
– Anne Moeglin-Delcroix, « Esthétique du livre d’artiste » (1997)
– Guillaume Constantin, « Sans titre » (Fac similé rouge), (2004)

– Le document comme moyen de diffusion d’un projet artistique :
Il s’agirait ici de prolonger l’existence d’un projet artistique sous la forme d’un document, d’en proposer une extension, voir de le rejouer.
Les principales questions à l’œuvre sont celles de la justesse de la transcription et de la diffusion, ainsi que la prise en compte de la forme des objets de départ et du document choisi comme extension. Cette extension propose d’abstraire une ou plusieurs œuvres par le biais de media utilisant le langage et le signe. En découle une distance critique et un nouvel objet réflexif.
– Raphaël Zarka, « Free Ride » (2011)
– Edward Ruscha, « Twentysix Gasoline Stations » (1959)
– « Beyond the Dust – Artists’ Documents Today », Roma Publication/Fondation Ricard (2011)

– Les pratiques émergentes liées à l’hybridation papier + numérique
Les publications imprimées traversent une phase de mutation profonde, en grande partie liée au fait que les écrans remplacent progressivement l’imprimé. L’écran engage une relation plus « rhizomatique » aux contenus, ainsi qu’une certaine fragmentation, l’accessibilité et la réutilisation des contenus. Pourtant, pour certains artistes, le print et le numérique vont de pair, voir même leur rencontre produit de nouveaux types d’esthétiques et de pensées.
Je renvoie notamment à la notion de Post-Internet et aux écrits d’Artie Vierkant « The Image Object Post-Internet » et autres projets d’expositions et de publications « Post-internet Survival Guide ».
> Ex :
– Benjamin Gaulon, « KindleGlitcher »
– Alessandro Ludovico, « Publier à l’ère du numérique »
– Alexandre Leray, « Flatland », et <stdin>
– Katja Novitskova, « Post-internet survival guide »

Je propose aujourd’hui un atelier aux étudiants de 5ème année qui s’intitule « dispositif » ; j’en rappelle ici l’intention :
Toute œuvre d’art est ou fait appel à un dispositif. La racine du mot dispositif vient de « préparer », « envisager », et disposer veut dire choisir. À en croire la terminologie de ces mots, on pourrait être optimiste sur ce qu’est un dispositif et sa partie prenante dans la création.
À la lecture de Michel Foucault et de Giorgio Agamben, on s’aperçoit vite qu’un dispositif n’est pas aussi réjouissant que l’on pourrait le croire :
« J’appelle dispositif tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants. Pas seulement les prisons donc, les asiles, le panoptikon, les écoles, la confession, les usines, les disciplines, les mesures juridiques, dont l’articulation avec le pouvoir est en un sens évidente, mais aussi, le stylo, l’écriture, la littérature, la philosophie, l’agriculture, la cigarette, la navigation, les ordinateurs, les téléphones portables et pourquoi pas, le langage lui-même, peut-être le plus ancien dispositif […] ».
(Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ?)
Au-delà de toute contingence morale, ce qui ressort et qui peut être intéressant comme terrain de jeu et de questionnement pour un étudiant en art, est le fait d’envisager la question du dispositif sous l’angle du rapport de force et, par extension, l’exposition comme un rapport de forces, ou comme un mode relationnel.
L’étudiant aura à charge de subjectiver cette question, par des recherches plastiques ou théoriques : il devra, en évitant une approche binaire, s’attacher à identifier ce qu’est un rapport de force dans le contexte de l’art et du graphisme.
Il lui faudra se demander : entre qui ? quoi ? dans quel but ? sous quelle forme ? et comment composer avec un processus qui sans cesse se joue de nous ? … car il faut bien aussi poser cette évidence : nous ne sommes pas dans la maîtrise du dispositif. Lui aussi nous met à l’épreuve, au moment même ou nous le mettons en place.
Cette année, cet atelier tente d’interroger la norme de présentation et de critique d’un travail d’étudiants, en prenant appui sur des actions de présentations : démos, lectures et conférences performées, manipulations d’objets, mises en espace et dispositifs à utiliser.
Une des entrées de cet atelier est donc l’outil ou les outils (à ne pas confondre avec médium), et leur manipulation comme déclencheur de la formalisation et l’autonomie d’une pensée, au même titre que l’énoncé.
Dans les écoles d’art les outils restent tabous et impensés, ils font pourtant partie de notre pratique quotidienne, et de notre culture au même titre que les images, les sons et les objets. Ils sont des révélateurs important de nos pratiques, intentions et réalisations.

Pratiques #22

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La revue Pratiques n°22, dont j’ai assuré la direction, vient de paraître ! Elle traîte de l’Auto-archivage immédiat et regroupe les interventions d’artistes, praticiens de l’art réunis à l’EESAB Lorient en décembre dernier pour discuter et présenter des travaux relatifs à cette notion, qui découle en premier lieu de l’archivage systématique et automatisé en ligne.
Avec Yann Sérandour, Jean-Noël Lafargue, Maurice Benayoun, Christophe Bruno, Joëlle Bitton, David Guez, Reynald Drouhin, Jérome Joy, Sylvie Ungauer, Dominique Moulon, Damien Schultz, Manuel Schmalstieg, Lionel Broye, Gwenola Wagon.

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Et puis dans une semaine, je pars à Annonay pour le BAT de la deuxième publication sur ce sujet, un livre plus personnel, que j’ai conçu et développé ces six derniers mois. Le calage est toujours un moment important et excitant, avec une tension que j’apprécie (suivre l’impression, changer de papier si besoin/si possible, s’entretenir avec l’imprimeur..), et aussi qui marque la fin d’une étape, et l’ouverture d’un travail aux autres. Le calage serait donc une sorte de pré-vernissage ?
Le livre Auto-archive sortira donc début octobre et je fêterai le lancement le lendemain de mon anniversaire ! RDV donc à l’école d’art de Quimper le 6 novembre ou, sur l’invitation de Karine Lebrun, je présenterai, avec d’autres, ce projet de recherche qui nous a réuni pendant 2 ans !

Auto-archivage, réflexions sur un projet de recherche en école d’art

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Auto-archivage immédiat, couverture du livre à paraître à la rentrée

 

Un long article pour fêter la fin d’un long travail de 3 ans autour de ce que j’ai appelé l’auto-archivage immédiat. Ce travail, à la fois réflexif et plastique, a pris la forme d’un projet de recherche à l’école supérieure d’art de Bretagne, où j’enseigne, et m’a permis de collaborer avec plusieurs amis et artistes/critiques dont j’estime le travail (Gwenola Wagon, Reynald Drouhin, Dominique Moulon, Karine Lebrun, Grégory Chatonsky, Sylvie Ungauer…), ainsi que quelques étudiants maintenant anciens étudiants devenus artistes (Thomas Daveluy).
Pour mettre un point final à ce projet, j’ai décidé d’écrire cet article pour, d’une part, montrer des morceaux de l’édition rétrospective du projet : une édition sur laquelle j’ai travaillée avec Marie Daubert pendant 8 mois, et à laquelle je mets les dernières touches ces jours ci. Et d’autre part faire un état des lieux de ce projet et partager ce que cette première expérience de projet artistique au sein du école a pu générer comme réflexions…

J’ai donc commencé par un résumé, pour recontextualiser le projet… J’en ai fait des tas et j’ai pris le premier qui m’est tombé sous la main : le projet étant développé dans un cadre institutionnel, sa validation m’a demandé maintes rédactions qui m’ont pris un temps précieux que j’aurai pu consacrer au temps de création. Bref, je n’en ferai pas un de plus !
Ensuite viennent la façon dont nous avons structuré le temps de travail, les créations réalisées dans le cadre du projet, les moyens mis en œuvres, et enfin les difficultés rencontrées… J’ai construit cet article de façon très simple, en essayant d’être le plus claire possible, notamment pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un projet de recherche en école d’art (j’ai ma propre définition, mais je crois qu’elle n’est pas politiquement correcte alors je me la garde ;) )

 

Rappel du projet et du contexte de la recherche

L’art numérique et la textualité d’internet ont profondément transformé le principe et les modalités de l’écriture qui emprunte des supports de plus en plus interactifs.
L’utilisation des supports artificiels de mémoire par les artistes au cœur même du processus de création, tend à réduire encore la distance qui sépare l’acte de création et sa restitution finale. (La ligne de recherche a défini son champs de recherche d’après les supports de mémoire tels que : les sites internet, blogs, tablettes tactiles, Smartphones, ou encore publications à la demande)
Le blog, notamment, a été investi par de nombreux artistes numériques et contemporains, jusqu’à en faire œuvre : à la fois interface, atelier ouvert, c’est un processus de création partagé qui se rapproche d’une pratique de notation quotidienne comme a pu l’expérimenter Jonas Mekas, ou encore des « Huppomnêmata » tels qu’évoqués par Foucault dans « l’écriture de soi ».
L’apparition des blogs et autres stockages de mémoire partagée a permis un nouveau type d’archivage : l’auto-archivage immédiat, qui, non figé, se reconstitue en permanence, et sur lequel le lecteur peut interagir. Ainsi, l’œuvre-archive inclut sa genèse, ses hésitations, ses retours, ses commentaires, ses silences, sa réception.
Cette émergence produit de nouvelles formes plastiques et esthétiques fondées sur le réseau, l’interactivité, le flux, le fragment, la pluralité des discours.
À ce jour, les blogs, tant comme outils pour les créateurs, que comme moyens plastiques pour les artistes, ou encore dans le milieu des étudiants en art, sont extrêmement répandus. Or, il n’existait aucune recherche qui rende compte de l’étendue et de la qualité de ce phénomène. Encore moins de retour critique et d’expériences concrètes & conscientes de cette pratique.

Initiée en 2010, pour deux ans, la ligne de recherche « De l’auto-archivage comme œuvre » a donc proposé à plusieurs artistes – enseignants des quatre sites de l’EESAB (= les beaux-arts de Lorient, Rennes, Quimper et Brest) et à des praticiens de l’art venus de divers horizons géographiques de réfléchir à ces questions.
Il ne s’agissait pas de lister un nombre d’expérimentations ou d’espaces d’archivages d’artistes dont le contenu serait intéressant, mais bien pour les acteurs de cette recherche de s’emparer de ces outils et les transformer en matière à pratiquer jusqu’à en faire œuvre, tout en y portant un regard critique.
Les acteurs de cette recherche, par choix principalement des artistes (mais pas uniquement) ont été choisis pour la qualité de leur pratique au regard de celle-ci, pour leur envie critique et connexion à d’autres champs disciplinaires. Ainsi nous avons développé plusieurs directions complémentaires mais parfois aussi opposées, que nous avons définie comme résolument ouvertes et heuristiques, favorisant ainsi la diversité des points de vus, des expérimentations et des discours.

La recherche s’est structurée en temps de réflexions, de partages et de productions. Ces moments ont été appréhendés comme des plateformes de créations concrètes : résidences de production, dialogues et échanges théoriques entre artistes, critiques et étudiants lors de rendez-vous mensuels ou lors du séminaire de recherche dont traite spécifiquement le numéro de la revue Pratiques – réflexions sur l’art (Presses universitaire de Rennes) à paraître à la rentrée 2013. (Un autre objet éditorial, spécifique à la recherche et aux pistes suivies, envisagée comme une production plastique en temps que telle, a été mise en route à la rentrée 2012, j’en parlerai plus bas plus spécifiquement).
Ces moments d’échanges ont donné à chacun un temps pour présenter les pistes suivies individuellement et avoir des retours critiques. Un deuxième temps a été réservé à la recherche dans son ensemble : il a permis de dégager des problématiques plus générales et de concevoir une production commune.
Des temps de travaux communs plus conséquents ont permis des échanges en profondeur et d’éprouver en pratiques certaines pistes chercher individuellement :
•  Octobre 2011 : Résidence de recherche et d’écriture au Centre National des Écritures du spectacle à Villeneuve Lez Avignons,
• Décembre 2011 : séminaire de recherche à Lorient,
• Juin 2011 : réunion de travail d’une journée pour clôturer le projet
• Octobre 2012 : Réunion de mise en place de l’édition rétrospective du projet de recherche,
• septembre 2013 : sortie de la revue Pratiques,
• octobre 2013 : sortie de l’édition

 

Expérimentations réalisées pour le projet

La recherche a donné lieu à des expérimentations et retours critiques qui l’orientent vers diverses directions encore à interroger, à pratiquer et prolonger. En effet, le temps d’un projet de recherche se ressent comme un activateur, un précieux moment à consacrer – en dehors du temps quotidien – à une recherche fondamentale à long terme, dont les résultats se ressentiront bien au delà du temps effectif de celle-ci.
Le projet s’est naturellement centré autour du titre « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre ». Nous avons laissé la question de l’archive classique (trop vaste à traiter sur le temps imparti et déjà de nombreuses fois traitées) pour nous concentrer sur des pratiques et dispositifs qui se développent dans des flux, avec une capacité de produire de la mémoire et archives de manière automatisée ou semi-automatisée – questionnements qui nous semblaient plus proches et contemporains de nos pratiques.
Nous nous sommes rejoints sur des dispositifs qui interrogent notre relation à l’archive (c’est-à-dire aux informations et traces conscientes ou organisées par la société en réseau) que nous laissons sur Internet, mais qui dialoguent sans complexe avec des supports dits plus traditionnels, tel que le livre, le dessin, l’impression. Plusieurs expérimentations ont effectivement exploré l’édition papier avec l’idée d’opérer un va et vient ou/et de déplacer la  production déjà existante d’un blog, d’un film, d’une performance, vers la forme du livre.
Ce type de publication auto-éditée et son contenu s’appuie davantage sur la notion de processus, reprenant ainsi nos manières déjà éprouvées de considérer une publication sur le web : montrer une pensée en action, ce que nous appelons un auto-archivage.
Ici, l’archive n’est plus uniquement le lieu du stock exhaustif mais devient une forme qui se modifie et se définie au moment de sa production.

Autour de ces questionnements, deux catégories d’expérimentations ont émergé :
– les propositions autonomes, œuvres développées naturellement dans le cadre de cette réflexion,
– les propositions qui prennent comme contenu et questionnent la recherche elle-même.
Par ailleurs, un site internet qui regroupe toutes les propositions et ressources liées à la recherche a été créé : http://incident.net/recherche

 

Moyens mis en œuvre

– Résidence au Centre national des écritures du spectacle (Villeneuve Lez Avignon) dans le cadre des « résidences collectives de recherche, d’expérimentation et d’écriture », Octobre 2011.
La résidence de quinze jours à la Chartreuse a eu pour but de prolonger cette recherche et de proposer à un auteur de travailler à partir du grand nombre de textes et médias qui ont été générés par la plateforme en ligne du projet de recherche.
Y étaient présents Sylvie Ungauer, Reynald Drouhin, Julie Morel,  deux étudiants de l’EESAB, ainsi qu’un auteur.
Nous avons choisis de collaborer avec Yannick Liron (enseignant à l’EESAB site Lorient) dont le principe de travail s’approche du nôtre, notamment dans ses rapports à la ritournelle, la mémoire, la variabilité et le flux.  Les données générées par la recherche et son site internet lui ont servis de base pour la production d’un texte destiné à être performé. Ce texte apparait dans la publication de la recherche. (Il est aussi disponible en ligne sur le site consacré à la recherche).

– Séminaire de recherche / EESAB – Site de Lorient, décembre 2011
Sur trois jours et demi, ce séminaire a questionné l’auto-archivage immédiat : l’archive dans sa capacité à se reconstituer en permanence, et sur laquelle on peut interagir à tout moment, devenant fluctuante, variable, instable. Les interventions ont été organisées selon un schéma partant de pratiques utilisant ou réactivant des archives « statiques » pour ensuite se concentrer vers celles prenant à bras le corps les nouvelles possibilités d’automatisation des archives immatérielles et leurs flux :
– la bibliothèque de l’histoire de l’art comme une archive systématiquement disponible, réactivable et questionnable,
– l’utilisation des blogs comme auxiliaire, externalisation de la mémoire,
– l’auto-archivage immédiat et le blog comme outil de création in Progress,
– le fantasme de la conservation de l’archive numérique matérialisée par des moyens hybrides, mixant papier et données virtuelles,
– l’enregistrement et la circulation des données comme dispositif artistique,
– l’auto-archivage immédiat comme œuvre-outil de cyberactivisme artistique et politique,
– les représentations du monde vues par le biais des flux archives en ligne,
– l’amnésie liée à l’auto-archivage immédiat et la détermination à excaver des documents perdus ou cachés et leur partage par le biais de publication à la demande.

 


Publications

– Publication des Actes du séminaire sur l’auto-archivage immédiat (Numéro spécial de la revue Pratiques – Réflexions sur l’art).
Pratiques propose un recueil de documents destinés à mettre en évidence les enjeux des pratiques artistiques contemporaines. Ces enjeux relèvent plus particulièrement du domaine du concept, de la forme plastique ou de la monstration. Cette revue est soutenue par trois institutions en correspondance avec les axes de réflexion de la revue : l’EESAB, l’Université Rennes 2, le FRAC Bretagne, et elle est éditée en collaboration avec les Presses Universitaires de Renne, ce qui permet une diffusion et son encrage au niveau des professionnels de l’art.
Ce numéro de Pratiques rassemble toutes les interventions qui ont eu lieux lors du séminaire de recherche à l’EESAB site de Lorient, du 7 au 9 décembre 2011. Nous avons laissé le choix aux artistes, chercheurs et critiques invités quant à la forme que devait prendre la retranscription de leurs interventions. Certains ont choisi de partir du support de leur présentation, d’autres en ont souhaité une simple retranscription, enfin d’autres ont décidés de la rejouer complètement.

– Édition rétrospective de la recherche
J’en parlais dans l’introduction, un objet éditorial synthétique, vu comme une production artistique en tant que telle, a vu le jour. Cette publication a été l’occasion d’un dernier temps commun d’environ une semaine, envisagé comme un temps de résidence à l’atelier que j’occupais alors à la Gaité lyrique.
Tous les acteurs de cette recherche – équipe de recherche et artistes, écrivain, critiques qui se sont impliqués à un moment ou à un autre (séminaire, résidence, etc.) – étaient présents, pour une conception collaborative, un moment de travail commun affirmé comme un point de vue esthétique : un atelier ouvert qui englobe la conception ainsi que l’archivage de cette conception traitée en temps réel, sous la forme d’une pratique de notation quotidienne.
Menée ensuite graphiquement en solo avec Marie Daubert, pendant 6 mois, cette nouvelle aventure éditoriale m’a permis d’ouvrir la recherche à pistes encore non suivies et à des potentiels encore non explorés. Elle a permis d’intégrer d’autres points de vues, d’autres propositions (critiques ou plastiques) d’artistes qui n’ont pas forcément pris part à celle ci.
J’ai décidé de travailler sur trois parties distinctes mais liées entre elles, chacune de ces trois parties étant formellement clairement identifiées :
1 – Flux. Cette première partie, qui regroupe les propositions produites par les artistes qui formaient l’équipe de recherche, est traitée sous la forme d’un flux, comme une navigation internet. Les images et textes se suivent, se télescopent, parfois sans liens apparents. Bien sur ces liens existent, qu’ils soient ténus ou non. J’ai traité ces propositions sous une forme de montage en tenant compte de la dimension à la fois linéaire (difficilement contournable avec un ouvrage relié), mais aussi hypertexte (dans le traitement, les enchainements et rapprochements possibles entre les différents contenus).
Imprimée en couleur sur un papier assez épais, cette partie constitue donc un remontage de ce que nous avons produit, une réactivation sous la forme d’une translation du médium internet à un médium papier.
2 – Une appendice, qui recontextualise les sites internet, blogs, images et textes utilisés dans la première partie. Cette recontextualisation passe par l’explication de chacun des projets. Elle en donne également les références ou les données liées : pages internet, vidéos, animations contenues « derrière » les liens hypertextes.
Cette partie est traitée en bichromie, sur du papier légèrement gris. Il s’agit d’un méta-espace, qui permet à la fois de préciser les choses vues dans la première partie, mais aussi un espace plus loin de la recherche elle-même.
3 – L’annexe, qui regroupe des interventions externes à la ligne de recherche. Elles prolongent, critiquent ou donnent un point de vue différent sur l’auto-archivage immédiat. Ces interventions sont laissées comme un espace libre aux artistes et théoriciens invités ; ils peuvent faire référence ou retour sur leur pratique ou adopter un point de vue critique vis-à-vis des projets présentés dans la première partie.
L’annexe est traitée sur un mode N&B de type photocopie, comme quand on consigne les références, outils, documents d’un travail en cours.

Des exemples des pages de chaque partie.

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Implication pédagogique de cette recherche / Articulation recherche – pédagogie

Dès le début de la recherche des étudiants de 5ème année se sont impliqués dans les échanges, quelques uns ont commencé un travail personnel suite à cela. Là aussi les choses se sont faites à la fois naturellement, mais aussi avec quelques difficultés, car pour beaucoup, la pression du diplôme les dirige vers un travail plus individuel et auto-centré. Quelques étudiants ont réalisé qu’il y avait des affinités entre leur travail et les problématiques abordées et lors de la deuxième année de la recherche, ces étudiants alors diplômés ont intégré l’équipe de recherche en tant qu’artistes (et à ce titre ont été rémunérés). Je trouve les propositions produites justes et rigoureuses : la qualité plutôt que la quantité donc ; )
De façon plus générale, les bénéfices apportés par le projet de recherche dans l’enseignement ont été étendus : approfondissement d’un ARC qui existait déjà, possibilité pour des étudiants de participer à une résidence dans des conditions professionnelles et d’en appréhender le fonctionnement et la temporalité. J’ai peu aussi noter le gros impact du séminaire de recherche sur tous les étudiants (environ 90 étudiants l’ont suivi du début à la fin) ; leurs retours ont été positifs et ont porté sur le fait d’être témoins d’une pensée et une production très contemporaine en train de se construire. Ils se sont aussi sentis proches du fait qu’une pensée critique et une production artistique pouvaient aller de paire et n’étaient à aucun moment en opposition l’une de l’autre.

 

Problèmes spécifiques

Pour finir, j’ai fais le choix de mettre en relief et de partager quelques points positifs et difficultés concrètes rencontrées lors de cette première recherche à l’EESAB.
Il m’a semblé par exemple important d’observer les ressemblances et dissemblances d’une recherche  « officielle » et celles non officielles qui s’opèrent constamment, que ce soit dans le cadre d’une pratique artistique (pour ma part au sein du collectif incident.net, ou dans ma pratique individuelle d’artiste) ou d’une pratique d’enseignante (à l’EESAB) où j’envisage l’enseignement au même titre qu’une recherche artistique (ou au minimum comme son prolongement – sans cela je trouve l’enseignement désincarné de sa raison d’être).
Je suis donc posée la question selon plusieurs angles, qui sont liés et se superposent constamment :
• L’équipe de recherche
• Les moyens affectés à celle-ci
• L’articulation recherche – pédagogie
• La temporalité de la recherche
• Terminologie

• Équipe de recherche :
Habituée à travailler en collectif, de manière prospective ou dans une production effective, le fait de collaborer avec une équipe de recherche assez importante ne m’a pas semblé poser de problèmes en terme de contenu. Les échanges ont été généreux et constructifs, les retours critiques de l’équipe ont permis un questionnement constant et des avancées sur chacun des travaux : en effet pour ce qui est de la production individuelle, les différents acteurs se sont impliqués bien au delà de ce qui leur était proposé.
Néanmoins, la partie commune du projet de recherche (qui a pris la forme d’une plateforme commune, mais aussi dans une certaine mesure, l’édition) a parfois eu plus de mal à trouver sa place, cela pour plusieurs raisons :
– dans la temporalité imposée (1 ans 1/2)  il a été difficile pour certains de faire la synthèse d’une pratique en train de se créer et d’en déplier et/ou rejouer les différentes problématiques dans un projet commun, cela aurait donc nécessité un temps de recherche un peu plus long (6 mois au minimum).
– le temps alloué à cette recherche ne permettait pas un investissement total dans celle-ci, principalement pour des questions de temps liées à une réalité financière.

• Les moyens affectés à la recherche :
> Moyens financiers :
Pour rappel, il paraissait évident lors du montage du projet de recherche que :
– Les enseignants-artistes tout comme les autres acteurs de cette recherche soient rémunérés.
Ce n’est pas un fait admis aujourd’hui dans la majorité des écoles. Pourtant une rémunération est premier lieu symboliquement nécessaire, mais tout aussi concrètement nécessaire parce que s’investir dans ce type de recherche peut mettre en péril l’activité artistique d’un plasticien (je n’ai en effet jamais aussi peu produit que ces 2 derniers années, cela par manque de temps pour moi, et cette sous production m’a pesée à la fois dans ma pratique mais aussi financièrement).
La rémunération que j’ai demandé pour l’équipe était de l’ordre du symbolique, et donc en deçà de la forte implication de celle-ci e. Il ne serait pas viable à long terme de fonctionner comme cela si l’on attend un investissement de qualité de la part des différents acteurs. Le financement de la recherche et la rémunération des personnes réellement investies reste un tabou au sein des écoles (je me demande pourquoi puisque l’on nous rabat les oreilles du modèle de la recherche universitaire – à mon avis pourtant hors-contexte par rapport à une recherche artistique – ou les enseignants chercheurs sont rémunérés, cela de manière claire et contractualisé).
– Un fond mobilité important soit prévu. Nous avions prévus ce fond, et il s’est avéré très utile et a été utilisé dans sa totalité. Il faudrait donc prévoir un budget un peu plus étendu lors des prochains projets au sein de l’EESAB (qui comporte 4 sites, ce qui multiplie les allers-venues).
Mon prochain projet, Géographies variables, a déjà commencé et j’ai peur d’avoir été trop juste dans ce calcul…
> Moyens humains :
– Un dégagement de 2h sur l’emploi temps a été dégagé pour les enseignants de l’EESAB.
Nous avons pu constater que ce temps était insuffisant et sans le grand nombre d’heures alloués à la recherche par chacun sur son emploi du temps personnel, la recherche n’aurait pu avancer efficacement. Il nous semblerait donc nécessaire de faire passer ce temps de 2 à 4h (ce qui est recommandé par l’ANDEA); et dans le cas contraire je crains que peu d’entre nous renouvellerons l’expérience…
Dès le début, cette recherche a du inventer ses propres moyens d’existence et de méthodologie, ce que nous avons ressenti comme positif et nécessaire. Nous sommes partis sur un fonctionnement « off-shore », c’est à dire en dehors de l’école, mais néanmoins lié à l’école. Il peut sembler étrange qu‘une recherche dans une école se fasse hors école. Ce choix découle des questions concrètes évoquées plus haut mais aussi d’une volonté de notre part de trouver des moyens proches du contexte artistique actuel. Nous avons donc oscillé entre différents lieux :
– Lieux de vie personnelle : les moments d’échanges, avancées communes sur la recherche ont eu lieu lors de réunions régulières la plupart du temps à Paris, pour des raisons de logistiques (les acteurs étaient répartis sur une grande zone géographique), certains artistes/étudiants prenant part à la discussion via Skype.
– Les différents sites de l’EESAB ont été investis par la recherche lors de moments pédagogiques qui ont été gérés individuellement par chaque artiste-enseignant. Une plus grande porosité entre les moments/projets pédagogiques sur les différents sites aurait été bénéfique pour le projet comme pour les étudiants.
– La Chartreuse CNES nous a accueillis lors d’une résidence de 15 jours, qui s’est avéré fort opérante car elle a permis de réunir les acteurs sur un long temps commun, créant un dynamisme dans les propositions, et aussi un temps de vie commune, ce qui était important : apprendre à se connaitre, échanger lors de moments non dédié au projet, parler de la d’où l’on vient artistiquement, digresser et apprécier les habitudes et méthodes de chacun.
– L’EESAB (Lorient) a accueilli le séminaire de recherche qui a été un outil conséquent pour la recherche, tant au niveau critique que pédagogique, j’en parlais plus haut.
– Internet : Nous avons choisi, en cohérence avec le sujet traité, de rendre notre recherche accessible via internet. Comme je le disais plus haut, j’ai mis en place et produit la plateforme en solitaire, par manque de temps et d’investissement des autres ; j’aurai aimé un deuxième temps de résidence commun pour pouvoir concevoir cela ensemble. Néanmoins, cette plateforme, fort simple, s’est avérée intéressante pour le partage des données entre les acteurs et pour une meilleure visibilité du projet à l’extérieur.
(Cette expérience nous a fait nous poser la question plus générale de la visibilité de cette recherche à l’intérieur de l’EESAB. Une plateforme globale pour tous les projets de recherche de l’EEASB serait un bon moyen d’avoir des retours sur un seul projet, tout en permettant de créer des connexions avec les autres projets).

Moyens de restitution d’une recherche.
Ils ont été principalement éditoriaux : internet et publication. Pour clôturer cette recherche, il aurait été intéressant par exemple de mettre en place une expérience liée au commissariat d’une exposition, de la déplacer et de la rejouer sous la forme d’une mise en espace. C’est une possibilité à laquelle je réfléchis encore, bien que la recherche soit officiellement terminée. Si la publication m’a semblé un moyen cohérent pour garder une trace et en diffuser certains aspects, je suis persuadée qu’elle ne doit en aucun cas devenir une norme pour la restitution d’une recherche. La publication en ligne comme le site internet expérimental, l’exposition comme la conférence, la projection ou l’organisation de démo, voir même la création d’un festival ou d’un chantier de type ateliers peuvent être les moyens à investir et expérimenter.
On peut, par ailleurs, de manière plus pragmatique, citer la dissémination et les liens tissés par Auto-archiave immédiat avec d’autres écoles,  institutions et artistes  :
– lors du séminaire, des enseignants de Pau et Avignon étaient présents et nous avons pu échanger et nous rendre compte que cette recherche trouvait des échos sous d’autres formes (longue conservation, recherche lié au design graphique)
– Dominique Moulon et moi-même sommes invités à Sc. Po paris pour un semestre (Master) pour un cours qui découle directement de cette recherche.
– Participation au séminaire Territoires, mutations & archives (Tarbes, Chrystelle Debordes, revue Echappées n° 2)
– Participation à un projet de revue en ligne avec le collectif Kom.post
– Cycle de conférences à la BNF en février sur ses questions, notamment à un niveau éditorial.

• Temporalités de la recherche
La recherche est officiellement arrivée à son terme. Pourtant, celle-ci ne fait que commencer : nous avons activé des pistes, lancé des projets et les aboutissements de cette recherche sont encore à venir. Elle nous a influencés dans notre travail plastique personnel comme dans notre enseignement. Sa temporalité va bien au delà de ce que nous avions prévu et il est presque frustrant de s’arrêter ici. Bien que cette recherche m’aie habitée complétement et qu’elle émanait d’une expérience de mon travail d’artiste, je l’ai parfois trouvée, dans son fonctionnement, loin de ma manière d’envisager une proposition. Lors de la prochaine recherche (pour géographies variables, qui à tout juste commencée!), j’ai décidé de m’accorder un temps de travail balisé au sein du projet car pour la personne qui dirige une recherche, le temps alloué à l’administratif, à l’organisation est une entrave permanente au travail artistique…

• Terminologie
Je termine cet article par terminologie :  )
Les mots des la recherche en art sont de véritable maux. J’en suis sure, ces mots n’émanent pas d’artistes – les premiers et seuls acteurs incontournables de l’art.
Mais qui a trouvé le mot recherche ? Le mot direction scientifique ? (pourquoi pas direction artistique ?) Ligne de recherche ? Laboratoire ? Validation ??? (Toutes ces questions sont rhétoriques bien sur, je sais très bien qui à Bologne ou en France rêve d’aligner les écoles d’art…). Mais pourtant je ne rêve pas. À croire que les écoles ne sont pas pleines d’artistes – plasticiens, sculpteurs, vidéastes, écrivains, critiques, historiens – capables de définir eux-mêmes, de manière critique, leurs pratiques/leur recherche. Les artistes ne se sont pas gênés pour le faire depuis des lustres, manifestes et écrits sur l’art sont là pour en témoigner et je pense que des pistes sont à explorer de ce côté là…

Nous sommes nous faits rattraper par le profiling du langage ?

Conférence Géographies variables à l’EESAB Rennes, mardi 19 mars à 17h30

Conférence de Julie Morel et des artistes invités en résidence pour « Géographies variables »
EESAB site de Rennes, Mardi 19 mars 2013 – 17h30 (Amphi)

GeoLorient_AfficheRennes
MarieBette
(Image : Kora Karola, Marie Bette, artiste en résidence).
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Abstract :

Pratiquer le dispositif d’une résidence c’est expérimenter une hétérochronie, c’est-à-dire faire l’expérience d’un temps en rupture par rapport au temps traditionnel. L’hétérochronie est une expression limitrophe au concept foucaldien d’hétérotopies : un seul lieu réel qui a le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles. Si la résidence est une hétérotopie, elle est aussi l’occasion d’une double mutation : celle des personnes qui la pratiquent, et celle du territoire /milieu qui l’accueille. Pour l’artiste, elle modifie une façon de voir les choses en l’obligeant à réagir et à s’interroger de façon inhabituelle, contextuellement. Pour le milieu dans lequel elle s’insère, elle opère un processus de redéfinition par divers procédés : description, détournement, déconstruction, prolongement, reconstitution…
La ligne de recherche Géographies variables tente d’activer ces questions en s’articulant autour de la forte connexion d’expériences vécues par les artistes invités, la direction scientifique et les commissaires, critiques et philosophes intervenants. Plusieurs des artistes invités ont en effet à leur actif des résidences de recherche et création hors normes : in situ, dans des environnements extrêmes, variables, souvent en marge du monde de l’art, ou le collectif prend une place importante. Ainsi tous ont produit des dispositifs et /ou stratégies artistiques interrogeant à la fois la pratique de l’art en résidence et son ancrage dans un lieu et un contexte précis. Ils partiront de leurs précédentes expériences pour interroger la résidence sous l’angle d’une hétérotopie. La recherche portera donc autant sur l’exploration d’une résidence artistique, sur son statut, que sur son territoire de déploiement (physique, humain, sociologique).
Cette connaissance pragmatique par les artistes sera complétée par d’importantes interventions de critiques ou curateurs spécialisés dans ces questions de création dans des environnements hors-normes. Ces intervenants viendront interroger et théoriser les productions artistiques en cours. Cette recherche convoquera naturellement différents médiums et champs artistiques : espace de l’installation, performance, écritures (critique, littérature), vidéo, nouvelles technologies et espace virtuel. Ouverte, elle se place à la croisée d’autres champs disciplinaires : architecture, histoire, sociologie, géographie, philosophie. Mise en place à l’occasion des résidences, la recherche se poursuivra pendant une année avec une réflexion de fond menée par l’équipe complète et prendra la forme de rendez-vous mensuels, rencontres, séminaires et construction d’un objet éditorial et d’une restitution sous la forme d’une exposition.

– Artistes : Catherine Rannou, collectif Héhé, Laurent Tixador, Marie Bette, Nicolas floc’h, Nicolas Momein, Valentin Ferré
– Commissaires & chercheurs : Mélanie Bouteloup, Annick Bureaud, Florent Perrier
– Direction scientifique : Julie Morel

À suivre, deux journées plus importantes de présentations et débats, à l’EESAB site Lorient, les 2 et 3 avril 2013 :

GeoLorient_AfficheSeminaire

 

A Thousand Leaves : French Tickler

millefeuille

De la conservation du mille-feuille

Un projet de recherche comme Auto-archivage immédiat pose la question de son propre archivage pérenne. Comment retenir non pas les objets (virtuels ou matériels) produits – ce serait impossible de par la nature des supports utilisés [1] et dans ce cas là inutile – mais l’essence d’un tel projet?
Après réflexion je me suis fixée sur un support papier qui reste un moyen de diffusion stable (bien que moins accessible), et qui permettrait au moins de relater les enjeux et l’énergie du projet Auto-archivage immédiat.
Ce choix induit certaines contraintes, qui pourrait maintenant se résumer par la question : comment passer de contenus sur internet vers un support papier?

Dans cet objet éditorial, nous avons donc testé comment des flux pouvaient résister ou perdurer sur le papier, mais avec l’évidence que l’on ne pouvait pas opérer une simple translation d’un médium à un autre.
Si l’inverse semble couler de source – on a toujours eu ce mouvement d’aller du papier vers un média en ligne – le retour du numérique vers le papier appelle à concevoir le « livre » autrement. Je mets livre entre guillemets car je ne crois pas que l’on puisse nommer cette archive papier par ce nom, même s’il en possède les qualités formelles (matériaux, reliure, une certaine linéarité au premier abord, outils synchroniques..).
Alors, ici la question sous-tend toujours : comment définir cet objet, comment s’y prend-on pour « transcrire » des contenus en ligne, avec tout ce qu’ils possèdent d’In Absentia. Comment visualiser ce qui se cache derrière un lien, comment retranscrire une vidéo, une animation-transition en mouvement, les multiples couches qui constituent un site, ou encore le montage tellement particulier d’une navigation hypertextuelle?

Peut-être le livre d’artiste serait-il un paradigme intéressant par son approche. En tout cas, il offrirait des pistes de réponses sur ce que l’on peut développer lors d’un passage internet > papier. Il évite en effet souvent des choses telles que le codex, la pensée linéaire, la narration illustrative, la mise en page normée, la rigidité monolithique du livre, ce que nous voulons a tout pris éviter.
Il n’est pas étonnant que les objets sur lesquels je travaille actuellement, celui-ci en particulier, sont surtout des objets conceptuels. Ils font donc directement référence à cette période artistique qu’est l’art conceptuel : notamment dans la place qu’y occupe la textualité [2] et la tautologie, forcément présente dans l’archivage d’un projet sur l’archivage.

__
« Free time, free time
Did I mention that you control me
Free time, free time
The merest endeavor slightly forever
Mille feuille Mille feuille Mille feuille »

__
[1] qui regroupe notamment écritures, lectures préformées, flux, agrégations, montages par métadonnées

[2] le texte en tant qu’il est écrit, le texte comme process, le texte devenant image, le texte comme élément à la fois structurel, abstrait et formel

 

Auto-archivage immédiat


Genèse de la ligne de recherche

La fin de l’année 2004 a vu pour moi la création d’un blog. Depuis 1996, je possédais plusieurs sites internet : une plateforme collaborative avec le collectif incident.net, des sites qui étaient des pièces artistiques en tant que telles, et un site internet personnel, galerie « obligatoire » de projets archivés.
La fonction de ce dernier site n’était pas satisfaisant : j’écrivais sur des pièces et projets déjà réalisés alors que j’aurais préféré parler de recherches en cours. Petit à petit, la partie carnet de notes que je développais en parallèle a prise de l’ampleur mais la lourdeur de la réactualisation régulière de pages en Html rendait les choses difficiles.
Je me suis penchée sur les éditeurs en ligne mais j’avais un apriori sur les blogs en ce qu’ils délocalisaient le contenu depuis mon ordinateur vers un serveur que je ne pouvais pas maîtriser complètement[1], rendant les données encore plus immatérielles puisque contenues dans une base de données et non dans un fichier « en dur ».
Un autre à priori était d’ordre méthodologique : le blog mettait à disposition immédiatement la chose écrite, sans filtre. Paradoxalement, partager une pensée en train de se construire me paraissait une bonne chose, de même que pouvoir la commenter, la remettre en jeux et la confronter (individuellement mais aussi collectivement) à d’autres manières de faire.
C’est à ce moment que j’ai pris connaissance du texte de Michel Foucault « L’écriture de soi », qui traite notamment des hupomnêmata[2] et la manière dont la culture gréco-romaine les utilisait.

Le texte de Foucault a considérablement raisonné, notamment dans l’analogie que l’on pouvait naturellement construire entre hupomnêmata et ce que potentiellement un blog (ou tout autre support artificiel de mémoire électronique partageable) offre de plus riche : une mémoire matérielle ouverte à utiliser comme une boite à outils pour la réflexion, la méditation et l’échange avec soi-même et avec l’autre.
Cette analogie m’a donné une méthode ; elle m’a poussée à envisager le blog comme un outil. Un outil pour pratiquer une pensée critique attachée à un projet artistique en train de se faire, pour développer un mode d’écriture non figé qui ne fait pas l’économie de la fragilité d’une réflexion en cours, et assumer les retours que ce mode d’écriture suscite une fois livrée.

Chaque type d’outils engendrent des objets spécifiques, et après quelques mois de pratique du blog j’ai observé l’objet que j’avais produit et sa nature.
Après réflexion, le dispositif stockait et classait (de manière chronologique, par catégories, par mots clés, etc.) automatiquement mes idées, mes productions, ainsi que toutes sortes de médias et données qui m’importaient : j’archivais mon travail d’une façon systématique et immédiate. De fait, cet auto-archivage pouvait bien produire une esthétique en temps que telle.
J’ai décidé d’appeler cette pratique l’auto-archivage immédiat.
Le terme auto renvoyait à l’automatisation du traitement des médias et données, son stockage et son archivage par l’éditeur en ligne, et à autonome : dans ce qu’elles pouvaient être reprises (flux RSS par exemple) et/ou réutilisées (mashups[3]). Ce terme « auto » n’était donc pas à prendre en premier lieu comme relatif à une pratique personnelle (comme dans « auto-portrait » par exemple), il n’était pas question ici de faire un « récit de soi-même »[4].
Ainsi jour après jour, je produisais un nouveau type d’archive : une archive immédiatement consultable, échangeable et contribuable (dans le cas d’éditeurs de textes à plusieurs contributeurs, ou dans la possibilité d’ajouter des commentaires), une archive performative, une action.



[1] À l’heure où j’écris ce texte, mon site internet a été « hacké » et toutes mes données sont inaccessibles, voire pour certaines perdues. La question de la perte, et donc de la conservation des données reste centrale dans l’archivage en ligne. Mais on peut aussi se poser la question autrement : de tels contenus sont-ils destinés à être conservés ?

[2] Supports artificiels de mémoire. (voir M. Foucault – « L’écriture de soi », texte reproduit dans « Théorie »)

[3] En Français application composite. C’est à dire une application qui combine des contenus provenant de plusieurs sources déjà existantes. Par exemple dans le cas du site internet, le fait d’agréger des contenus provenant d’autres sites afin d’en créer un nouveau.

[4] « Aussi personnels qu’ils soient, ces hupomnêmata ne doivent pas cependant être pris comme des journaux intimes (…). Il ne constitue pas un « récit de soi-même » ; ils n’ont pas pour objectif de faire venir à la lumière du jour les arcana conscientiæ dont l’aveu – oral ou écrit – a valeur purificatrice. Le mouvement qu’ils cherchent à effectuer est inverse de celui-là : il s’agit non poursuivre l’indicible, non de révéler le caché, non de dire le non-dit, mais de capter au contraire de déjà-dit, rassembler ce qu’on a pu entendre ou lire, et cela pour une fin qui n’est rien de moins que la constitution de soi. » (M. Foucault – « L’écriture de soi », dans Dits et écrits, p.1238).

 

Auto-archivage immédiat / Séminaire à l’EESAB, les 7-8-9 décembre 2011


Le séminaire de la ligne de recherche « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre » aura lieu les 7-8-9 décembre 2011, à l’EESAB, site Lorient.
L’entrée est libre, et les intervenants intéressants, venez nombreux!

« Notre société a une relation complexe à la mémoire et développe depuis l’après-guerre
une hypermnésie. Cette hypertrophie de la mémoire s’est encore accentuée depuis
l’apparition de l’ordinateur (bases de données fermées) et internet (bases de données
ouvertes et partagées) et la démocratisation des supports artificiels de mémoire.
Cette démocratisation, cet accès à un auto-archivage immédiat change le statut
même de l’archive et notre manière d’appréhender l’information, l’histoire, l’art.
Ce séminaire tentera de questionner l’auto-archivage immédiat, c’est-à-dire l’archive
dans sa capacité à se reconstituer en permanence et sur laquelle on peut interagir à
tout moment, devenant fluctuante, variable, instable ».
> http://incident.net/recherche

Au programme :

Mercredi 7 décembre
14h – 17h : Yann Sérandour / Jean-Noël Lafargue / Maurice Benayoun
Jeudi 8 décembre
9h – 12h : Christophe Bruno / Joëlle Bitton / David Guez
14h – 17h30 : Jérome Joy / Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer / Dominique Moulon
18h : Performance de Damien Schultz
Vendredi 9 décembre
9h – 12h : Manuel Schmalstieg / Hasan Helahi / Lionel Broye
12h30 : Lecture performée de Gwenola Wagon
École européenne supérieure d’art de Bretagne – site de Lorient
1 avenue de Kergroise
56000 Lorient
02 97 35 31 70

La ligne de recherche « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre »
Direction scientifique : Julie Morel
Équipe de recherche : Reynald Drouhin, Grégory Chatonsky, Dominique Moulon, Karine Lebrun, Sylvie Ungauer, Gwenola Wagon.

Conférence à l’école supérieure des beaux-arts du Mans, lundi 11 avril.

Je serai le lundi 11 avril au Mans pour une conférence sur le NetArt, et sur mon travail interactif ou lié à internet, à l’ESBA.
Sur une invitation de David Michael Clarke.

Je présenterai ma pratique liée à internet : vidéos, générateur de textes, utilisation du réseau dans des installations…
Je profiterai de cette conférence pour faire un petit panorama de la manière dont le NetArt est sorti de l’écran. En quoi le réseau a proliféré dans divers domaines de l’art, et comment aborder la matérialisation du réseau.

Julie Morel 1970

Bivouac 2.0 à l’école d’art de Lorient

Cette semaine, j’ai invité Laurent Tixador (entre autre, car c’était une semaine très riche : il y avait aussi un atelier d’Antonin Fourneau et Sandra Lachance) à venir faire un atelier à l’école des Beaux-arts de Lorient.

Comme Xavier de Mestre, Laurent Tixador aime voyager. Même cantonné à l’espace d’une chambre ou d’un atelier, le fantasme de l’expérience aventurière persiste, et il s’adapte ou se perverti, bref se redéfini.
Le workshop “bivouac 2.0” à L’école supérieure d’art de Lorient est l’occasion d’habiter réellement un espace de travail : pendant 4 jours et 3 nuits, l’atelier de 5ème année servira de contexte, de “camp de base” à cette aventure intérieure. Ce workshop interroge le processus plutôt que la restitution, la discussion dans une pratique artistique, le travail collectif versus les envies individuelles, le rôle des outils, de la technique, de l’expérimentation ou du bricolage dans une pratique d’artiste.
Avec la participation de Rozen Andreatta et : Alexander, Barbara, Coralie, Delphine, Doriane, Eddy, Fabienne, Guillaume, Gwendal, Jérémy, Laura, Laure, Lola, Marion, Morgane, Perrine, Simon, Sylvain, et tous les électrons libres qui se sont greffés au fur et à mesure…
Le workshop a commencé par la prise d’un espace encerclé (la mezzanine de l’atelier des 4ème années) par un montage de barricades « anti-administration » ; ). Depuis ce matin, on est passé à la vitesse supérieure : le confort moderne…
Au delà de l’expérience du bivouac, avec l’énergie et les idées de Laurent et des étudiants, et sur un contexte plus global, ce qui me marque le plus c’est le fait qu’habiter une école d’art est devenu exceptionnel, une fête. Pour nous, pour moi, quand j’étais étudiante à Lyon puis à Paris (mais je pense que c’était le cas dans majorité des écoles avant 2000) c’était la norme. Le fait de pouvoir travailler tard et ne pas s’arrêter dans son élan, de pouvoir dormir là car il y a un matelas à disposition, ou ne pas dormir du tout. Exit aussi le soupçon d’un accident, d’un vol, d’un incendie qui décimerait le quartier entier (j’exagère à peine) ou autre qui ne planait jamais… C’était finalement très responsabilisant, dans le sens ou nous avions la charge de nos outils, de notre temps, de notre espace. J’ai retrouvé cela dans le bivouac cette semaine, et je dois dire que le travail n’était pas au centre du projet, ce qui était principal, mais néanmoins de taille, c’était la reconquête d’un espace de travail en tant qu’espace habité.
L’aventure se suit sur un blog à part :
BivouacLorient
ou
par les photos d’archives

Et quelques photos des workshops de Sandra, et Antonin :

Conférence-rencontre à l’École des Beaux-arts de Nantes / Mardi 14 déc. 2010, à 13h

Le mardi 14 décembre, je serai à l’École des Beaux-arts de Nantes pour une conférence « Archive/réactivation », suivie d’une discussion-rencontre avec les étudiants.
Cette intervention portera sur la réactivation d’archives. Je présenterai notamment le projet « Partition », construit sur une pratique de réactivation des archives par la transgression. C’est à dire de ne pas simplement réinterpréter ou organiser des archives pour mettre en lumière leur caractère historique, sociologique, etc, mais pour s’en emparer comme matériaux de base pour une proposition plastique autonome.

Dans le cadre du projet de recherche Plugin.
Sera aussi présent lors de cette conférence : Adolfo Vera.
Invitation : Véronique Verstraete.

De l’archive et de l’auto-archivage immédiat comme œuvre

Dans quelques jours, je commencerai à travailler sur le projet de recherche « De l’archive et de l’auto-archivage immédiat comme œuvre ». Ce projet de recherche a été accepté par le conseil scientifique de la recherche et des études de la DAP et il est porté par l’École supérieure d’art de Lorient et l’association des écoles d’art de Bretagne. Il regroupera plusieurs artistes, critiques, tous enseignants. Notre première réunion de travail aura lieu vendredi prochain !

Une présentation du contexte de la recherche et du projet aura lieu mercredi 17 novembre 2010, au matin, à la DAP, lors du séminaire consacré à la recherche.
Le projet a émergé au fil des rencontres et des expériences que j’ai pu avoir cette année dans le domaine des archives. Notamment lors de l’atelier à L’ESAC (Pau) pendant le festival Access, la conférence à l’IAV (Orléans) et surtout lors de mon séjour aux Archives départementales dans le cadre des résidences de l’art en Dordogne.

En voici la note d’intention :

L’art numérique et la textualité d’internet ont profondément transformé le principe et les modalités de l’écriture qui emprunte des supports de plus en plus interactifs. L’utilisation des supports artificiels de mémoire par les artistes au cœur même du processus de création, tend à réduire encore la distance qui sépare l’acte de création et sa restitution finale.
Le blog, notamment, a été investi par de nombreux artistes numériques et contemporains, jusqu’à en faire œuvre : à la fois interface, atelier ouvert, c’est un processus de création partagé qui se rapproche d’une pratique de notation quotidienne comme peut le faire Jonas Mekas ou encore aux «hypomnémata» tels qu’évoqués par Foucault dans «l’écriture de soi».
L’apparition des blogs a permis un nouveau type d’archivage : l’auto-archivage immédiat, qui, non figé, se reconstitue en permanence, et sur lequel le lecteur peut interagir. Ainsi, l’oeuvre-archive inclut sa genèse, ses hésitations, ses retours, ses commentaires, ses silences, sa réception. Cette émergence produit de nouvelles formes plastiques et esthétiques fondées sur le réseau, l’interactivité, le flux, le fragment, la pluralité des discours.
A ce jour, les blogs, que ce soit comme outils pour les créateurs, comme moyen plastique pour les artistes, ou dans le milieu des étudiants en art, sont extrêmement répandus. Or, il n’existe aucune recherche qui rende compte de l’étendue et de la qualité de ce phénomène. Encore moins de retour critique et d’expériences concrètes & conscientes de cette pratique.
Cette recherche s’inscrit de manière générale dans un large mouvement contemporain qui regroupe l’archive comme objet média, et l’archivage comme oeuvre & comme principe relationnel.
Une partie de cette recherche sera donc consacrée aux différents principes de documentations comme projet. Car il ne s’agit pas ici de lister un nombre d’expérimentations ou d’espaces d’archivages d’artistes dont le contenu serait intéressant, mais bien de s’emparer de ces outils et les transformer en matière à pratiquer une recherche jusqu’à en faire œuvre, tout en y portant un regard critique.

Responsable scientifique : Julie Morel
Équipe : Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer, Dominique Moulon, Grégory Chatonsky, Gwenola Wagon, Karine Lebrun.
Financement : DAP / Association des écoles d’art de Bretagne.

Conférence 16 déc. 2009 – 16h, Musée des Beaux-arts, Orléans

Conférence « Archivés-chavirés » du 16 décembre 2009 – 16h00
École Supérieure d’Arts et de Design / Auditorium du Musée des Beaux-arts, invitation Sophie Monville.

« Le titre choisi pour la conférence renvoie à un projet récent développé au cours d’une résidence d’artiste, questionnant les processus d’archivage, ainsi qu’à une pratique de l’auto-archivage immédiat proche des hypomnemata de Michel Foucault (L’écriture de soi), et à l’intérêt de l’artiste pour les jeux de mots comme embrayeurs de projets. La conférence abordera également l’idée d’une production artistique qui développe des modes relationnels et narratifs sous diverses formes d’extension. »

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Workshop à l’école supérieure des arts et de la communication de Pau, dans le cadre du festival Access

L’archive comme création numérique, festival Access, du 7 au 11 décembre 2009

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Workshop de Julie Morel – collectif incident.net. Approche théorique et réalisation collective d’une archive numérique dans le cadre du projet pédagogique de l’école supérieure des arts et de la communication de Pau.

L’art numérique a profondément transformé le principe et les modalités de l’écriture. La trace écrite emprunte des supports polymorphes de plus en plus interactifs. L’utilisation des blogs par les artistes au cœur même du processus de création tend à réduire la distance qui sépare la création de l’archivage. Le blog peut être une archive et une œuvre à la fois, une archive en reconstitution permanente sur laquelle le lecteur peut interagir. L’archive n’est plus figée, elle est une interface, un atelier ouvert, un processus de création. A travers cette évolution, on voit émerger une esthétique de l’auto-archivage fondée sur le réseau, l’interactivité, le flux, le fragment, la pluralité des discours.

 

See you there!

K3 Manifestation – quelques photos

Quelques photos du K3 que Jocelyn et moi avons prises la semaine dernière.

La manifestation a regroupé des installations, des projections, un concert, des workshops et des performances de Pierre Alferi / Jonathan Barnbrook / Etienne Bernard / Depth Affect / Pierre Di Sciullo / David Guez / Etienne Mineur / Dominique Moulon / Jean-Gabriel Périot / Antoine Schmitt / Trafik.
Je ne sais pas si ces photos peuvent témoigner de l’énergie positive qui a parcouru d’un bout à l’autre cette manifestation. Les artistes et théoriciens qui sont intervenus ont été, à tous niveaux, d’une qualité rare… Good karma people!

K3 Manifestation / Du 16 au 21 Mars 2009, Lorient

K3 Manifestation / Recherches, workshops, conférences, installations & interventions dans l’espace public. (English Below)

Avec : Pierre Alferi / Jonathan Barnbrook / Étienne Bernard / Depth Affect / Pierre Di Sciullo / David Guez / Étienne Mineur / Dominique Moulon / Jean-Gabriel Periot / Antoine Schmitt / Trafik.
Commissariat, communication graphique : J&J (Jocelyn Cottencin & Julie Morel)

Mutation, c’est ce qui pourrait caractériser l’état du design graphique actuel, à la frontière ou plutôt dans une circulation permanente entre l’art, le design et la communication. Si le papier était à l’origine l’espace de travail privilégié, le web, les nouveaux médias (clip, téléphonies, consoles de jeux, etc.) étendent les domaines d’intervention possibles.
Mutation, c’est aussi ce qui peut définir l’environnement de l’école supérieure d’art de Lorient. Elle s’inscrit dans un espace à la fois portuaire et militaire. Dans les deux cas, beaucoup de bâtiments se trouvent actuellement désaffectés. Ces espaces posent, indirectement et directement des questions de société, d’activités, d’environnement, etc. Bon nombre des lieux étaient liés à l’activité portuaire (pêche, commerce) et aussi à des marques d’un passé militaire (la plus importante base de sous-marins allemands, ensuite utilisée par la marine nationale). Aujourd’hui pour des raisons différentes, réduction importante de la flotte de bateaux de pêche, restructuration des activités de la défense, ils sont inutilisés ou reconvertis. Ils sont les signes d’une société qui se transforme. C’est ce terrain dont va se servir «K3».

Le projet K3 n’est pas de faire une exposition de plus, mais de réunir sur un temps court (une semaine) des artistes, des graphistes et des théoriciens, qui sont au cœur de la production graphique et artistique actuelle.
Depuis l’école des beaux-arts, cet événement développe à la fois des workshops, des tables rondes et des propositions dans l’espace public, ainsi qu’un journal et un concert. Des temps d’expérimentation où les pratiques se confrontent, s’activent les unes les autres. L’événement n’est plus celui de l’objet fini (exposition) mais celui d’une pensée qui s’active durant une période donnée. Les étudiants des écoles d’arts d’Amiens, Lorient, Quimper, Brest, Rennes, Pau, Cambrai et l’ERG (Bruxelles) sont au cœur du projet, et la manifestation est aussi ouverte à un public plus large.
K3 se développe en partie sur l’ancienne base de sous-marins. L’idée n’est pas d’essayer de réhabiliter ces lieux, mais pour cet événement les «réaffecter», pendant une soirée ou sur la semaine de la manifestation. Les interventions se font sans restaurer les bâtiments, en s’installant dans ces environnements de manière précaire, comme on peut le faire pour un chantier.

K3 s’est construit sur une notion de propagation et de circulation, avec l’envie de réactiver certains lieux, de lier différentes disciplines. Le mode de fonctionnement de K3 se situe dans cette logique de connexions : que ce soit d’un médium à un autre, d’un moyen de diffusion à un autre ou d’un endroit à un autre.
K3 se développe sur trois axes : l’École Supérieure d’Art/ la zone portuaire (K3, cité de la voile) / le centre ville, mis en réseau par les lignes de bus et la mise à disposition de vélos.

K3 _ Manifestation 1 / 16 – 21 March 2009, Lorient, France
Graphic Design & Digital Week in Lorient.
Research, workshops, discussions, art interventions & installations in public space.

The opening of a Graphic Art & Design department at the Fine Art School of Lorient (Brittany) has been the motor for developing a working space related to design graphic & visual arts, and to question what it is to teach graphic design today.
It seemed natural to invite graphic designers, artists, art & design historians, to mix various mediums and practice in order to activate a space for exchanges and experimentations.

Mutation is the word that could summarise the current state of design graphic in France: a discipline that is at the border – or in constant circulation between – art, design, and communication.
If print was originally the main frame of work, the web and new medias (video, mobile phone, videogame..) now broaden and redefine this frame.
Mutation is also the word that could define the Lorient Fine Art School environment and site. The school is built on a location both industrial (fishing harbour) and military. In both case, most of the buildings around it are vacant. These abandoned spaces question more or less directly our society, activities, and environment…
A lot of them were formerly used for storage, industrial fishing, and business. They also bear the trace of a military past (the most important WWll German submarine station lays within 5mn from the school, and was still used by the French army until recently).
For many reasons, most of these buildings are left as they are, or are beginning to be restored. They are the signs of the society shift.
It is this territory that K3 is going to use.

The project is not to set up one more exhibition or festival, but on a short period of time (one week) to gather artists, graphic designers, art historians & critics that are cutting edge in the contemporary production. K3 is not an exhibition or a festival but the activation of a thought, an ongoing discussion happening within one week. From the Fine art School, workshops, discussions, art & design propositions in Public space are set up. The students are the actors of the project, and all events are open to the wide public.
K3 will mainly take place in the former Submarine station, with the will to re-affect this place without refurbish it, as if it were just a construction site.

With : Pierre Alferi / Jonathan Barnbrook / Étienne Bernard / Depth Affect / Pierre Di Sciullo / David Guez / Étienne Mineur / Dominique Moulon / Jean-Gabriel Periot / Antoine Schmitt / Trafik.

currators : Jocelyn Cottencin & Julie Morel

K3_ une manifestation arts, numérique & graphisme

Ce début d’année, c’est aussi le lancement de l’organisation du festival K3, dont je suis commissaire avec Jocelyn Cottencin.
Ce festival se tiendra à Lorient du 16 au 20 Mars 2009. Il regroupera recherches, workshops, tables rondes, interventions dans l’espace public dans divers lieux désaffectés, notamment l’ancienne base de sous-marins, le Keroman 3.

Le projet K3 n’est pas de faire une exposition de plus, mais de réunir sur un temps court (une semaine) des artistes, des graphistes et des théoriciens, qui font la production graphique et artistique actuelle.
Depuis l’école des beaux-arts, cet événement développe à la fois des workshops, des tables rondes et des propositions dans l’espace public. Des temps d’expérimentation où les pratiques se confrontent, se frottent les unes aux autres. L’événement n’est plus celui de l’objet fini (exposition) mais celui d’une pensée qui s’active durant une période donnée. Les étudiants sont au cœur du projet, et la manifestation est ouverte à un public plus large.
K3 se développe en partie sur l’ancienne base de sous-marins. L’idée n’est pas d’essayer de réhabiliter ces lieux mais, pour cet événement, les «réaffecter», pendant une soirée ou sur la semaine de la manifestation. Les interventions se font sans restaurer les bâtiments, en s’installant dans ces environnements de manière précaire, comme on peut le faire pour un chantier.

K3 s’est construit sur une notion de propagation et de circulation, avec l’envie de réactiver certains lieux, de lier différentes disciplines. Le mode de fonctionnement de K3 se situe dans cette logique de connexions : que ce soit d’un médium à un autre, d’un moyen de diffusion à un autre ou d’un endroit à un autre.
K3 se développe sur trois axes : l’école Supérieure d’arts/ la zone portuaire (K3, cité de la voile, ateliers) / le centre ville, mis en réseau par les lignes de bus et la mise à disposition de vélos.

Bientôt le site en ligne : http://K3manifestation.lorient.fr

Tampa Landscape

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Je suis à Tampa, en Floride, depuis une semaine. Une longue succession de routes, de supermarchés, de starbucks, de voitures et de poteaux électriques.
C’est donc le paysage artistique qui retient mon attention ici. Par le biais de l’université, j’ai rencontré un tas de gens intéressants. Parmi eux, entre autre, Julie Weitz, Robert Lawrence, Anat Pollack, Cameron Gainer, Allan W. Moore, Gregory Perkins …
Le programme des cours dispensés a été assez chargé et intense : un cours de débutants en médias électroniques, un cours de Master en e-médias, un cours de Master en photos, des suivis de projets avec des étudiants de Master, une conférence et une discussion sur les collectifs artistiques pendant un cours d’histoire de l’art contemporain, cours pendant lequel j’ai retrouvé une vieille connaissance : Scott Rigby !

Artiste invitée & enseignement à l’USF (University of South Florida) – USA

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Je pars vendredi pour 10 jours, pour une conférence sur mon travail, pour enseigner et mettre en place des échanges avec l’Université de Floride du Sud, à Tampa, Floride.

I am leaving Friday for Tampa – Florida, for 10 days, where I am going to be presenting my work, teaching and setting up exchanges in collaboration with Julie Weitz..

Inside / out

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C’est le titre du workshop que je viens de donner aux Beaux-Arts de Brest, dans le cadre de l’atelier en réseau « Corps, économie et territoire », sur une invitation de Sylvie Ungauer. Le workshop a permis à 8 étudiants de produire (jusqu’au bout ! ) des installations interactives sur le on/off. Ce que je retiens de ce workshop, c’est que malgré la « sécheresse », le côté basique du on/off, les travaux ont été très variés, et, pour la plupart, sont allés au delà du simple gadget : poétique, formel, minimal ou conceptuel, on a touché à tout (dans les deux sens du terme ! )

Allez, encore quelques photos prises par Sylvie et Bernard Guiné, même si toute l’intégralité des photos du workshop est en ligne ici.

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Parcours

Fin de mon parcours au Québec / début de parcours dans Montréal, pour les élèves de l’UQAM. C’est la présentation de leurs projets sur les flux, le public et le privé, à laquelle j’assiste en tant qu’observateur invité, dans le cadre de leurs cours avec Grégory Chatonsky, assisté d’Olivia Boudreau.

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Avec les propositions de :
Chélanie, “Accouplement” / Caroline, “Salon d’habitation” (ci-dessus) / Nicolas, “Parking” / Karine, “Plants“/ Nadège, “My Friend fuzzy” / Christelle, « T-shirt » / Vladimir, “American” / Arnaud, “Welcome Out” / Catherine Lescarbeau, “Conversations podcast“.

Nothing (Art as idea as idea)

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J’ai emprunté ce livre à la Chambre Blanche, et il est une excellente ressource sur le rapport au texte dans l’art conceptuel. On y trouve des articles de / et sur Robert Barry, Lawrence Weiner, On Kawara, Joseph Kosuth… Je n’ai mis ici qu’un extrait d’entretien de Kosuth, que j’ai trouvé très intéressant et à la fois paradoxal dans ses revendications, car il est totalement radical, provocateur et tellement juste, mais aussi presque didactique dans ses justifications…

Entretien (extrait) de Joseph Kosuth. Par Arthur Rose, (5-31 janvier 1969).
Tiré du livre « Art conceptuel I », (Capc, Bordeaux – Nov.1988).

Pourquoi crois-tu que l’art de notre temps, pour reprendre ton expression, ne puisse être peinture ou sculpture?
Être artiste aujourd’hui veut dire remettre en cause la nature de l’art. Si on remet en cause la nature de la peinture, on ne peut remettre en cause la nature de l’art ; si l’artiste accepte la peinture (ou la sculpture) il accepte la tradition qui l’accompagne. Parce que le mot art est général alors que le mot peinture est spécifique. La peinture est une catégorie d’art. Si on réalise des peintures, on accepte (on ne questionne pas) la nature de l’art.
On accepte alors la tradition européenne de dichotomie peinture-sculpture comme nature de l’art. Alors que, ces dernières années, les meilleurs travaux ne sont ni peinture ni sculpture, et qu’un nombre croissant de jeunes artistes pratiquent un art qui ne relève ni de l’une ni de l’autre de ces catégories.
Quand les mots perdent leur sens, ils sont dépourvus de sens. Nous vivons dans notre temps et dans notre réalité, qui n’ont pas besoin de chercher leur légitimé en s’arrimant à l’histoire de l’art européenne. Il est clair que nous serions incapables de faire n’importe quoi sans la connaissance accumulée dont nous disposons. On n’échappe jamais totalement au passé, mais ceux qui se tournent délibérément et ouvertement dans sa direction font preuve de timidité créatrice. L’esprit universitaire et conservateur a toujours soif de justification historique : c’est une sorte d’amalgame de culte des ancêtres et de quête de l’approbation parentale. Il faut apprendre ce qu’était le passé, et non pas apprendre du passé, de manière à pouvoir comprendre ce qui était vrai alors et ce qu’on ne veut pas faire aujourd’hui.

La difficulté du travail et son recours au langage plutôt qu’aux couleurs ne le rendent-ils pas rébarbatif?
Les idées de l’artiste sont inhérentes à ses intentions, et l’art nouveau dépend presque autant du langage que de la science ou la philosophie. Il est clair que le déplacement du perceptuel au conceptuel est un déplacement du physique au mental. Quand il n’y a pas de motivation intellectuelle chez le spectateur, il faut faire appel au physique (la vue, le toucher). Les non-artistes veulent souvent accompagner l’art d’autre chose parce que l’idée de l’art ne les enthousiasme pas tant que cela. Ils ont besoin de l’accompagner de stimulation physique pour rester intéressés. Mais l’artiste a pour l’art le même intérêt que le physicien pour la physique et le philosophe pour la philosophie.

Pourtant, si on accepte ton idée de l’art, et que l’artiste n’ajoute plus rien à l’univers visuel de l’homme, quel va être l’avenir de l’art?
Avant de répondre à ceci, j’aimerai faire une remarque. Les principaux courants philosophiques de ce siècle manifestent un rejet total de la philosophie traditionnelle. On ne peut plus, comme autrefois, arriver à des conclusions sur l’univers. Et ni les gens cultivés, ni les jeunes n’accordent plus de crédit à la religion. Les postulats de la religion et de la philosophie traditionnelle sont devenus irréels à ce stade de développement de l’intelligence humaine. Si c’en est fini de la philosophie (et de la religion), il est possible que l’art soit viable dans la mesure où il est capable d’exister comme une tentative pure et consciente d’elle même. Il se peut que l’art soit appelé à exister à l’avenir comme une sorte de philosophie par analogie. Mais ceci ne pourra se produire que si l’art reste conscient de lui-même, et ne se préoccupe que des problèmes de l’art, aussi fluctuant qu’ils puissent être. Si l’art devient vraiment une « philosophie par analogie », ce sera parce que la rigueur intellectuel (au niveau ce la capacité de « création » de l’artiste) est d’un niveau qualitatif égal à celui des meilleurs penseurs du passé. S’il n’y a pas de place aujourd’hui pour la vraie philosophie, alors il est clair qu’un art tentant de se faire passer pour philosophie n’aurait aucun sens non plus. Mais il se peut qu’un art s’attachant aux questions ne relevant que de l’art vienne combler ce vide dans la pensée de l’homme d’aujourd’hui.