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Save the Date

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Cette semaine je suis dans les cartes postales. Les verso.
Celle reçue il y a un mois qui m’a fait me balader hier au Louvre (la salle Chardin est fermée au public ; à la place je suis allée voir le travail d’Ingres puis boire un thé chez Angelina pour finir Méridien de sang, un drôle de contraste – ou pas).
Et dans quelques fragments de recherche pour une proposition (18×13) pour les éditions Ultra, qui s’inscrira dans « Save the Date », série de carte postale confiée à des artistes.
J’y revisiterai le générique de TV Ad (projet qui diffuse la performance Through the Night Softly) de Chris Burden. Ce film, qui me hante, a été diffusé pour la première fois il y a 40 ans jour pour jour : le 5 novembre 1973, le jour de ma naissance.

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Tous les matins de cette semaine, je descends voir si le livre Artists’ Postcards: A Compendium, de Jeremy Cooper, est arrivé ! Ce livre – malgré son hideuse couverture (tiens je ne sais pas quoi mettre, je vais tout mettre) regroupe 300 pages de cartes postales plus intéressantes les unes que les autres, avec des cartes de George Grosz, Bruce Nauman, Sol Lewitt, David Hockney, Richard Hamilton, Susan Hiller, Joseph Beuys, Dieter Roth, Gordon Matta-Clark, Tacita Dean, Gilbert & George, Ray Johnson, Rachel Whiteread…

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Agent

Depuis plusieurs mois, j’ai peu produit.
Une des raisons de ce ralentissement est un changement de mode de relation au travail et la conséquence du déséquilibre auquel j’ai dû faire face quand à la réalisation de cet état de fait qui s’est imposée petit à petit… Un changement de mode esthétique, car c’est peut-être de cela dont il s’agit ?
Je sais que depuis plusieurs années (comme pour nombre de personnes) mon travail artistique était une manière de me constituer, de me construire (je viens de faire un lapsus incroyable, je viens d’écrire « contredire » au lieu de « construire » ; ). Je me suis d’abord construite par le commun, via le collectif incident.net, puis par la rencontre d’autres individus ou dans mes rencontres affectives – toujours liées à la rencontre et au partage, à la fascination et/ou acceptation d’une certaine esthétique qui ne m’appartenait pas.
Récemment, mon mode de relation au travail s’est inversé, et j’ai l’impression d’être de plus en plus dans un rapport de type : « être au service de ». Je suis au service de mon travail, et cela me paraît à la fois très intense et incroyablement solitaire comme manière d’envisager la vie. Pourtant je n’ai pas l’impression d’être dans une forme d’aliénation par le travail. Je suis plutôt un agent de mon travail (j’adore le mot agent, si souvent mal utilisé : un agent, c’est « l’être qui agit », dont l’opposé est patient, qui subit l’action).

Dans le train du retour de l’école mes lectures m’ont menées vers  le texte « À propos de la généalogie de l’éthique : un aperçu du travail en cours » (Dits et écrits, Foucault. p.1202), qui commente entre autre l’écriture du souci de soi.
Je crois que cette lecture tombe à point nommée, en tout cas elle raisonne comme étant proche des questions que je me pose sur ce changement d’état. Un extrait, mais tout le texte pose question…

Les Grecs étaient austères parce qu’ils recherchaient à avoir une belle vie et nous, aujourd’hui, nous cherchons à nous réaliser grâce au support de la psychologie.
–  Exactement. Je pense qu’il n’est pas du tout nécessaire de lier les problèmes moraux et le savoir scientifique. Parmi les inventions culturelles de l’humanité, il y tout un trésor de procédures, de techniques, d’idées, de mécanismes qui ne peuvent pas vraiment être réactivés mais qui, au moins, constituent ou aident à constituer une sorte de point de vue qui peut être utile pour analyser et pour transformer ce qui se passe autour de nous aujourd’hui.
Nous n’avons pas à choisir entre notre monde et le monde grec. Mais puisque nous pouvons observer que certains des grands principes de notre morale ont été liés à un moment donné à une esthétique de l’existence, je pense que ce genre d’analyse historique peut être utile. Pendant des siècles, nous avons eu la conviction qu’il y avait entre notre morale, notre morale individuelle, notre vie de tous les jours et les grandes structures politiques, sociales et économiques, des liens analytiques et que nous ne pouvions rien changer, par exemple, dans notre vie sexuelle ou dans notre vie familiale sans mettre en danger notre économie ou notre démocratie. Je crois que nous devons nous débarrasser de l’idée d’un lien analytique et nécessaire entre la morale et les autres structures sociales, économiques ou politiques.

Mais quel genre de morale pouvons-nous élaborer aujourd’hui lorsqu’on sait qu’entre la morale et les autres structures il n’y a que des conjonctions historiques et pas un lien de nécessité ?
– Ce qui m’étonne, c’est le fait que dans notre société l’art est devenu quelque chose qui n’est en rapport qu’avec des objets et non pas les individus ou la vie ; et aussi que l’art est un domaine spécialisé fait par des experts qui sont des artistes. Mais la vie de tout individu ne pourrait-elle pas être une œuvre d’art ? Pourquoi une lampe ou une maison sont-ils des objets d’art et non pas notre vie ?

Bien entendu, ce genre de projet est très commun dans des lieux comme Berkleley où des gens pensent que tout ce qu’ils font – de leur petit déjeuner à la façon dont ils font l’amour ou à la façon dont ils passent une journée – devrait trouver une forme accomplie.
– Mais j’ai peur que, dans la plupart de ces exemples, les gens pensent majoritairement que ce qu’ils font, s’ils vivent comme ils vivent, c’est parce qu’ils connaissent la vérité sur le désir, la vie, la nature, le corps, etc.

Mais si l’on doit se créer soi-même sans le recours à la connaissance et aux lois universelles, en quoi votre conception est-elle différente de l’existentialisme sartrien ?
– Du point de vue théorique, je pense que Sartre écarte l’idée de soi comme quelque chose qui nous est donné, mais grâce à la notion morale d’authenticité, il se replie sur l’idée qu’il faut être soi-même et vraiment soi-même.  À mon avis la seule conséquence pratique et acceptable de ce que Sartre a dit consiste à relier sa découverte théorique à la pratique créatrice et non plus à l’idée d’authenticité. Je pense qu’il n’y a qu’un seul débouché pratique à cette idée du soi qui n’est pas donné d’avance : nous devons faire de nous même une œuvre d’art. Dans ses analyses sur Baudelaire, Flaubert, etc., il est intéressant de voir que Sartre renvoie le travail créateur à un certain rapport à soi – l’auteur à lui-même – qui prend la forme de l’authenticité ou de l’inauthencité. Moi je voudrais dire exactement l’inverse : nous ne devrions pas lier l’activité créatrice d’un individu au rapport qu’il entretien avec lui-même, mais lier ce type de rapport à soi que l’on peut avoir à une activité créatrice.

– Cela fait penser à un cette remarque de Nietzsche dans le Gai Savoir (290), qui dit qu’il faut donner du style à sa vie « au prix d’un patient exercice et d’un travail quotidien ».
Oui. Mon point de vue est plus proche de Nietzsche que de Sartre.

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Étrangement, après la lecture de ce texte, j’ai repensé à cette fascination qu’exerce sur moi le travail de Chris Burden, que j’ai toujours trouvé incroyablement pudique (ce n’est pourtant pas premier qualificatif qui viendrait à l’esprit, j’en conviens), mais je me suis dit que ce qualificatif était assez juste, car la force du travail de Burden c’est de s’éloigner du spectaculaire (alors que son sujet en traite sans arrêt) et de résider sûrement dans cette mise à disposition de son être, dans le fait d’être un agent – jusque dans sa chair – de son travail, dans une grande maîtrise et en même temps dans une extrême fragilité.

For one week, my life will not be an interactive fiction & conversation.

Tous les ans, pour mon anniversaire, je produis un petit travail, pour mon propre plaisir. C’est une sorte de cadeau que je me fais, sous la forme d’un projet. Je grappille un peu de temps, je m’investis dans quelque chose qui n’a parfois de cohérence que pour moi.

Dans cette optique, je me suis rendue au Centre Pompidou hier pour re-visionner les vidéos de Chris Burden, qui est un des artistes qui m’a toujours fasciné, et dont le travail m’émeut à chaque fois, parce que bizarrement, je le trouve très doux.
Ce sont les vidéos issues de ses performances, qu’il commente lui-même, peu sûr de lui, la voix tremblante, en cherchant parfois ses mots. Cette livraison de ses commentaires est touchante et sincère.
J’ai revu entre autre « Shot », « Bed Piece », « Through the Night Softly », et « TV Ad » qui est une de mes préférées.
Ce que j’ai vu dans le générique de « TV Ad » et qui m’a fait plaisir (un cadeau presque), c’est que la première diffusion de cette publicité sur la télévision américaine s’est faite le 5 novembre 1973, le jour de ma naissance.

Cela m’amène à mon projet d’anniversaire. Je ne sais pas encore pourquoi il y a un lien entre les vidéos de Burden et ce projet, mais il y en a un (peut être dans la livraison qu’il fait de son temps aux autres – la galerie, les spectateurs – dans une pièce comme Bed Piece…), je vais chercher.

Le projet n’a pour le moment pas de titre

Il est simple : il consiste à éviter pendant une semaine les conversations que j’ai quotidiennement par le biais d’interfaces, pour ne privilégier que des conversations directes. Donc, demain à minuit, j’éteindrai mon tel pendant 1 semaine. Plus de mail, de Skype, ichat, de facebook non plus.
J’ai dû planifier quelques rencontres pour que cette semaine, pour qu’elle ne soit pas différente des autres, pour continuer à interagir avec mes amis, les gens qui me sont proches. De même, d’ici demain, je posterai ici les jours et horaires où je suis chez moi. Tout le monde pourra donc passer me voir, à l’improviste, pour parler.
Au bout d’une semaine, je reprendrais ma vie interfacée, entre autre, par une conversation de deux semaines, sur internet, avec Karine Lebrun.