02h46. Il est tard. D’abord il y a le fauteuil orange, celui que j’avais vu sur le site. Le site qui m’a conduit ici. Juste à côté du téléphone. Puis viennent les rangées d’ordinateurs. Là où je suis assise. Je regarde autour de moi : en hauteur il y a deux vasistas que je n’avais jamais remarqués. Mon regard poursuit sa route : l’étagère avec les manuels techniques. Le mur peint en bleu canard.
Puis la table pour bricoler et rapiécer les ordinateurs. Enfin un tas de matériel – enceintes, pieds, câbles – disposé par terre jusqu’à la porte du placard étroit où sont entreposés les caméras, appareils photos. Je me lève pour aller voir, des rangées de câbles suspendus à des clous, quelques cartons fermés sur un sol recouvert de planches en bois, du sapin.
Le lab, le soir. Le ronronnement et la chaleur des ordinateurs. je viens m’y réfugier après la journée. Ainsi parfois j’y retrouve ma solitude avec plaisir. Après la pluie et le brouillard. Après une longue marche pour oublier la disparition. Une disparition ridicule et aussi peu tangible que celle de ma propre mémoire.
Perdre des données, c’est perdre une de ses parties extensibles… J’ai perdu un peu de mémoire. Je suis donc ce soir en deuil de mémoire. De mémoire morte.
Comment oublier ce qui a disparu ? Les efforts pour la retrouver sont-ils justifiés ?
Les efforts d’aujourd’hui pour retrouver ma mémoire constituent eux aussi de la mémoire. Ça s’accumule ou bien cela prend-il la place de ? Qu’est-ce qu’il reste ?
Par exemple. Le seul souvenir que j’ai de cette journée, c’est le parc entr’aperçu par la fenêtre embuée du bus.