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Auto-archive

Des photos du livre Auto-archive (livre d’artistes conçu avec Marie Daubert, Gwenola Wagon, Karine Lebrun, Reynald Drouhin et Dominique Moulon) reçu vendredi : il est super bien, il est super beau !

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Auto-Archive.
Édition de l’École européenne Supérieure d’art de Bretagne.
160 pages, (96 pages couleur, 32 pages bichromie, 32 pages noir et blanc).
ISBN : 978-2-9519868-8-6
Prix : 18€
Distribution EESAB

Auto-archivage, réflexions sur un projet de recherche en école d’art

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Auto-archivage immédiat, couverture du livre à paraître à la rentrée

 

Un long article pour fêter la fin d’un long travail de 3 ans autour de ce que j’ai appelé l’auto-archivage immédiat. Ce travail, à la fois réflexif et plastique, a pris la forme d’un projet de recherche à l’école supérieure d’art de Bretagne, où j’enseigne, et m’a permis de collaborer avec plusieurs amis et artistes/critiques dont j’estime le travail (Gwenola Wagon, Reynald Drouhin, Dominique Moulon, Karine Lebrun, Grégory Chatonsky, Sylvie Ungauer…), ainsi que quelques étudiants maintenant anciens étudiants devenus artistes (Thomas Daveluy).
Pour mettre un point final à ce projet, j’ai décidé d’écrire cet article pour, d’une part, montrer des morceaux de l’édition rétrospective du projet : une édition sur laquelle j’ai travaillée avec Marie Daubert pendant 8 mois, et à laquelle je mets les dernières touches ces jours ci. Et d’autre part faire un état des lieux de ce projet et partager ce que cette première expérience de projet artistique au sein du école a pu générer comme réflexions…

J’ai donc commencé par un résumé, pour recontextualiser le projet… J’en ai fait des tas et j’ai pris le premier qui m’est tombé sous la main : le projet étant développé dans un cadre institutionnel, sa validation m’a demandé maintes rédactions qui m’ont pris un temps précieux que j’aurai pu consacrer au temps de création. Bref, je n’en ferai pas un de plus !
Ensuite viennent la façon dont nous avons structuré le temps de travail, les créations réalisées dans le cadre du projet, les moyens mis en œuvres, et enfin les difficultés rencontrées… J’ai construit cet article de façon très simple, en essayant d’être le plus claire possible, notamment pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un projet de recherche en école d’art (j’ai ma propre définition, mais je crois qu’elle n’est pas politiquement correcte alors je me la garde ;) )

 

Rappel du projet et du contexte de la recherche

L’art numérique et la textualité d’internet ont profondément transformé le principe et les modalités de l’écriture qui emprunte des supports de plus en plus interactifs.
L’utilisation des supports artificiels de mémoire par les artistes au cœur même du processus de création, tend à réduire encore la distance qui sépare l’acte de création et sa restitution finale. (La ligne de recherche a défini son champs de recherche d’après les supports de mémoire tels que : les sites internet, blogs, tablettes tactiles, Smartphones, ou encore publications à la demande)
Le blog, notamment, a été investi par de nombreux artistes numériques et contemporains, jusqu’à en faire œuvre : à la fois interface, atelier ouvert, c’est un processus de création partagé qui se rapproche d’une pratique de notation quotidienne comme a pu l’expérimenter Jonas Mekas, ou encore des « Huppomnêmata » tels qu’évoqués par Foucault dans « l’écriture de soi ».
L’apparition des blogs et autres stockages de mémoire partagée a permis un nouveau type d’archivage : l’auto-archivage immédiat, qui, non figé, se reconstitue en permanence, et sur lequel le lecteur peut interagir. Ainsi, l’œuvre-archive inclut sa genèse, ses hésitations, ses retours, ses commentaires, ses silences, sa réception.
Cette émergence produit de nouvelles formes plastiques et esthétiques fondées sur le réseau, l’interactivité, le flux, le fragment, la pluralité des discours.
À ce jour, les blogs, tant comme outils pour les créateurs, que comme moyens plastiques pour les artistes, ou encore dans le milieu des étudiants en art, sont extrêmement répandus. Or, il n’existait aucune recherche qui rende compte de l’étendue et de la qualité de ce phénomène. Encore moins de retour critique et d’expériences concrètes & conscientes de cette pratique.

Initiée en 2010, pour deux ans, la ligne de recherche « De l’auto-archivage comme œuvre » a donc proposé à plusieurs artistes – enseignants des quatre sites de l’EESAB (= les beaux-arts de Lorient, Rennes, Quimper et Brest) et à des praticiens de l’art venus de divers horizons géographiques de réfléchir à ces questions.
Il ne s’agissait pas de lister un nombre d’expérimentations ou d’espaces d’archivages d’artistes dont le contenu serait intéressant, mais bien pour les acteurs de cette recherche de s’emparer de ces outils et les transformer en matière à pratiquer jusqu’à en faire œuvre, tout en y portant un regard critique.
Les acteurs de cette recherche, par choix principalement des artistes (mais pas uniquement) ont été choisis pour la qualité de leur pratique au regard de celle-ci, pour leur envie critique et connexion à d’autres champs disciplinaires. Ainsi nous avons développé plusieurs directions complémentaires mais parfois aussi opposées, que nous avons définie comme résolument ouvertes et heuristiques, favorisant ainsi la diversité des points de vus, des expérimentations et des discours.

La recherche s’est structurée en temps de réflexions, de partages et de productions. Ces moments ont été appréhendés comme des plateformes de créations concrètes : résidences de production, dialogues et échanges théoriques entre artistes, critiques et étudiants lors de rendez-vous mensuels ou lors du séminaire de recherche dont traite spécifiquement le numéro de la revue Pratiques – réflexions sur l’art (Presses universitaire de Rennes) à paraître à la rentrée 2013. (Un autre objet éditorial, spécifique à la recherche et aux pistes suivies, envisagée comme une production plastique en temps que telle, a été mise en route à la rentrée 2012, j’en parlerai plus bas plus spécifiquement).
Ces moments d’échanges ont donné à chacun un temps pour présenter les pistes suivies individuellement et avoir des retours critiques. Un deuxième temps a été réservé à la recherche dans son ensemble : il a permis de dégager des problématiques plus générales et de concevoir une production commune.
Des temps de travaux communs plus conséquents ont permis des échanges en profondeur et d’éprouver en pratiques certaines pistes chercher individuellement :
•  Octobre 2011 : Résidence de recherche et d’écriture au Centre National des Écritures du spectacle à Villeneuve Lez Avignons,
• Décembre 2011 : séminaire de recherche à Lorient,
• Juin 2011 : réunion de travail d’une journée pour clôturer le projet
• Octobre 2012 : Réunion de mise en place de l’édition rétrospective du projet de recherche,
• septembre 2013 : sortie de la revue Pratiques,
• octobre 2013 : sortie de l’édition

 

Expérimentations réalisées pour le projet

La recherche a donné lieu à des expérimentations et retours critiques qui l’orientent vers diverses directions encore à interroger, à pratiquer et prolonger. En effet, le temps d’un projet de recherche se ressent comme un activateur, un précieux moment à consacrer – en dehors du temps quotidien – à une recherche fondamentale à long terme, dont les résultats se ressentiront bien au delà du temps effectif de celle-ci.
Le projet s’est naturellement centré autour du titre « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre ». Nous avons laissé la question de l’archive classique (trop vaste à traiter sur le temps imparti et déjà de nombreuses fois traitées) pour nous concentrer sur des pratiques et dispositifs qui se développent dans des flux, avec une capacité de produire de la mémoire et archives de manière automatisée ou semi-automatisée – questionnements qui nous semblaient plus proches et contemporains de nos pratiques.
Nous nous sommes rejoints sur des dispositifs qui interrogent notre relation à l’archive (c’est-à-dire aux informations et traces conscientes ou organisées par la société en réseau) que nous laissons sur Internet, mais qui dialoguent sans complexe avec des supports dits plus traditionnels, tel que le livre, le dessin, l’impression. Plusieurs expérimentations ont effectivement exploré l’édition papier avec l’idée d’opérer un va et vient ou/et de déplacer la  production déjà existante d’un blog, d’un film, d’une performance, vers la forme du livre.
Ce type de publication auto-éditée et son contenu s’appuie davantage sur la notion de processus, reprenant ainsi nos manières déjà éprouvées de considérer une publication sur le web : montrer une pensée en action, ce que nous appelons un auto-archivage.
Ici, l’archive n’est plus uniquement le lieu du stock exhaustif mais devient une forme qui se modifie et se définie au moment de sa production.

Autour de ces questionnements, deux catégories d’expérimentations ont émergé :
– les propositions autonomes, œuvres développées naturellement dans le cadre de cette réflexion,
– les propositions qui prennent comme contenu et questionnent la recherche elle-même.
Par ailleurs, un site internet qui regroupe toutes les propositions et ressources liées à la recherche a été créé : http://incident.net/recherche

 

Moyens mis en œuvre

– Résidence au Centre national des écritures du spectacle (Villeneuve Lez Avignon) dans le cadre des « résidences collectives de recherche, d’expérimentation et d’écriture », Octobre 2011.
La résidence de quinze jours à la Chartreuse a eu pour but de prolonger cette recherche et de proposer à un auteur de travailler à partir du grand nombre de textes et médias qui ont été générés par la plateforme en ligne du projet de recherche.
Y étaient présents Sylvie Ungauer, Reynald Drouhin, Julie Morel,  deux étudiants de l’EESAB, ainsi qu’un auteur.
Nous avons choisis de collaborer avec Yannick Liron (enseignant à l’EESAB site Lorient) dont le principe de travail s’approche du nôtre, notamment dans ses rapports à la ritournelle, la mémoire, la variabilité et le flux.  Les données générées par la recherche et son site internet lui ont servis de base pour la production d’un texte destiné à être performé. Ce texte apparait dans la publication de la recherche. (Il est aussi disponible en ligne sur le site consacré à la recherche).

– Séminaire de recherche / EESAB – Site de Lorient, décembre 2011
Sur trois jours et demi, ce séminaire a questionné l’auto-archivage immédiat : l’archive dans sa capacité à se reconstituer en permanence, et sur laquelle on peut interagir à tout moment, devenant fluctuante, variable, instable. Les interventions ont été organisées selon un schéma partant de pratiques utilisant ou réactivant des archives « statiques » pour ensuite se concentrer vers celles prenant à bras le corps les nouvelles possibilités d’automatisation des archives immatérielles et leurs flux :
– la bibliothèque de l’histoire de l’art comme une archive systématiquement disponible, réactivable et questionnable,
– l’utilisation des blogs comme auxiliaire, externalisation de la mémoire,
– l’auto-archivage immédiat et le blog comme outil de création in Progress,
– le fantasme de la conservation de l’archive numérique matérialisée par des moyens hybrides, mixant papier et données virtuelles,
– l’enregistrement et la circulation des données comme dispositif artistique,
– l’auto-archivage immédiat comme œuvre-outil de cyberactivisme artistique et politique,
– les représentations du monde vues par le biais des flux archives en ligne,
– l’amnésie liée à l’auto-archivage immédiat et la détermination à excaver des documents perdus ou cachés et leur partage par le biais de publication à la demande.

 


Publications

– Publication des Actes du séminaire sur l’auto-archivage immédiat (Numéro spécial de la revue Pratiques – Réflexions sur l’art).
Pratiques propose un recueil de documents destinés à mettre en évidence les enjeux des pratiques artistiques contemporaines. Ces enjeux relèvent plus particulièrement du domaine du concept, de la forme plastique ou de la monstration. Cette revue est soutenue par trois institutions en correspondance avec les axes de réflexion de la revue : l’EESAB, l’Université Rennes 2, le FRAC Bretagne, et elle est éditée en collaboration avec les Presses Universitaires de Renne, ce qui permet une diffusion et son encrage au niveau des professionnels de l’art.
Ce numéro de Pratiques rassemble toutes les interventions qui ont eu lieux lors du séminaire de recherche à l’EESAB site de Lorient, du 7 au 9 décembre 2011. Nous avons laissé le choix aux artistes, chercheurs et critiques invités quant à la forme que devait prendre la retranscription de leurs interventions. Certains ont choisi de partir du support de leur présentation, d’autres en ont souhaité une simple retranscription, enfin d’autres ont décidés de la rejouer complètement.

– Édition rétrospective de la recherche
J’en parlais dans l’introduction, un objet éditorial synthétique, vu comme une production artistique en tant que telle, a vu le jour. Cette publication a été l’occasion d’un dernier temps commun d’environ une semaine, envisagé comme un temps de résidence à l’atelier que j’occupais alors à la Gaité lyrique.
Tous les acteurs de cette recherche – équipe de recherche et artistes, écrivain, critiques qui se sont impliqués à un moment ou à un autre (séminaire, résidence, etc.) – étaient présents, pour une conception collaborative, un moment de travail commun affirmé comme un point de vue esthétique : un atelier ouvert qui englobe la conception ainsi que l’archivage de cette conception traitée en temps réel, sous la forme d’une pratique de notation quotidienne.
Menée ensuite graphiquement en solo avec Marie Daubert, pendant 6 mois, cette nouvelle aventure éditoriale m’a permis d’ouvrir la recherche à pistes encore non suivies et à des potentiels encore non explorés. Elle a permis d’intégrer d’autres points de vues, d’autres propositions (critiques ou plastiques) d’artistes qui n’ont pas forcément pris part à celle ci.
J’ai décidé de travailler sur trois parties distinctes mais liées entre elles, chacune de ces trois parties étant formellement clairement identifiées :
1 – Flux. Cette première partie, qui regroupe les propositions produites par les artistes qui formaient l’équipe de recherche, est traitée sous la forme d’un flux, comme une navigation internet. Les images et textes se suivent, se télescopent, parfois sans liens apparents. Bien sur ces liens existent, qu’ils soient ténus ou non. J’ai traité ces propositions sous une forme de montage en tenant compte de la dimension à la fois linéaire (difficilement contournable avec un ouvrage relié), mais aussi hypertexte (dans le traitement, les enchainements et rapprochements possibles entre les différents contenus).
Imprimée en couleur sur un papier assez épais, cette partie constitue donc un remontage de ce que nous avons produit, une réactivation sous la forme d’une translation du médium internet à un médium papier.
2 – Une appendice, qui recontextualise les sites internet, blogs, images et textes utilisés dans la première partie. Cette recontextualisation passe par l’explication de chacun des projets. Elle en donne également les références ou les données liées : pages internet, vidéos, animations contenues « derrière » les liens hypertextes.
Cette partie est traitée en bichromie, sur du papier légèrement gris. Il s’agit d’un méta-espace, qui permet à la fois de préciser les choses vues dans la première partie, mais aussi un espace plus loin de la recherche elle-même.
3 – L’annexe, qui regroupe des interventions externes à la ligne de recherche. Elles prolongent, critiquent ou donnent un point de vue différent sur l’auto-archivage immédiat. Ces interventions sont laissées comme un espace libre aux artistes et théoriciens invités ; ils peuvent faire référence ou retour sur leur pratique ou adopter un point de vue critique vis-à-vis des projets présentés dans la première partie.
L’annexe est traitée sur un mode N&B de type photocopie, comme quand on consigne les références, outils, documents d’un travail en cours.

Des exemples des pages de chaque partie.

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Implication pédagogique de cette recherche / Articulation recherche – pédagogie

Dès le début de la recherche des étudiants de 5ème année se sont impliqués dans les échanges, quelques uns ont commencé un travail personnel suite à cela. Là aussi les choses se sont faites à la fois naturellement, mais aussi avec quelques difficultés, car pour beaucoup, la pression du diplôme les dirige vers un travail plus individuel et auto-centré. Quelques étudiants ont réalisé qu’il y avait des affinités entre leur travail et les problématiques abordées et lors de la deuxième année de la recherche, ces étudiants alors diplômés ont intégré l’équipe de recherche en tant qu’artistes (et à ce titre ont été rémunérés). Je trouve les propositions produites justes et rigoureuses : la qualité plutôt que la quantité donc ; )
De façon plus générale, les bénéfices apportés par le projet de recherche dans l’enseignement ont été étendus : approfondissement d’un ARC qui existait déjà, possibilité pour des étudiants de participer à une résidence dans des conditions professionnelles et d’en appréhender le fonctionnement et la temporalité. J’ai peu aussi noter le gros impact du séminaire de recherche sur tous les étudiants (environ 90 étudiants l’ont suivi du début à la fin) ; leurs retours ont été positifs et ont porté sur le fait d’être témoins d’une pensée et une production très contemporaine en train de se construire. Ils se sont aussi sentis proches du fait qu’une pensée critique et une production artistique pouvaient aller de paire et n’étaient à aucun moment en opposition l’une de l’autre.

 

Problèmes spécifiques

Pour finir, j’ai fais le choix de mettre en relief et de partager quelques points positifs et difficultés concrètes rencontrées lors de cette première recherche à l’EESAB.
Il m’a semblé par exemple important d’observer les ressemblances et dissemblances d’une recherche  « officielle » et celles non officielles qui s’opèrent constamment, que ce soit dans le cadre d’une pratique artistique (pour ma part au sein du collectif incident.net, ou dans ma pratique individuelle d’artiste) ou d’une pratique d’enseignante (à l’EESAB) où j’envisage l’enseignement au même titre qu’une recherche artistique (ou au minimum comme son prolongement – sans cela je trouve l’enseignement désincarné de sa raison d’être).
Je suis donc posée la question selon plusieurs angles, qui sont liés et se superposent constamment :
• L’équipe de recherche
• Les moyens affectés à celle-ci
• L’articulation recherche – pédagogie
• La temporalité de la recherche
• Terminologie

• Équipe de recherche :
Habituée à travailler en collectif, de manière prospective ou dans une production effective, le fait de collaborer avec une équipe de recherche assez importante ne m’a pas semblé poser de problèmes en terme de contenu. Les échanges ont été généreux et constructifs, les retours critiques de l’équipe ont permis un questionnement constant et des avancées sur chacun des travaux : en effet pour ce qui est de la production individuelle, les différents acteurs se sont impliqués bien au delà de ce qui leur était proposé.
Néanmoins, la partie commune du projet de recherche (qui a pris la forme d’une plateforme commune, mais aussi dans une certaine mesure, l’édition) a parfois eu plus de mal à trouver sa place, cela pour plusieurs raisons :
– dans la temporalité imposée (1 ans 1/2)  il a été difficile pour certains de faire la synthèse d’une pratique en train de se créer et d’en déplier et/ou rejouer les différentes problématiques dans un projet commun, cela aurait donc nécessité un temps de recherche un peu plus long (6 mois au minimum).
– le temps alloué à cette recherche ne permettait pas un investissement total dans celle-ci, principalement pour des questions de temps liées à une réalité financière.

• Les moyens affectés à la recherche :
> Moyens financiers :
Pour rappel, il paraissait évident lors du montage du projet de recherche que :
– Les enseignants-artistes tout comme les autres acteurs de cette recherche soient rémunérés.
Ce n’est pas un fait admis aujourd’hui dans la majorité des écoles. Pourtant une rémunération est premier lieu symboliquement nécessaire, mais tout aussi concrètement nécessaire parce que s’investir dans ce type de recherche peut mettre en péril l’activité artistique d’un plasticien (je n’ai en effet jamais aussi peu produit que ces 2 derniers années, cela par manque de temps pour moi, et cette sous production m’a pesée à la fois dans ma pratique mais aussi financièrement).
La rémunération que j’ai demandé pour l’équipe était de l’ordre du symbolique, et donc en deçà de la forte implication de celle-ci e. Il ne serait pas viable à long terme de fonctionner comme cela si l’on attend un investissement de qualité de la part des différents acteurs. Le financement de la recherche et la rémunération des personnes réellement investies reste un tabou au sein des écoles (je me demande pourquoi puisque l’on nous rabat les oreilles du modèle de la recherche universitaire – à mon avis pourtant hors-contexte par rapport à une recherche artistique – ou les enseignants chercheurs sont rémunérés, cela de manière claire et contractualisé).
– Un fond mobilité important soit prévu. Nous avions prévus ce fond, et il s’est avéré très utile et a été utilisé dans sa totalité. Il faudrait donc prévoir un budget un peu plus étendu lors des prochains projets au sein de l’EESAB (qui comporte 4 sites, ce qui multiplie les allers-venues).
Mon prochain projet, Géographies variables, a déjà commencé et j’ai peur d’avoir été trop juste dans ce calcul…
> Moyens humains :
– Un dégagement de 2h sur l’emploi temps a été dégagé pour les enseignants de l’EESAB.
Nous avons pu constater que ce temps était insuffisant et sans le grand nombre d’heures alloués à la recherche par chacun sur son emploi du temps personnel, la recherche n’aurait pu avancer efficacement. Il nous semblerait donc nécessaire de faire passer ce temps de 2 à 4h (ce qui est recommandé par l’ANDEA); et dans le cas contraire je crains que peu d’entre nous renouvellerons l’expérience…
Dès le début, cette recherche a du inventer ses propres moyens d’existence et de méthodologie, ce que nous avons ressenti comme positif et nécessaire. Nous sommes partis sur un fonctionnement « off-shore », c’est à dire en dehors de l’école, mais néanmoins lié à l’école. Il peut sembler étrange qu‘une recherche dans une école se fasse hors école. Ce choix découle des questions concrètes évoquées plus haut mais aussi d’une volonté de notre part de trouver des moyens proches du contexte artistique actuel. Nous avons donc oscillé entre différents lieux :
– Lieux de vie personnelle : les moments d’échanges, avancées communes sur la recherche ont eu lieu lors de réunions régulières la plupart du temps à Paris, pour des raisons de logistiques (les acteurs étaient répartis sur une grande zone géographique), certains artistes/étudiants prenant part à la discussion via Skype.
– Les différents sites de l’EESAB ont été investis par la recherche lors de moments pédagogiques qui ont été gérés individuellement par chaque artiste-enseignant. Une plus grande porosité entre les moments/projets pédagogiques sur les différents sites aurait été bénéfique pour le projet comme pour les étudiants.
– La Chartreuse CNES nous a accueillis lors d’une résidence de 15 jours, qui s’est avéré fort opérante car elle a permis de réunir les acteurs sur un long temps commun, créant un dynamisme dans les propositions, et aussi un temps de vie commune, ce qui était important : apprendre à se connaitre, échanger lors de moments non dédié au projet, parler de la d’où l’on vient artistiquement, digresser et apprécier les habitudes et méthodes de chacun.
– L’EESAB (Lorient) a accueilli le séminaire de recherche qui a été un outil conséquent pour la recherche, tant au niveau critique que pédagogique, j’en parlais plus haut.
– Internet : Nous avons choisi, en cohérence avec le sujet traité, de rendre notre recherche accessible via internet. Comme je le disais plus haut, j’ai mis en place et produit la plateforme en solitaire, par manque de temps et d’investissement des autres ; j’aurai aimé un deuxième temps de résidence commun pour pouvoir concevoir cela ensemble. Néanmoins, cette plateforme, fort simple, s’est avérée intéressante pour le partage des données entre les acteurs et pour une meilleure visibilité du projet à l’extérieur.
(Cette expérience nous a fait nous poser la question plus générale de la visibilité de cette recherche à l’intérieur de l’EESAB. Une plateforme globale pour tous les projets de recherche de l’EEASB serait un bon moyen d’avoir des retours sur un seul projet, tout en permettant de créer des connexions avec les autres projets).

Moyens de restitution d’une recherche.
Ils ont été principalement éditoriaux : internet et publication. Pour clôturer cette recherche, il aurait été intéressant par exemple de mettre en place une expérience liée au commissariat d’une exposition, de la déplacer et de la rejouer sous la forme d’une mise en espace. C’est une possibilité à laquelle je réfléchis encore, bien que la recherche soit officiellement terminée. Si la publication m’a semblé un moyen cohérent pour garder une trace et en diffuser certains aspects, je suis persuadée qu’elle ne doit en aucun cas devenir une norme pour la restitution d’une recherche. La publication en ligne comme le site internet expérimental, l’exposition comme la conférence, la projection ou l’organisation de démo, voir même la création d’un festival ou d’un chantier de type ateliers peuvent être les moyens à investir et expérimenter.
On peut, par ailleurs, de manière plus pragmatique, citer la dissémination et les liens tissés par Auto-archiave immédiat avec d’autres écoles,  institutions et artistes  :
– lors du séminaire, des enseignants de Pau et Avignon étaient présents et nous avons pu échanger et nous rendre compte que cette recherche trouvait des échos sous d’autres formes (longue conservation, recherche lié au design graphique)
– Dominique Moulon et moi-même sommes invités à Sc. Po paris pour un semestre (Master) pour un cours qui découle directement de cette recherche.
– Participation au séminaire Territoires, mutations & archives (Tarbes, Chrystelle Debordes, revue Echappées n° 2)
– Participation à un projet de revue en ligne avec le collectif Kom.post
– Cycle de conférences à la BNF en février sur ses questions, notamment à un niveau éditorial.

• Temporalités de la recherche
La recherche est officiellement arrivée à son terme. Pourtant, celle-ci ne fait que commencer : nous avons activé des pistes, lancé des projets et les aboutissements de cette recherche sont encore à venir. Elle nous a influencés dans notre travail plastique personnel comme dans notre enseignement. Sa temporalité va bien au delà de ce que nous avions prévu et il est presque frustrant de s’arrêter ici. Bien que cette recherche m’aie habitée complétement et qu’elle émanait d’une expérience de mon travail d’artiste, je l’ai parfois trouvée, dans son fonctionnement, loin de ma manière d’envisager une proposition. Lors de la prochaine recherche (pour géographies variables, qui à tout juste commencée!), j’ai décidé de m’accorder un temps de travail balisé au sein du projet car pour la personne qui dirige une recherche, le temps alloué à l’administratif, à l’organisation est une entrave permanente au travail artistique…

• Terminologie
Je termine cet article par terminologie :  )
Les mots des la recherche en art sont de véritable maux. J’en suis sure, ces mots n’émanent pas d’artistes – les premiers et seuls acteurs incontournables de l’art.
Mais qui a trouvé le mot recherche ? Le mot direction scientifique ? (pourquoi pas direction artistique ?) Ligne de recherche ? Laboratoire ? Validation ??? (Toutes ces questions sont rhétoriques bien sur, je sais très bien qui à Bologne ou en France rêve d’aligner les écoles d’art…). Mais pourtant je ne rêve pas. À croire que les écoles ne sont pas pleines d’artistes – plasticiens, sculpteurs, vidéastes, écrivains, critiques, historiens – capables de définir eux-mêmes, de manière critique, leurs pratiques/leur recherche. Les artistes ne se sont pas gênés pour le faire depuis des lustres, manifestes et écrits sur l’art sont là pour en témoigner et je pense que des pistes sont à explorer de ce côté là…

Nous sommes nous faits rattraper par le profiling du langage ?

CARTOGRAPHIES DE L’INVISIBLE, 19 avril à la BNF et 20 avril 2013 à la Gaîté Lyrique

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Comment lire un million de pages de mangas en un seul coup d’oeil ? Comment déconstruire nos catégories culturelles et artistiques grâce à la visualisation des big data ? Comment représenter l’information sur le réseau ? Comment naviguer dans les paysages de données ?
Archiver, comptabiliser et cartographier nos désirs les plus intimes sont autant de rouages de l’économie à l’ère des réseaux. Derrière l’accumulation massive d’information et de signes découlant de cette activité, peut-on déceler des structures « à grande échelle » qui révèleraient un envers du décor, des formes récurrentes invisibles à l’œil nu qui annonceraient une météorologie du discours ?
Ces journées d’études, destinées à un public non spécialiste, artistes, théoriciens, scientifiques, viendront éclairer ce qui se joue au cœur de ces mécanismes. Plus précisément, il s’agira, tout en gardant une distance critique, de tenter de comprendre comment l’art, la littérature, l’esthétique et le politique peuvent s’en trouver transformés.

> Vendredi 19 avril 2013 9h30-19h00 à la BNF
> Petit Auditorium, entrée libre

Cartographies de l’invisible. Art, réseau, big data

Avec : Jacqueline Sanson, Marie Lechner, Marie Saladin, Christophe Bruno, Tommaso Venturini, Axel Meunier, Lev Manovich, Julien Prévieux, Claire Leroux, Chrystelle Desbordes, Etienne Cliquet, Julie Morel, Roger Malina, Maximilian Schich, Annick Bureaud,

 

 

A Thousand Leaves : French Tickler

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De la conservation du mille-feuille

Un projet de recherche comme Auto-archivage immédiat pose la question de son propre archivage pérenne. Comment retenir non pas les objets (virtuels ou matériels) produits – ce serait impossible de par la nature des supports utilisés [1] et dans ce cas là inutile – mais l’essence d’un tel projet?
Après réflexion je me suis fixée sur un support papier qui reste un moyen de diffusion stable (bien que moins accessible), et qui permettrait au moins de relater les enjeux et l’énergie du projet Auto-archivage immédiat.
Ce choix induit certaines contraintes, qui pourrait maintenant se résumer par la question : comment passer de contenus sur internet vers un support papier?

Dans cet objet éditorial, nous avons donc testé comment des flux pouvaient résister ou perdurer sur le papier, mais avec l’évidence que l’on ne pouvait pas opérer une simple translation d’un médium à un autre.
Si l’inverse semble couler de source – on a toujours eu ce mouvement d’aller du papier vers un média en ligne – le retour du numérique vers le papier appelle à concevoir le « livre » autrement. Je mets livre entre guillemets car je ne crois pas que l’on puisse nommer cette archive papier par ce nom, même s’il en possède les qualités formelles (matériaux, reliure, une certaine linéarité au premier abord, outils synchroniques..).
Alors, ici la question sous-tend toujours : comment définir cet objet, comment s’y prend-on pour « transcrire » des contenus en ligne, avec tout ce qu’ils possèdent d’In Absentia. Comment visualiser ce qui se cache derrière un lien, comment retranscrire une vidéo, une animation-transition en mouvement, les multiples couches qui constituent un site, ou encore le montage tellement particulier d’une navigation hypertextuelle?

Peut-être le livre d’artiste serait-il un paradigme intéressant par son approche. En tout cas, il offrirait des pistes de réponses sur ce que l’on peut développer lors d’un passage internet > papier. Il évite en effet souvent des choses telles que le codex, la pensée linéaire, la narration illustrative, la mise en page normée, la rigidité monolithique du livre, ce que nous voulons a tout pris éviter.
Il n’est pas étonnant que les objets sur lesquels je travaille actuellement, celui-ci en particulier, sont surtout des objets conceptuels. Ils font donc directement référence à cette période artistique qu’est l’art conceptuel : notamment dans la place qu’y occupe la textualité [2] et la tautologie, forcément présente dans l’archivage d’un projet sur l’archivage.

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« Free time, free time
Did I mention that you control me
Free time, free time
The merest endeavor slightly forever
Mille feuille Mille feuille Mille feuille »

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[1] qui regroupe notamment écritures, lectures préformées, flux, agrégations, montages par métadonnées

[2] le texte en tant qu’il est écrit, le texte comme process, le texte devenant image, le texte comme élément à la fois structurel, abstrait et formel

 

Auto-archivage immédiat comme œuvre, dernier RDV

La semaine du 10 décembre verra le point final de 2 années de recherches sur ce que j’ai appelé l’auto-archivage immédiat. Ce projet a impliqué entre autre : Reynald Douhin, Gwenola Wagon, Dominique Moulon, Sylvie Ungauer, Thomas Daveluy, Karine Lebrun, Yannick Liron, et des étudiants de l’EESAB (ainsi que pleins d’artistes lors d’un séminaire à l’EESAB Lorient : Damien Schultz, Jean-Noël Lafargue, Yann Sérandour, Manuel Schmalstieg, Hasan Helahi entre autres…).
Pour clôturer la ligne de recherche nous ferons une présentation des divers projets réalisés (le but avoué de celle-ci était la production d’œuvres liées à l’auto-archivage immédiat), mais aussi de manière un peu plus distanciée et réflexive, la présentation portera sur le contexte et les modalités d’une recherche dans les écoles d’art. Cette présentation aura lieu salle Malraux, au Ministère de la Culture (la ligne avait été soutenue par le conseil scientifique de la recherche du Ministère) le lundi 11 et le mardi 12.
Le reste de la semaine se passera à l’atelier à la Gaité Lyrique, et sera consacré à la conception d’une édition qui donnera un aperçu de cette recherche.
Cette nouvelle aventure éditoriale augmentera la recherche de pistes encore non suivies et l’ouvrira à des potentiels encore non explorés, et permettra d’intégrer d’autres points de vues, d’autres propositions (critiques ou plastiques) d’artistes qui n’ont pas forcément pris part à celle ci. La forme que va prendre cette édition est encore à inventer (nous sommes déjà passés par la présentation des résultats de recherche via un site internet et la synthèse du séminaire via un numéro de la revue Pratiques qui paraitra début 2013) mais l’objectif est clair : l’objet et les outils formels à disposition ont pour fonction de rendre clair et réinterroger, voir réactiver les problématiques développées pendant ces deux années. Nous traiterons donc des changements de paradigmes de la mise en mémoire (archives) et de sa diffusion/de son accès face aux flux des supports artificiels de mémoire, et notamment l’appropriation par les artistes de ces supports.

Quelques photos de l’atelier en cours :

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Et en attendant la fin de cette publication, la revue Pratiques consacrée au séminaire sur le même sujet devrait sortir début janvier.

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Auto-archivage immédiat


Genèse de la ligne de recherche

La fin de l’année 2004 a vu pour moi la création d’un blog. Depuis 1996, je possédais plusieurs sites internet : une plateforme collaborative avec le collectif incident.net, des sites qui étaient des pièces artistiques en tant que telles, et un site internet personnel, galerie « obligatoire » de projets archivés.
La fonction de ce dernier site n’était pas satisfaisant : j’écrivais sur des pièces et projets déjà réalisés alors que j’aurais préféré parler de recherches en cours. Petit à petit, la partie carnet de notes que je développais en parallèle a prise de l’ampleur mais la lourdeur de la réactualisation régulière de pages en Html rendait les choses difficiles.
Je me suis penchée sur les éditeurs en ligne mais j’avais un apriori sur les blogs en ce qu’ils délocalisaient le contenu depuis mon ordinateur vers un serveur que je ne pouvais pas maîtriser complètement[1], rendant les données encore plus immatérielles puisque contenues dans une base de données et non dans un fichier « en dur ».
Un autre à priori était d’ordre méthodologique : le blog mettait à disposition immédiatement la chose écrite, sans filtre. Paradoxalement, partager une pensée en train de se construire me paraissait une bonne chose, de même que pouvoir la commenter, la remettre en jeux et la confronter (individuellement mais aussi collectivement) à d’autres manières de faire.
C’est à ce moment que j’ai pris connaissance du texte de Michel Foucault « L’écriture de soi », qui traite notamment des hupomnêmata[2] et la manière dont la culture gréco-romaine les utilisait.

Le texte de Foucault a considérablement raisonné, notamment dans l’analogie que l’on pouvait naturellement construire entre hupomnêmata et ce que potentiellement un blog (ou tout autre support artificiel de mémoire électronique partageable) offre de plus riche : une mémoire matérielle ouverte à utiliser comme une boite à outils pour la réflexion, la méditation et l’échange avec soi-même et avec l’autre.
Cette analogie m’a donné une méthode ; elle m’a poussée à envisager le blog comme un outil. Un outil pour pratiquer une pensée critique attachée à un projet artistique en train de se faire, pour développer un mode d’écriture non figé qui ne fait pas l’économie de la fragilité d’une réflexion en cours, et assumer les retours que ce mode d’écriture suscite une fois livrée.

Chaque type d’outils engendrent des objets spécifiques, et après quelques mois de pratique du blog j’ai observé l’objet que j’avais produit et sa nature.
Après réflexion, le dispositif stockait et classait (de manière chronologique, par catégories, par mots clés, etc.) automatiquement mes idées, mes productions, ainsi que toutes sortes de médias et données qui m’importaient : j’archivais mon travail d’une façon systématique et immédiate. De fait, cet auto-archivage pouvait bien produire une esthétique en temps que telle.
J’ai décidé d’appeler cette pratique l’auto-archivage immédiat.
Le terme auto renvoyait à l’automatisation du traitement des médias et données, son stockage et son archivage par l’éditeur en ligne, et à autonome : dans ce qu’elles pouvaient être reprises (flux RSS par exemple) et/ou réutilisées (mashups[3]). Ce terme « auto » n’était donc pas à prendre en premier lieu comme relatif à une pratique personnelle (comme dans « auto-portrait » par exemple), il n’était pas question ici de faire un « récit de soi-même »[4].
Ainsi jour après jour, je produisais un nouveau type d’archive : une archive immédiatement consultable, échangeable et contribuable (dans le cas d’éditeurs de textes à plusieurs contributeurs, ou dans la possibilité d’ajouter des commentaires), une archive performative, une action.



[1] À l’heure où j’écris ce texte, mon site internet a été « hacké » et toutes mes données sont inaccessibles, voire pour certaines perdues. La question de la perte, et donc de la conservation des données reste centrale dans l’archivage en ligne. Mais on peut aussi se poser la question autrement : de tels contenus sont-ils destinés à être conservés ?

[2] Supports artificiels de mémoire. (voir M. Foucault – « L’écriture de soi », texte reproduit dans « Théorie »)

[3] En Français application composite. C’est à dire une application qui combine des contenus provenant de plusieurs sources déjà existantes. Par exemple dans le cas du site internet, le fait d’agréger des contenus provenant d’autres sites afin d’en créer un nouveau.

[4] « Aussi personnels qu’ils soient, ces hupomnêmata ne doivent pas cependant être pris comme des journaux intimes (…). Il ne constitue pas un « récit de soi-même » ; ils n’ont pas pour objectif de faire venir à la lumière du jour les arcana conscientiæ dont l’aveu – oral ou écrit – a valeur purificatrice. Le mouvement qu’ils cherchent à effectuer est inverse de celui-là : il s’agit non poursuivre l’indicible, non de révéler le caché, non de dire le non-dit, mais de capter au contraire de déjà-dit, rassembler ce qu’on a pu entendre ou lire, et cela pour une fin qui n’est rien de moins que la constitution de soi. » (M. Foucault – « L’écriture de soi », dans Dits et écrits, p.1238).

 

Références pour Archives num

• DIAL HISTORY / Johan Grimonprez

« Dial History » est une recherche axée sur les archives télévisuelles et remet en question le spectacle médiatique. Le récit historique du détournement d’avion constitue le point de départ d’une analyse de l’impact des images sur nos sentiments, notre savoir, notre mémoire.
Les rêveries fragmentales d’un écrivain anonyme autour du pouvoir de l’écriture, dans une époque appartenant aux poseurs de bombes et aux pirates de l’air hypermédiatisés, focalisent à la fois le désir de catastrophe et le besoin de se sentir chez soi.
Au milieu du flot ininterrompu d’informations inutiles et contradictoires, le terroriste, lui, en promettant identification et récit, pathos et catharsis, suscite, comme chaque catastrophe réussie, un flux de sentiments entre l’image et le spectateur. Le succès de la « télévision-réalité » témoigne de l’alliance des médias, des téléspectateurs et de la catastrophe.

dial history

• Lettres de Sibérie / Chris Marker

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_de_Sib%C3%A9rie
http://www.dailymotion.com/video/x5snyk_lettres-de-siberie-extrait_news
http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/263/

Auto-archivage immédiat / Séminaire à l’EESAB, les 7-8-9 décembre 2011


Le séminaire de la ligne de recherche « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre » aura lieu les 7-8-9 décembre 2011, à l’EESAB, site Lorient.
L’entrée est libre, et les intervenants intéressants, venez nombreux!

« Notre société a une relation complexe à la mémoire et développe depuis l’après-guerre
une hypermnésie. Cette hypertrophie de la mémoire s’est encore accentuée depuis
l’apparition de l’ordinateur (bases de données fermées) et internet (bases de données
ouvertes et partagées) et la démocratisation des supports artificiels de mémoire.
Cette démocratisation, cet accès à un auto-archivage immédiat change le statut
même de l’archive et notre manière d’appréhender l’information, l’histoire, l’art.
Ce séminaire tentera de questionner l’auto-archivage immédiat, c’est-à-dire l’archive
dans sa capacité à se reconstituer en permanence et sur laquelle on peut interagir à
tout moment, devenant fluctuante, variable, instable ».
> http://incident.net/recherche

Au programme :

Mercredi 7 décembre
14h – 17h : Yann Sérandour / Jean-Noël Lafargue / Maurice Benayoun
Jeudi 8 décembre
9h – 12h : Christophe Bruno / Joëlle Bitton / David Guez
14h – 17h30 : Jérome Joy / Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer / Dominique Moulon
18h : Performance de Damien Schultz
Vendredi 9 décembre
9h – 12h : Manuel Schmalstieg / Hasan Helahi / Lionel Broye
12h30 : Lecture performée de Gwenola Wagon
École européenne supérieure d’art de Bretagne – site de Lorient
1 avenue de Kergroise
56000 Lorient
02 97 35 31 70

La ligne de recherche « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre »
Direction scientifique : Julie Morel
Équipe de recherche : Reynald Drouhin, Grégory Chatonsky, Dominique Moulon, Karine Lebrun, Sylvie Ungauer, Gwenola Wagon.

C(h)œur, écho et Fugue

 

3ème journée de résidence.
Notre premier échange (où chacun a présenté où il en était de ses expérimentations) a servit de synthèse et a permis de choisir ce que nous livrerions à Yannick pour qu’il puisse enclencher son travail d’écriture.
Nous avons consacré un temps à la relecture de « l’écriture de soit » de Foucault, le texte dont j’étais partie pour fonder le projet de recherche. Il reste d’actualité aujourd’hui, malgré le long chemin parcouru depuis l’année dernière : notamment dans le fait que nous sommes passés d’une pratique d’archives sur des supports artificiels de mémoire qui permet un tri d’éléments disparates vers une pratique d’archives sur supports artificiels de mémoire modifiés par les flux (où le tri se trouve remis en question).
Cette question du flux, essentielle dans la gestion des stocks de données sur internet, disqualifie presque systématiquement la question du tri, du choix, du corpus à constituer. Comment rester acteur de l’(auto-)archivage lorsqu’on est face aux flux ? Est-ce même encore la question à ce poser. Ne vaut-il pas mieux organiser les flux que de tenter de les stopper ?

À la relecture du texte, Yannick pointe combien est étrange ce passage, où Sénèque souligne que de plusieurs voix disparates l’on passe à une seule voix (le flux ?) qui les intègre toutes en son sein. Ce sera son point de départ, et de la née l’analogie que l’on pourrait faire au chœur.
Il propose donc une « lecture performative » qui mettrait plusieurs voix en jeu, qu’il nomme « unités ». 1. Unité de temps. 2. Unité de lieu. 3. Unité d’action. Trois voix séparées, mais en un jeu.
Ces unités, je les envisage tout de suite comme miroir aux 3 écritures séparées (mais présente au sein du même dispositif) que Barthes décrit dans son analyse du Bunraku :

« Les poupées de Bunraku ont de un à deux mètres de hauteur. Ce sont de petits hommes ou de petites femmes, aux membres, aux mains et à la bouche mobiles ; chaque poupée est mue par trois hommes visibles, qui l’entourent, la soutiennent, l’accompagnent : le maître tient le haut du visage découvert, lisse, clair, impassible, froid comme « un oignon blanc qui vient d’être lavé » (Bashô) ; les deux aides sont en noir, une étoffe cache leur visage ; l’un ganté mais le pouce découvert, tient un grand ciseau à ficelles dont il meut le bras et la main gauche de la poupée ; l’autre, rampant, soutient le corps, assure la marche. Ces hommes évoluent le long d’une fosse peu profonde, qui laisse leur corps apparent. Le décor est derrière eux, comme au théâtre. Sur le côté, une estrade reçoit les musiciens et les récitants ; leur rôle est d’exprimer le texte (comme on presse un fruit) ; ce texte est mi-parlé, mi-chanté ; ponctué à grands coups de plectre par les joueurs de shamisen, il est à la fois mesuré et jeté, avec violence et artifice. Suants et immobiles, les porte-voix sont assis derrière de petits lutrins où est posée la grande écriture qu’ils vocalisent et dont on aperçoit de loin les caractères verticaux, lorsqu’ils tournent une page de leur livret ; un triangle de toile raide, attaché à leurs épaules comme un cerf-volant, encadre leurs faces, en proie, elles à toutes les affres de la voix.

Le Bunraku pratique donc trois écriture séparées, qu’il donne à lire simultanément en trois lieux du spectacle : la marionnette, le manipulateur, le vociférant : le geste effectué, le geste effectif, le geste vocal. La voix : enjeu réel de la modernité, substance particulière du langage, que l’on essaye partout de faire triompher. Tout au contraire, le Bunraku a une idée limitée de la voix ; il ne la supprime pas mais lui assigne une fonction bien définie, essentiellement triviale.

Dans la voix du récitant, viennent en effet se rassembler : la déclamation outrée, le trémolo, le ton suraigu, féminin, les intonations brisées, les pleurs, les paroxysmes de la colère, de la plainte, de la supplication, de l’étonnement, le pathos indécent, toute la cuisine de l’émotion, élaborée ouvertement au niveau de ce corps interne, viscéral, dont le larynx est le muscle médiateur.

Encore ce débordement n’est-il donné que sous le code même du débordement : la voix ne se meut qu’à travers quelques signes discontinus de tempête ; poussée hors d’un corps immobile, triangulée par le vêtement, liée au livre qui, de son pupitre, la guide, cloutée sèchement par les coups légèrement déphasés (et par la même impertinents) du joueur de shamisen, la substance vocale reste écrite, discontinuée, codée, soumise à une ironie (si l’on veut bien ôter à ce mot tout sens caustique) ; aussi, ce que la voix extériorise, en fin de compte, ce n’est pas ce qu’elle porte (les sentiments), c’est elle-même, sa propre prostitution ; le signifiant ne fait astucieusement que se retourner comme un gant.

Sans être éliminée (ce qui serait une façon de la censurer, c’est-à-dire d’en désigner l’importance), la voix est donc mise de côté (scéniquement, les récitants occupent une estrade latérale) le Bunraku lui donne un contrepoids, ou mieux, une contremarche : celle du geste. Le geste est double : geste émotif au niveau de la marionnette (des gens pleurent au suicide de la poupée amante), acte transitif au niveau des manipulateurs. (…) Le Bunraku (c’est sa définition) sépare l’acte du geste : il montre le geste, il laisse voir l’acte, il expose à la fois l’art et le travail, réserve à chacun d’eux son écriture. La voix est doublée d’un vaste volume de silence, où s’inscrivent avec d’autant plus de finesse, d’autres traits, d’autres écritures. Et ici, il se produit un effet inouï : loin de la voix et sans mimique, ces écritures silencieuses, l’une transitive, l’autre gestuelle, produisent une exaltation aussi spéciale, peut-être, que l’hyperesthésie que l’on attribue à certaines drogues. »

////

origine incertaine

filiation douteuse, mais qui n’empêche pas malgré tout une généalogie

liaison mal assurée

vie des mots comme vie aventureuse de voyageurs

bégaiements

reprises

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voix

v1 = unité de temps = un bel été

v2 = unité de lieu = un château, une villa, une maquette, un parc, un jardin

v3 = unité d’action = v4 & v5 s’appellent, s’interpellent, se cherchent, se trouvent, se perdent

v4 = une femme

v5 = un homme

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sommaire

Prologue

Schéma d’Alexander pour un dispositif possible pour la performance.

Prologue (texte en cours et provisoire), Yannick.

Il doit y avoir plusieurs manières de raconter cette histoire. Sans doute est-ce vrai de nombre d’entre elles, si ce n’est de toutes.

Mais ce n’est pas aux qualités du narrateur auxquelles je pense, ni aux équivalences qu’un récit peut subir dans le temps et l’espace, ni à ses variantes, et autres redéploiements ou ajustements. En disant qu’il doit y avoir plusieurs façons de narrer cette histoire, je ne pense pas non plus à la question des divers points de vue qui pourraient s’y exprimer, les différentes positions s’y affrontant correspondant au nombre des personnages. L’histoire devenant ainsi porteuse d’autres savoirs, d’autres impératifs.

Pour que cette histoire puisse être non seulement vraisemblable ou crédible, mais troublante, il fallait qu’elle soit vraie. Mais également qu’elle ne connaisse, ou ne possède pas de terme.

Il est bien possible qu’une histoire qui finie est une histoire finie, une histoire qui en a fini avec ce qu’elle avait a nous dire, avec sa puissance d’échos, son travail de résonnance qui accomplit une singulière manière d’habiter. Son point final se confond alors avec un fait.

En revanche, dire qu’une histoire n’a pas de fin, ce serait en quelque sorte lui donner carte blanche : elle se mettrait à disposition de tel ou tel conteur de son choix et, indéfiniment reprise, ferait à toute époque et en tout lieu qu’auditeur ou lecteur ne sache ou ne puisse,  plutôt que jamais l’achever, toujours l’inachever.

Prétendre qu’une histoire ne devrait pas connaître de dénouement, ce serait la considérer comme une exposition. Un bel été, un parc, un jardin, une longue allée centrale, des pelouses, des massifs de fleurs, des arbres, des haies de noisetiers, un château, une villa, une maquette, les terrasses, les balustrades, les baies vitrées, la chambre verte, la chambre bleue, la chambre noire, les salons, la bibliothèque, une vieille dame, une cuisinière, une jeune gouvernante, un jeune homme de passage.

Une histoire qui ne buterait sur nulle clôture inventerait, au sens de rencontrer, encore et sans fin des rapports et d’autres relations entre chacun des divers éléments qui la composent et semblent l’organiser, du jeu, de nouveaux aperçus, d’autres complémentarités, des arrêts, des effleurements compatibles, des bifurcations comme des familiarités incommodes, du jour et des jours. Elle laisserait filtrer à travers les grilles de l’entrée principale des choses devinées, à peine distinguées, plus ou moins entendues ou déchiffrées. Une porte, qu’elle ouvre vers un mur, donne un mur plus qu’elle ne donne sur un mur, et alors, c’est à connaître, autorise une porte. Cette histoire, et c’est peut-être en cela qu’elle ne cesse de me convier, j’en pourrai dire, depuis que j’ai commencé à parler, que parlant j’ai nécessité de la redistribuer.

 

 

 

Auto-archivage immédiat – La Chartreuse

Le programme de recherche « De l’auto-archivage immédiat » de l’EESAB se déplace pour une résidence d’écriture à la Chartreuse CNES du 17 au 28 octobre.
Y seront donc présents : Yannick Liron, Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer, Julie Morel, ainsi que deux étudiants de l’EESAB (Alexander Morel et Gwendal Deshayes).
Rappel de cette résidence :
« Si l’apparition des blogs et autres types de stockage partagés en ligne a permis un nouveau type d’archivage : l’auto-archivage immédiat, qui, non figé, se reconstitue en permanence et sur lequel le lecteur peut interagir. La ligne de recherche De l’auto-archivage comme œuvre, initiée par l’École européenne supérieure d’art de Bretagne à Lorient, réunit artistes et critiques autour de la création d’une plateforme en ligne explorant cette oeuvre-archive qui inclut sa genèse, ses hésitations, ses retours, ses commentaires, ses silences, sa réception. La résidence à la Chartreuse prolonge cette recherche en proposant à un auteur – Yannick Liron – et un performeur – Damien Schultz – de travailler à partir des textes et médias générés par cette plateforme, sur des modalités liées aux flux. Ces données serviront de base pour expérimenter la production d’un texte destiné à être performé ».

Cette extension « hors les murs » du projet de recherche permettra de réaffirmer que la pratique artistique en temps que telle fait recherche et que les méthodologies que l’on inventent lors de production d’œuvres sont valident pour produire une recherche dont les « outputs » (propositions conceptuelles & plastiques, théoriques, éditoriales et autres restitutions) dialoguent et s’enrichissent les unes les autres.
Cette extension prolonge la recherche entamée (collectivement ou individuellement) et là malmène parfois,  dans un glissement de médium. Proposer à un auteur et un performeur de travailler à partir des textes et médias générés par la plateforme, c’est d’abord proliférer dans d’autres domaines que celui assignés à cette recherche, mais en gardant les modalités (flux, langage, archivages immédiats).

 

De l’archive et de l’auto-archivage immédiat comme œuvre

Dans quelques jours, je commencerai à travailler sur le projet de recherche « De l’archive et de l’auto-archivage immédiat comme œuvre ». Ce projet de recherche a été accepté par le conseil scientifique de la recherche et des études de la DAP et il est porté par l’École supérieure d’art de Lorient et l’association des écoles d’art de Bretagne. Il regroupera plusieurs artistes, critiques, tous enseignants. Notre première réunion de travail aura lieu vendredi prochain !

Une présentation du contexte de la recherche et du projet aura lieu mercredi 17 novembre 2010, au matin, à la DAP, lors du séminaire consacré à la recherche.
Le projet a émergé au fil des rencontres et des expériences que j’ai pu avoir cette année dans le domaine des archives. Notamment lors de l’atelier à L’ESAC (Pau) pendant le festival Access, la conférence à l’IAV (Orléans) et surtout lors de mon séjour aux Archives départementales dans le cadre des résidences de l’art en Dordogne.

En voici la note d’intention :

L’art numérique et la textualité d’internet ont profondément transformé le principe et les modalités de l’écriture qui emprunte des supports de plus en plus interactifs. L’utilisation des supports artificiels de mémoire par les artistes au cœur même du processus de création, tend à réduire encore la distance qui sépare l’acte de création et sa restitution finale.
Le blog, notamment, a été investi par de nombreux artistes numériques et contemporains, jusqu’à en faire œuvre : à la fois interface, atelier ouvert, c’est un processus de création partagé qui se rapproche d’une pratique de notation quotidienne comme peut le faire Jonas Mekas ou encore aux «hypomnémata» tels qu’évoqués par Foucault dans «l’écriture de soi».
L’apparition des blogs a permis un nouveau type d’archivage : l’auto-archivage immédiat, qui, non figé, se reconstitue en permanence, et sur lequel le lecteur peut interagir. Ainsi, l’oeuvre-archive inclut sa genèse, ses hésitations, ses retours, ses commentaires, ses silences, sa réception. Cette émergence produit de nouvelles formes plastiques et esthétiques fondées sur le réseau, l’interactivité, le flux, le fragment, la pluralité des discours.
A ce jour, les blogs, que ce soit comme outils pour les créateurs, comme moyen plastique pour les artistes, ou dans le milieu des étudiants en art, sont extrêmement répandus. Or, il n’existe aucune recherche qui rende compte de l’étendue et de la qualité de ce phénomène. Encore moins de retour critique et d’expériences concrètes & conscientes de cette pratique.
Cette recherche s’inscrit de manière générale dans un large mouvement contemporain qui regroupe l’archive comme objet média, et l’archivage comme oeuvre & comme principe relationnel.
Une partie de cette recherche sera donc consacrée aux différents principes de documentations comme projet. Car il ne s’agit pas ici de lister un nombre d’expérimentations ou d’espaces d’archivages d’artistes dont le contenu serait intéressant, mais bien de s’emparer de ces outils et les transformer en matière à pratiquer une recherche jusqu’à en faire œuvre, tout en y portant un regard critique.

Responsable scientifique : Julie Morel
Équipe : Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer, Dominique Moulon, Grégory Chatonsky, Gwenola Wagon, Karine Lebrun.
Financement : DAP / Association des écoles d’art de Bretagne.

Partition & mémoire

Tu m’écris souvent et je t’en sais gré, car ainsi tu te montres à moi par le seul moyen dont tu disposes. Chaque fois que ta lettre m’arrive, nous voila tout de suite ensemble.
Si nous sommes contents d’avoir les portraits de nos amis absents (…) comme une lettre nous réjouit d’avantage, puisqu’elle apporte des marques vivantes de l’absent, l’empreinte authentique  de sa personne. La trace d’une main amie, imprimée sur les pages, assure ce qu’il y a de plus doux dans la présence : retrouver. »*

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Dans quelques jours, je pars pour Pau, où je vais travailler à un atelier de l’école d’Art, dans le cadre du festival Acces-s. Cet atelier portera sur l’archive, et notamment sur un exercice que je pratique quotidiennement ici : l’auto-archivage immédiat.
Cette question de l’archive, sous la forme spécifique d’hupomnêmata, est récurrente dans mon travail et je suis toujours surprise quand on me propose une résidence, ou de donner une conférence (dans 2 semaines au musée des beaux-art d’Orléans), un workshop sur ce thème, car il me semble que je me trouve à 10000 lieux de l’archive en tant que stockage et de la conservation d’informations.
Pour ma part, ce type d’archive a une durée de vie limitée (comme une œuvre d’art d’ailleurs, notamment numérique – voir la thèse d’Anne Laforêt) et je ne m’intéresse pas à sa conservation ou à rendre compte d’une certaine mémoire de manière didactique (j’envisagerai plutôt la conservation d’une œuvre d’art numérique comme un accompagnement vers sa disparition).
Me balader cet automne dans les quelques 20km de couloir d’Archives à Périgueux a été une expérience étrange… Généralement, on n’accède pas aux archives par leur matérialité (un lecteur se rend rarement dans les étages où elles sont stockées) mais par leur index, par la recherche dans une base de données, cette matérialité reste très présente dans son absence. L’ impression très pesante de ces milliers d’informations disponibles m’a fait me poser une fois de plus la question de cet auto-archivage que je mets en place dans mon blog : pourquoi produire plus d’archives, dans quel but ?

La réponse serait que l’auto-archivage permet une pratique qui se déploie dans le partage. Parfois, il fait œuvre (un peu à la Jonas Mekas finalement) et il en découle une certaine esthétique. Je reste convaincue que ce travail quotidien appartient bien à une sorte de réactivation et non à la conservation classique.

Je relis ce soir le texte « l’écriture de soi », ce très beau texte de Foucault.
« Il ne faudrait pas envisager ces hupomnêmata comme un simple support de mémoire, qu’on pourrait consulter de temps à autre, si l’occasion s’en présentait. Ils ne sont pas destinés à se substituer au souvenir éventuellement défaillant. Ils constituent plutôt un matériel  et un cadre pour des exercices à effectuer fréquemment : lire, relire, méditer, s’entretenir avec soi-même et avec d’autres, etc. Et cela afin de les avoir, selon une expression qui revient souvent, prokheiron, ad manum, in promptu. « Sous la main » donc, pas simplement au sens où on doit pouvoir les utiliser, aussitôt qu’il en est besoin, dans l’action. Il s’agit de se constituer un logos bioéthikos, un équipement de discours secourables, susceptibles – comme le dit Plutarque – d’élever eux-mêmes la voix et de faire taire les passions comme un maître qui apaise le grondement des chiens. Et il faut pour cela qu’ils ne soient pas simplement logés comme une armoire aux souvenirs mais profondément implantés dans l’âme, « fichés en elle » dit Sénèque, et qu’ils fassent ainsi partie de nous-mêmes : bref, que l’âme les fasse non seulement siens, mais soi.
L’écriture des hupomnêmata est un relais dans cette subjectivation du discours. »

misscollante

*Sénèque. Livre 4, lettre 40.