Sur le bord du St. Laurent, ça défile, ça dé – file, et à cet endroit précis, il est important que le mot filer prenne sa racine dans « couler », « s’écouler ». Et que les longs rubans de glace forment un filet.
Je regarde donc le fleuve défiler, se défiler devant moi, m’échapper. Comme quelque chose que j’aurais perdu. Ça s’éloigne. Ça. Plus vite que moi. « Ce phénomène, cette chose qui pourrait être là , ou peut-être pas ? ».
J’en fais l’expérience : je marche à côté et sans arrêt je suis dépassée. Je suis sur le bord, à côté.
Et puis ça tourbillonne, toujours dans le même sens, des petites galaxies glacées qui s’éloignent les unes des autres, se télescopent, s’évitent. Se détachent et se fragmentent.
Demain je prends le bateau pour passer de l’autre côté, pour être au dessus de cette mer de glace.