Archive annuelles: 2012

If you read this, it means you were thinking about me.

I am for sure thinking about you.
Kiss from Clipperton.

San José / Los Cabos – La Paz – Mer de Cortez

Après 28h de trajet Avion+ avion+ bus Hier trajet San-Jose-Lapaz et arrivée sur les bords de la mer de Cortez. Camp de base : Marina del Palmare, avec le club d’échange de livres et de vidéos du port, le Lucia Celeste qui transportera matériel en tout genre et matériel de plongé, et le Piscies sur lequel j’ai embarqué hier, première nuit sur le bateau donc, les préparatifs, l’équipage.
L’autre voilier, l’Island seaker, plus petit, a pris de l’avance et est déja parti il y a quelques heures.
See you in 27 days! : )

RDV sur l’île de la passion

Du 27 février au 27 mars, je participe à « The Clipperton Project », une exploration scientifique et artistique sur l’île de la Passion (Clipperton island, pacifique sud).

Pour ceux qui le veulent (et si les conditions de communication nous le permettent) vous pourrez suivre l’expédition à cette adresse : http://www.clippertonproject.com/expeditions

Merci de me recontacter à mon retour, ou de laisser un message ! : )

Le voyage commencera au Mexique :
Départ de La Paz au à bord du voilier « Piscis », première étape la mer de Cortez et ses baleines, puis Cabo Pulmo et ses plages, et enfin Clipperton et son milieu hostile.

// Cabo Pulmo & la mer de Cortez

// Clipperton Island

Par (temps) vagues

Il y a peu, je me suis aussi posée la question de ce qu’étaient les vagues scélérates (Rogue waves) et examiné la différence entre le mot en français et en anglais :
« Les vagues scélérates are large and spontaneous ocean surface waves that occur far out in sea, they seem not to have a single distinct cause and for the longest time where a myth. The French “scélérate” means “perfidious”, which I quite like because it defines the phenomenon in relation to others (here sailors), not just its quality.»
(les vagues scélérates sont des vagues spontanées de très grande taille, qui surgissent en pleine mer. Elles ne semblent pas avoir une cause unique et pendant longtemps sont restées un mythe. J’aime le terme Français « scélérate » car il ne définit pas seulement la qualité d’un phénomène, mais décrit/définit le phénomène en relation à celui qui l’expérimente (les marins).

Depuis que je sais que je pars à Clipperton, sans trop savoir pourquoi, j’ai commencé à faire une collection d’images de vagues. Des toutes les images collectées, ce sont les vagues figées par le froid qui sont les plus étranges.

Et puis..

Murmuration from Islands & Rivers on Vimeo.

109° 13° W – 10° 18° N

À quelques jours du départ à Clipperton, je lis le journal de bord (qui est plein de faits intéressants) de Christian H. JOST, qui s’y est rendu en 1997.

« La carte IGN de l’île (de 1937, la seule existante) indique deux points possibles de débarquement : l’un au nord-est, l’autre au sud, mais les écrits attestent que le moins dangereux est celui du NE. Nous arrivons d’Acapulco par le nord-est. Pourtant peu avant l’aube, à 6h du matin, sur le pont arrière, je m’aperçois qu’ El Puma se dirige au sud de l’île ! J’en informe la Chef scientifique qui s’étonne que le capitaine, auquel elle avait indiqué le point nord, fonce vers la côte sud. Elle lui demande immédiatement correction du trajet mais, avancé comme l’est déjà le bateau, nous ne pouvons plus que faire le tour de l’île … par l’ouest. Perte de temps qui nous met finalement face au point de débarquement nord-est à 8h. Aux jumelles, on a repéré un mât avec un petit fanion semblant signaler le lieu de débarquement « idéal ». Mal nous en prit…

Ne pouvant ancrer, car les fonds tombent immédiatement à plus de 400m, El Puma s’arrête à près de 700m du récif et ne peut, que lentement dériver. Une première équipe de trois chercheurs physiquement solides et la responsable scientifique partent en reconnaissance de la côte avec le Zodiac piloté par un homme d’équipage. Le temps est relativement beau, quelques nuages, une houle assez faible de 50cm à 1m. Les vagues se brisent cependant avec fracas et force écume sur toute la côte. La première équipe se dirige vers le fanion et, jugeant l’accostage réalisable, se lance avec une vague porteuse et arrive à « beacher » sans casse et sans eau dans le Zodiac. Après contact et rapport par radio (talky-walky), les chercheurs restent à terre et le Zodiac doit revenir chercher la deuxième équipe dont je fais partie. Mais quitter la côte est bien plus difficile que d’y arriver et ce n’est que grâce à une grande adresse et expérience que Abel, le pilote du Zodiac, parvient, non sans mal et quelques aller-retours entre la barre et la plage lui valant des salves d’écume et quelques frayeurs, à franchir les premiers rouleaux les plus dangereux après avoir dérivé sur plusieurs centaines de mètres au-dessus du récif frangeant. Il arrive au navire visiblement secoué, trempé, avec un sourire un peu crispé. Je ne sais plus à ce moment là, si je n’ai pas été content de ne pas comprendre le mexicain, mais il me semble que je n’ai pas trop chercher à connaître les détails. De toutes façons c’était mon tour et je m’y apprêtais gaillardement sans beaucoup d’inquiétude. On verra bien après tout et ce n’est sûrement pas si près du but que l’on va renoncer pour quelques vagues.

Mais pour le deuxième débarquement, l’homme d’équipage change (question de tour de garde paraît-il). Nous embarquons à cinq avec le matériel, mon équipement comprenant déjà deux bon gros sacs marins étanches (quelle bon investissement avais-je fait à Nouméa peu avant le départ !) et les deux mâts de la station météo portable prêtée par Météo-France Nouvelle-Calédonie.

Nous nous lançons… il est près de 9h15. Arrivés près des premiers rouleaux, la technique consiste à observer les vagues pour se lancer sur celle jugée la plus haute pou pouvoir surfer jusqu’au rivage. Ainsi le Zodiac tourne et tourne en attendant la bonne. On y va ! …. mais, ce n’était pas la bonne et en quelques instants nous nous retrouvons submergés par la vague qui remplit à ras bord le Zodiac. Poussés, plus que portés par la vague nous finissons par atterrir en catastrophe sur le récif en raclant l’hélice sur le fond corallien; nous sautons à l’eau pour tenir et tirer le Zodiac et l’empêcher de repartir avec le reflux … mais, nous sommes saufs et n’avons pas eu le temps d’avoir peur. On débarque le matériel qui a bien résisté et on écope l’eau du Zodiac sur la plage. Le retour va cependant être encore plus périlleux.

En effet, Federico, le ‘pilote’ craint de retourner seul au navire pour chercher la troisième équipe (J’ai appris par la suite qu’il avait un jour fait naufrage et était resté plusieurs jours à la dérive; on peut comprendre ses réticences à partir seul dans cette mer difficile). Il doit pourtant bien y aller. Les échanges radio avec le capitaine sont animés et au récit et à la vue de ce 2 e débarquement, le capitaine décide qu’il n’y aura pas d’autre équipe. Il envoie la chaloupe vers la côte mais celle-ci ne pourra jamais accoster à cause de son étrave en V et de l’hélice qui est trop basse pour ‘beacher’. A bord cependant, il y a Adrien, jeune instructeur de plongée. Pendant ce temps, Federico doit passer cette fichue barre et va essayer. Le grand Angel, Vivianne et un autre le pousse jusqu’à la première barrière, à la limite de perdre pied… Une fois : il est renvoyé par la vague sur la plage. Deux fois : une grosse vague le fait tomber du Zodiac qu’il réussit à agripper et il se retrouve effrayé sur le rivage. Il refuse d’y aller une autre fois et part marcher dans son coin pendant que les échanges radio se poursuivent. Il doit y retourner, ordre du capitaine, mais avec quelqu’un à l’avant du Zodiac pour faire contrepoids (ce que je suggérais depuis un moment d’ailleurs). Nouvel essai à deux, Angel dans l’eau poussant le Zodiac pour l’aider à franchir la barre : mais cette fois l’océan met aussi le paquet et rejette les deux hommes qui lâchent le Zodiac; celui-ci est pris par une vague de près de trois mètres qui le chahute en tous sens avant de le dresser en l’air et de le retourner comme une crêpe. Tandis que les deux hommes réapparaissent hors de la vague grâce à leur gilet de sauvetage, le Zodiac est lui, drossé violemment sur le rivage. Dans la bagarre il aura perdu les trois-quart de son plancher et une tige du starter du moteur est cassée (par manipulation trop brutale de Federico qui tapait sur le moteur qui avait des ratés, dira-t’il; en fait, il ne mettait pas le moteur à l’eau suffisamment tôt et vite); le moteur ne peut donc plus démarrer, le Zodiac ne peut plus repartir… Nous voilà pour un petit temps, naufragés !

Pendant ce temps, je filme, on photographie, on ne s’inquiète pas, on se dit qu’on va passer la journée et la nuit et qu’on trouvera bien une solution. vivianne reçoit solennellement d’Alex huit boissons et quatre sandwiches lui disant que si ça tourne mal, ce sera au chef d’expédition de protéger puis de répartir les vivres. Elle s’assit alors pour réfléchir à cette nouvelle charge de protection des précieuses réserves à gérer avec l’organisation du travail de toute la journée quand, rapidement, un crabe vient sournoisement par derrière lui rappeler le nécessaire mouvement perpétuel qu’il faut avoir sur cette île… Nous avons toute l’île à découvrir. Nous oubliions à ce moment un détail d’importance : Nous n’avions, pour dormir au sol, aucun équipement capable de résister aux crabes… Je n’avais finalement pas emporté mon hamac qui aurait été la seule protection efficace…
Peu après, la chaloupe arrive et se positionne à plus de 100m du rivage sans pouvoir s’approcher plus près, le récif s’étirant à cet endroit sur au moins 60m. Pendant que Angel et Federico regagnent la terre comme ils peuvent, Adrien, depuis la chaloupe, dans une véritable opération de sauvetage, se jette à la mer avec un filin en main et nage vers nous. Adrien disparaît aussi souvent dans les vagues. Nous attendons avec inquiétude qu’il réapparaisse. Heureusement, excellent nageur, il gagne petit à petit sur la mer et arrive à nous rejoindre. Le filin est là, avec lui, seul lien désormais avec la chaloupe, le navire et … le monde ?

On ne perd pas beaucoup de temps à chercher le plancher du Zodiac qui a disparu; on attache celui-ci au filin; Federico monte à bord; la chaloupe tend le filin et tire lentement le Zodiac qui va passer la barre plus souvent près de la verticale que de l’horizontale. Le Zodiac part se faire réparer et reviendra plus tard. Rendez-vous est donné à 16h pour nous permettre une première inspection de l’atoll. Nous sommes désormais neuf sur la plage et l’on s’apprête à partir en exploration de l’île. »

Énoncé performatif : je t’aime

À Montreuil, aujourd’hui, je suis passée devant certains des affichages Decaux qui vont servir pour la proposition Rheum Nobile, que je finalise en ce moment.
10 affiches dans ces sucettes Decaux baliseront le parcours entre la maison pop et un autre lieu (Fonderie de l’image ou Instants chavirés). Ces affiches, je ne les vois que comme des supports pour des actes de langage, et chacune découlera, sera la matérialisation d’un énoncé performatif qui ponctuera le chemin entre les deux lieux d’exposition.

Un acte de langage est un moyen mis en Å“uvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots. Développée et théorisée par John L. Austin dans « How to do Things with Words », l’idée d’acte de langage insiste sur le fait qu’outre le contenu sémantique d’une assertion (sa signification logique, indépendante du contexte réel), un individu peut s’adresser à un autre dans l’idée de faire quelque chose (par opposition à dire quelque chose). Pour être plus précis, faire un acte de langage, c’est transformer, par les mots, la représentation des choses ou intentions/buts d’autrui, bref la réalité : on parle alors d’un énoncé performatif, par contraste avec un énoncé uniquement constatif.
Un énoncé performatif, c’est un énoncé qui dit ce qu’il fait, par exemple quand je dis : « je te demande pardon », je fais ce que je dis…
Et ce qui différencie ces deux énoncés, c’est aussi la direction d’ajustement : dans le constatif, on s’ajuste au réel, par la parole (ex : il pleut). Dans le performatif, en agissant par la parole, on modifie le réel : (c’est le réel qui s’ajuste à l’énoncé, ex : Je ne serai pas à l’heure).
C’est assez beau cette idée d’énoncé performatif… Ça pourrait même être pris au pied de la lettre, donner lieu à une performance justement.

L’installation que j’ai conçue pour la Fonderie de l’image (texte sérigraphié à l’encre phosphorescente sur du papier-peint) est en écho avec ces affiches.
D’une phrase tirée de « La part maudite » de Bataille, j’opère une mutation, un parasitage : je l’augmente en lui ajoutant des énoncés performatifs (exemple : « cette histoire a déjà commencée », « le texte serait ajourné, remis à plus tard, congédié, mais réapparaitrait irrémédiablement étendu, augmenté, commenté, toujours plus long et sa lecture toujours plus difficile »… ).
En rajoutant cette couche, je me l’approprie, je fais une conversion. Ma propre dépense d’énergie, par le biais d’énoncés performatifs, se transforme, et transforme le sens premier du texte original, qui apparait en majuscule, alors que le reste du texte est en minuscule.

Il y a quelques jours en lisant un passage de « Je suis vivant et vous êtes mort », j’ai confondu les mots « conversation » et « conversion ». Pas vraiment un hasard vu les recherches que je mène en ce moment…

> Introduction à la philosophie du langage
> La théorie du langage performatif de JL Austin
> Victor Burgin
> Christophe Fiat (Du performatif à la performance)

« Je-t-aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules. D’une certaine manière − paradoxe exorbitant du langage −, dire je t-aime, c’est faire comme s’il n’y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai (il n’a d’autre référent que sa profération : c’est un performatif) ».
R. Barthes, Fragments d’un discours amoureux, p. 176

Conversation

J’aime beaucoup ce texte, extrait de la biographie de Philip K. Dick d’Emmanuel Carrère.
La première fois que je l’ai lu, j’avais lu « conversation »….

« Le propre de la conversion est de changer celui qu’elle élit. Elle le retourne comme un gant. Il ne pense plus ce qu’il pensait, il n’agit plus comme il agissait, et souvent une ironie de la grâce le fait agir et penser d’une façon qui ne lui était pas seulement indifférente, mais lui répugnait. De ces transformations, dont la seule idée aurait été odieuse au vieil homme qui l’a dépouillé, il s’enchante. Elles garantissent l’authenticité de son expérience, le fait qu’un autre parle en lui. Pour un peu, il en rajouterait. L’intellectuel sceptique et railleur qui se fait catholique donnera volontiers dans les formes populaires de sa foi : petite dévotion, médailles miraculeuses. Fin lettré, connaisseur de peinture, il trouvera à aimer désormais Gilbert Cesbron ou des naïfs yougoslaves la joie subtile de qui s’arrache à un déterminisme et conquiert sa liberté. Aller contre sa pente naturelle, c’est très littéralement ce qu’on appelle se repentir.
Rebelle, mauvais con, ennemi de l’autorité sous toutes ses formes, Dick n’aurait de lui-même jamais pensé à appeler le FBI, à se mettre sous sa protection, à le renseigner. Si, quelques semaines avant l’arrivée de la photocopie du Daily World, on le lui avait prédit, il aurait réagi comme un pieux musulman à qui on annonce qu’il mourra d’une indigestion de boudin. Un type qui a grandi à Berkeley ne fricotera jamais avec les flics et, s’il le fait, cela ne prouve qu’une chose : ce n’est plus lui ; on l’a remplacé, ou bien manipulé, un autre que lui agit à sa place.
Exactement, pensait Dick, avec un gloussement d’allégresse.
C’est exactement ça qui m’est arrivé.
Et le plus fort, c’est que je m’en réjouis.
Et que je suis certain d’avoir raison de m’en réjouir.

Voici deux exemples de conversion.
Saül, jeune juif pieux et, à ce titre, persécuteur passionné de la secte chrétienne, subit sur le chemin de Damas une étrange expérience, au sortir de laquelle il devient l’apôtre Paul et s’en va répétant, avec la contagieuse ferveur que l’on sait : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi ».
Le héros du roman d’Orwell 1984 trouve peu à peu le courage de s’opposer à la tyrannie de Big Brother. Mais il est arrêté, soumis à la torture et à des manipulations mentales si efficaces qu’à la fin du livre, loin de lui manifester une allégeance factice, « il aime Big Brother ».
Il y a plusieurs différences entre ces histoires. D’abord celle qui sépare la torture de l’illumination, bien que dans les deux cas on ait affaire au viol d’une conscience humaine. Ensuite, Orwell et ses lecteurs s’accordent à trouver le héros de 1984 magnifiquement lucide avant son arrestation, tragiquement aliéné ensuite, tandis que l’auteur des Actes de des Apôtres et sans doute la majorité de ses lecteurs partagent la certitude qu’a saint Paul d’avoir gagné au change. Reste ce fait troublant que la même certitude anime le converti et la victime d’un lavage de cerveau : c’est maintenant, aimant le Christ ou Big Brother, qu’ils sont dans le vrai ; avant, ils se trompaient : la preuve, ils en craignaient rien tant que de voir advenir qui leur est advenu et qui est en fait le plus grand des biens. Cette rupture rend le commerce entre le converti et son entourage à peu près aussi difficile qu’entre Dracula et le docteur Van Helsing dans les films de vampires : si les hommes ont si peur d’être mordus par les morts vivants, c’est parce qu’ils devinent qu’une fois contaminés ils s’en réjouiront. Le plus effrayant, vu d’avant, c’est qu’après il ne reste de soi que ce qui se réjouit de n’être plus soi. Avant, c’est soi qui a peur ; après, c’est un autre qui triomphe. »

« Je suis vivant et vous êtes mort – Philip K. Dick », Emmanuel Carrère

A Pyrrhic Victory in Progress

En cours, un texte pour expliquer une première expérimentation plastique relative à mon voyage à Clipperton. Cette proposition est arrivée très rapidement, et serait montrée en avril au BBB (la production se faisant sans moi puisque je serai alors en voyage), tout de suite après mon retour, lors d’une exposition appelée « faux jumeau ».

Les tapis, moquettes, et autres aplats qui recouvrent la plupart du temps les sols en intérieur paraissent être des éléments décoratifs, voir peu importants, que l’on piétine sans s’en rendre compte.
Pourtant ces zones de recouvrement délimitent un territoire et sont souvent des espaces symboliques : des représentations abstraites du jardin dans les tapis de la culture perse, à la moquette rouge que l’on déroule lors de cérémonies officielles, en passant par l’espace religieux du tapis de prière, les exemples sont nombreux.
Et en un sens, le tapis est toujours un moyen d’être transporté, et il ne semble pas sans hasard qu’il ait été utilisé à cette fin dans de nombreux contes (le tapis volant).

Le tapis de sol que je propose dans l’installation A Pyrrhic Victory pour l’exposition « faux jumeaux » (avril 2012) peut se lire comme une prise de position, à la fois dans le sens de prendre un point de vue, mais aussi dans le sens de prendre (gagner) une position (stratégique).

Ce faux jumeau symbolique de l’île de Clipperton – ou je me rends au mois de mars dans le cadre d’une mission scientifique & artistique, et point de départ de cette réflexion – en reproduit les enjeux territoriaux.
Clipperton, nommée aussi l’île de la passion, est un point perdu dans l’océan pacifique, si petit et si plat que l’on peut passer à côté sans le voir. Un point néanmoins stratégique, ou le paradoxe d’un territoire dont les frontières minuscules que dessinent la nature sont remises en cause, augmentées par des frontières juridiques[1], formant une zone immense, insécable, et convoitée.

Le titre de cette proposition « A Pyrrhic Victory » fait référence, avec humour, à une expression militaire : une victoire à la  Pyrrhus étant une victoire avec un coût dévastateur pour le vainqueur. J’hésite encore à appeller le projet « A Pyrrhic Victory in Progress », histoire de lui donner un côté désastre annoncé.. ; )


[1] Le droit de la mer, augmente de 3 milles marins les territoire terrestres. Ce droit place la France en 2ème position par son espace maritime, après les USA.

Références pour Archives num

• DIAL HISTORY / Johan Grimonprez

« Dial History » est une recherche axée sur les archives télévisuelles et remet en question le spectacle médiatique. Le récit historique du détournement d’avion constitue le point de départ d’une analyse de l’impact des images sur nos sentiments, notre savoir, notre mémoire.
Les rêveries fragmentales d’un écrivain anonyme autour du pouvoir de l’écriture, dans une époque appartenant aux poseurs de bombes et aux pirates de l’air hypermédiatisés, focalisent à la fois le désir de catastrophe et le besoin de se sentir chez soi.
Au milieu du flot ininterrompu d’informations inutiles et contradictoires, le terroriste, lui, en promettant identification et récit, pathos et catharsis, suscite, comme chaque catastrophe réussie, un flux de sentiments entre l’image et le spectateur. Le succès de la « télévision-réalité » témoigne de l’alliance des médias, des téléspectateurs et de la catastrophe.

dial history

• Lettres de Sibérie / Chris Marker

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_de_Sib%C3%A9rie
http://www.dailymotion.com/video/x5snyk_lettres-de-siberie-extrait_news
http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/263/

DEDANLÉMO – Pretty Good Privacy

Des recherches en cours pour le travail à exposer lors de « Dedanlémo » (commissariat par David Poullard et Pierre Di Sciullo) et qui aura lieu à la halle Roublot (Fontenay sous bois) en avril..
J’ai suivi une première piste qui n’a pas aboutie, le matériau (colle) ne semblait pas adapté, et risque de ne pas être efficace à l’échelle demandée.
L’idée que je suis maintenant est de travailler sur une transposition de l’alphabet vers des signes les plus simples possible.
J’ai regardé diverses écritures dont les lettres sont des transpositions de l’alphabet en signes (le morse, le braille, etc.), mais aussi les cartes perforées. J’ai décidé de travailler à partir d’une grille de 30 cases : 26 pour les lettres, le reste pour la ponctuation de base).

What Happens in Halifax Stays in Halifax

En 1969 Robert Barry, invité au Nova Scotia College of Art and Design d’Halifaxen, propose aux étudiants un projet conceptuel basé sur le partage d’une idée, et sur le secret de ce que cette idée peut être et peut produire. Le projet n’existe donc qu’au sein d’un groupe d’étudiants, et ne doit pas être mis à jour sous peine de perdre sa raison d’être : «‘The piece will remain in existence as long as the idea remains in the confines of the group.’”».
En 2004, Mario Garcia Torres mène une enquête et rencontre les étudiants qui ont participé à cet atelier. Il leur demande s’ils ont gardé le projet caché, avec quelles difficultés et si cela leur a paru une expérience importante, et de quelle manière ce projet a eu un impact sur eux.
Il tire de cette enquête un diaporama N&B d’une cinquantaine d’images +bande son + d’interviews de 9 des anciens étudiants : on y voit défiler lentement images d’archives, photos des différents lieux, monuments/témoins d’un moment important de l’art conceptuel, mais dont on ne sait finalement rien. A la vision de ce diaporama, on prend toute la portée du paradoxe entre valeur de l’expérience liée à un projet conceptuel, et l’absence de diffusion au public de celui-ci. Et ce qui semble au centre de tout : le déplacement du projet initial car on peut se demander : qu’est ce qui fait projet? Le projet que les étudiants et Barry ont mis en place ensemble, réalisé et gardé secret, ou le projet global qui est le protocole de départ (un projet qui doit rester au sein d’un groupe, et dont l’existence dépend de ce protocole)? On pourrait même se demander s’il y a eu véritablement production, si cela aurait eu une importante..
J’aime autant l’idée de Robert Barry que sa « restitution » par Mario Garcia Torres (finalement assez romantique) mais qui ajoute une couche de sens au projet initial : il se sert du travail de Barry pour faire un projet comme Barry se sert du travail de ces étudiants pour faire un projet). Un méta-projet donc, ou comment raconter l’art conceptuel : entre son immatérialité et son impact sur l’histoire de l’art.