Du 16 au 21 janvier, je suis à Berlin pour participer au projet Kom.post, une relecture d’Å’dipe de Sénèque, un projet mis en place par Camille Louis et Laurie Bellanca, à la galerie « Visite ma tente » et au ICI Berlin, et qui réunit une dizaine d’artistes européens et coréens.
Å’dipe, c’est d’abord pour moi, de manière très littérale, la perturbation d’un ordre naturel, la mise en danger d’une lignée.
J’ai déjà repris un passage pour une expérimentation typographique. Celui, assez beau et violent, dans lequel Manto lit des signes néfastes dans les entrailles d’une génisse sacrificielle. Et ces signes sont clairs : ceux d’organes malades, atrophiés, dysfonctionnels, à la mauvaise place (désORGANisés donc).
Aujourd’hui pendant la session de travail à ICI Berlin, on a évoqué les différentes interprétations de la raison pour laquelle Å’dipe se mutile les yeux. Et notamment pourquoi les yeux en particulier. Pour ma part, je suis arrivée à la conclusion, très fantasque (elle ne fonctionne qu’avec la langue française !) qu’avec ce message, il ne s’agit pas là d’une punition, mais plutôt un geste effectif qui résume, redit la conséquence de l’inceste : le risque de mutilation d’un ou plusieurs organes.
Alors pourquoi l’Å“il? Pourquoi pas un bras, la langue… Je crois en effet que ça aurait pu être un autre organe… Ma réponse est toute simple. Ce n’est pas une raison symbolique dans l’acte, c’est une raison symbolique dans le signe écrit : parce que l’Å“il comme Å“dipe partage la même première lettre. C’est donc une sorte d’index, un signe qui nomme cette action comme lui appartenant.
Un peu plus tard…
Quand je prends les mots qui utilisent le « Å“ », je ne peux que remarquer le nombre important de termes proches du corps, des organes ou de la naissance : fÅ“tus, Å“dème, cÅ“ur, Å“il, nÅ“ud, Å“uf, Å“sophage, Å“strogène…