Générateur blanc

04h08. Dehors quand il ne neige pas, il gèle. C’est blanc et gris.
Dans le labo, tout est coi. Il y a des objets qui ont changés de place. Une pile de CD sur le fauteuil orange. Un appareil photos à la droite de mon ordinateur. Ma tasse de thé aussi. Les carnets de notes format passeport. Des notes de voyages donc.
Derrière moi – je me retourne – un gros carton par terre, à moitié ouvert, d’où débordent des billes de polyester blanches. De la neige artificielle. Il neige aussi dans le lab.
Cette neige synthétique et scintillante recouvre et protège, fait écran à ce qui se trouve en dessous. À droite, à côté, sur le sol, il y a une loupe. Une loupe grossissante, comme si on l’avait placée là sciemment, pour interroger les gens qui passeraient par là. Pour qu’ils étendent la main pour s’en saisir. Pour qu’ils s’accroupissent. Pour qu’ils se retournent rapidement pour voir qu’il n’y a personne pour les surprendre dans une situation un peu ridicule. Pour qu’ils dirigent la loupe vers cette neige factice et s’interroge : Pourquoi ?
Mais personne ne passe par là, il n’y a que moi.
Je me lève et me dirige vers la loupe, je m’accroupis. Je ne me retourne pas : personne ne passe par là. Oui mais si… Non personne ne passe par là, surtout à cette heure ci. Je ne me saisis pas de la loupe, je regarde ce qu’elle magnifie : La structure en nid d’abeille du revêtement de sol. Je n’avais jamais remarqué ce quadrillage. Je compte. Chaque plaque de ce revêtement est constituée de 130 nids dans sa largeur, et deux fois plus dans la longueur, soit – je prends ma calculette – soit 1040 nids. Il y a 3 largeurs de plaques dans le bureau, et 5 longueurs. Soit 15 x 1040=15600. Je foule tous les jours 15600 nids. Je remercie la loupe de m’avoir donné cette information, et je retourne à mon bureau.