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Recherches relatives à aux pojets

Méthode graphique?

Je suis en train de relire « Mouvements de l’air ». Voici quelques extraits qui m’apparaissent cohérents par rapport au projet que je veux développer sur les « mots de la recherche », lors de l’expédition à Clipperton. Si j’en suis au moment de définir une méthode, j’ai bien conscience que toute méthode oriente déjà formellement un travail, et je me pose cette question dès maintenant.
D’un autre côté, j’avais envie de produire, d’après les relevés faits par les scientifiques ou les relevés que je fais des mots des scientifiques, une visualisation graphique. Bien sur plusieurs pistes s’ouvrent à moi, et comme je le disais dans un précédent article, entre le dataflow classique et les visualisations de problèmes mathématiques grâce à de la laine tricotée au crochet, il y a un monde de possible..
Donc il me faut osciller entre cette envie / intuition qui me porte vers une sorte de visualisation de données, et une méthode à inventer, qui doit rester néanmoins expérimentale.
À ce propos, j’aime beaucoup ce que dit G. Didi-Huberman de la courbe mareysienne, qu’elle « transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image ». Si je devais me définir un objectif à atteindre avec cette méthode à inventer, ce serait celui-là. Vaste programme ; )

 

« Rappelons que la méthode graphique  consiste à transcrire sur papier ou sur une surface sensible, par des mécanismes souvent d’une grande ingéniosité, les pulsations, vibrations, ondulations, secousses, tressaillements, frémissement produits par tous les mouvements de tous les corps vivants ou des objets mobiles. Le graphique obtenu est une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps. L’acquisition des ces informations peut s’opérer soit en continu, soit à des instants déterminés. La méthode graphique a permis la connaissance, l’évaluation et donc, souvent, la maîtrise, d’innombrables phénomènes relevant de la médecine, de la physiologie, des sciences naturelles et des différentes branches de la physique. Les appareils enregistreurs ont en effet donné, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une représentation graphique de mouvements ou de phénomènes le plus souvent invisibles à l’œil nu. »
p.8 (Laurent Mannoni)

« Marey aura donc radicalisé, dans un sens très spécifique, la méthode expérimentale qu’il avait reçue de Claude Bernard. Le maître énonçait – dictum célèbre – que l’expérience n’est au fond qu’une observation provoquée. Déjà bien conscient du fait que provoquer une observation consiste, le plus souvent, à l‘instrumentaliser correctement. »

p.188 (Georges Didi-Huberman)

« Quel sera le statut de l’instant pour ces myriades d’ « instantanés » produits par Marey dans son laboratoire ou sa « station physiologique » ? Comment s’y pose la question cruciale – visuelle, temporelle – du mixte de discontinu et de discontinu en quoi consiste chaque phénomène, chaque mouvement étudié par le savant ? Il n’est pas douteux que Marey a conçu chacune de ses instrumentations, chacune de ses « méthodes » comme une tentative pour éclairer un aspect particulier de ce problème central à toute connaissance de temps et du mouvement.  Ainsi, la méthode graphique aura-t-elle promue des « appareils à inscription continue » dont l’image résultante offrait, paradoxalement, une discontinuité radicale de la forme à reconnaître (le tracé blanc) et du fond (le champ noir), la chronophotographie revenant, quand a elle, au principe d’inscription discontinue (l’intermittence des instantanés), mais pour aboutir , non moins paradoxalement , à des images capables d’inclure une continuité de mouvement, voire, pour finir, quelque chose comme un flux, une fumée ou une danse du temps tracé. »
p.188 (Georges Didi-Huberman)

« Il est légitime d’insister, comme le fait depuis longtemps Michel Frizot, sur la spécificité et la nouveauté de procédures qui aboutissent si souvent aux étranges figures abstraites que l’on connaît. La méthode graphique, en ce sens, réinvente pour son compte ce qu’image veut dire : « la représentation graphique appelle une extension de la notion d’image [selon] une référence à la fois iconique et mentale qui déplace les questions de langage, de signification, d’interprétation » et donc, de représentation en général. En poussant à l’extrême la figuration du temps, du mouvement et de l’intensité selon la seule dimension de l’espace, la courbe mareysienne transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image. Elle serait en ce sens, « d’une absolue nouveauté », à seulement « transposer un phénomène – caractérisé par une force, une pression, un mouvement – dans une image très simple, constituée principalement de lignes continues et souples, plus accessible à la perception et à l’observation que le phénomène lui-même ». »
p. 193 (Georges Didi-Huberman)

 

p.221

Un monde bien perçu, selon Bergson, est un monde qui ne cesse  pas d’être en mouvement. C’est donc un monde paradoxal pour la pensée – qui cherche spontanément les choses stables, les entités -, un monde épuisant, fait d’ébranlements sans nombre, tous liés dans une continuité ininterrompue, tous solidaires entre eux, et qui courent en tous sens comme autant de frisons ». Inversement, le monde des courbes mareysienne nous suggère que « les milles positions successives d’un coureur se contractent en une seule attitude symbolique […] qui devient, pour tout le monde l’image d’un homme qui court ». Et ce n’est pas en dressant le grand catalogue des positions successives, comme veut le faire Marey, que l’on résoudra cette aporie : « Nous le localisons ça et là par exemple sur une chronophotographie de la locomotion humaine, mais à la surface », ce qui a pour effet de réduire le mouvement à un simple « changement de lieu ». Façon de rater la « transformation universelle » qui, pourtant, l’a rendu possible.

Bergson précisera, dans l’Évolution créatrice, sa critique de la géométrisation spontanée à laquelle recourt notre intelligence – qui veut toujours saisir ce qu’elle approche –face à l’insaisissable mobilité de toute chose. Depuis la métaphysique des Grecs, notre notion du mouvement n’a toujours été pensée qu’ « adossée à une éternité d’immutabilité » ; depuis Zénon, « notre intelligence ne se représente clairement que l’immobilité » ; depuis Platon, notre raison « incurablement présomptueuse », se forme des concepts « à l’image des solides » géométriques, et se rend par la même « incapable de se représenter la vraie nature […] du mouvement ». Dire que « toutes les opérations de notre intelligence tendent à la géométrie, comme au terme où elles trouvent leur parfait achèvement », c’est dire l’artifice en quoi, selon Bergson, consiste l’approche géométrique et métrologique du mouvement.

La durée de toutes choses a fini par dessiner l’objet central de toute la pensée bergsonienne. Dès 1889, le philosophe avait commencé, dans son Essai sur les données immédiates de la conscience, par fustiger l’ « erreur de ceux qui considèrent la pure durée comme chose analogue à l’espace capable à ce titre de former une chaine ou une ligne ». Alors que, selon lui, chaque « oscillation » du temps doit être aperçue et pensée « l’une et l’autre, se pénétrant et s’organisant entre elles comme des notes d’une mélodie, de manière à former ce que nous appellerons une multiplicité indistincte ou qualitative ». Et il précisait dans la même page :

« bref, la pure durée pourraient bien n’être qu’une succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent, sans contours précis, sans aucune tendance à s’extérioriser les uns par rapports aux autres, sans aucune parenté avec le nombre : ce serait hétérogénéité pure. »

Voici donc esquissée toute une philosophie de l’implication et de l’hétérogénéité, une philosophie où se trouve systématiquement réfutée la prétention scientiste à expliquer  toute chose selon l’homogénéité d’une même échelle de mesure. Les Éléates sont bien loin, eux qui avaient décrétés toute durée mesurable en confondant l’  « espace parcouru » par le mobile avec l’ « acte  par lequel on le parcourt ». Même Kant est loin, lui dont l’erreur a été de prendre le temps pour un milieu homogène ». Quand à Marey, il fait partie de ces « mécaniciens » qui notent « l’instant précis où le mouvement commence », puis le « moment où le mouvement finit », enfin « l’espace parcouru, seule chose qui soit en effet mesurable » – mais sans s’apercevoir qu’ils n’auront traité, dans cette opération, ni de mouvement ni de durée, « mais seulement d’espace et de simultanéité ».
p.221

 

 

« Les machines chronophotographiques inventées par Marey sont légères, subtiles, elles n’aliènent jamais vraiment le corps qu’elles instrumentalises. Elles ne sont donc ni « célibataires », ni psychotiques. Elles répondent exactement à ce que Gilbert Simondon, ce grand philosophe de la technique nommait une machine ouverte. Or la caractéristique principale d’une telle machine c’est de ne pas sacrifier à l’automatisme l’étendue de ces possibilités, en sorte qu’une machine ne sera véritablement « perfectionnée » – « sensible », écrit même Simondon – qu’à admettre, dans son fonctionnement, « une certaine marge d’indétermination ». :

« Le véritable perfectionnement des machines, celui dont on peut dire qu’il élève le degré de technicité, relève non pas  à un accroissement de l’automatisme, mais au contraire au fait que le fonctionnement d’une machine recèle une certaine marge d’indétermination. C’est cette marge qui permet à la machine d’être sensible à une information extérieure. C’est par cette sensibilité des machines à l’information qu’un ensemble technique peut se réaliser, bien plus que par une augmentation de l’automatisme. Une machine purement automatique, complètement fermée sur elle-même dans un fonctionnement prédéterminé, ne pourrait donner que des résultats sommaires. La machine qui est doué d’une haute technicité est une machine ouverte […] « .

Il est relativement aisé de concevoir une machine fermée, certains protocoles mareysiens répondent sans doute – notamment à l’époque où il développait ses appareils graphiques – à une telle conception. La machine ouverte, quand a elle, demande en plus, de l’imagination : une certaine capacité à poursuivre ou accompagner, comme dans une danse, le mouvement même de la réalité expérimentale en train de s’inventer. Il est très probable que Marey fut quelquefois surpris par les résultats qu’obtenaient ses appareils chronophotographiques. Son génie imaginatif aura été de prolonger, de réinstrumentaliser cette surprise même, heuristiquement au dispositif expérimental. Façon, eût dit Simondon, d’accorder sa confiance au fond dynamique […]. Qui fait exister le système des formes [étant entendu que] le fond est le système des virtualités, des potentiels, des forces qui cheminent, tandis que les formes sont le système de l’actualité. L’invention, concluait-il, est une prise en charge du système de l’actualité par le système des virtualités, la création d’un système unique à partir de ces deux systèmes. »

p.234 (Georges Didi-Huberman).

Les mots de la recherche : art & science (de la passion)

Clipperton / île de la passion (merci Annick! ; )
Une île schizophrène, portant à la fois un nom anglais : le nom d’un pirate qui la « découvre », et un nom français, peu usité : ce nom de « passion » (passion religieuse, amoureuse ou autre, singulière ou plurielle?).

Objectivité / Subjectivité
 » L’objectivité, telle qu’elle a été utilisée au cœur même du travail scientifique, est née vers les années 1830. De plus, au fil de son évolution, elle implique tout à la fois des pratiques d’observation et la fondation d’une culture morale très particulière du savant. Au départ, elle n’avait rien à voir avec la vérité ni avec l’établissement d’une certitude. Elle visait au contraire l’idéal d’une machine : d’une machine conçue comme un opérateur neutre et transparent qui devait servir d’instrument enregistreur en l’absence de toute intervention ; d’une machine incarnant un idéal auquel les savants eux-mêmes devaient tendre dans leur discipline morale. L’objectivité, c’est ce qui restait quand étaient exclues la part de la subjectivité, de l’interprétation, de l’art.  »
(P. Galison,  » Judgment Against Objectivity « , in Caroline A. Jones, P. Galison (éd.), Picturing Science, Producing Art, Routledge, 1998, p. 163.

Recherche / recherche
Ethymologie (wikipedia) du mot chercher :
(Vers 1100)
cercer (« parcourir en tout sens, fouiller »). (Vers 1172) cerchier (« essayer de découvrir quelqu’un ou quelque chose »), puis cercher (encore attesté au dix-huitième siècle), passé à chercher par assimilation. L’ancien français est issu du bas latin circare, de circa, circum, circus (« autour »). Ce verbe, plus expressif et de conjugaison plus aisée, remplace le latin querre (« quérir »).
(Et puis d’un coup je pense à « La recherche », cette abréviation qui désigne À la recherche du temps perdu de Proust, c’est drôle ce terme tellement générique).

Recherche fondamentale ou recherche appliquée?
Sur l’île de la passion, la recherche apparait fondamentale. Mais appliquée je le suis quand je regarde la définition et que je constate que le mot recherche vient du mot chercher, qui est lui constitué de deux fois le mot « cher ».
Alors si re-chercher c’est chercher à nouveau, cela équivaudrait à chercher deux fois, donc chercherchercher?
Très cher. Tu me manques. À te chercher je t’ai trouvé. Et si chercher c’est essayer de découvrir quelqu’un, j’aimerai encore plus te déshabiller.

Des notes de Clipperton

Voila que l’équipe de Clipperton-project a enfin eu les permis pour naviguer dans les eaux de Clipperton. C’est réellement le début du projet et je peux enfin commencer à travailler sur la proposition que je voulais développer la-bas!
Cette nouvelle coïncidait avec ma rencontre avant hier avec Annick Bureaud et Jean-Luc Soret (qui entre autre s’occupent de Nunc), et la rencontre a été une opportunité pour questionner la proposition, notamment les rapports qu’entretiennent l’art et la science.

Quelques rappels :
Le but de « The Clipperton Project » est :
– de conduire une mission scientifique & artistique, pour mener des études collaboratives dans les domaines de la biologie marine, la géomorphologie, la climatologie.
– produire autour de ce bout de terre des propositions artistiques à caractère social, politique, historique
– la collaboration entre artistes et scientifiques pour repenser leur pratique et questionner des sujets environnementales.
– une mission informative sur les questions de changements climatiques, montée et pollution des eaux/océan, biodiversité.

Pour ma part, je rappelle que je suis partie sur 3 pistes, encore à articuler entre elles :
– Questionner la relation art & science en me faisait l’avocat du diable, car je crois que les collaborations entre ces deux milieux sont basés sur des approximations, des malentendus.
Je voudrais en priorité m’attacher aux mots employés. Les mots communs à ces deux domaines : en traquer les jointures, parallélismes, disjonctions, divergences, doubles sens.. (ex : « recherche », « pratique », « restitution », « innovation », « schémas », etc). Concrètement j’aimerai travailler en me rapprochant des scientifiques participants pour pouvoir : Définir les objets, outils et méthodologies de la recherche. Questionner la représentation des résultats des collectes réalisées sur place. Interroger la subjectivité dans les milieux scientifiques, qui semble être un tabou alors quelle semble un des points fortement assumé dans l’art.
– Collecte et navigation, qui sont les deux composants de cette expédition et sa transposition possible dans le domaine d’internet ou des bases de données. C’est sur cette partie que je suis surement le moins avancée – à voir donc.
– Parler de ce qui me semble l’exploration d’une hétérotopie. Une localisation d’un espace concret qui héberge l’imaginaire, en rupture avec le temps traditionnel. Je me dis que Clipperton (appelée en français « l’île de la passion » – quelle passion?) est bien un endroit qui à le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces (incompatibles).

Quelle forme prendrait cette proposition?

Pour le moment, c’est difficile à dire. Bien sur je suis dans les questions d’archivage immédiat en ce moment, et je me dis qu’une proposition sur internet serait possible. Et puis  je me pose la question de la traduction et la visualisation d’information, le dataflow, mais pas sous un angle forcément numérique. Même si je trouve les propositions récentes autour du dataflow très intéressantes, je me sens plus proche de choses de ce type, qui pour le coup s’éloigne d’un traitement graphique numérique de l’information :
– « Les mouvements de l’air », Etienne-Jules Marey, photographe des fluides, qui me donne un base de réflexion quand à la méthode de visualisation de l’information. Bien sur je suis sensible à la machine elle-même autant qu’aux images quelles produisent.
et
– Le projet crochetcoralreef de The Institute for Figuring, que je trouve magnifique (même si je regrette que les modalités d’expositions ne soient parfois pas aussi exigeantes que le projet lui-même).

En attendant de prendre contact avec les scientifiques qui participeront à l’expédition, je fais des recherches/images glanées au fil de ma navigation sur internet. Des notes historiques. Des choses qui me paraissent connexes au projet, ou des pistes dans la méthodologie à inventer pour cette proposition. À suivre.

Untitled (Ocean) – Vija Celmins, dont j’avais découvert le travail au cabinet graphique du CGP il y a quelques années, parce que j’aimerai dessiner comme elle.

De la série « Sirène » – Philippe Droguet, dont j’ai eu du mal à trouver des photos du travail (celle-ci ne lui rend pas justice).

Poisson – Nicolas Floc’h, 7 jours et 40 km pour écrire le mot (et 500 kg de poissons pêchés).

Enfin le livre « mouvement de l’air », avec les machines de fumées de Jules-Étienne Maray, et leur éclairage sur la méthode graphique.
« La méthode graphique consiste à transcrire sur papier ou sur une surface sensible, par des mécanismes extrêmement subtils et ingénieux, les pulsations, vibrations, ondulations, secousses, tressaillements, frémissements, produits par tous les mouvements de tous les corps vivants ou inanimés. Le papier étant porté par un mécanisme à vitesse constante, le tracé ainsi obtenu représente, en fonction du temps, les diverses phases des changements qui se sont produits dans l’organe ou l’objet. Le graphique est une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps. L’acquisition de ces informations peut s’opérer soit en continu, soit à des instants déterminés. La méthode graphique a permis la connaissance, l’évaluation et donc, souvent, la maîtrise d’innombrables phénomènes relevant de la médecine, de la physiologie, des sciences naturelles et des différentes branches de la physique ».
Une image de la-dite machine et  un commentaire de cette méthode.

Puisque j’en suis à parler de mouvements de l’air, une autre méthode pour les explorer, et donc des résultats tout aussi différents chez
Timo Kahlen.

Le livre « Picturing Science, Producing Art » de Lorraine Daston et Peter Galison, que je n’ai pas encore lu, mais qui parait passionnant dans les questions soulevées, à suivre de ce côté là.

Et pour finir, je me souviens de ce spectacle de danse de Frédéric Flamand que j’avais vu à Exit (en 1999 je crois!), d’après Jules-Etienne Marey. Pas d’images ni vidéo en ligne..

Départ de La Paz (Californie du sud – Mexique) début Mars.

C(h)œur, écho et Fugue

 

3ème journée de résidence.
Notre premier échange (où chacun a présenté où il en était de ses expérimentations) a servit de synthèse et a permis de choisir ce que nous livrerions à Yannick pour qu’il puisse enclencher son travail d’écriture.
Nous avons consacré un temps à la relecture de « l’écriture de soit » de Foucault, le texte dont j’étais partie pour fonder le projet de recherche. Il reste d’actualité aujourd’hui, malgré le long chemin parcouru depuis l’année dernière : notamment dans le fait que nous sommes passés d’une pratique d’archives sur des supports artificiels de mémoire qui permet un tri d’éléments disparates vers une pratique d’archives sur supports artificiels de mémoire modifiés par les flux (où le tri se trouve remis en question).
Cette question du flux, essentielle dans la gestion des stocks de données sur internet, disqualifie presque systématiquement la question du tri, du choix, du corpus à constituer. Comment rester acteur de l’(auto-)archivage lorsqu’on est face aux flux ? Est-ce même encore la question à ce poser. Ne vaut-il pas mieux organiser les flux que de tenter de les stopper ?

À la relecture du texte, Yannick pointe combien est étrange ce passage, où Sénèque souligne que de plusieurs voix disparates l’on passe à une seule voix (le flux ?) qui les intègre toutes en son sein. Ce sera son point de départ, et de la née l’analogie que l’on pourrait faire au chœur.
Il propose donc une « lecture performative » qui mettrait plusieurs voix en jeu, qu’il nomme « unités ». 1. Unité de temps. 2. Unité de lieu. 3. Unité d’action. Trois voix séparées, mais en un jeu.
Ces unités, je les envisage tout de suite comme miroir aux 3 écritures séparées (mais présente au sein du même dispositif) que Barthes décrit dans son analyse du Bunraku :

« Les poupées de Bunraku ont de un à deux mètres de hauteur. Ce sont de petits hommes ou de petites femmes, aux membres, aux mains et à la bouche mobiles ; chaque poupée est mue par trois hommes visibles, qui l’entourent, la soutiennent, l’accompagnent : le maître tient le haut du visage découvert, lisse, clair, impassible, froid comme « un oignon blanc qui vient d’être lavé » (Bashô) ; les deux aides sont en noir, une étoffe cache leur visage ; l’un ganté mais le pouce découvert, tient un grand ciseau à ficelles dont il meut le bras et la main gauche de la poupée ; l’autre, rampant, soutient le corps, assure la marche. Ces hommes évoluent le long d’une fosse peu profonde, qui laisse leur corps apparent. Le décor est derrière eux, comme au théâtre. Sur le côté, une estrade reçoit les musiciens et les récitants ; leur rôle est d’exprimer le texte (comme on presse un fruit) ; ce texte est mi-parlé, mi-chanté ; ponctué à grands coups de plectre par les joueurs de shamisen, il est à la fois mesuré et jeté, avec violence et artifice. Suants et immobiles, les porte-voix sont assis derrière de petits lutrins où est posée la grande écriture qu’ils vocalisent et dont on aperçoit de loin les caractères verticaux, lorsqu’ils tournent une page de leur livret ; un triangle de toile raide, attaché à leurs épaules comme un cerf-volant, encadre leurs faces, en proie, elles à toutes les affres de la voix.

Le Bunraku pratique donc trois écriture séparées, qu’il donne à lire simultanément en trois lieux du spectacle : la marionnette, le manipulateur, le vociférant : le geste effectué, le geste effectif, le geste vocal. La voix : enjeu réel de la modernité, substance particulière du langage, que l’on essaye partout de faire triompher. Tout au contraire, le Bunraku a une idée limitée de la voix ; il ne la supprime pas mais lui assigne une fonction bien définie, essentiellement triviale.

Dans la voix du récitant, viennent en effet se rassembler : la déclamation outrée, le trémolo, le ton suraigu, féminin, les intonations brisées, les pleurs, les paroxysmes de la colère, de la plainte, de la supplication, de l’étonnement, le pathos indécent, toute la cuisine de l’émotion, élaborée ouvertement au niveau de ce corps interne, viscéral, dont le larynx est le muscle médiateur.

Encore ce débordement n’est-il donné que sous le code même du débordement : la voix ne se meut qu’à travers quelques signes discontinus de tempête ; poussée hors d’un corps immobile, triangulée par le vêtement, liée au livre qui, de son pupitre, la guide, cloutée sèchement par les coups légèrement déphasés (et par la même impertinents) du joueur de shamisen, la substance vocale reste écrite, discontinuée, codée, soumise à une ironie (si l’on veut bien ôter à ce mot tout sens caustique) ; aussi, ce que la voix extériorise, en fin de compte, ce n’est pas ce qu’elle porte (les sentiments), c’est elle-même, sa propre prostitution ; le signifiant ne fait astucieusement que se retourner comme un gant.

Sans être éliminée (ce qui serait une façon de la censurer, c’est-à-dire d’en désigner l’importance), la voix est donc mise de côté (scéniquement, les récitants occupent une estrade latérale) le Bunraku lui donne un contrepoids, ou mieux, une contremarche : celle du geste. Le geste est double : geste émotif au niveau de la marionnette (des gens pleurent au suicide de la poupée amante), acte transitif au niveau des manipulateurs. (…) Le Bunraku (c’est sa définition) sépare l’acte du geste : il montre le geste, il laisse voir l’acte, il expose à la fois l’art et le travail, réserve à chacun d’eux son écriture. La voix est doublée d’un vaste volume de silence, où s’inscrivent avec d’autant plus de finesse, d’autres traits, d’autres écritures. Et ici, il se produit un effet inouï : loin de la voix et sans mimique, ces écritures silencieuses, l’une transitive, l’autre gestuelle, produisent une exaltation aussi spéciale, peut-être, que l’hyperesthésie que l’on attribue à certaines drogues. »

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origine incertaine

filiation douteuse, mais qui n’empêche pas malgré tout une généalogie

liaison mal assurée

vie des mots comme vie aventureuse de voyageurs

bégaiements

reprises

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voix

v1 = unité de temps = un bel été

v2 = unité de lieu = un château, une villa, une maquette, un parc, un jardin

v3 = unité d’action = v4 & v5 s’appellent, s’interpellent, se cherchent, se trouvent, se perdent

v4 = une femme

v5 = un homme

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sommaire

Prologue

Schéma d’Alexander pour un dispositif possible pour la performance.

Prologue (texte en cours et provisoire), Yannick.

Il doit y avoir plusieurs manières de raconter cette histoire. Sans doute est-ce vrai de nombre d’entre elles, si ce n’est de toutes.

Mais ce n’est pas aux qualités du narrateur auxquelles je pense, ni aux équivalences qu’un récit peut subir dans le temps et l’espace, ni à ses variantes, et autres redéploiements ou ajustements. En disant qu’il doit y avoir plusieurs façons de narrer cette histoire, je ne pense pas non plus à la question des divers points de vue qui pourraient s’y exprimer, les différentes positions s’y affrontant correspondant au nombre des personnages. L’histoire devenant ainsi porteuse d’autres savoirs, d’autres impératifs.

Pour que cette histoire puisse être non seulement vraisemblable ou crédible, mais troublante, il fallait qu’elle soit vraie. Mais également qu’elle ne connaisse, ou ne possède pas de terme.

Il est bien possible qu’une histoire qui finie est une histoire finie, une histoire qui en a fini avec ce qu’elle avait a nous dire, avec sa puissance d’échos, son travail de résonnance qui accomplit une singulière manière d’habiter. Son point final se confond alors avec un fait.

En revanche, dire qu’une histoire n’a pas de fin, ce serait en quelque sorte lui donner carte blanche : elle se mettrait à disposition de tel ou tel conteur de son choix et, indéfiniment reprise, ferait à toute époque et en tout lieu qu’auditeur ou lecteur ne sache ou ne puisse,  plutôt que jamais l’achever, toujours l’inachever.

Prétendre qu’une histoire ne devrait pas connaître de dénouement, ce serait la considérer comme une exposition. Un bel été, un parc, un jardin, une longue allée centrale, des pelouses, des massifs de fleurs, des arbres, des haies de noisetiers, un château, une villa, une maquette, les terrasses, les balustrades, les baies vitrées, la chambre verte, la chambre bleue, la chambre noire, les salons, la bibliothèque, une vieille dame, une cuisinière, une jeune gouvernante, un jeune homme de passage.

Une histoire qui ne buterait sur nulle clôture inventerait, au sens de rencontrer, encore et sans fin des rapports et d’autres relations entre chacun des divers éléments qui la composent et semblent l’organiser, du jeu, de nouveaux aperçus, d’autres complémentarités, des arrêts, des effleurements compatibles, des bifurcations comme des familiarités incommodes, du jour et des jours. Elle laisserait filtrer à travers les grilles de l’entrée principale des choses devinées, à peine distinguées, plus ou moins entendues ou déchiffrées. Une porte, qu’elle ouvre vers un mur, donne un mur plus qu’elle ne donne sur un mur, et alors, c’est à connaître, autorise une porte. Cette histoire, et c’est peut-être en cela qu’elle ne cesse de me convier, j’en pourrai dire, depuis que j’ai commencé à parler, que parlant j’ai nécessité de la redistribuer.

 

 

 

Auto-archivage immédiat – La Chartreuse

Le programme de recherche « De l’auto-archivage immédiat » de l’EESAB se déplace pour une résidence d’écriture à la Chartreuse CNES du 17 au 28 octobre.
Y seront donc présents : Yannick Liron, Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer, Julie Morel, ainsi que deux étudiants de l’EESAB (Alexander Morel et Gwendal Deshayes).
Rappel de cette résidence :
« Si l’apparition des blogs et autres types de stockage partagés en ligne a permis un nouveau type d’archivage : l’auto-archivage immédiat, qui, non figé, se reconstitue en permanence et sur lequel le lecteur peut interagir. La ligne de recherche De l’auto-archivage comme œuvre, initiée par l’École européenne supérieure d’art de Bretagne à Lorient, réunit artistes et critiques autour de la création d’une plateforme en ligne explorant cette oeuvre-archive qui inclut sa genèse, ses hésitations, ses retours, ses commentaires, ses silences, sa réception. La résidence à la Chartreuse prolonge cette recherche en proposant à un auteur – Yannick Liron – et un performeur – Damien Schultz – de travailler à partir des textes et médias générés par cette plateforme, sur des modalités liées aux flux. Ces données serviront de base pour expérimenter la production d’un texte destiné à être performé ».

Cette extension « hors les murs » du projet de recherche permettra de réaffirmer que la pratique artistique en temps que telle fait recherche et que les méthodologies que l’on inventent lors de production d’œuvres sont valident pour produire une recherche dont les « outputs » (propositions conceptuelles & plastiques, théoriques, éditoriales et autres restitutions) dialoguent et s’enrichissent les unes les autres.
Cette extension prolonge la recherche entamée (collectivement ou individuellement) et là malmène parfois,  dans un glissement de médium. Proposer à un auteur et un performeur de travailler à partir des textes et médias générés par la plateforme, c’est d’abord proliférer dans d’autres domaines que celui assignés à cette recherche, mais en gardant les modalités (flux, langage, archivages immédiats).

 

Exemplaire

Julie Morel

Dans quelques semaines sera imprimé mon catalogue « My Life is an Interactive Fiction » qui regroupe différents projets textuels et interactifs..
Quelques jours avant d’aller faire le BAT à l’imprimerie, se sera mon anniversaire. Et cette année je reprends mon habitude de produire un projet à quelques jours de cette date : Un cadeau à moi-même, une proposition parfois sans enjeux de départ si ce n’est le plaisir de réfléchir et produire un travail qui n’aurait une signification que pour moi.
J’avais déjà différentes pistes en tête, parfois un peu floues :
– partir d’une liste de mes 10 projets artistiques préférés (C’est extrêmement difficile de faire le choix de 10 projets qui auraient réellement comptés!),
– un travail autour de Morellet (parce que j’adore son travail et partage quelques lettres de son nom),
– la chironomie…
Mais la coïncidence qui lie la sortie du catalogue et mon anniversaire semble s’imposer comme la plus vivante et la plus valide.

Comment aborder la chose?
Depuis un petit moment aussi j’avais envie de produire quelque chose sans importance, sans valeur, qui n’aurait une signification que dans cette raison, et au regard du catalogue à venir, je me demande comment exploiter cela.
D’un autre côté, l’idée de reproduire à l’identique un travail que j’ai déjà fait me démange aussi depuis un moment, en réalité depuis que le Magasin à Grenoble a abimé l’un des dessins que j’exposai et que je dois le redessiner à l’identique pour toucher l’assurance. Processus absurde s’il en est car cela supposerait une copie exacte (impossible vu le dessin), et de plus ce processus ne prend pas en compte la valeur du travail 2 fois accompli mais seulement le résultat….
Aussi ces envies pourraient-elles donner lieu à une expérimentation.

Le catalogue en question sera tiré à 600 exemplaires mais je pourrai travailler à un exemplaire en plus, un exemplaire unique. Un faux semblant, sans aucune valeur/qualité, une version basse définition, une maquette presque – mais qui contrairement à une maquette fonctionnelle, vient au même moment que le catalogue lui-même.
D’après le devis demandé la semaine dernière au magasin de photocopie, je constate que cet exemplaire unique – malgré sa « mauvaise » qualité – coute plus cher (environ 2 fois 1/2) à produire qu’un exemplaire imprimé en quadri / offset.
J’ai donc décidé de faire produire un exemplaire en photocopies couleurs sur papier machine, avec reliure thermocollée.
En voici le résultat : à gauche le catalogue unique de basse qualité, à droite le catalogue identique à 600 autres, mais de bonne qualité.

A ta place

Quelle place de la technique dans l’art ?

Samedi 22 octobre 2011 à 11 h 30.
A la Maison Populaire, dans le cadre de la résidence Rheum Nobile.
Avec Julie Morel, artiste, et Claire Grino, philosophe, université Laval (Québec)

Des rapports étroits sont entretenus entre l’art et les technologies. Dans des pratiques artistiques qui utilisent les matières et les matériaux technologiques, qu’il s’agisse alors des questions suscitées par les biotechnologies, ou du débat entre les techno-prophètes et les technophobes, ces rapports laissent entrevoir des possibilités d’expression radicalement nouvelles, mettant directement en question le rapport entre la biologie des corps et les représentations sociales qui construisent et structurent ce rapport.
> Le site de la maison pop

A ta place (en cours d’écriture)

Dans le cadre de ma résidence à la maison populaire, j’ai convié Claire Grino, philosophe et enseignante à l’université Laval (Québec), à venir échanger autour de la notion de technique en philosophie.

La rencontre aura lieu le 22 octobre à 11h, à la Maison populaire, à l’occasion d’un « brunch numérique« .
Je suis contente que cette rencontre prenne cette forme, celle d’un petit déjeuner tardif…

J’ai rencontré Claire à Québec lors d’un vernissage. Nous avons sympathisé et décidé de nous retrouver le dimanche suivant autour d’un brunch justement. Ce moment a vite tourné à l’échange sur nos deux pratiques, elle la philosophie, moi les arts visuels. Elle me parlait de ce qu’elle connaissait ou cherchait, et je pouvais tracer des parallèles, comparer, trouver des points communs ou des divergences, dans ma pratique, lui en faire part – et inversement.
Cette manière de confronter deux univers, qui parfois se superposent, parfois s’opposent, a été enrichissante pour moi : problématiser certaines notions, en apprendre plus sur le féminisme (son domaine de prédilection) ou sur Foucault (ce qui a plus tard mené au projet de recherche sur l’auto-archivage immédiat…), voir une pensée en train de se faire lors de discussions, ou encore digresser vers des sujets que l’on n’attend pas…
Ces rencontres matinales hebdomadaires ont duré quelques semaines (le temps de ma résidence à Québec) puis se sont réitérées lorsque l’une ou l’autre visitait la France ou le Québec.
Pour cette session à la maison pop, j’espère que nous retrouverons ce contexte propice à la discussion, et à la découverte de l’autre par le biais d’une pratique. J’espère aussi que les personnes qui viendront partager ce moment prendront part à la discussion, et que nous pourrons avancer ensemble. : )

A ta place.
La place de la technique dans l’art : si j’ai proposé ce thème, c’est que j’avais envie d’éclaircir la question de la technique (que j’envisage comme un ensemble constitué d’outils/appareils/instruments et de méthodes), elle qui m’accompagne tous les jours dans mon travail sans jamais être interrogée.
Quel est le rapport entre technique et technologie. Y-a-t-il plus de techné dans ta techno que dans les autres domaines du travail artistique, de quelle nature ? Quel est la place de la technique dans une pratique artistique ?
Je ne sais pas, j’en sais assez peu finalement. Et j’essaye de faire le point.

Mon premier réflexe a été d’aller sur Wikipedia pour avoir une définition générale. À la lecture de certains articles,  il semblerait qu’il existe un véritable enjeux politique et économique dans les notions de technique et de savoir-faire.
J’ai été réellement surprise de la grande part de subjectivité, de morale et même de propagande contenues dans certains articles relatifs à ces questions sur Wikipédia. Très souvent, la question n’est abordée que du point de vue économique… C’est une question intéressante à traiter (pourquoi cet angle de vision ?), mais c’est un peu tôt pour une digression, je me suis donc désintéressée de cette source d’information et de cette question (pour le moment), pour repartir sur ce que je connaissais et faire le point (article à venir).

Pour structurer la rencontre, je me suis dit qu’il faudrait partir de quelques chose de tangible : une proposition déjà existante. J’ai donc choisi « Partition » car il y existe quelques embryons de choses que je cherche à développer dans Rhéum Nobile. L’idée est donc de partir de notions présentes dans Partition, et de les interroger pour tracer un chemin possible vers la grande inconnue qu’est Rhéum Nobile.

Quelques mots clés, en amont de notre rencontre :

– Outils & instruments
– Tournant machinique la sensibilté
– Obsolescence (programmée ou pas, objective ou subjective)
– Nature & artifice
– Artifice & technique

 

Béquilles

Un été à la campagne. Pas d’internet, pas de « réflexions en cours via le blog » mais du soleil et de la tranquillité. À mon retour, envie de me replonger dans les projets sans enjeux, les projets anniversaires.
Quelques notes, en vrac, sans queue ni tête pour le moment, mais un début de recherche pour le prochain projet anniversaire du 5 novembre.

Vie d’artiste. Construire des robots (immobiles mais amoureux), une machine célibataire (in-memoriam), prendre le train tard et somnoler, prévoir un voyage en mer, très loin, reprendre ces questions de on/off, d’activation d’archives, de vie connectée .
Pourrait-on comparer le « faire de l’art » à la chironomie ? Si la chironomie c’est l’action qui consiste à mettre de l’ordre dans le mouvement mélodique, par un geste de la main, alors on s’en approche… Ou alors, ce serait plutôt de célébrer le désordre de la vie (le mouvement mélodique) par un geste de la main.

Un site internet un peu étrange, d’un label un peu étrange aussi…

une valise…

Et Theremin

Organologie

« La musique invente, construit, fait des corps. Nos corps, mais qu’il nous reste à lire et relire.
Ce sont non seulement des corps techniques – ces prothèses, ces artefacts que forment les instruments –, mais aussi des corps vivant d’une vie étrange, fantomatique et survivante : aussi inouïs qu’une main avec plus de cinq doigts, que des pieds qui respirent tels des poumons, qu’un toucher à distance et sans contact.
L’Organologie, cette respectable discipline qui recense les corps sonores, est ici interrogée et quelque peu malmenée dans son corpus séculaire, pour qu’elle livre ce qu’elle recèle et préfère généralement cacher : des organes inédits, des hybridations et des greffes sorties d’une fiction agissante, des monstres et des chimères qui guettent l’occasion pour prendre corps, en effet(s).
Au-delà de ces corps singuliers que la musique compose et dépose, ce sont enfin des figures d’un corps collectif, “social ”, qui surgissent au milieu d’un appareillage d’innervations à distance, télépathiques. »
Peter Szendy

Se tendre

La Carte de Tendre est la carte d’un pays imaginaire appelé « Tendre » imaginé au XVIIe siècle et inspiré par Clélie, Histoire romaine de Madeleine de Scudéry, par différentes personnalités dont Catherine de Rambouillet. On retrouve tracées, sous forme de villages et de chemins, dans cette « représentation topographique et allégorique », les différentes étapes de la vie amoureuse selon les Précieuses de l’époque. On attribue à François Chauveau[2] la gravure de cette carte figurant en illustration dans la première partie de Clélie, Histoire romaine.

Tendre est le nom du pays ainsi que de ses trois villes capitales. Tendre a un fleuve, Inclination, rejoint à son embouchure par deux rivières, Estime et Reconnaissance. Les trois villes de Tendre, Tendre-sur-Inclination, Tendre-sur-Estime et Tendre-sur-Reconnaissance sont situées sur ces trois cours d’eau différents. Pour aller de Nouvelle-Amitié à Tendre-sur-Estime, il faut passer par le lieu de Grand-Esprit auquel succèdent les agréables villages de Jolis-vers, Billet-galant et Billet-doux. Dans cette sorte de géographie amoureuse, le fleuve Inclination coule tranquillement car il est domestiqué tandis que la Mer est dangereuse car elle représente les passions. La seule Passion positive est celle qui est la source de nobles sentiments que l’homme peut éprouver. Le lac d’Indifférence représente l’ennui.
Source : Wikipédia.

« Vous vous souvenez sans doute bien, madame, qu’Herminius avait prié Clélie de luy enseigner par où l’on pouvoit aller de Nouvelle-Amitié à Tendre : de sorte qu’il faut commencer par cette première ville qui est au bas de cette Carte, pour aller aux autres ; car afin que vous compreniez mieux le dessein de Clélie, vous verrez qu’elle a imaginé qu’on peut avoir de la tendresse pour trois causes différentes ; ou par une grande estime, ou par reconnoissance, ou par inclination ; et c’est ce qui l’a obligée d’establir ces trois Villes de Tendre, sur trois rivières qui portent ces trois noms, et de faire aussi trois routes différentes pour y aller. Si bien que comme on dit Cumes sur la Mer d’Ionie, et Cumes sur la Mer Tyrrhène, elle fait qu’on dit Tendre sur Inclination, Tendre sur Estime, et Tendre sur Reconnoissance. Cependant comme elle a présupposé que la tendresse qui naist par inclination, n’a besoin de rien autre chose pour estre ce qu’elle est, Clélie, comme vous le voyez, Madame, n’a mis nul village le long des bords de cette rivière, qui va si vite, qu’on n’a que faire de logement le long de ses rives, pour aller de Nouvelle Amitié à Tendre. Mais, pour aller à Tendre sur Estime, il n’en est pas de mesme : car Clélie a ingénieusement mis autant de villages qu’il y a de petites et de grandes choses, qui peuvent contribuer à faire naistre par estime, cette tendresse dont elle entend parler. En effet vous voyez que de Nouvelle Amitié on passe à un lieu qu’on appelle Grand Esprit, parce que c’est ce qui commence ordinairement l’estime ; ensuite vous voyez ces agréables Villages de Jolis Vers, de Billet galant, et de Billet doux, qui sont les opérations les plus ordinaires du grand esprit dans les commencements d’une amitié. Ensuite pour faire un plus grand progrès dans cette route, vous voyez Sincérité, Grand Cœur, Probité, Générosité, Respect, Exactitude, et Bonté, qui est tout contre Tendre : pour faire connoistre qu’il ne peut y avoir de véritable estime sans bonté : et qu’on ne peut arriver à Tendre de ce costé là, sans avoir cette précieuse qualité. Après cela, Madame, il faut s’il vous plaist retourner à Nouvelle Amitié, pour voir par quelle route on va de là à Tendre sur Reconnoissance. Voyez donc je vous en prie, comment il faut d’abord aller de Nouvelle Amitié à Complaisance : ensuite à ce petit Village qui se nomme Soumission ; et qui en touche un autre fort agréable, qui s’appelle Petits Soins. Voyez, dis-je, que de là, il faut passer par Assiduité, pour faire entendre que ce n’est pas assez d’avoir durant quelques jours tous ces petits soins obligeans, qui donnent tant de reconnoissance, si on ne les a assidûment. Ensuite vous voyez qu’il faut passer à un autre village qui s’appelle Empressement : et ne faire pas comme certaines gens tranquiles, qui ne se hastent pas d’un moment, quelque prière qu’on leur face : et qui sont incapables d’avoir cet empressement qui oblige quelques fois si fort. Après cela vous voyez qu’il faut passer à Grands Services : et que pour marquer qu’il y a peu de gens qui en rendent de tels, ce village est plus petit que les autres. Ensuite, il faut passer à Sensibilité, pour faire connoistre qu’il faut sentir jusques aux plus petites douleurs de ceux qu’on aime. Après il faut, pour arriver à Tendre, passer par Tendresse, car l’amitié attire l’amitié. Ensuite il faut aller à Obéïssance : n’y ayant presques rien qui engage plus le cœur de ceux à qui on obéit, que de le faire aveuglément : et, pour arriver enfin où l’on veut aller, il faut passer à Constante Amitié, qui est sans doute le chemin le plus seur, pour arriver à Tendre sur Reconnoissance. Mais, Madame, comme il n’y a point de chemins où l’on ne se puisse esgarer, Clélie a fait, comme vous le pouvez voir, que ceux qui sont à Nouvelle Amitié, prenoient un peu plus à droit, ou un peu plus à gauche, ils s’esgareroient aussi ; car si au partir du Grand Esprit, on alloit à Négligence, que vous voyez tout contre sur cette Carte ; qu’ensuite continuant cet esgarement, on allast à Inesgalité ; de là à Tiédeur ; à Légèreté ; et à Oubly ; au lieu de se trouver à Tendre sur Estime, on se trouveroit au Lac d’Indifférence que vous voyez marqué sur cette Carte ; et qui par ses eaux tranquiles représente, sans doute fort juste, la chose dont il porte le nom en cet endroit. De l’autre costé, si au partir de Nouvelle Amitié, on prenoit un peu trop à gauche et qu’on allast à Indiscrétion, à Perfidie, à Orgueil, à Médisance, ou à Meschanceté ; au lieu de se trouver à Tendre sur Reconnoissance, on se trouveroit à la Mer d’Inimitié, où tous les vaisseaux font naufrage ; et qui par l’agitation de ses vagues, convient sans doute fort juste avec cette impétueuse passion, que Clélie veut représenter. Ainsi elle fait voir par ces routes différentes, qu’il faut avoir mille bonnes qualitez pour l’obliger à avoir une amitié tendre ; et que ceux qui en ont de mauvaises, ne peuvent avoir part qu’à sa haine, ou à son indifférence. Aussi cette sage fille voulant faire connoistre sur cette Carte qu’elle n’avait jamais eu d’amour, qu’elle n’auroit jamais dans le cœur que de la tendresse, fait que la Rivière d’Inclination se jette dans une mer qu’on appelle la Mer Dangereuse ; parce qu’il est assez dangereux à une femme, d’aller un peu au delà des dernières bornes de l’Amitié ; et elle fait ensuite qu’au delà de cette Mer, c’est ce que nous appelons Terres Inconnuës, parce qu’en effet nous ne sçavons point ce qu’il y a, et que nous ne croyons pas que personne ait esté plus loin qu’Hercule ; de sorte que de cette façon elle a trouvé lieu de faire une agréable morale d’amitié, par un simple jeu de son esprit ; et de faire entendre d’une manière assez particulière, qu’elle n’a point eu d’amour, et qu’elle n’en peut avoir. »
Madeleine de Scudéry

La version plus contemporaine de La carte de Tendre (Bernard Villers)

 

The Clipperton project, collecte et navigation

Ca y’est ! Je suis en train de définir ce je vais réaliser dans le cadre de ma participation au projet Clipperton.
Quelles notes, comme elles viennent…
The Clipperton Project réunit une dizaine de chercheurs et environ six artistes, qui partiront à l’automne 2011 sur 2 voiliers, depuis Acapulco à destination de l’île de la Passion (plus connue sous sa dénomination anglaise « Clipperton » – du nom du corsaire qui y séjourna).
Les chercheurs se concentreront sur des questions relatives au changement climatique (ayant un impact très important sur cet atoll d’eau douce) notamment parce que c’est une zone de formation cyclonique et la biosphère de son environnement.
Les artistes participants produiront un travail se basant sur le passé historique de l’atoll, son histoire écologique, géologique et humaine, dans le but de dresser un portrait interculturel de cette île unique au milieu de Pacifique. Les travaux seront exposés dans certains espaces internationaux entre 2011 et 2014, entre autres the Institute of the Americas (Londres), Glagow Sculpture Studios (Glasgow) et Universum (Mexico City), etc.

Pour moi l’enjeu du projet est à la fois double, et la proposition que j’ai soumise tourne plutôt autour de la mission que de l’île elle-même :
– parler de cette collaboration entre artistes et scientifiques (auquel à priori je ne crois pas – car je la crois fondée sur des interprétations différentes du mot recherche). Je vais donc me concentrer dans un premier temps sur les idées et le vocabulaire communs aux deux champs de recherche (art, science). J’aimerai ensuite faire une proposition, sur internet, en me servant des données relevées par les scientifiques sur l’île.
Je vais aussi partir sur deux notions communes au vocabulaire de la mission et au vocabulaire d’internet : « collecte et navigation ».
– parler de ce qui semble être l’exploration d’une sorte d’hétérotopie* : un espace concret qui héberge l’imaginaire, à la fois réel et fantasmé au même moment, et qui fonctionne dans des conditions non-homogénique (j’en ai déjà un tout petit peu parlé avec Alex, coordinatrice du projet…).

Et puis dans les idées un peu plus saugrenues, pourquoi pas ne pas travailler autour de la création de timbre poste, d’un projet de mail art, puisque cette île inhabitée possède un code postal (98799 – Je vais essayer de connaître sa fonction).
… Si vous avez du courrier à poster cette automne pour l’île de la Passion, vous pouvez me le confier.

Et ce soir, je me plonge dans l’atlas des îles abandonnées.

 

 

« Le virus s’appelait I love you », vernissage

Vernissage à Idron de la pièce « Le virus s’appelait I Love you ».
J’ai choisi d’implanter la pièce près de l’entrée du château, qui est utilisé pendant toute la période où la pièce sera visible (5 mois) pour des mariages.
Le néon sur le devant du robot s’éteint lorsqu’on passe tout près, ou lorsqu’une personne monte les escaliers du château – qui sert donc pour les réceptions…
Il faut donc se tenir tranquille pour que le néon soit allumé.
À l’occasion du vernissage, la détection a été inversé, car il y avait trop de monde allant-venant et le néon aurait été éteint tout le temps.

Le virus s’appelait I Love You, Vernissage au château d’Idron, le 20 mai 2011 à 19h

Le vendredi 20 mai 2011à 19h, aura lieu le vernissage de ma pièce « Le virus s’appelait I Love You », dans le parc du château d’Idron (juste à côté de Pau), réalisée lors de la résidence à l’espace d’art contemporain le Bel Ordinaire et qui sera exposée dans l’espace public pendant 6 mois.

Œuvre visible du 20 mai 2011 à fin septembre 2011.
Parc du château
– Accès libre
4 avenue de Beaumont
64320 Idron.


Julie Morel, « Le virus s’appelait I Love You »

 » Cette proposition destinée au parc du château d’Idron prend la forme d’un robot rudimentaire d’environ 5 mètres de haut et de 2 mètres de large.
Ce qui frappe immédiatement le promeneur ou le spectateur, c’est la différence plastique entre les 2 matériaux utilisés : du bois brut pour la structure du robot, et un néon fragile et brillant sur son torse, où l’on peut lire l’inscription « LOVE ». On voit aussi sur l’un des pieds du robot ce qui est probablement un n° de série, ou une date de fabrication : 04-05-2000.
La pièce, qui au premier abord peut être envisagée sous une simple forme poétique, est en réalité un déplacement de langage & de médium.
«I love you» est le nom d’un ver informatique apparu pour la première fois le 4 mai 2000 et qui s’est répandu en 4 jours sur plus de 3,1 millions d’ordinateurs. Ce virus est ce que l’on appelle en langage informatique un «bot» (contraction de Robot). Un bot est un agent logiciel automatique ou semi-automatique, qui permet d’automatiser des tâches et de se reproduire rapidement.
La proposition joue avec ces éléments et les matérialise dans un espace physique anachronique, ce qui en multiplie les interprétations possibles et brouille les pistes. Le robot apparaît clairement comme un élément étranger dans ce parc : c’est un cheval de Troie – terme également utilisé dans le jargon des virus informatiques – sa fonction est d’introduire illicitement des données dans un espace donné. »

Merci à Florence de Mecquenem, Claire Lambert et Bruno Cornet pour leur aide et leur soutien, ainsi que toutes les personnes qui ont aidées à la construction et à la réalisation de ce projet, au Bel ordinaire et à Idron (Fred, Jean-Christophe, Aurélia, Evelyne…) !

 

En chantier (2)

Suite du chantier « Le virus s’appelait I Love You » : aujourd’hui plan de montage du néon sur le devant du robot, avec test et une petite frayeur car le néon ne voulait plus marcher (avant de découvrir qu’une des diodes était mal connectée…). Je n’ai pas encore eu le temps de choisir la hauteur des taquets (pour le moment ils sont au maximum, donc la lumière est assez diffuse et je me demande si ce ne serait pas mieux plus près de la planche : un autre essais une fois qu’elle sera peinte en noir). Pendant ce temps, Bruno et Fred commencent à monter les jambes sur les pieds, ce qui n’est pas une mince affaire.
Et pour finir, une image des cartons d’invitations partis cette semaine : rdv vendredi prochain pour le vernissage, avec au menu : cookies & spam : )

En chantier

C’est ma troisième semaine au Bel Ordinaire à Pau, et la construction du robot avance à bon train. C’est parfois le casse-tête au niveau de la conception, car nous n’avons pas de tasseaux carrés (plus de stock!). Il ne nous reste que la partie centrale à finir (mais elle est conséquente), et les oreilles : )

Hier j’ai fait une découpe de la maquette (20cm de haut) avec le craft robot et comme il n’y avait plus personne et que je travaillais dans le jardin, un peu désœuvrée, j’ai pris des photos de ma maquette en situation ; )
Ce matin le néon était enfin fini. Je suis contente du résultat au delà de mes espérances. J’avais un peu peur de mon choix (que ce soit le gaz qui soit rouge et non pas tout le néon – et donc qu’il ne ressorte pas suffisamment). Mais le « rouge pyrex » est vraiment lumineux. Ce qui me surprend, et ce à chaque fois, c’est qu’il y a un côté magique à travailler avec du néon, c’est encore plus le cas quand le gaz n’a pas la même couleur que le verre…
Et puis j’ai fait des essais : poser les néons sur différentes matières, notamment sur du bois peint en noir, car l’envie me trottait dans la tête depuis que j’avais fait le visuel pour le carton d’invitation (rouge sur fond noir) de ne pas laisser le bois brut, mais de le peindre en noir.
En parlant avec Bruno, le régisseur du Bel ordinaire pour voir ce qu’il pensait de l’idée en terme de faisabilité/réalisation, je me suis décidée, et plus ça va, plus je pense que c’est juste : cela donnera une dimension plus noir (c’est le cas de le dire) au robot : un côté énigmatique et moins maquette… peut-être aussi qui le rapproche du virus informatique et l’éloigne de la simple sculpture.

Robot Love

Je reviens d’un repérage à Idron (banlieue de Pau), où je vais produire la pièce « Le virus s’appelait I Love You » dans le cadre des résidences du Bel Ordinaire.
Plein de choses à résoudre après cette visite, et un choix à faire entre 2 possibilités principales d’implanter le robot :
– À côté de l’espace de jeux pour enfants (comme un élément de plus dans ce qui est proposé pour s’amuser ?)
– Devant la maison (et dans ce cas, face à la maison ou le dos tourné à celle-ci ?). L’intérêt de la maison (située dans un parc très utilisé dès qu’il fait beau), c’est qu’elle est très souvent louée pour des mariages. Alors je ne peux que sourire au fait d’avoir ce néon titrant « Love » juste devant, d’autant que j’envisage que le néon soit réactif au passage des personnes entrant dans le château (néon allumé en permanence, et s’éteignant lorsque l’on s’en approche).

Si la taille de mon robot semble fixée (elle est fonction des proportions du château et de ce qu’il est réalisable), en revanche, sa forme définitive reste à déterminer cette semaine. Plusieurs questions sont donc à résoudre :
– Je me demande toujours si le robot doit être de sexe féminin ou masculin. Après différentes recherches, il semblerait que la robotique actuelle intègre assez systématiquement les sexes dans la conception de robots, mais pas franchement de façon progressiste (le robot femme est souvent un robot sexuel, ou un robot aide-soignant, ou d’accueil de public – bonjour les clichés).
De même les robots asexués ou méta-sexués (ou hermaphrodite, hybride, ou post-genre, etc.) semblent quasi-inexistants, ce qui constituerait pourtant une piste intéressante.
– les formes que j’ai pu dessiner ces derniers temps partaient d’une volonté d’avoir une forme très générique de robot. Je me suis donc demandée « ce qui faisait robot ». Quels sont les spécificités formelles minimales pour constituer un robot ?

Je constate que ces spécificités étaient déjà présentes dans les robots des années 30 : Il s’agit d’abord de formes androïdes (= « qui ressemble à un Homme »), donc raides et carrées, un humain schématisé.
Quelques éléments sont récurrents dans cette figure, certaines logiques (les articulations proéminentes), d’autres obscures (la ceinture, quasi toujours présentes – non pas pour que les robots ne perdent pas leur pantalon ; ) …alors peut être une référence aux outils ?)
Malheureusement, utiliser ces éléments s’avère difficile car ils font tomber la forme dans une esthétique proche de celle des Playmobils et il faut que j’évite cette confusion pour que le message soit clair…
Dimensions à ce jour :
– Hauteur du robot : 4m60
Largeur du robot : 1m40
– Hauteur du néon : 45cm
Largeur du néon : 1m25

– Matériaux : Après avoir fait le point avec Bruno, le régisseur du Bel Ordinaire, nous nous sommes fixés sur une structure en bois avec un habillage en contre-plaqué. C’est donc un robot à l’allure très rudimentaire, et au matériau très minimaliste. Je me pose donc aussi la question de faire apparaître les attaches (clous invisibles ou boulons comme éléments décoratifs ?).

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Rien à voir et pourtant…
Au fil de mes recherches et lectures (je relis le manifeste cyborg que j’avais abandonné l’année dernière), je suis tombée sur la définition de l’ontologie en informatique. J’ai trouvé cette définition intéressante parce que finalement très ouverte aux interprétations dans d’autres domaines. Car en effet si l’objectif premier de cette ontologie est de modéliser un ensemble de connaissances dans un domaine donné réel ou imaginaire, alors je me dis qu’elle pourrait être expérimentée (de façon assez drôle) comme méthodologie de travail/de recherche en art.
Et j’ai aussi pensé à mes étudiants qui sont en train d’écrire leur mémoire, et pour qui la tâche est difficile car ce qu’on leur demande comme résultat est loin de leur préoccupation de praticiens. Faire ce parallèle pourrait être un bon outil de structuration pour l’écriture de ce mémoire, beaucoup plus proche de ce qu’ils expérimentent tous les jours de manière pragmatique. Encore faut-il que leurs a priori sur l’informatique ne les rebutent pas ; )

Et puis aussi, j’ai découvert que « Underground » était disponible en anglais en ligne, pour ceux qui aiment les histoires de virus informatiques et hackers, c’est .

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Et pour finir, something completely different…

Vernissage à Plateforme

Le vernissage est une norme de présentation d’exposition inadaptée et peu généreuse. Depuis longtemps je me demande comment expérimenter une autre forme : quelque chose de plus proche du geste artistique, plus sincère et prolongeant le travail présenté.
Le lancement d’une exposition devrait être en cohérence avec la proposition artistique, l’ouvrir, voir en donner un instant une autre interprétation, ou encore même la remplacer (je pense par exemple à la démo), la questionner.
Dans mon idée, il faudrait aussi garder cet élément de rencontre sociale qui reste au cœur de cet évènement, mais en le rendant moins contraint & artificiel.
L’exposition « Bonus Track » à Plateforme m’a donnée l’occasion d’envisager et détourner la fonction de cet évènement dans son ensemble. J’ai en effet proposé à Laurie Bellanca et Phabrice Petit Demange des Lumineuses fièvres de travailler à un « bonus track » (= une chanson en plus) d’après un des morceaux du CD audio « Partition » qui est au cœur de l’expo, puis de faire un concert devant un néon, celui là même qui annonce : Bonus Track.
La soirée d’ouverture a donc été rythmée par des quart-d’heures américains – leur marque de fabrique – toutes les heures environ. Les visiteurs se sont rapidement pris au jeu, et victime de son succès, le vernissage s’est terminé vers 4h du matin ; )

Je suis très contente de cette proposition et c’est une chose que je n’aurais pas pu faire sans le concours des Lumineuses fièvres et de l’équipe de Plateforme (notamment Nicolas Maigret qui m’a aidé toute cette journée de montage).

Quelques photos prises par Vadim Bernard lors de cette soirée…
Et un article à propos de l’exposition, de Marie Lechner dans Libération.

Rheum Nobile – Résidence à la maison populaire, Montreuil

Dans le prolongement de mon exposition au Bon accueil à Rennes où je montrais des néons et un dispositif liés à la lumière, me voici maintenant (j’en ai eu la confirmation pas Jocelyne Quélo la semaine dernière : ) en résidence in Situ à la Maison Populaire pour 1 an…
J’y développerai un projet en trois volets, intitulé Rheum Nobile.
« Rheum nobile » est un principe de travail qui permettra d’expérimenter un ensemble de dispositifs interactifs qui interrogent la matérialité du réseau, par le biais de la lumière artificielle. Si pour Marshall McLuhan la lumière artificielle est un médium qui ne dit rien mais qui est « capable de créer un environnement par sa seule présence », elle est aussi, pour peu qu’on l’éteigne un instant, révélatrice de l’absence liée à la pratique du réseau.

Lors de cette résidence de recherche, qui sera dans un premier temps très expérimentale, trois installations principales seront développées, qui interrogeront nos mécanismes de perception et la façon dont la lumière peut influencer l’appréhension des lieux que nous pratiquons. Ces installations couvriront divers territoires :

– une proposition dans l’espace public : Rheum Nobile, des photos de cette plante éponyme et des expérimentations plastiques dans des sucettes JC Decaux… Sachant que cette plante ne pousse qu’à plus de 4000m d’altitude et dans certaines conditions, je suis en train de me renseigner sur la meilleure période pour aller au Népal !
– une proposition dans un espace d’exposition : où je voudrais me lancer dans la production d’images en encre phosphorescente grand format ou directement à même le mur de la salle d’exposition. Et qui utiliserait un dispositif lumineux on/off (que j’avais voulu mettre ne place au Bon accueil, mais le temps nous a manqué). Cette installation devrait s’appeler « Light my Fire » – parce que j’ai horreur des Doors ; )
– la dernière dans un espace privé : probablement une réactivation de mon projet « Sweet Dream« , et là tout est encore à construire.
Le projet s’accompagnera aussi d’une extension sous forme de site internet et d’une publication, qui viendront vers la fin de la résidence (au printemps 2012).

04-06-00 / Le virus s’appelait I Love You – Résidence au Bel Ordinaire

Le mois prochain, je commencerai ma résidence au Bel Ordinaire (l’espace d’art contemporain aux Abattoirs, Pau).

Pour cette résidence dans l’espace public, j’ai fait une proposition en volume dans le parc du château d’Idron. Cette production prendra la forme schématique d’un robot, d’environ 5 mètres de haut et de 2 mètres de large.
Ce qui frappe immédiatement le promeneur ou le spectateur, c’est la différence plastique entre les 2 matériaux utilisés pour celui-ci : du bois rugueux et brut pour la structure du Robot, et un néon, fragile, brillant sur le devant de celui-ci.
On peut aussi voir, sur l’un des pieds du robot, une petite inscription qui est probablement un n° de série, ou une date de fabrication : 04-06-2000. Sur le devant, on peut lire l’inscription en néon : LOVE.

La proposition, qui au premier abord peut être envisagée sous une simple forme poétique, est en réalité un déplacement de langage & de médium.
«I love you» est le nom d’un ver informatique apparu pour la première fois le 4 mai 2000. Il s’est répandu en quatre jours sur plus de 3,1 millions de machines dans le monde, et l’on estime les dommages liés à ce virus à plusieurs millions de dollars. Ce virus est ce que l’on appelle en langage informatique un «bot» (contraction de Robot). Un bot est un agent logiciel automatique ou semi-automatique, qui permet d’automatiser des tâches et de se reproduire rapidement. La proposition joue avec ce virus et le matérialise dans l’espace, ce qui en multiplie les interprétations possibles et brouille les pistes.
Le robot apparaît clairement comme un élément anachronique dans le parc du château : c’est un cheval de Troie – terme également utilisé dans le jargon des virus informatiques – sa fonction est d’introduire une porte dérobée entre un univers codé, & inconnu dans le lieu de son implantation.

Ce qui est intéressant pour moi, c’est à travers ce projet d’explorer un genre (le « Néon » – ce que j’avais commencé avec mon dernier projet : Partition), et une thématique de l’art contemporain souvent considéré comme mineur et banal : la relation amoureuse, et de la lier avec un autre genre considéré encore comme mineur (à tord ; ) : l’art numérique et le hacking.
Mon but n’est pas de faire un projet de hacking (ou alors si, mais sous forme low-tech & non technologique – un cheval de Troie dans un Manoir du 19ème siècle !) mais de voir comment ces deux vilains petits canards de l’art actuel peuvent procréer ; )…
A ce sujet, je m’étais mise à dessiner des robots très low-techs, très basiques : en carton, type Intergalactic. Mais je voulais un robot fille… Je suis tombée au fil des recherches sur ce phénomène au Japon : Danboard, d’Azuma Kiyohiko …


Et puis récemment, mon frère a imprimé un catalogue d’exposition lié à ce sujet : « Emporte-moi » au Mac Val que j’ai trouvé très belle : sans complications pour rajouter du sens, donc simple et droit au cœur. J’y ai trouvé de nombreuses de références, notamment dans la production de néon. Mais il y en a aussi beaucoup dans les livres consacrés à ce genre, et sur internet, les ressources sur les néons sont sans fins.

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Abramovitch et Ulay, une de mes performances préférées.


« You forgot to kiss my soul » Tracey Emin


« And if I don’t meet you no more in this world », Cerith Wyn Evans


« please… », Tim Etchells


« Please come Back », Claire Fontaine (à noter ce néon est interactif, il s’éteint quand on s’approche..)


« Néons avec programmation aléatoire poétique-géométrique », François Morellet


Christian Robert-Tissot, « Less playboy is more cowboy »


« I do not own snow white », Pierre Huyghe

Lacs, récifs, ravins

C’est armées de post-it et de crayons que Marie de Quatrebarbes et moi-même nous sommes attelées à la tâche d’adapter ses textes pour le livre cubique des éditions volumiques…

Sur la masse de textes écrits par Marie, nous en avons sélectionné plusieurs qui allaient dans la même direction : de part leur titre, par les images qu’ils créent à la lecture ils formaient un ensemble que nous avons d’abord appelé Limnologie, puis Limnographie (je ne savais pas si ce mot existait, mais il correspond bien au côté graphique du texte…).
À la fois très fragmentés et malgré cela dynamiques (comme si l’on était toujours propulsé vers l’avant), les phrases semblaient idéales pour la navigation à l’intérieur du livre labyrinthe. Cette navigation se décline maintenant en trois parties :
– Lac
– Ravins
– Récifs
Notre difficulté est bien sûr de combiner les phrases pour qu’elles continuent à avoir un sens quelques soient les pages que l’on ouvre en premier.
Un vrais casse tête ! (merci Étienne ; )

Graphiquement, j’ai commencé à travailler sur la typographie (toujours sur le même principe du nombre d’occurrences de lettres dans le texte), et j’ai repris le déplié de l’iceberg qui avait servit pour mon projet « dérives » comme motif de base.

C’est donc ce motif qui constitue les lettres et se répète en fonction du nombre de fois qu’une lettre apparait dans le texte.
Dans l’idée (très littérale, mais qui visuellement fonctionne bien), la couleur de la page s’assombrira au fur et à mesure que l’on avance dans les profondeurs de l’histoire, jusqu’à se confondre avec la couleur du texte (bleu très foncé), rendant l’histoire illisible.

Une image des tests, et celle d’une fausse manip, qui rend le dessin plus végétal…

De l’archive et de l’auto-archivage immédiat comme œuvre

Dans quelques jours, je commencerai à travailler sur le projet de recherche « De l’archive et de l’auto-archivage immédiat comme œuvre ». Ce projet de recherche a été accepté par le conseil scientifique de la recherche et des études de la DAP et il est porté par l’École supérieure d’art de Lorient et l’association des écoles d’art de Bretagne. Il regroupera plusieurs artistes, critiques, tous enseignants. Notre première réunion de travail aura lieu vendredi prochain !

Une présentation du contexte de la recherche et du projet aura lieu mercredi 17 novembre 2010, au matin, à la DAP, lors du séminaire consacré à la recherche.
Le projet a émergé au fil des rencontres et des expériences que j’ai pu avoir cette année dans le domaine des archives. Notamment lors de l’atelier à L’ESAC (Pau) pendant le festival Access, la conférence à l’IAV (Orléans) et surtout lors de mon séjour aux Archives départementales dans le cadre des résidences de l’art en Dordogne.

En voici la note d’intention :

L’art numérique et la textualité d’internet ont profondément transformé le principe et les modalités de l’écriture qui emprunte des supports de plus en plus interactifs. L’utilisation des supports artificiels de mémoire par les artistes au cœur même du processus de création, tend à réduire encore la distance qui sépare l’acte de création et sa restitution finale.
Le blog, notamment, a été investi par de nombreux artistes numériques et contemporains, jusqu’à en faire œuvre : à la fois interface, atelier ouvert, c’est un processus de création partagé qui se rapproche d’une pratique de notation quotidienne comme peut le faire Jonas Mekas ou encore aux «hypomnémata» tels qu’évoqués par Foucault dans «l’écriture de soi».
L’apparition des blogs a permis un nouveau type d’archivage : l’auto-archivage immédiat, qui, non figé, se reconstitue en permanence, et sur lequel le lecteur peut interagir. Ainsi, l’oeuvre-archive inclut sa genèse, ses hésitations, ses retours, ses commentaires, ses silences, sa réception. Cette émergence produit de nouvelles formes plastiques et esthétiques fondées sur le réseau, l’interactivité, le flux, le fragment, la pluralité des discours.
A ce jour, les blogs, que ce soit comme outils pour les créateurs, comme moyen plastique pour les artistes, ou dans le milieu des étudiants en art, sont extrêmement répandus. Or, il n’existe aucune recherche qui rende compte de l’étendue et de la qualité de ce phénomène. Encore moins de retour critique et d’expériences concrètes & conscientes de cette pratique.
Cette recherche s’inscrit de manière générale dans un large mouvement contemporain qui regroupe l’archive comme objet média, et l’archivage comme oeuvre & comme principe relationnel.
Une partie de cette recherche sera donc consacrée aux différents principes de documentations comme projet. Car il ne s’agit pas ici de lister un nombre d’expérimentations ou d’espaces d’archivages d’artistes dont le contenu serait intéressant, mais bien de s’emparer de ces outils et les transformer en matière à pratiquer une recherche jusqu’à en faire œuvre, tout en y portant un regard critique.

Responsable scientifique : Julie Morel
Équipe : Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer, Dominique Moulon, Grégory Chatonsky, Gwenola Wagon, Karine Lebrun.
Financement : DAP / Association des écoles d’art de Bretagne.

Test sur La do ré

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J’ai commencé à faire des tests de typo dont la structure serait déterminée par la récurrence des lettres dans un texte donné. Une typo unique au texte donc, qui ne pourrait pas être réutilisée.
A chaque fois que je me lance dans un nouveau projet, j’aime bien commencer par ce que j’appelle pour moi-même le « minimum syndical » : c’est à dire essayer la solution la plus simple, basique, car souvent c’est celle qui permet de faire les choix les plus radicaux, ou en tout cas de ne pas se perdre dans une complexité qui pourrait être régie par le discours.
Le premier essai a donc été construit sur une base de la typo « Digital« , pour le texte « La do ré » (avant de me lancer dans le texte de Marie pour le livre cube qui donnera une toute autre version). Chacune des lettres de cette version est constituée d’un nombre de points qui correspond au nombre d’occurrence de la lettre dans le texte. La grosseur des points est aussi la conséquence du pourcentage d’apparition de chaque lettre dans l’ensemble du texte (plus une lettre apparait souvent plus les points sont nombreux, et petits).



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Agent

Depuis plusieurs mois, j’ai peu produit.
Une des raisons de ce ralentissement est un changement de mode de relation au travail et la conséquence du déséquilibre auquel j’ai dû faire face quand à la réalisation de cet état de fait qui s’est imposée petit à petit… Un changement de mode esthétique, car c’est peut-être de cela dont il s’agit ?
Je sais que depuis plusieurs années (comme pour nombre de personnes) mon travail artistique était une manière de me constituer, de me construire (je viens de faire un lapsus incroyable, je viens d’écrire « contredire » au lieu de « construire » ; ). Je me suis d’abord construite par le commun, via le collectif incident.net, puis par la rencontre d’autres individus ou dans mes rencontres affectives – toujours liées à la rencontre et au partage, à la fascination et/ou acceptation d’une certaine esthétique qui ne m’appartenait pas.
Récemment, mon mode de relation au travail s’est inversé, et j’ai l’impression d’être de plus en plus dans un rapport de type : « être au service de ». Je suis au service de mon travail, et cela me paraît à la fois très intense et incroyablement solitaire comme manière d’envisager la vie. Pourtant je n’ai pas l’impression d’être dans une forme d’aliénation par le travail. Je suis plutôt un agent de mon travail (j’adore le mot agent, si souvent mal utilisé : un agent, c’est « l’être qui agit », dont l’opposé est patient, qui subit l’action).

Dans le train du retour de l’école mes lectures m’ont menées vers  le texte « À propos de la généalogie de l’éthique : un aperçu du travail en cours » (Dits et écrits, Foucault. p.1202), qui commente entre autre l’écriture du souci de soi.
Je crois que cette lecture tombe à point nommée, en tout cas elle raisonne comme étant proche des questions que je me pose sur ce changement d’état. Un extrait, mais tout le texte pose question…

Les Grecs étaient austères parce qu’ils recherchaient à avoir une belle vie et nous, aujourd’hui, nous cherchons à nous réaliser grâce au support de la psychologie.
–  Exactement. Je pense qu’il n’est pas du tout nécessaire de lier les problèmes moraux et le savoir scientifique. Parmi les inventions culturelles de l’humanité, il y tout un trésor de procédures, de techniques, d’idées, de mécanismes qui ne peuvent pas vraiment être réactivés mais qui, au moins, constituent ou aident à constituer une sorte de point de vue qui peut être utile pour analyser et pour transformer ce qui se passe autour de nous aujourd’hui.
Nous n’avons pas à choisir entre notre monde et le monde grec. Mais puisque nous pouvons observer que certains des grands principes de notre morale ont été liés à un moment donné à une esthétique de l’existence, je pense que ce genre d’analyse historique peut être utile. Pendant des siècles, nous avons eu la conviction qu’il y avait entre notre morale, notre morale individuelle, notre vie de tous les jours et les grandes structures politiques, sociales et économiques, des liens analytiques et que nous ne pouvions rien changer, par exemple, dans notre vie sexuelle ou dans notre vie familiale sans mettre en danger notre économie ou notre démocratie. Je crois que nous devons nous débarrasser de l’idée d’un lien analytique et nécessaire entre la morale et les autres structures sociales, économiques ou politiques.

Mais quel genre de morale pouvons-nous élaborer aujourd’hui lorsqu’on sait qu’entre la morale et les autres structures il n’y a que des conjonctions historiques et pas un lien de nécessité ?
– Ce qui m’étonne, c’est le fait que dans notre société l’art est devenu quelque chose qui n’est en rapport qu’avec des objets et non pas les individus ou la vie ; et aussi que l’art est un domaine spécialisé fait par des experts qui sont des artistes. Mais la vie de tout individu ne pourrait-elle pas être une œuvre d’art ? Pourquoi une lampe ou une maison sont-ils des objets d’art et non pas notre vie ?

Bien entendu, ce genre de projet est très commun dans des lieux comme Berkleley où des gens pensent que tout ce qu’ils font – de leur petit déjeuner à la façon dont ils font l’amour ou à la façon dont ils passent une journée – devrait trouver une forme accomplie.
– Mais j’ai peur que, dans la plupart de ces exemples, les gens pensent majoritairement que ce qu’ils font, s’ils vivent comme ils vivent, c’est parce qu’ils connaissent la vérité sur le désir, la vie, la nature, le corps, etc.

Mais si l’on doit se créer soi-même sans le recours à la connaissance et aux lois universelles, en quoi votre conception est-elle différente de l’existentialisme sartrien ?
– Du point de vue théorique, je pense que Sartre écarte l’idée de soi comme quelque chose qui nous est donné, mais grâce à la notion morale d’authenticité, il se replie sur l’idée qu’il faut être soi-même et vraiment soi-même.  À mon avis la seule conséquence pratique et acceptable de ce que Sartre a dit consiste à relier sa découverte théorique à la pratique créatrice et non plus à l’idée d’authenticité. Je pense qu’il n’y a qu’un seul débouché pratique à cette idée du soi qui n’est pas donné d’avance : nous devons faire de nous même une œuvre d’art. Dans ses analyses sur Baudelaire, Flaubert, etc., il est intéressant de voir que Sartre renvoie le travail créateur à un certain rapport à soi – l’auteur à lui-même – qui prend la forme de l’authenticité ou de l’inauthencité. Moi je voudrais dire exactement l’inverse : nous ne devrions pas lier l’activité créatrice d’un individu au rapport qu’il entretien avec lui-même, mais lier ce type de rapport à soi que l’on peut avoir à une activité créatrice.

– Cela fait penser à un cette remarque de Nietzsche dans le Gai Savoir (290), qui dit qu’il faut donner du style à sa vie « au prix d’un patient exercice et d’un travail quotidien ».
Oui. Mon point de vue est plus proche de Nietzsche que de Sartre.

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Étrangement, après la lecture de ce texte, j’ai repensé à cette fascination qu’exerce sur moi le travail de Chris Burden, que j’ai toujours trouvé incroyablement pudique (ce n’est pourtant pas premier qualificatif qui viendrait à l’esprit, j’en conviens), mais je me suis dit que ce qualificatif était assez juste, car la force du travail de Burden c’est de s’éloigner du spectaculaire (alors que son sujet en traite sans arrêt) et de résider sûrement dans cette mise à disposition de son être, dans le fait d’être un agent – jusque dans sa chair – de son travail, dans une grande maîtrise et en même temps dans une extrême fragilité.

Nouveau projet, et test d’après « La Do Ré »

Un nouveau projet : une collaboration avec Marie de Quatrebarbes (qui va écrire les textes) pour le développement du contenu d’un livre cubique, à lectures combinatoires, conçu par Étienne Mineur dans le cadre de ses éditions volumiques.
Ce livre, pour le moment vierge, est construit sur une base de trois pages que l’on peut déplier et qui donnent chacun un chemin de lecture différent.

J’ai décidé de relire le livre très rigolo de Simon Singh, »l’invention des codes secrets », car après quelques discussions autour du texte de Marie, j’ai pris une piste de recherche graphique qui tourneraient autour du secret, et plus précisément du chiffrage et du déchiffrage d’un secret, ce qui me permet d’explorer une fois de plus des questions d’illisibilité/lisibilité dans le texte, de systèmes de signes reconnaissables comme étant de l’écriture, mais ne pouvant être lus. Cela me permet aussi de travailler sur une chose qui m’habite depuis longtemps : la récurrence des lettres et ponctuation dans un texte (que j’avais déjà exploré dans le générateur de texte « I Scream, You Scream, We all Scream for an Ice Cream« .
Il y a tout un chapitre dans le livre de Singh qui est consacré à cela…

L’idée qui se profile serait donc de produire une typographie spécifique à ce texte, et dont la structure se baserait sur une grille déterminée par la récurrence des lettres dans celui ci…
J’ai commencé à tenter l’expérience sur un texte assez court (avant de me lancer sur le texte très loooong de Marie ; ) celui que Yannick Liron a écrit pour un autre de mes projets, et qui s’intitule « La do ré ».

– Nombre de lettres de A à Z :
81-12-24-36-186-5-17-2-12-10-5-52-12-62-33-77-56-30-13-76-75-72-81-8-2-1

– Visualisation des lettres de A à Z :
aaaaaaaaaaaaaaaaAaaaaaaaaaaaaaAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
bbbBbBbbbbbb
ccccccccccccccccccCccçcc
dddddddddddddddddddddddddddddddddddd
Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee
eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee
eeeeeeeeeeeeeeeeee
ffffffffffff
gggggggggg
hhhhh
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiIî
jjjjj
lllllllllLllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllLllllLlllLll
mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmMmm
nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn
oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooOOOOooooô
pppppppppppppppppppppppppppppp
Qqqqqqqqqqqqq
rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr
Sssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssss
tttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttt
uuuuuUuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu
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