Fiction

fiction textuelle

Hello World Bonjour Bazaar

Ce matin dans ma boite à lettres, un paquet contenant un exemplaire de « Hello World, Bonjour Bazaar ».
Cette édition, conçue avec la complicité de Catherine Lenoble en un temps record de 4 semaines (2 semaines de voyages et d’écriture, 1 semaine à Briant pour la conception et 1 semaines à l’atelier pour finr), a ensuite prise son temps : 8 mois pour être imprimée, pour cause de trop de travail, trop de déplacements, trop de tout et à quelques jours du calage, un traumatisme crânien : (
Autant dire que je suis contente de voir cet exemplaire là sur mon bureau alors que j’écris cet article. J’attends maintenant avec impatience les autres, qui devraient arriver la semaine prochaine.
Quelques photos prises avec un téléphone plutôt antique > couleurs non contractuelles!

Ce livre est distribué par le centre d’art de la Maison Populaire, mais je vous invite à venir le découvrir à l’occasion du vernissage de l’exposition Aubamo, à laquelle je participe, à la Galerie Plateforme : Vendredi 15 février à 19h.

Ce livre n’aurait pas pu exister sans l’aide de Jocelyne Quélo et David Poullard, merci!

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Expérience du récif

Quelques photos de l’édition « L’expérience du récit » coordonnée par Yannick Liron, reçue avant-hier. Cette édition fait suite à un séminaire et des ateliers de Yannick dans le cadre de son projet à l’EESAB. Elle regroupe des interventions de critiques, artistes et étudiants de l’EESAB et propose des pistes de typologies de récits. Elle interroge les modalités contemporaines des usages que l’on fait du récit, de la narration. J’y participe sous la forme d’une petite proposition appelée « Expérience du récif ».
Ce joli petit livre tient dans la poche, il a été mis en page par de mes 2 anciens étudiants de l’EESAB, avec qui j’ai eu grand plaisir à travailler : Mathieu Roquet et Gwenaël Fradin.

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recit

Ending the hours

Dear Leonard
To look life in the face
Always to look life
in the face
And to know it for what it is
At last, to know it
To love it for what it is
and then to put it away

Leonard
Always the years between us
Always the years
Always
the love
Always
the hours.

Retour aux archives

De retour à Périgueux, je lis. Quelques extraits de « L’Å“uvrette » de Yannick Liron (qui écrit en ce moment un texte pour l’édition « Partition » : )
Dans l’interprétation que j’en fais, ce livre, tout comme « Sans effet personnel », est proche du projet que je développe en ce moment. Ce sont deux livres de partitions amoureuses : instrument de lecture du discours amoureux, écriture de l’incapacité de deux pronoms à exister l’un par rapport à l’autre, où l’absence d’un texte sur l’autre est formellement assumés (l’un et l’autre livre fonctionnent ensemble – fonctionnant étant le mot le plus sec que l’on puisse utiliser pour cette relation qui lie les deux ouvrages).
Les textes posent la question du rapport entre travail et expérience intime. Quand le travail me sert, quand il devint un moyen de formuler correctement un sentiment ou un ressentis, quand d’un seul coup, le sentiment devient une idée, ainsi acceptable. Et qu’à ce moment là, la situation se retourne et je me retrouve à nouveau au service de mon travail et non l’inverse…

En voici quelques extraits. Je n’ai pas mis les textes dans l’ordre d’apparition du livre (ils sont tous tirés de « L’Å“uvrette ») mais dans l’ordre de mes préférences dans une lecture non-linéaire. J’ai gardé les retours de ligne, qui semblent importants, mais la police n’est pas respectée.

28  Le corps de la lettre. Unité nomade complète possédant ses membranes, présentant ses ouverture et ses orifices ; à brancher directement sur « en prise directe ».

2  Tout les sépare donc. Répéter trois syllabes et buter ;
il tout elle ne partagent pas avec nous. Point. Et pas
de fuite. Il a la largeur de deux lettres, elle de quatre.
La première version, dite « de la différence de quatre »
peut se fabriquer simplement : il diffère d’elle par un
« i », puis un « e », puis un « l » suivit d’un deuxième
« e ». Quand à la seconde, dire « de la différence de trois »,
elle peut se construire tout aussi simplement : il ne
ressemble pas à elle étant donné le « i » précédemment
cité, suivi des deux « e » également présents dans la
première version. Dans cette version, dite « de la
différence de trois », le « l » disparaît selon le principe
qu’un « l » répète un même « l », seulement déplacé et
reconduit. Cependant dans la typographie ici choisie
(du nom de Gill sans), on remarquera que le « i »
majuscule répète un « l ». D’où cette interrogation : ce
« il », comment le prononcer : « il »? ou bien « elle
elle »?

7  lltéralement stricto autobio.

8  El. le susceptible d’être ôté. Tout encore les sépare.
Et qu’écrire d’ile, ou depuis ile, ou de quel non-site
désormais?

11  Faudrait-il d’un pronom se soucier de ses dessous,
songeant aux moyens de les lui ôter?

17  Quelque soit l’énoncé, quelque soit ce qu’il dit,
quelque soit ce qui peut venir, voire, insoupçonné, se
maintenir en lui quelque soit ce qu’il peut saisir : inexprimé.

26  Les modèles collent. Comment se débarrasser de cette consistance, crever la bulle? Comment interroger ce soi-disant donné d’unité de mesure? Comment qui? Comment quoi? Comment quand? Comment où? Comment comment? Comment qu’il dit : « Cela arrive bien quelquefois dans les livres. » Comment qu’elle répond : « Eh bien, que cela arrive à quelqu’un d’autre. »

Dans son laconisme répétitif je t’embrasse est une image
surdéterminée par une profusion de renvois, volontaires
ou non, des permutations et des déplacements qui
affectent les figures qui l’habitent et rendent sa lecture
interminable.

Ces textes sont publiés chez Action Poétique.

Détruire dit-elle

J’adore les titres. Ceux des livres, ceux des chansons, ceux des films, ceux des œuvres d’art.

Il y a les titres aux noms abrégés, que j’aime particulièrement : Le ravissement de Lol V. Stein, W ou le souvenir d’enfance. Et il y a ceux avec une temporalité d’années ou de saison, ceux avec des espaces, des lieux, ou les deux : 1984, 10 heures et demi du soir en été, Printemps, Wuthering Heights, Amrita, Solaris… L’année dernière à Marienbad.
Il y a les titres d’une longueur extrême, et ceux difficile à retenir, gratifiant même pour la mémoire : The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket, And then Nothing Turned Itself Inside out, A Confederacy of Dunces, In Cold Blood: a True Account of a Multiple Murder and Its Consequences, Through the Looking-Glass, and What Alice Found There, What Happens in Halifax Stays in Halifax, And if I don’t meet you no more in this world Then I’ll meet you in the next one And don’t be late, don’t be late…

Il y a les titres qui donnent les indications, et ceux qui sont opaques, qui gardent le mystère, ceux qui évoquent en un instant toute l’aventure de la lecture faite : La douleur, Ask the Dust, After Dolores, Fin de partie, Suspensions of Perception, Étant donné, Sa majesté des mouches.

Il y a ceux qui me font aimer les livres que je n’ai pas aimés (l’Aleph), et aimer encore plus ceux que j’avais aimés (L’invention de Morel).

Marguerite Duras surpasse tous les autres, avec Son nom de Venise dans Calcutta désert, et Détruire dit-elle.
Deux titres qui dirigent vers un ailleurs qui ne peut pas être formulé, un ailleurs sans personne, sans images en quelques sortes. Même Renais avec Je t’aime, je t’aime (un seul je t’aime aurait été tellement plat, la redondance me projettent directement dans le principe de boucle du film et à l’intérieur de la scène de la plage…).

J’aime les sans titres, j’aime les sans titres avec titres ou avec dates. J’aime les sans titres avec sous-titres, ou avec parenthèses explicatives.
J’aime le titre Date Painting.
J’aime aussi donner des titres à mes projets, à la fois parce que cela coïncide avec la fin ou la naissance assumée d’un projet, et aussi car c’est un moyen de désigner, de marquer : My Life is an Interactive Fiction, Sweet Dream (Paris-Toulouse), Chambre-horaire. Autour de moi, les gens semblent partager ce plaisir des mots qui marquent, cachent ou révèlent : N’aître (Grégory), Rom.mor (Reynald), My Mind is a Primary Forest (Jocelyn), Plakatieren verboten (Joelle), NoGo Voyages (Stephane & Gwenola)…

Bien sûr, le moment où je donne un titre à un billet sur mon blog est toujours un exercice plaisant. J’aime aussi le mot titre, parce que dans mon dictionnaire il est coincé entre les mots titiller et tituber.

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« What Happens in Halifax Stays in Halifax » (Mario García Torres, d’après Robert Barry)

Générateur blanc

Après l’expérience du silence du Lab, me voici en bas, assise à l’ordinateur situé près de la fenêtre, au centre de documentation. Les bruits de la galerie sont ici proéminents. De derrière moi arrivent les voix, les interpellations et les échos des gens qui travaillent là-bas. Le bruit du bois que l’on déplace, les frottements, les raclements, les chocs quand les planches sont posées à terre, les ponctuations brèves de la perceuse, les coups de marteaux, moins nombreux, les déplacements constants.
Plus proche, c’est le son des doigts sur les claviers, les pages d’un livre que l’on tourne, d’un fauteuil qui grince. Le bruit de la bouilloire aussi.

Générateur blanc

Tempête. Dès que l’on sort de la Chambre Blanche, deux perspectives s’offrent à nous. En direction de la citadelle, c’est le bâtiment jaune qui émerge et au loin, la silhouette d’une haute tour carrée. Dans l’autre sens, sur la droite, c’est le revêtement en métal du bâtiment abandonné.
Pourtant, on a fermement l’impression que les distances jusqu’à la fin de la rue est la même dans les deux directions. Le même nombre de poteaux électriques. Ces poteaux si caractéristiques des villes nord-américaines. Les fils électriques qui restent au dessus du sol, plutôt qu’enfouis en dessous. Des fils exposés que l’on peut suivre de carrefours en carrefours.
En temps de neige, les deux options se ressemblent, se rassemblent. Les deux perspectives fusionnent, comme deux calques légèrement décalés. La neige semble venir des deux extrémités de la rue…
Le ciel et le sol sont également blancs. L’air devient opaque… La neige estompe visuellement les distances, elle brouille la vision. Elle modifie la lumière, instantanément. Alors, je cligne des yeux. Je me mets à regarder mes pieds. Les distances s’allongent. Le pas ralentis. Lourd. Je chemine entre les obstacles, je contourne. Je regarde les traces que l’on laisse, les traces que je laisse, je modifie ma manière de marcher. Parfois, je fais demi-tour, quand les amas de neige s’avèrent trop importants. Parfois je m’en tiens aux traces laissées par les autres.

Générateur blanc

16h40. 2°C.
Étagère 1, celle qui est tout en haut. Une tasse noire qui cache les deux autres derrière. Un petit carton contenant des sacs plastiques, le haut d’un mixer, le bas est introuvable. Des assiettes en papier, des céréales, des filtres à café, que je n’utilise pas, une cafetière, que je n’utiliserai pas non plus.
Étagère 2. Un plat à gratin dentelé jaune, des assiettes plates, deux oranges et trois pamplemousses posés sur l’assiette du haut, des assiettes à dessert, des verres à pieds, une canette de sirop d’érable, de la poudre à lever, de la farine, du sucre roux, un mélange pour pancake, des lentilles vertes, deux paquets de thé, mirabelle et Wü-lü, un paquet de sachets de thé vert à moitié entamé.
Il est tard dans l’après-midi et je n’ai pas encore mangé. Je décris les étagères. Celles de la cuisine. Je suis assise à la table, le dos aux fenêtres. Je me lève… Je m’assois, je suis dos aux 2 fenêtres du fond. Je me relève, je m’assois à nouveau, je suis maintenant assise avec les fenêtres en face de moi, le dos à la cuisine, je n’ai toujours pas mangé : je décris mes allées et venues. Je me lève, je sors et je vais au Lab taper le texte que je viens d’écrire. Je suis en train de taper le texte que j’ai écris.

Générateur blanc

Au sous-sol se trouve un atelier de montage et démontage d’ordinateur, de découpe et de bricolage et la buanderie. On accède à l’atelier par deux cotés opposés. C’est une grande pièce carrée qui sent le renfermé, humide et froide, aux murs couleur crème, un sol sans couleur, relativement bien rangée. Sur l’un des murs est accroché un poster de mouvements de kung-fu. Quelqu’un vient-il ici ? Pour s’entraîner ?
La buanderie et l’atelier sont en enfilade, et en tout point différents. C’est un couloir exigu avec sur la gauche, les machines à laver et à sécher. Le plafond y est bas. Il y fait chaud, sec, et sombre. Dans la partie gauche, encore plus sombre, il y a des archives entassées en attente d’un classement qui ne viendra probablement pas. Deux vieilles chaises, des étagères et placards pleins de vieux papiers poussiéreux.
J’y viens une fois par semaine pour faire ma lessive, le matin de bonne heure. Ce n’est pas un endroit où il fait bon rester, écouter le bruit réconfortant de la machine qui tourne. La machine n’a pas un bruit réconfortant. Elle est bruyante, grinçante. Elle se secoue et se déplace, systématiquement, en direction de la porte, comme si elle voulait sortir de cet endroit. La sécheuse n’est qu’un vrombissement désagréable. Un bruit désagréable dans un silence qui l’est tout autant. Alors je ne reste pas. Et je fais sécher mon linge dans ma chambre pour que la bonne odeur de lessive imprègne l’espace, le temps d’une journée.

Générateur blanc

Le centre de documentation est en bas. On y accède par la porte de gauche de l’entrée principale. Tout de suite en entrant, sur la droite, se trouvent les publications de la chambre. Avec les cartes postales des différents projets de résidence. J’y repère immédiatement celui de Marika. Le clavier. Le fond noir et le bas du visage qui ressort… Puis je crois me souvenir (je suis remontée au lab), il y a une plante verte. La seule plante verte de tout mon séjour ici. Ensuite sur la gauche un placard, les toilettes, et une porte pour aller à la galerie. Avec, juste avant, une table où sont disposées les informations relatives à la dernière exposition. Si on décide de continuer tout droit, depuis la porte d’entrée, en laissant derrière nous la galerie, on arrive dans la pièce principale du centre. Cette pièce est située directement en dessous de ma chambre. Il y a les mêmes fenêtres. Mais elle semble complètement différente. Elle est fragmentée en différents espaces. À droite, le bureau de François, à gauche, le bureau de Maude. Un des murs a été peint en rouge. Au centre de la grande pièce, une table verte, où l’on s’assoit pour manger, discuter, pour les réunions, pour lire, ou pour rien.
Il y a les étagères en fer, chargées de livres, des cartons étiquetés contenant les revues anciennes, le téléphone, les papiers, les ordinateurs, le présentoir avec toutes les revues du mois en cours.
Puis la porte qui mènent au premier palier, les escaliers dorés, avec le boîtier d’alarme. Et de là, à nouveau, si l’on remonte l’escalier à gauche, on arrive au Lab.

Générateur blanc

21h42. Mon appartement à la Chambre Blanche est comme une somme d’îlots disparates et éloignés qui flottent au milieu d’une immense mer de bois.
D’abord il y a l’îlot bureau, éclairé par une de ces anciennes lampes en opaline verte avec, échoué sur la droite, l’ordinateur qui ne marche plus, les câbles qui s’y rapportent, d’autres types de câbles, transformateur et une clé USB, appareils photos et les livres : Broken Screen, l’art conceptuel du CAPC, Cute Felt Animals, Aspect of the Theory of Syntax, et un livre de Joan Carroll Oats. La trousse à crayons rudimentaire (crayon papier, stylo à encre de chine diamètre 0.1, stylo à encre de chine diamètre 2.0, le cutter, la règle en fer, 15 cm). Et constamment des clés qui traînent, mes gants en laine orange, mon bonnet marron.
L’îlot « table », avec ses couverts, un morceau de fromage emballé, ses verres, ses tasses à moitié vides. Et ses quatre satellites, quatre chaises noires en fer.
Il y a l’îlot cuisine : toute en longueur. Un gros meuble en bois brut. Au dessus les étagères et les provisions, la cuisinière à droite, l’évier à gauche.
L’îlot lit, le dessus bleu foncé, une couverture vieux rose – ou est-ce une vieille couverture rose ? Une veste en laine marron et beige, pour lire le soir. Cet îlot est aussi éclairé par une des lampes vertes.
Au fond de la pièce un îlot moins proéminent composé d’une table basse et d’un fauteuil pour la lecture. C’est d’ailleurs sûrement celui que j’utilise le moins, mais avec le plus de plaisir. Il signifie un moment où je ne travaille pas du tout, et où je ne pense pas à travailler.
Le dernier atoll est planté au fond de la pièce comme s’il avait dérivé jusque là : armoire, valise et une table où s’empile le linge propre pas encore plié.

Quelle navigation parmi ces différentes portions de territoire ?

Générateur blanc

00h25. Les gens qui travaillent à la Chambre Blanche sont en train de se préparer à partir. Maud. François. Hugo. Mégane. Sabrina. Reste Alexandre, Benham, et moi. Je suis dans le Lab. Alexandre travaille dans la galerie. Benham est dans sa chambre. Peut-être Sabrina est-elle encore là. Mais plus pour très longtemps. C’est bientôt l’heure dîner.
00h25. Le soleil s’est caché derrière les nuages blancs qui stagnent au dessus de la ville depuis deux jours. La température s’est rafraîchit en cette fin de journée. Il fait 6°. Les gens ralentissent le pas. Les heures ici semblent dicter plus qu’ailleurs le rythme des gens. C’est la fin de l’après-midi. Je regarde par la fenêtre : Les joggeurs ont disparus, les gens hâtent le pas, ils rentrent chez eux. Pour moi, il n’y a que quelques pas entre le Lab et la chambre. Je me lève et je regarde par la fenêtre.
00h25. Dans le Lab, les restes de l’installation du film regardé hier. Le vidéo projecteur, les deux grosses enceintes et les lecteurs DVD. Les 3 télécommandes, toutes inutiles car aucune ne correspondait à l’appareil. Puis il y a aussi les tasses vides. Le DVD qui traîne. Un couteau en plastique. Le Thermos. Un trousseau de clés – les miennes. De la monnaie pour la soupe de midi. Une paire de dossiers pour les concours puis un dictionnaire ouvert à la page dérive-dérouiller.

00h25. Il est 00h25. Il est 00h25 à Paris. À Lyon. Il est 18h25 à la Chambre Blanche.

Générateur blanc

19h. Aujourd’hui, la basse ville est humide. Grise. Un fin brouillard la parcourt en longueur. Il fait bon pourtant. 9°. Je sors de la chambre Blanche vers 19h. Je prends la rue des voltigeurs en direction de la haute ville, et je m’aperçois d’une chose : la ville rouille.
Toute la ville.
Dans chaque fissure, dans chaque interstice du trottoir, des murs en tôle ou dans le béton, parmi les pierres au bas des maisons et aussi dans le bois, la rouille s’est développée. Elle perce même la neige qui résiste par-ci, par-là.
La rouille. Elle habite la ville, la squatte et la ponctue. Elle en dessine les contours. Elle prouve son existence à chacun de mes pas, à chaque coin de rue. Elle souligne, tire des traits, marque et scarifie les moindres coupures laissées par le froid. Elle dégouline le long des rues en pente. Elle laisse des strates de couleurs brunes et rousses le long des caniveaux.
Je pense : il n’y a pas de plaques d’égouts à Québec. Non. Ou presque pas. L’eau s’écoule. La rouille avec elle. Jusqu’où ?

Générateur blanc

08h17. Le matin, après avoir petit-déjeuné, je vais au Lab. Je descends les escaliers jaunes jusqu’au premier pallier, et je tape le #, puis le 2, et je compose le code. Puis je remonte les escaliers et j’ouvre la serrure du bas. Je mets toujours un temps pour trouver laquelle des 7 clés du trousseau entre dans la serrure.
Aujourd’hui le Lab a été nettoyé. Pas de billes de polystyrène sur le sol, pas de loupe. Pas de composants d’ordinateur qui débordent d’un carton.
Le sol a été lavé ou balayé. Mais quand je rentre, c’est toujours la même odeur de caoutchouc tiède. Il me faut un temps pour m’habituer et, parfois quand la température le permet, j’ouvre le vasistas pour aérer. La chaleur des ordinateurs et du serveur constamment allumés garde la pièce dans une chaleur constante et agréable.

Générateur blanc

12h20. dehors le soleil brille. Je regarde la température de loin, je regarde la température sur l’ordinateur. -2 degrés. Je suis sortie ce matin, pour la première fois sans gants. Les rues étaient sèchent comme du papier de verre, pleines de gravillons laissés là par les ruisseaux d’eau qui ont quadrillés la ville pendant un temps. Les rues qui mènent au port, sous les bretelles d’autoroute, sentaient presque le printemps.
Le port était encore en hiver, avec les neiges fondues, les eaux qui charrient leurs tonnes de glace, le bruit du Ferry qui crisse et casse, et concasse la glace à chaque passage. Mais petit à petit, le fleuve semble reprendre le dessus sur la glace venant du nord. Il malmène les blocs de glace, les fragmente encore plus, les retourne. Certains blocs laissent voir leurs entrailles, d’un bleu transparent et sans tâche, celui d’une vitre opaque bien astiquée. Ceux échoués sur les berges se tiennent encore comme des bunkers imprenables. Car c’est la guerre en bas. Entre le solide et le liquide, entre le chaud et le froid. C’est une opposition de nature, d’essence, de vitesse et de lenteur. C’est la guerre. Et le printemps ne va pas tarder à la gagner, malgré la résistance qui lui est opposée.

Générateur blanc

17h40.
Le bruit de l’imprimante. 8 pas de mon siège à la porte. À la cinquième enjambée, si j’étends le bras droit, je peux faire cesser le bruit.
17h43.
Le fond sonore des enceintes de l’ordinateur. 12 pas de la porte du Lab à la porte de ma chambre. 8 pas avant l’angle du couloir (il tourne vers la gauche). À deux enjambées de l’angle, si j’étends le bras droit, je peux dessiner sur la buée de la fenêtre.
17h45.
Aucun bruit. 9 pas entre la porte de la chambre et mon lit. Si j’étends le bras droit, je peux fermer la lumière de la lampe de chevet.
17h57.
Les bruits étouffés de la rue. 6 pas entre mon lit et l’évier. Si j’étends mon bras droit, je peux voir l’eau s’écouler dans ma main, puis boire.
17h59.
Le plancher qui craque au 4ème pas sur les 8 pas qui séparent l’évier et le bureau à côté de la porte. Si j’étends le bras droit, je peux me saisir de mon manteau et de mon bonnet. Dehors il pleut.

Générateur blanc

18h01.
Les bruits de marteau en bas dans la galerie où Alexandre installe son travail. 12 pas de la porte de ma chambre à la porte du Lab, 6 pas de la porte du Lab aux escaliers, 19 marches, 16 enjambées pour arriver sur le palier du premier étage. Si j’étends le bras droit, je peux activer l’alarme avant de sortir.
18h04.
Le bip-bip strident de l’alarme. 7 marches, 6 enjambées pour arriver à la porte sur le palier du rez-de-chaussée. Si j’étends le bras droit, je peux ouvrir la porte d’entrée verte.
18h06.
Les bruits de pas sur la neige fondue.

Générateur blanc

04h08. Dehors quand il ne neige pas, il gèle. C’est blanc et gris.
Dans le labo, tout est coi. Il y a des objets qui ont changés de place. Une pile de CD sur le fauteuil orange. Un appareil photos à la droite de mon ordinateur. Ma tasse de thé aussi. Les carnets de notes format passeport. Des notes de voyages donc.
Derrière moi – je me retourne – un gros carton par terre, à moitié ouvert, d’où débordent des billes de polyester blanches. De la neige artificielle. Il neige aussi dans le lab.
Cette neige synthétique et scintillante recouvre et protège, fait écran à ce qui se trouve en dessous. À droite, à côté, sur le sol, il y a une loupe. Une loupe grossissante, comme si on l’avait placée là sciemment, pour interroger les gens qui passeraient par là. Pour qu’ils étendent la main pour s’en saisir. Pour qu’ils s’accroupissent. Pour qu’ils se retournent rapidement pour voir qu’il n’y a personne pour les surprendre dans une situation un peu ridicule. Pour qu’ils dirigent la loupe vers cette neige factice et s’interroge : Pourquoi ?
Mais personne ne passe par là, il n’y a que moi.
Je me lève et me dirige vers la loupe, je m’accroupis. Je ne me retourne pas : personne ne passe par là. Oui mais si… Non personne ne passe par là, surtout à cette heure ci. Je ne me saisis pas de la loupe, je regarde ce qu’elle magnifie : La structure en nid d’abeille du revêtement de sol. Je n’avais jamais remarqué ce quadrillage. Je compte. Chaque plaque de ce revêtement est constituée de 130 nids dans sa largeur, et deux fois plus dans la longueur, soit – je prends ma calculette – soit 1040 nids. Il y a 3 largeurs de plaques dans le bureau, et 5 longueurs. Soit 15 x 1040=15600. Je foule tous les jours 15600 nids. Je remercie la loupe de m’avoir donné cette information, et je retourne à mon bureau.

Défilé

Sur le bord du St. Laurent, ça défile, ça dé – file, et à cet endroit précis, il est important que le mot filer prenne sa racine dans « couler », « s’écouler ». Et que les longs rubans de glace forment un filet.
Je regarde donc le fleuve défiler, se défiler devant moi, m’échapper. Comme quelque chose que j’aurais perdu. Ça s’éloigne. Ça. Plus vite que moi. « Ce phénomène, cette chose qui pourrait être là, ou peut-être pas ? ».
J’en fais l’expérience : je marche à côté et sans arrêt je suis dépassée. Je suis sur le bord, à côté.
Et puis ça tourbillonne, toujours dans le même sens, des petites galaxies glacées qui s’éloignent les unes des autres, se télescopent, s’évitent. Se détachent et se fragmentent.
Demain je prends le bateau pour passer de l’autre côté, pour être au dessus de cette mer de glace.

Générateur blanc

06h09. Je me réveille. La lumière est partout. Par la fenêtre, la neige tombe. Elle a tout recouvert. La neige est partout, le vent souffle en rafale et soulève des grosses masses poudreuses, par paquet. C’est une tempête. Mes fenêtres sont à moitié bloquées. J’en ouvre une pour regarder dehors, le froid pénètre dans la pièce. Ce n’est pas désagréable… Je referme la fenêtre, ça suffit à dégager la neige. Dehors, le vent déplace ses masses d’un coin à l’autre, d’un toit à l’autre, d’une rue à l’autre. Je descends les escaliers et ouvre la porte d’entrée. La rue est déserte. Le souvenir de ce que je voyais par la fenêtre de ma chambre s’efface déjà, comme si au contact de cette neige réelle, lui aussi avait été recouvert d’une pellicule amnésique. C’est ce que j’ai devant les yeux qui compte, qui conte, qui raconte, et le son si caractéristique du vent. Avec lui, je suis consciente de mon propre rythme, mes expirations qui laissent un nuage devant moi.
Je remonte au lab. En courant pour ne pas perdre complètement ces sons.
Du vent. Dans le lab, le souffle des ordinateurs est immuable. Là encore le mugissement du vent n’est bientôt plus qu’un souvenir. Ma respiration devient à nouveau inconsciente, secondaire.

Générateur blanc

02h40. Après la neige, les pelleteuses. Dans la nuit, je sors. La nuit est déserte, la rue est désertée. Les bruits et les lumières floues des pelleteuses. Au bout de la rue, c’est le règne des machines. Un ballet rythmé de bip-bip. De gros tracteurs CAT, aux formes de type science-fiction. Ils se succèdent très efficacement. Presque cyniquement, les machines repoussent la nature sur le bord de la route. Les paquets de neige sont stockés là, sur le trottoir. Les machines font de la place pour le passage des machines. Les piétons creusent leurs propres tranchées, étroites, en plusieurs passages, et la neige stockée devient une ligne de démarcation physique entre deux univers temporels. Celui de la lenteur obligée, et celui de l’impatiente.
Je marche jusqu’au complexe Méduse. Je ne croise personne. Je lève les yeux vers le ciel : la neige tombe toujours. Je ferme les yeux. Je les ré-ouvre : les bretelles d’autoroute se rejoignent toutes en ce point…. Elles ressemblent effectivement à une méduse avec sa tête, de long bras.

Générateur blanc

Je poursuis ma route dans le lab. En direction de la porte se trouve une table où s’entassent bols et tasses à thé et café, vides ou pleines. On y trouve aussi un paquet de mouchoirs de ceux qui ont servis à envelopper les vis de mon ordinateur lors de son autopsie.
Encore quelques pas. Je dépasse l’ordinateur avec le scanneur et l’imprimante. Je tourne la tête. Je referme la porte, j’avance dans le couloir vers ma chambre. La voilà.

Générateur blanc

02h46. Il est tard. D’abord il y a le fauteuil orange, celui que j’avais vu sur le site. Le site qui m’a conduit ici. Juste à côté du téléphone. Puis viennent les rangées d’ordinateurs. Là où je suis assise. Je regarde autour de moi : en hauteur il y a deux vasistas que je n’avais jamais remarqués. Mon regard poursuit sa route : l’étagère avec les manuels techniques. Le mur peint en bleu canard.
Puis la table pour bricoler et rapiécer les ordinateurs. Enfin un tas de matériel – enceintes, pieds, câbles – disposé par terre jusqu’à la porte du placard étroit où sont entreposés les caméras, appareils photos. Je me lève pour aller voir, des rangées de câbles suspendus à des clous, quelques cartons fermés sur un sol recouvert de planches en bois, du sapin.
Le lab, le soir. Le ronronnement et la chaleur des ordinateurs. je viens m’y réfugier après la journée. Ainsi parfois j’y retrouve ma solitude avec plaisir. Après la pluie et le brouillard. Après une longue marche pour oublier la disparition. Une disparition ridicule et aussi peu tangible que celle de ma propre mémoire.
Perdre des données, c’est perdre une de ses parties extensibles… J’ai perdu un peu de mémoire. Je suis donc ce soir en deuil de mémoire. De mémoire morte.
Comment oublier ce qui a disparu ? Les efforts pour la retrouver sont-ils justifiés ?
Les efforts d’aujourd’hui pour retrouver ma mémoire constituent eux aussi de la mémoire. Ça s’accumule ou bien cela prend-il la place de ? Qu’est-ce qu’il reste ?
Par exemple. Le seul souvenir que j’ai de cette journée, c’est le parc entr’aperçu par la fenêtre embuée du bus.

Générateur blanc

La chambre blanche, c’est tout d’abord un bâtiment en briques rouge foncé, qui se situe à l’angle de deux rues calmes. L’une d’entre elles monte un peu. Des portes et d’immenses fenêtres entourées de vert. De loin on remarque tout de suite l’inscription un peu effacée, échappée d’un décor de Western : Heel & Co. Quebec… Limited. Je rentre pour la première fois par la porte de la façade principale, que j’utiliserai presque tout le temps. Rarement celle du côté. L’entrée donne accès sur la gauche à la porte de la galerie, une vaste surface vide lorsque j’arrive.
Sur la droite, par la vitre de la porte, on aperçoit la bibliothèque, les bureaux avec sa grande table au centre de la pièce. En face, les escaliers en bois gris conduisent aux chambres, à la chambre. Ma chambre au premier étage. Avant d’y arriver, il y a une porte fermée à clé. La clé est dans la poche de mon manteau, accrochée à un porte-clés rose fluo. On me l’a donnée quand je suis arrivée.

Générateur blanc

14h19. 1°c. La ville dégouline, elle ruisselle. L’eau coule le long des pentes, en petites cascades, parfois boueuses. L’eau entraîne avec elle les graviers et la poussière, les mégots accumulés alors que la neige recouvrait tout.
Je suis les petits affluents le long de la pente. Je descends jusqu’au St. Laurent.
Les gens sortent. Des joggers apparaissent. Ils sortent de nulle part. Je les croise à chaque coin de rue. Les gens se souviennent de leur corps. Ils disent « je m’en rappelle ». « Je me souviens ». Par leur course, ils évoquent le beau temps, la douceur, la chaleur. Ils courent entre deux tempêtes. Ou en direction de la prochaine. Ils accélèrent, ils s’accélèrent. Ils circulent. Ça. Comme des électrons. Avec l’eau, c’est une véritable électrolyse.
La ville prend un nouveau visage. Sale, plus rugueux, plus angulaire, mais plus net.

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Générateur blanc

J’entends les sirènes du bateau. Une, deux, trois fois. Ou alors ce sont les sifflements du train ? Quatre fois. Tout à l’heure, au bord du St. Laurent, la sirène du ferry était similaire.
Ça, et le bruit de la glace qui craque, presque facilement, à son passage. Je n’ai pas eu le courage de monter à bord pour la traversée. J’avais froid, envie de rentrer.
Mais, je ne bougeais pas. J’étais hypnotisée. Fascinée par les tonnes de glaces charriées par le fleuve.
Un flux continu. Des milliers de fragments bleutés passent devant moi à grande vitesse. En tourbillon, des blocs plats qui se brisent et coulent pour remonter plus loin, affaiblis, diminués, nettoyés. Puis peu à peu disparaissent, et laissent leur place à d’autres bouts qui dérivent.

Générateur blanc

Il neige. Le ciel est blanc. Le ciel est gris clair. Le ciel est jaune. Sur le toit en face, la neige gelée se recouvre d’une pellicule de neige fraîche. Plus blanche, plus plate. En tombant sur le toit, une légère fumée : la neige dévoile un courant d’air chaud qui sort du mur de brique à droite. Ça tombe sans arrêt. Et de plus en plus fort.
Le tuyau rouillé fonce sous l’effet de l’humidité. Je dois me pencher un peu pour le voir. À chaque fois que je me penche je perçois mieux la neige, par contraste, sur le mur gris de gauche.

Je remarque que des câbles électriques passent à hauteur de mes fenêtres. Des câbles noirs, épais. La neige s’accumule sur le dessus, et ils en dégoulinent de gouttes d’eau.

Ça, c’est ce que je vois au premier plan. Ensuite, il y a un empilement. Une perspective étriquée et rassurante. D’abord, il y a le bâtiment récent en brique et sur sa gauche le toit plat, avec le tuyau. puis une haute cheminée, le toit d’une petit maison, avec une minuscule fenêtre qui supporte une antenne. Dans le fond, frontalement, le haut d’un immeuble avec ses 2 portes entourées de fenêtres qui donnent sur un balcon. Puis un bout de building de couleur claire. Et enfin, la perspective finit par une masse sombre. Des fenêtres horizontales. Des bureaux ? En cette fin d’après-midi, il y brille quelques lumières.
La neige s’intensifie. La fumée aussi. Le silence de la neige. Pas un bruit de pas. Pas un son de voiture.
La nuit tombe prématurément. Je m’en aperçois à cause de reflets orangés qui commencent à s’agglutiner sur ma vitre. Ma vitre devient un miroir sans tain où je distingue mon rideau de douche, le frigo et la lueur du plafonnier.
Et puis, la pièce commence à se rafraîchir.

Générateur blanc

Vers la porte. L’interrupteur vers la droite, 2 boutons, l’un relevé, l’autre baissé. Puis sur la droite le portemanteau, un vêtement de pluie. Il était déjà là quand je suis arrivée. Avec un sac à commission, un parapluie. Puis il y a les choses que j’ai suspendues. Mon manteau, vert. Mon bonnet et mon écharpe, blancs tous les deux.
Sur la droite encore.
Le balai, la poubelle, le frigo qui n’est qu’un bruit dans la pénombre. Mon sac à main obstrue le passage.

Sur la droite encore.

La salle de bain. Je rectifie. La salle de douche. Un petit meuble en bois avec des tiroirs. Je n’ai jamais ouvert ces tiroirs… dans le premier tiroir, quelques médicaments, dans le deuxième, une éponge, celui du bas est vide. Un petit meuble en bois où poser ses affaires. Un miroir. Le paravent en bois, à trois panneaux, qui sépare les deux pièces. Le tapis de bain beige. Le rideau de douche orange. Tout a une couleur ! Tout objet possède une couleur. Sur la tablette, les draps de bain blancs et bordeaux. Sentent-ils bon la lessive ?
Oui ils sentent bon la lessive.
Les blancs sentent plus que les bordeaux… La texture des draps blancs retiendrait-elle mieux les odeurs de lessives ? Non, ils n’ont pas été lavés en même temps.
Ou bien ils sont plus vieux que les autres ? Non, on ne dirait pas qu’ils sont plus vieux.

Générateur blanc

20h40. -22°c.
Dehors tout est noir, déjà.
Dedans, la lumière électrique.
Deux interrupteurs. L’un pour les éclairages de la cuisine, l’un pour les spots côté chambre. Deux zones, déterminées par l’électricité. Un circuit, dehors et dedans.
Les reflets sur le plancher.

Générateur blanc

Je parcours le studio. En deux étapes : dix enjambées de long, six de large… un peu plus de 60m2 ?
Sûrement deux fois plus haut que moi, environ de 3 mètres de haut ?
Six persiennes, cinq d’entre elles fermées, une remontée, la deuxième en partant de la gauche par rapport à la porte. La troisième en partant du mur opposé. Celle qui est à droite du lit. Celle qui est à gauche du bureau. Celle qui se situe sur le mur Est.
La porte ouverte, la porte entre-ouverte, la porte que je referme à nouveau.

Générateur blanc

Je me réveille. La lumière est déjà franche : six fenêtres. Deux au sud, quatre à l’est. Malgré les murs jaunes et orangés, la pièce est blanche. Par les persiennes, le ciel bleu. J’ai encore dormi en travers du lit, sa grandeur le permet. Un peu perplexe, je souris. Ah oui, je suis ici. C’est ma semaine d’adaptation : le froid et l’espace, 2 éléments auxquels je ne suis plus habituée. Le lit, le bureau, les deux lampes vertes, le canapé bleu, la table avec 4 chaises, l’évier en plastique, l’énorme cuisinière, le meuble de cuisine en bois, le sol brun, une armoire, la table basse, le fauteuil, un ventilateur débranché. Un vieux réveil matin, General Electric, 07:04. Le bruit du frigidaire. Irrégulier, intermittent, discontinu.

J’ouvre une des persiennes. Tout est immobile. Quelle que soit l’heure, tout est immobile. Les toits plats, les cheminées et le tuyau massif rouillé. La neige. Laiteuse, transie, figée. -32°c.

Ça débute, ça commence, je reviens à moi, je redeviens consciente : je redeviens moi. Très rapidement, je suis réveillée.

Écrire

Écrire. C’est le premier mot en haut à gauche sur la page du tableau de bord de mon blog, c’est aussi la première chose que j’ai apprise à faire avec un ordinateur. C’est drôle de dire “avec » un ordinateur, et pas sur mon ordinateur…

C’est donc ce que j’ai choisi de faire ici. Une conversation avec mon ordinateur, ou plutôt avec la personne qui hier écrivait ici, à ma place, à ce bureau, en face de la fenêtre. Mon moi d’hier. En conversation avec mon moi d’aujourd’hui, et qui attend celui de demain. Une variation autour de la chaise et de la table. Autour de la chambre. Avec ou sans musique. Avec ou sans narration, de l’écriture à la décriture.

La ligne de changement de date

(Générateur blanc, recherche)

Chaque jour à minuit, dans tous les fuseaux horaires, il est nécessaire de changer de date pour passer au jour suivant. Mais compte tenu de l’utilisation d’un méridien de référence pour ces fuseaux horaires, il existe également un méridien (méridien de 180° de longitude) où, quelle que soit l’heure, il est nécessaire lorsqu’on le traverse d’ajouter ou de retrancher un jour, selon le sens de la traversée.
Ainsi, quelqu’un voyageant vers l’Ouest et franchissant la ligne de changement de date doit ajouter un jour à la date qu’il s’attendrait à avoir s’il ne le faisait pas. Similairement, un voyageur vers l’Est doit retrancher un jour.
À l’instant précis où il est minuit sur la ligne de changement de date, toute la planète est à la même date.