Archives de mots clés: Clipperton

Aubamo : 200 personnes + Net.art is not dead

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Des photos du vernissage de l’exposition Aubamo, qui réunissait David Poullard, Grégoire Romanet, Pierre Di Sciullo après vous et moi-même, ce vendredi 15 février à la Galerie Plateforme.
La soirée du vernissage a été incroyablement agréable et Lola Burgade (une de mes étudiantes de 5ème année et jeune artiste prometteuse) a été comme un poisson dans l’eau lors de ses 2 courtes mais intenses performances, pendant lesquels le public est resté silencieux et le temps suspendu..

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Cette exposition a lieu 2 ans après « Bonus Track » ma dernière exposition là-bas, et c’est le même plaisir, intacte, de faire les choses dans ce lieu, tenu par des artistes (entre autre Cécile Azoulay, François Ronsiaux, Cécile Babiole…)
J’aime les espaces gérés par les artistes : ils restent les meilleurs endroits où échanger des idées, partager le travail, rencontrer l’autre. Tous ces lieux que j’ai connus (Paris Project Room, Public, Béton salon, Visite ma tente) et ceux qui persistent encore (Marks Blond, Plateforme), et quelque soit leur dénomination (Artist run space, Off space, centres d’artistes autogérés) permettent à la fois dans une grande rigueur vis à vis du travail (sans jamais être dans quelque chose de rigide) une ouverture et un potentiel d’expérimentation que je ne retrouve que dans peu de lieux institutionnels ou galeries privées. Ce sont ces lieux que je préfère et ils font parti de ma famille artistique.
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Net art is not dead (but in a commercial gallery).
Une semaine après – hier soir donc – je me suis rendue à la galerie xpo, pour voir « Offline Art : new2 ».
Un exposition dont le commissariat a été assurée par Aram Bartholl, avec les artistes : Cory Arcangel, Kim Asendorf, Claude Closky, Constant Dullaart, Dragan Espenschied, Faith Holland, JODI, Olia Lialina, Jonas Lund, Evan Roth, Phil Thompson, Emilie Gervais & Sarah Weis. (Autant dire, un peu la Dream Team, autant du côté du commissariat qu’en terme d’art sur internet).

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L’intérêt de cette exposition réside surtout dans le fait que rien n’apparait dans la galerie si ce ne sont des modems accrochés au mur.
Pour visionner les Å“uvres en ligne, il faut sortir son téléphone (ou pour les rare personnes qui comme moi n’ont pas de smartphone, leur ordinateur) pour se connecter au signal envoyé par chaque modem, modifié pour ne donner accès qu’à un seul travail qui porte le nom de l’artiste.
J’ai aimé cet extrémisme esthétique et fonctionnel : ne voir que les modems alignés le long des murs, chacun avec sa personnalité (un genre de portrait chinois), se connecter pour accéder à une Å“uvre…

Bien sur il  y avait pleins de gens que je connaissais, mais je ne suis pas restée très longtemps. Contente de ce que j’avais vu, je suis rentrée à pieds, habitée par ce que je venais de voir.
En marchant, malgré le fait que j’ai apprécié la qualité de cette exposition, mes réflexions m’ont poussées à déplorer le fait que peut-être, elle ne fonctionnait pas complètement. Cette idée a émergée quand j’ai pensé que le vernissage, comparé à celui de la semaine dernière à Plateforme, n’avait pas été des plus joyeux, et que si la connexion fonctionnait, la rencontre, elle, n’avait finalement pas eu lieu. Il en ressortait que l’idée de communauté qui (pour moi) a toujours accompagné le net.art, semblait absent de celui-ci.
Est-ce le côté individualiste du smartphone qui engendre cela : chacun dans son coin, sur un écran réduit, à regarder une œuvre, de manière individuelle, fermée, sans échanges.
Est-ce cela internet vu par ses artistes ?
Je me suis mise à penser qu’un dispositif simple aurait pu court-circuiter cet individualisme ambiant : un espace de rencontre, sous la forme d’un grand sofa minimaliste, assez bas et sans dossier, au centre de la pièce du fond. Une zone qui n’aurait pas fait concurrence à l’installation et qui aurait favorisé le dialogue. J’imaginais les gens les uns à côté des des autres, qui peut à peut se laissent aller et regardent par dessus l’épaule de la personne assise à côté, et engage la discussion.

J’ai repensé à la dernière phrase de Olia Lialina qui a introduit cette soirée : « ils faut continuer à aller dans les cybercafés, ce sont ces endroits qui sont importants ».
Elle avait bien raison. Pour voir du net.art, allons au cybercafé.

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Hello World Bonjour Bazaar

Ce matin dans ma boite à lettres, un paquet contenant un exemplaire de « Hello World, Bonjour Bazaar ».
Cette édition, conçue avec la complicité de Catherine Lenoble en un temps record de 4 semaines (2 semaines de voyages et d’écriture, 1 semaine à Briant pour la conception et 1 semaines à l’atelier pour finr), a ensuite prise son temps : 8 mois pour être imprimée, pour cause de trop de travail, trop de déplacements, trop de tout et à quelques jours du calage, un traumatisme crânien : (
Autant dire que je suis contente de voir cet exemplaire là sur mon bureau alors que j’écris cet article. J’attends maintenant avec impatience les autres, qui devraient arriver la semaine prochaine.
Quelques photos prises avec un téléphone plutôt antique > couleurs non contractuelles!

Ce livre est distribué par le centre d’art de la Maison Populaire, mais je vous invite à venir le découvrir à l’occasion du vernissage de l’exposition Aubamo, à laquelle je participe, à la Galerie Plateforme : Vendredi 15 février à 19h.

Ce livre n’aurait pas pu exister sans l’aide de Jocelyne Quélo et David Poullard, merci!

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Expérience du récif

Julie Morel - "expérience du récif" - édition Expérience du récit

Il y a quelques semaines, Yannick Liron m’a demandé de participer à une édition qui portera le nom de « Expérience du récit », et qui sortira en début d’année. Soit 12 pages pour raconter son point de vue sur le récit et la narration.
J’ai travaillé cette semaine à ma proposition, qui elle portera le nom de « l’expérience du récif » ; )
Le texte d’introduction et quelques images en cours…

Julie Morel - "expérience du récif" - édition Expérience du récit

Expérience du récif, Julie Morel

Julie Morel - "expérience du récif" - édition Expérience du récit

 

Montage au Glasgow Sculpture Studio

3ème jour de montage pour l’exposition que je fais au Glasgow Sculpture Studio pour le projet Clipperton. Vernissage de l’exposition le 14 juillet!
Le GSS occupe tout le « Whisky Bond » (TWB), un ancien dépôt de Whisky, un lieu magique avec des moyens logistiques et humains incroyables : c’est avant tout un lieu de production dédiée à la sculpture contemporaine qui accueille environ 60 studio d’artistes (dont Alexandra P. Spaulding, David Shrigley, Nick Evans..), des ateliers de production, et un espace d’exposition.
C’est un vrais plaisir de retrouver certains membres de l’expédition… ou de les découvrir presque présents dans le film produit par Miguel Alcalde.
Encore 4 jours de montage, plusieurs dessins à finir et j’attends avec impatience les cartes générées à partir des entretiens menées à Clipperton, qui ont été imprimées sur de l’adhésif et dialogueront avec les dessins.

C’est l’été, les vacances, vive le travail!

RDV à Désert numérique du 28 juin au 1er juillet 2012. Si vous êtes dans le sud, venez faire un tour dans ce merveilleux festival en pleine brousse :
> http://desertnumerique.incident.net/2012/

Desert numerique, festival à St Nazaire le desert

 

À partir du 2 juillet, ce sera direction Briant pour encore des travaux, en attendant la résidence Géographies Variables.
> http://incident.net/geo

 

Du 9 au 16 juillet, je serai à Glasgow pour une exposition au Glasgow Sculpture Studio, un lieu de production et d’expositions incroyable, dédié à la sculpture et l’installation.
Cette exposition fait suite à mon voyage sur l’île de Clipperton en mars, et j’y présenterai « DataIsland » une série de dessins et cartes qui explorent les interactions des artistes, scientifiques et marins qui ont participés à l’expédition.
> http://www.glasgowsculpturestudios.org/

The Whisky Bond, Glasgow Sculpture Studio

See you there!

A Pyrrhic Victory – BBB Centre d’art > Juillet 2012

Julie Morel, A Pyrrhic Victory, BBB Centre d'art - Toulouse

Julie Morel, A Pyrrhic Victory - BBB Centre d'art - Toulouse

Julie Morel, A Pyrrhic Victory, BBB Centre d'art - Toulouse

Julie Morel, A Pyrrhic Victory, BBB Centre d'art - Toulouse

Julie Morel, A Pyrrhic Victory. BBB Centre d'art - Toulouse

© 2011. Julie Morel, A Pyrrhic Victory. Production : BBB Centre d’art – Toulouse

Les tapis, moquettes, et autres aplats qui recouvrent la plupart du temps les sols en intérieur paraissent être des éléments décoratifs, voir peu importants, que l’on piétine sans s’en rendre compte.
Pourtant ces zones de recouvrement délimitent un territoire et sont souvent des espaces symboliques : des représentations abstraites du jardin dans les tapis de la culture perse à la moquette rouge que l’on déroule lors de cérémonies officielles, en passant par l’espace religieux du tapis de prière, les exemples sont nombreux.
Et en un sens, le tapis est toujours un moyen d’être transporté, et il ne semble pas sans hasard qu’il ait été utilisé à cette fin dans de nombreux contes (le tapis volant).
Le tapis de sol de l’installation A Pyrrhic Victory pour l’exposition « Stratégie des espaces » au BBB Centre d’art peut se lire comme une prise de position, à la fois dans le sens de prendre un point de vue, mais aussi dans le sens de prendre (gagner) une position (stratégique).
Ce faux jumeau symbolique de l’île de Clipperton – où je me suis rendue au mois de mars lors d’une expédition scientifique – en reproduit les enjeux territoriaux.
Clipperton, nommée aussi l’île de la passion, est un point perdu dans l’océan pacifique, si petit et si plat que l’on peut passer à côté sans le voir. Un point néanmoins stratégique, ou le paradoxe d’un territoire dont les frontières minuscules que dessinent la nature sont remises en cause, augmentées par des frontières juridiques, formant une zone immense, insécable, et convoitée.
Le titre de cette proposition, A Pyrrhic Victory, fait référence, avec humour, à une expression militaire : une victoire à la Pyrrhus étant une victoire avec un coût dévastateur pour le vainqueur.

L’île de la passion

Julie Morel, Clipperton island

Des photos de ce mois passé avec les participants de « The Clipperton Projet« , pour une mission sur l’île de la passion (plus connue sous le nom de Clipperton island – Pacifique sud). Photos du départ de La Paz des 3 bateaux de l’expédition, l’arrêt à Cabo Pulmo (Baja California – Mexique), les 15 jours de mer, le séjour sur l’île – paradis post-apocalyptique, plus proche de l’île aux fleurs version déchets plastiques – que d’un atoll de rêve avec ses débris charriés par la mer, le camps de base rudimentaire, son rocher à l’histoire maudite, le vent et le soleil écrasant, les cris constants des oiseaux et sa barrière de corail difficilement franchissable..
L’expérience a été dure, intense et pleine de mauvaises et bonnes surprises. Mes compagnons de fortune et d’infortune de ce mois vécu en parenthèses de toute civilisation (mais toujours omniprésente par les divers signes qu’elle a imprimée sur l’île) – Mia, Gwen, Carlos, Jean, Pablo, Hector, Kathy, Santiago, Mike, Martin, Enge, Caroline – me manquent tous depuis mon retour en France, où tout me semble matérialiste, compliqué et surfait, sur fond de campagne électorale.

Départ dans 2 jours pour le Népal.

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> Préparatifs de départ, La Paz.

> départ et la mer de Cortez

> Arrêt à Cabo Pulmo

> L’itinéraire, la pleine mer, les premiers quarts, et l’arrivée sur l’île.

Julie Morel, Clipperton

> Le camp de base et l’exploration de l’île

Julie Morel, Clipperton

 

San José / Los Cabos – La Paz – Mer de Cortez

Après 28h de trajet Avion+ avion+ bus Hier trajet San-Jose-Lapaz et arrivée sur les bords de la mer de Cortez. Camp de base : Marina del Palmare, avec le club d’échange de livres et de vidéos du port, le Lucia Celeste qui transportera matériel en tout genre et matériel de plongé, et le Piscies sur lequel j’ai embarqué hier, première nuit sur le bateau donc, les préparatifs, l’équipage.
L’autre voilier, l’Island seaker, plus petit, a pris de l’avance et est déja parti il y a quelques heures.
See you in 27 days! : )

RDV sur l’île de la passion

Du 27 février au 27 mars, je participe à « The Clipperton Project », une exploration scientifique et artistique sur l’île de la Passion (Clipperton island, pacifique sud).

Pour ceux qui le veulent (et si les conditions de communication nous le permettent) vous pourrez suivre l’expédition à cette adresse : http://www.clippertonproject.com/expeditions

Merci de me recontacter à mon retour, ou de laisser un message ! : )

Le voyage commencera au Mexique :
Départ de La Paz au à bord du voilier « Piscis », première étape la mer de Cortez et ses baleines, puis Cabo Pulmo et ses plages, et enfin Clipperton et son milieu hostile.

// Cabo Pulmo & la mer de Cortez

// Clipperton Island

Par (temps) vagues

Il y a peu, je me suis aussi posée la question de ce qu’étaient les vagues scélérates (Rogue waves) et examiné la différence entre le mot en français et en anglais :
« Les vagues scélérates are large and spontaneous ocean surface waves that occur far out in sea, they seem not to have a single distinct cause and for the longest time where a myth. The French “scélérate” means “perfidious”, which I quite like because it defines the phenomenon in relation to others (here sailors), not just its quality.»
(les vagues scélérates sont des vagues spontanées de très grande taille, qui surgissent en pleine mer. Elles ne semblent pas avoir une cause unique et pendant longtemps sont restées un mythe. J’aime le terme Français « scélérate » car il ne définit pas seulement la qualité d’un phénomène, mais décrit/définit le phénomène en relation à celui qui l’expérimente (les marins).

Depuis que je sais que je pars à Clipperton, sans trop savoir pourquoi, j’ai commencé à faire une collection d’images de vagues. Des toutes les images collectées, ce sont les vagues figées par le froid qui sont les plus étranges.

Et puis..

Murmuration from Islands & Rivers on Vimeo.

109° 13° W – 10° 18° N

À quelques jours du départ à Clipperton, je lis le journal de bord (qui est plein de faits intéressants) de Christian H. JOST, qui s’y est rendu en 1997.

« La carte IGN de l’île (de 1937, la seule existante) indique deux points possibles de débarquement : l’un au nord-est, l’autre au sud, mais les écrits attestent que le moins dangereux est celui du NE. Nous arrivons d’Acapulco par le nord-est. Pourtant peu avant l’aube, à 6h du matin, sur le pont arrière, je m’aperçois qu’ El Puma se dirige au sud de l’île ! J’en informe la Chef scientifique qui s’étonne que le capitaine, auquel elle avait indiqué le point nord, fonce vers la côte sud. Elle lui demande immédiatement correction du trajet mais, avancé comme l’est déjà le bateau, nous ne pouvons plus que faire le tour de l’île … par l’ouest. Perte de temps qui nous met finalement face au point de débarquement nord-est à 8h. Aux jumelles, on a repéré un mât avec un petit fanion semblant signaler le lieu de débarquement « idéal ». Mal nous en prit…

Ne pouvant ancrer, car les fonds tombent immédiatement à plus de 400m, El Puma s’arrête à près de 700m du récif et ne peut, que lentement dériver. Une première équipe de trois chercheurs physiquement solides et la responsable scientifique partent en reconnaissance de la côte avec le Zodiac piloté par un homme d’équipage. Le temps est relativement beau, quelques nuages, une houle assez faible de 50cm à 1m. Les vagues se brisent cependant avec fracas et force écume sur toute la côte. La première équipe se dirige vers le fanion et, jugeant l’accostage réalisable, se lance avec une vague porteuse et arrive à « beacher » sans casse et sans eau dans le Zodiac. Après contact et rapport par radio (talky-walky), les chercheurs restent à terre et le Zodiac doit revenir chercher la deuxième équipe dont je fais partie. Mais quitter la côte est bien plus difficile que d’y arriver et ce n’est que grâce à une grande adresse et expérience que Abel, le pilote du Zodiac, parvient, non sans mal et quelques aller-retours entre la barre et la plage lui valant des salves d’écume et quelques frayeurs, à franchir les premiers rouleaux les plus dangereux après avoir dérivé sur plusieurs centaines de mètres au-dessus du récif frangeant. Il arrive au navire visiblement secoué, trempé, avec un sourire un peu crispé. Je ne sais plus à ce moment là, si je n’ai pas été content de ne pas comprendre le mexicain, mais il me semble que je n’ai pas trop chercher à connaître les détails. De toutes façons c’était mon tour et je m’y apprêtais gaillardement sans beaucoup d’inquiétude. On verra bien après tout et ce n’est sûrement pas si près du but que l’on va renoncer pour quelques vagues.

Mais pour le deuxième débarquement, l’homme d’équipage change (question de tour de garde paraît-il). Nous embarquons à cinq avec le matériel, mon équipement comprenant déjà deux bon gros sacs marins étanches (quelle bon investissement avais-je fait à Nouméa peu avant le départ !) et les deux mâts de la station météo portable prêtée par Météo-France Nouvelle-Calédonie.

Nous nous lançons… il est près de 9h15. Arrivés près des premiers rouleaux, la technique consiste à observer les vagues pour se lancer sur celle jugée la plus haute pou pouvoir surfer jusqu’au rivage. Ainsi le Zodiac tourne et tourne en attendant la bonne. On y va ! …. mais, ce n’était pas la bonne et en quelques instants nous nous retrouvons submergés par la vague qui remplit à ras bord le Zodiac. Poussés, plus que portés par la vague nous finissons par atterrir en catastrophe sur le récif en raclant l’hélice sur le fond corallien; nous sautons à l’eau pour tenir et tirer le Zodiac et l’empêcher de repartir avec le reflux … mais, nous sommes saufs et n’avons pas eu le temps d’avoir peur. On débarque le matériel qui a bien résisté et on écope l’eau du Zodiac sur la plage. Le retour va cependant être encore plus périlleux.

En effet, Federico, le ‘pilote’ craint de retourner seul au navire pour chercher la troisième équipe (J’ai appris par la suite qu’il avait un jour fait naufrage et était resté plusieurs jours à la dérive; on peut comprendre ses réticences à partir seul dans cette mer difficile). Il doit pourtant bien y aller. Les échanges radio avec le capitaine sont animés et au récit et à la vue de ce 2 e débarquement, le capitaine décide qu’il n’y aura pas d’autre équipe. Il envoie la chaloupe vers la côte mais celle-ci ne pourra jamais accoster à cause de son étrave en V et de l’hélice qui est trop basse pour ‘beacher’. A bord cependant, il y a Adrien, jeune instructeur de plongée. Pendant ce temps, Federico doit passer cette fichue barre et va essayer. Le grand Angel, Vivianne et un autre le pousse jusqu’à la première barrière, à la limite de perdre pied… Une fois : il est renvoyé par la vague sur la plage. Deux fois : une grosse vague le fait tomber du Zodiac qu’il réussit à agripper et il se retrouve effrayé sur le rivage. Il refuse d’y aller une autre fois et part marcher dans son coin pendant que les échanges radio se poursuivent. Il doit y retourner, ordre du capitaine, mais avec quelqu’un à l’avant du Zodiac pour faire contrepoids (ce que je suggérais depuis un moment d’ailleurs). Nouvel essai à deux, Angel dans l’eau poussant le Zodiac pour l’aider à franchir la barre : mais cette fois l’océan met aussi le paquet et rejette les deux hommes qui lâchent le Zodiac; celui-ci est pris par une vague de près de trois mètres qui le chahute en tous sens avant de le dresser en l’air et de le retourner comme une crêpe. Tandis que les deux hommes réapparaissent hors de la vague grâce à leur gilet de sauvetage, le Zodiac est lui, drossé violemment sur le rivage. Dans la bagarre il aura perdu les trois-quart de son plancher et une tige du starter du moteur est cassée (par manipulation trop brutale de Federico qui tapait sur le moteur qui avait des ratés, dira-t’il; en fait, il ne mettait pas le moteur à l’eau suffisamment tôt et vite); le moteur ne peut donc plus démarrer, le Zodiac ne peut plus repartir… Nous voilà pour un petit temps, naufragés !

Pendant ce temps, je filme, on photographie, on ne s’inquiète pas, on se dit qu’on va passer la journée et la nuit et qu’on trouvera bien une solution. vivianne reçoit solennellement d’Alex huit boissons et quatre sandwiches lui disant que si ça tourne mal, ce sera au chef d’expédition de protéger puis de répartir les vivres. Elle s’assit alors pour réfléchir à cette nouvelle charge de protection des précieuses réserves à gérer avec l’organisation du travail de toute la journée quand, rapidement, un crabe vient sournoisement par derrière lui rappeler le nécessaire mouvement perpétuel qu’il faut avoir sur cette île… Nous avons toute l’île à découvrir. Nous oubliions à ce moment un détail d’importance : Nous n’avions, pour dormir au sol, aucun équipement capable de résister aux crabes… Je n’avais finalement pas emporté mon hamac qui aurait été la seule protection efficace…
Peu après, la chaloupe arrive et se positionne à plus de 100m du rivage sans pouvoir s’approcher plus près, le récif s’étirant à cet endroit sur au moins 60m. Pendant que Angel et Federico regagnent la terre comme ils peuvent, Adrien, depuis la chaloupe, dans une véritable opération de sauvetage, se jette à la mer avec un filin en main et nage vers nous. Adrien disparaît aussi souvent dans les vagues. Nous attendons avec inquiétude qu’il réapparaisse. Heureusement, excellent nageur, il gagne petit à petit sur la mer et arrive à nous rejoindre. Le filin est là, avec lui, seul lien désormais avec la chaloupe, le navire et … le monde ?

On ne perd pas beaucoup de temps à chercher le plancher du Zodiac qui a disparu; on attache celui-ci au filin; Federico monte à bord; la chaloupe tend le filin et tire lentement le Zodiac qui va passer la barre plus souvent près de la verticale que de l’horizontale. Le Zodiac part se faire réparer et reviendra plus tard. Rendez-vous est donné à 16h pour nous permettre une première inspection de l’atoll. Nous sommes désormais neuf sur la plage et l’on s’apprête à partir en exploration de l’île. »

A Pyrrhic Victory in Progress

En cours, un texte pour expliquer une première expérimentation plastique relative à mon voyage à Clipperton. Cette proposition est arrivée très rapidement, et serait montrée en avril au BBB (la production se faisant sans moi puisque je serai alors en voyage), tout de suite après mon retour, lors d’une exposition appelée « faux jumeau ».

Les tapis, moquettes, et autres aplats qui recouvrent la plupart du temps les sols en intérieur paraissent être des éléments décoratifs, voir peu importants, que l’on piétine sans s’en rendre compte.
Pourtant ces zones de recouvrement délimitent un territoire et sont souvent des espaces symboliques : des représentations abstraites du jardin dans les tapis de la culture perse, à la moquette rouge que l’on déroule lors de cérémonies officielles, en passant par l’espace religieux du tapis de prière, les exemples sont nombreux.
Et en un sens, le tapis est toujours un moyen d’être transporté, et il ne semble pas sans hasard qu’il ait été utilisé à cette fin dans de nombreux contes (le tapis volant).

Le tapis de sol que je propose dans l’installation A Pyrrhic Victory pour l’exposition « faux jumeaux » (avril 2012) peut se lire comme une prise de position, à la fois dans le sens de prendre un point de vue, mais aussi dans le sens de prendre (gagner) une position (stratégique).

Ce faux jumeau symbolique de l’île de Clipperton – ou je me rends au mois de mars dans le cadre d’une mission scientifique & artistique, et point de départ de cette réflexion – en reproduit les enjeux territoriaux.
Clipperton, nommée aussi l’île de la passion, est un point perdu dans l’océan pacifique, si petit et si plat que l’on peut passer à côté sans le voir. Un point néanmoins stratégique, ou le paradoxe d’un territoire dont les frontières minuscules que dessinent la nature sont remises en cause, augmentées par des frontières juridiques[1], formant une zone immense, insécable, et convoitée.

Le titre de cette proposition « A Pyrrhic Victory » fait référence, avec humour, à une expression militaire : une victoire à la  Pyrrhus étant une victoire avec un coût dévastateur pour le vainqueur. J’hésite encore à appeller le projet « A Pyrrhic Victory in Progress », histoire de lui donner un côté désastre annoncé.. ; )


[1] Le droit de la mer, augmente de 3 milles marins les territoire terrestres. Ce droit place la France en 2ème position par son espace maritime, après les USA.

Vagues scélérates

Un petit rappel, en anglais, de pleins de choses déjà vues, ou en cours, pour le projet Clipperton.
À lire aussi ICI.

On the first page of « Islands, still boats », his introduction to the « Atlas of Remote Islands« , Olivier de Kersauson reminds that heaven and hell are often close on faraway islands, but that islands are hardly innocent in the matter.
As for examples, he quotes 2 islands: Pitcairn, and Clipperton.
That was my first acquaintance to Clipperton, in French called « Ã®le de la Passion », an island that strangely looks like a ring. Yes, maybe islands are not innocent.
Reading more on the matter of remote islands, I was not surprise to see that one island could have many names (depending on the nation discovering or claiming it), and that once again, naming something gives it an existence, a history, a context, and indexes it, immediately.
Yes words have that power, weather it is territory in the middle of the sea, or a territory of research. Art words. Science words. That is my project on Clipperton: observing similarities and differences between the terms, language used in art and science. Defining a corpus of vocabulary from both of these fields, examining the gaps and common ideas they share to produce a visual work out of it.

So as a start, it is fair to look at a few words (sometimes pictures) that came to my attention this last 2 months – subjectively or by searching the internet or libraries. Some are self explanatory, some have comments. But I  think are all related to the temporality of the Clipperton project and classified as such:
– The journey
/ waves / being at sea. Anticipation & projection
– The stay / being there working
Being back / Undulations / The output of the project.

 

  • -The journey / waves / Being at sea.

Vagues scélérates (Rogue waves)
« Les vagues scélérates » are large and spontaneous ocean surface waves that occur far out in sea, they seem not to have a single distinct cause and for the longest time where a myth. The French “scélérate” means “perfidious”, which I quite like because it defines the phenomenon in relation to others (here sailors), not just its quality.

Vija Celmins
A few years back, at the Pompidou Centre, I saw Vija Celmins‘ desolated drawings of sea, sky and desert.

  • The stay, being there.

Clipperton as a boat

 

 

This picture was taken during a weeklong workshop at the Brittany School of Art (Lorient), where I teach. The workshop, with artist Laurent Tixador (who is actually on his journey to the Kerguelen islands), was a bivouac and occupation of the school. Coming across it recently, I realise how Clippertonian this exepriment was and how Clippertonian the boat I slept on was..
In the beginning of my participating of the project, I went on GoogleEarth to see what Clipperton Island « really » looks like. What I found was more the visualisation of a still floating vessel (or a little like a cloud) than an island as such.
This floating vessel sent me back to Olivier de Kersauson’s introduction, but also, and more importantly to Michel Foucault best example of heterotopias.

Heterotopia, from a boat to heterotopia.

Being on Clipperton is also the occasion to look at this expedition as an exploration of a sorts of heterotopias. An heterotopias is a concept in human geography: a concrete space that holds imagination, reality and fantasy at the same time.
They are spaces of otherness, which are neither here nor there, that are simultaneously physical and mental. (ex: space of a phone call or the moment when you see yourself in the mirror).
Contrary to utopia which is an idea or an image representing a perfected version of society, Foucault uses the term heterotopias to describe a physical representation or approximation of an utopia, or a parallel space that contains undesirable bodies to make a real utopian space possible.

« First there are the utopias. Utopias are sites with no real place. They are sites that have a general relation of direct or inverted analogy with the real space of Society. They present society itself in a perfected form, or else society turned upside down, but in any case these utopias are fundamentally unreal spaces.

There are also, probably in every culture, in every civilization, real places – places that do exist and that are formed in the very founding of society – which are something like counter-sites, a kind of effectively enacted utopia in which the real sites, all the other real sites that can be found within the culture, are simultaneously represented, contested, and inverted. Places of this kind are outside of all places, even though it may be possible to indicate their location in reality. Because these places are absolutely different from all the sites that they reflect and speak about, I shall call them, by way of contrast to utopias, heterotopias ».
(For whole text and various category/principle descriptions of heterotopias: foucault.info).


Collect & navigation

These 2 words could summarise both my usual computer-based practice as an artist, the general objectif on this expedition to Clipperton, and the method of my enquieries.
Coral Reef
A lot of the talk around the Clipperton project is about coral reef life. This could be one good case of study on how artists and scientists projects their works. Data and representation are probably two sides of the same coin. Where could they meet?
The Institute for Figuring offered an incredible answer a few years back, with their project “Crochet reef. » The inspiration for making crochet reef forms begins with the technique of « hyperbolic crochet » discovered in 1997 by Cornell University mathematician Dr. Daina Taimina. The Wertheim sisters adopted Dr Taimina’s techniques and elaborated upon them to develop a whole taxonomy of reef-life forms.

 


« Crochet Coral and Anemone Garden » with sea slug by Marianne Midelburg.
Photos © The IFF by Alyssa Gorelick.

Loopy « kelps », fringed « anemones », crenelated « sea slugs », and curlicued « corals » have all been modeled with these methods. The basic process for making these forms is a simple pattern or algorithm, which on its own produces a mathematically pure shape, but by varying or mutating this algorithm, endless variations and permutations of shape and form can be produced. The Crochet Reef project thus becomes an on-going evolutionary experiment in which the worldwide community of Reefers brings into being an ever-evolving crochet « tree of life. »

  • Coming back. The output of the project.

Graphical method
“La méthode graphique”, developed by Etienne-Jules Marey consist in a mechanical transcription (on paper or on a sensitive surface) of pulsations, vibrations, undulations, quakes, and shivering produced by the movement of all living bodies or moving objects. The obtained graphic is the spatial memory, which enables us to see the variation of movement during a certain time. This information can either be continuous or non-continuous.
The graphical method made possible the knowledge of a number of phenomenon in medicine, physiology, natural sciences, and physics. These recording devices have for the first time in history, a graphical representation of movement or phenomenon invisible to the eye.


Etienne-Jules Marey, walking.

To end this post, I would like to quote Georges Didi-Huberman, who, speaking about the mareysienne curve sayd that it “transforms the idea of the phenomenon and its possibility of image” ( transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image).

If I had a definition for what is art (I have too many) it would be very close.
A vast program J

 


Méthode graphique?

Je suis en train de relire « Mouvements de l’air ». Voici quelques extraits qui m’apparaissent cohérents par rapport au projet que je veux développer sur les « mots de la recherche », lors de l’expédition à Clipperton. Si j’en suis au moment de définir une méthode, j’ai bien conscience que toute méthode oriente déjà formellement un travail, et je me pose cette question dès maintenant.
D’un autre côté, j’avais envie de produire, d’après les relevés faits par les scientifiques ou les relevés que je fais des mots des scientifiques, une visualisation graphique. Bien sur plusieurs pistes s’ouvrent à moi, et comme je le disais dans un précédent article, entre le dataflow classique et les visualisations de problèmes mathématiques grâce à de la laine tricotée au crochet, il y a un monde de possible..
Donc il me faut osciller entre cette envie / intuition qui me porte vers une sorte de visualisation de données, et une méthode à inventer, qui doit rester néanmoins expérimentale.
À ce propos, j’aime beaucoup ce que dit G. Didi-Huberman de la courbe mareysienne, qu’elle « transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image ». Si je devais me définir un objectif à atteindre avec cette méthode à inventer, ce serait celui-là. Vaste programme ; )

 

« Rappelons que la méthode graphique  consiste à transcrire sur papier ou sur une surface sensible, par des mécanismes souvent d’une grande ingéniosité, les pulsations, vibrations, ondulations, secousses, tressaillements, frémissement produits par tous les mouvements de tous les corps vivants ou des objets mobiles. Le graphique obtenu est une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps. L’acquisition des ces informations peut s’opérer soit en continu, soit à des instants déterminés. La méthode graphique a permis la connaissance, l’évaluation et donc, souvent, la maîtrise, d’innombrables phénomènes relevant de la médecine, de la physiologie, des sciences naturelles et des différentes branches de la physique. Les appareils enregistreurs ont en effet donné, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une représentation graphique de mouvements ou de phénomènes le plus souvent invisibles à l’œil nu. »
p.8 (Laurent Mannoni)

« Marey aura donc radicalisé, dans un sens très spécifique, la méthode expérimentale qu’il avait reçue de Claude Bernard. Le maître énonçait – dictum célèbre – que l’expérience n’est au fond qu’une observation provoquée. Déjà bien conscient du fait que provoquer une observation consiste, le plus souvent, à l‘instrumentaliser correctement. »

p.188 (Georges Didi-Huberman)

« Quel sera le statut de l’instant pour ces myriades d’ « instantanés » produits par Marey dans son laboratoire ou sa « station physiologique » ? Comment s’y pose la question cruciale – visuelle, temporelle – du mixte de discontinu et de discontinu en quoi consiste chaque phénomène, chaque mouvement étudié par le savant ? Il n’est pas douteux que Marey a conçu chacune de ses instrumentations, chacune de ses « méthodes » comme une tentative pour éclairer un aspect particulier de ce problème central à toute connaissance de temps et du mouvement.  Ainsi, la méthode graphique aura-t-elle promue des « appareils à inscription continue » dont l’image résultante offrait, paradoxalement, une discontinuité radicale de la forme à reconnaître (le tracé blanc) et du fond (le champ noir), la chronophotographie revenant, quand a elle, au principe d’inscription discontinue (l’intermittence des instantanés), mais pour aboutir , non moins paradoxalement , à des images capables d’inclure une continuité de mouvement, voire, pour finir, quelque chose comme un flux, une fumée ou une danse du temps tracé. »
p.188 (Georges Didi-Huberman)

« Il est légitime d’insister, comme le fait depuis longtemps Michel Frizot, sur la spécificité et la nouveauté de procédures qui aboutissent si souvent aux étranges figures abstraites que l’on connaît. La méthode graphique, en ce sens, réinvente pour son compte ce qu’image veut dire : « la représentation graphique appelle une extension de la notion d’image [selon] une référence à la fois iconique et mentale qui déplace les questions de langage, de signification, d’interprétation » et donc, de représentation en général. En poussant à l’extrême la figuration du temps, du mouvement et de l’intensité selon la seule dimension de l’espace, la courbe mareysienne transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image. Elle serait en ce sens, « d’une absolue nouveauté », à seulement « transposer un phénomène – caractérisé par une force, une pression, un mouvement – dans une image très simple, constituée principalement de lignes continues et souples, plus accessible à la perception et à l’observation que le phénomène lui-même ». »
p. 193 (Georges Didi-Huberman)

 

p.221

Un monde bien perçu, selon Bergson, est un monde qui ne cesse  pas d’être en mouvement. C’est donc un monde paradoxal pour la pensée – qui cherche spontanément les choses stables, les entités -, un monde épuisant, fait d’ébranlements sans nombre, tous liés dans une continuité ininterrompue, tous solidaires entre eux, et qui courent en tous sens comme autant de frisons ». Inversement, le monde des courbes mareysienne nous suggère que « les milles positions successives d’un coureur se contractent en une seule attitude symbolique […] qui devient, pour tout le monde l’image d’un homme qui court ». Et ce n’est pas en dressant le grand catalogue des positions successives, comme veut le faire Marey, que l’on résoudra cette aporie : « Nous le localisons ça et là par exemple sur une chronophotographie de la locomotion humaine, mais à la surface », ce qui a pour effet de réduire le mouvement à un simple « changement de lieu ». Façon de rater la « transformation universelle » qui, pourtant, l’a rendu possible.

Bergson précisera, dans l’Évolution créatrice, sa critique de la géométrisation spontanée à laquelle recourt notre intelligence – qui veut toujours saisir ce qu’elle approche –face à l’insaisissable mobilité de toute chose. Depuis la métaphysique des Grecs, notre notion du mouvement n’a toujours été pensée qu’ « adossée à une éternité d’immutabilité » ; depuis Zénon, « notre intelligence ne se représente clairement que l’immobilité » ; depuis Platon, notre raison « incurablement présomptueuse », se forme des concepts « à l’image des solides » géométriques, et se rend par la même « incapable de se représenter la vraie nature […] du mouvement ». Dire que « toutes les opérations de notre intelligence tendent à la géométrie, comme au terme où elles trouvent leur parfait achèvement », c’est dire l’artifice en quoi, selon Bergson, consiste l’approche géométrique et métrologique du mouvement.

La durée de toutes choses a fini par dessiner l’objet central de toute la pensée bergsonienne. Dès 1889, le philosophe avait commencé, dans son Essai sur les données immédiates de la conscience, par fustiger l’ « erreur de ceux qui considèrent la pure durée comme chose analogue à l’espace capable à ce titre de former une chaine ou une ligne ». Alors que, selon lui, chaque « oscillation » du temps doit être aperçue et pensée « l’une et l’autre, se pénétrant et s’organisant entre elles comme des notes d’une mélodie, de manière à former ce que nous appellerons une multiplicité indistincte ou qualitative ». Et il précisait dans la même page :

« bref, la pure durée pourraient bien n’être qu’une succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent, sans contours précis, sans aucune tendance à s’extérioriser les uns par rapports aux autres, sans aucune parenté avec le nombre : ce serait hétérogénéité pure. »

Voici donc esquissée toute une philosophie de l’implication et de l’hétérogénéité, une philosophie où se trouve systématiquement réfutée la prétention scientiste à expliquer  toute chose selon l’homogénéité d’une même échelle de mesure. Les Éléates sont bien loin, eux qui avaient décrétés toute durée mesurable en confondant l’  « espace parcouru » par le mobile avec l’ « acte  par lequel on le parcourt ». Même Kant est loin, lui dont l’erreur a été de prendre le temps pour un milieu homogène ». Quand à Marey, il fait partie de ces « mécaniciens » qui notent « l’instant précis où le mouvement commence », puis le « moment où le mouvement finit », enfin « l’espace parcouru, seule chose qui soit en effet mesurable » – mais sans s’apercevoir qu’ils n’auront traité, dans cette opération, ni de mouvement ni de durée, « mais seulement d’espace et de simultanéité ».
p.221

 

 

« Les machines chronophotographiques inventées par Marey sont légères, subtiles, elles n’aliènent jamais vraiment le corps qu’elles instrumentalises. Elles ne sont donc ni « célibataires », ni psychotiques. Elles répondent exactement à ce que Gilbert Simondon, ce grand philosophe de la technique nommait une machine ouverte. Or la caractéristique principale d’une telle machine c’est de ne pas sacrifier à l’automatisme l’étendue de ces possibilités, en sorte qu’une machine ne sera véritablement « perfectionnée » – « sensible », écrit même Simondon – qu’à admettre, dans son fonctionnement, « une certaine marge d’indétermination ». :

« Le véritable perfectionnement des machines, celui dont on peut dire qu’il élève le degré de technicité, relève non pas  à un accroissement de l’automatisme, mais au contraire au fait que le fonctionnement d’une machine recèle une certaine marge d’indétermination. C’est cette marge qui permet à la machine d’être sensible à une information extérieure. C’est par cette sensibilité des machines à l’information qu’un ensemble technique peut se réaliser, bien plus que par une augmentation de l’automatisme. Une machine purement automatique, complètement fermée sur elle-même dans un fonctionnement prédéterminé, ne pourrait donner que des résultats sommaires. La machine qui est doué d’une haute technicité est une machine ouverte […] « .

Il est relativement aisé de concevoir une machine fermée, certains protocoles mareysiens répondent sans doute – notamment à l’époque où il développait ses appareils graphiques – à une telle conception. La machine ouverte, quand a elle, demande en plus, de l’imagination : une certaine capacité à poursuivre ou accompagner, comme dans une danse, le mouvement même de la réalité expérimentale en train de s’inventer. Il est très probable que Marey fut quelquefois surpris par les résultats qu’obtenaient ses appareils chronophotographiques. Son génie imaginatif aura été de prolonger, de réinstrumentaliser cette surprise même, heuristiquement au dispositif expérimental. Façon, eût dit Simondon, d’accorder sa confiance au fond dynamique […]. Qui fait exister le système des formes [étant entendu que] le fond est le système des virtualités, des potentiels, des forces qui cheminent, tandis que les formes sont le système de l’actualité. L’invention, concluait-il, est une prise en charge du système de l’actualité par le système des virtualités, la création d’un système unique à partir de ces deux systèmes. »

p.234 (Georges Didi-Huberman).

Les mots de la recherche : art & science (de la passion)

Clipperton / île de la passion (merci Annick! ; )
Une île schizophrène, portant à la fois un nom anglais : le nom d’un pirate qui la « découvre », et un nom français, peu usité : ce nom de « passion » (passion religieuse, amoureuse ou autre, singulière ou plurielle?).

Objectivité / Subjectivité
« Â L’objectivité, telle qu’elle a été utilisée au cÅ“ur même du travail scientifique, est née vers les années 1830. De plus, au fil de son évolution, elle implique tout à la fois des pratiques d’observation et la fondation d’une culture morale très particulière du savant. Au départ, elle n’avait rien à voir avec la vérité ni avec l’établissement d’une certitude. Elle visait au contraire l’idéal d’une machine : d’une machine conçue comme un opérateur neutre et transparent qui devait servir d’instrument enregistreur en l’absence de toute intervention ; d’une machine incarnant un idéal auquel les savants eux-mêmes devaient tendre dans leur discipline morale. L’objectivité, c’est ce qui restait quand étaient exclues la part de la subjectivité, de l’interprétation, de l’art.  »
(P. Galison, « Â Judgment Against Objectivity « , in Caroline A. Jones, P. Galison (éd.), Picturing Science, Producing Art, Routledge, 1998, p. 163.

Recherche / recherche
Ethymologie (wikipedia) du mot chercher :
(Vers 1100)
cercer (« parcourir en tout sens, fouiller »). (Vers 1172) cerchier (« essayer de découvrir quelqu’un ou quelque chose »), puis cercher (encore attesté au dix-huitième siècle), passé à chercher par assimilation. L’ancien français est issu du bas latin circare, de circa, circum, circus (« autour »). Ce verbe, plus expressif et de conjugaison plus aisée, remplace le latin querre (« quérir »).
(Et puis d’un coup je pense à « La recherche », cette abréviation qui désigne À la recherche du temps perdu de Proust, c’est drôle ce terme tellement générique).

Recherche fondamentale ou recherche appliquée?
Sur l’île de la passion, la recherche apparait fondamentale. Mais appliquée je le suis quand je regarde la définition et que je constate que le mot recherche vient du mot chercher, qui est lui constitué de deux fois le mot « cher ».
Alors si re-chercher c’est chercher à nouveau, cela équivaudrait à chercher deux fois, donc chercherchercher?
Très cher. Tu me manques. À te chercher je t’ai trouvé. Et si chercher c’est essayer de découvrir quelqu’un, j’aimerai encore plus te déshabiller.

Des notes de Clipperton

Voila que l’équipe de Clipperton-project a enfin eu les permis pour naviguer dans les eaux de Clipperton. C’est réellement le début du projet et je peux enfin commencer à travailler sur la proposition que je voulais développer la-bas!
Cette nouvelle coïncidait avec ma rencontre avant hier avec Annick Bureaud et Jean-Luc Soret (qui entre autre s’occupent de Nunc), et la rencontre a été une opportunité pour questionner la proposition, notamment les rapports qu’entretiennent l’art et la science.

Quelques rappels :
Le but de « The Clipperton Project » est :
– de conduire une mission scientifique & artistique, pour mener des études collaboratives dans les domaines de la biologie marine, la géomorphologie, la climatologie.
– produire autour de ce bout de terre des propositions artistiques à caractère social, politique, historique
– la collaboration entre artistes et scientifiques pour repenser leur pratique et questionner des sujets environnementales.
– une mission informative sur les questions de changements climatiques, montée et pollution des eaux/océan, biodiversité.

Pour ma part, je rappelle que je suis partie sur 3 pistes, encore à articuler entre elles :
– Questionner la relation art & science en me faisait l’avocat du diable, car je crois que les collaborations entre ces deux milieux sont basés sur des approximations, des malentendus.
Je voudrais en priorité m’attacher aux mots employés. Les mots communs à ces deux domaines : en traquer les jointures, parallélismes, disjonctions, divergences, doubles sens.. (ex : « recherche », « pratique », « restitution », « innovation », « schémas », etc). Concrètement j’aimerai travailler en me rapprochant des scientifiques participants pour pouvoir : Définir les objets, outils et méthodologies de la recherche. Questionner la représentation des résultats des collectes réalisées sur place. Interroger la subjectivité dans les milieux scientifiques, qui semble être un tabou alors quelle semble un des points fortement assumé dans l’art.
– Collecte et navigation, qui sont les deux composants de cette expédition et sa transposition possible dans le domaine d’internet ou des bases de données. C’est sur cette partie que je suis surement le moins avancée – à voir donc.
– Parler de ce qui me semble l’exploration d’une hétérotopie. Une localisation d’un espace concret qui héberge l’imaginaire, en rupture avec le temps traditionnel. Je me dis que Clipperton (appelée en français « l’île de la passion » – quelle passion?) est bien un endroit qui à le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces (incompatibles).

Quelle forme prendrait cette proposition?

Pour le moment, c’est difficile à dire. Bien sur je suis dans les questions d’archivage immédiat en ce moment, et je me dis qu’une proposition sur internet serait possible. Et puis  je me pose la question de la traduction et la visualisation d’information, le dataflow, mais pas sous un angle forcément numérique. Même si je trouve les propositions récentes autour du dataflow très intéressantes, je me sens plus proche de choses de ce type, qui pour le coup s’éloigne d’un traitement graphique numérique de l’information :
– « Les mouvements de l’air », Etienne-Jules Marey, photographe des fluides, qui me donne un base de réflexion quand à la méthode de visualisation de l’information. Bien sur je suis sensible à la machine elle-même autant qu’aux images quelles produisent.
et
– Le projet crochetcoralreef de The Institute for Figuring, que je trouve magnifique (même si je regrette que les modalités d’expositions ne soient parfois pas aussi exigeantes que le projet lui-même).

En attendant de prendre contact avec les scientifiques qui participeront à l’expédition, je fais des recherches/images glanées au fil de ma navigation sur internet. Des notes historiques. Des choses qui me paraissent connexes au projet, ou des pistes dans la méthodologie à inventer pour cette proposition. À suivre.

Untitled (Ocean) – Vija Celmins, dont j’avais découvert le travail au cabinet graphique du CGP il y a quelques années, parce que j’aimerai dessiner comme elle.

De la série « Sirène » – Philippe Droguet, dont j’ai eu du mal à trouver des photos du travail (celle-ci ne lui rend pas justice).

Poisson – Nicolas Floc’h, 7 jours et 40 km pour écrire le mot (et 500 kg de poissons pêchés).

Enfin le livre « mouvement de l’air », avec les machines de fumées de Jules-Étienne Maray, et leur éclairage sur la méthode graphique.
« La méthode graphique consiste à transcrire sur papier ou sur une surface sensible, par des mécanismes extrêmement subtils et ingénieux, les pulsations, vibrations, ondulations, secousses, tressaillements, frémissements, produits par tous les mouvements de tous les corps vivants ou inanimés. Le papier étant porté par un mécanisme à vitesse constante, le tracé ainsi obtenu représente, en fonction du temps, les diverses phases des changements qui se sont produits dans l’organe ou l’objet. Le graphique est une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps. L’acquisition de ces informations peut s’opérer soit en continu, soit à des instants déterminés. La méthode graphique a permis la connaissance, l’évaluation et donc, souvent, la maîtrise d’innombrables phénomènes relevant de la médecine, de la physiologie, des sciences naturelles et des différentes branches de la physique ».
Une image de la-dite machine et  un commentaire de cette méthode.

Puisque j’en suis à parler de mouvements de l’air, une autre méthode pour les explorer, et donc des résultats tout aussi différents chez
Timo Kahlen.

Le livre « Picturing Science, Producing Art » de Lorraine Daston et Peter Galison, que je n’ai pas encore lu, mais qui parait passionnant dans les questions soulevées, à suivre de ce côté là.

Et pour finir, je me souviens de ce spectacle de danse de Frédéric Flamand que j’avais vu à Exit (en 1999 je crois!), d’après Jules-Etienne Marey. Pas d’images ni vidéo en ligne..

Départ de La Paz (Californie du sud – Mexique) début Mars.

Se tendre

La Carte de Tendre est la carte d’un pays imaginaire appelé « Tendre » imaginé au XVIIe siècle et inspiré par Clélie, Histoire romaine de Madeleine de Scudéry, par différentes personnalités dont Catherine de Rambouillet. On retrouve tracées, sous forme de villages et de chemins, dans cette « représentation topographique et allégorique », les différentes étapes de la vie amoureuse selon les Précieuses de l’époque. On attribue à François Chauveau[2] la gravure de cette carte figurant en illustration dans la première partie de Clélie, Histoire romaine.

Tendre est le nom du pays ainsi que de ses trois villes capitales. Tendre a un fleuve, Inclination, rejoint à son embouchure par deux rivières, Estime et Reconnaissance. Les trois villes de Tendre, Tendre-sur-Inclination, Tendre-sur-Estime et Tendre-sur-Reconnaissance sont situées sur ces trois cours d’eau différents. Pour aller de Nouvelle-Amitié à Tendre-sur-Estime, il faut passer par le lieu de Grand-Esprit auquel succèdent les agréables villages de Jolis-vers, Billet-galant et Billet-doux. Dans cette sorte de géographie amoureuse, le fleuve Inclination coule tranquillement car il est domestiqué tandis que la Mer est dangereuse car elle représente les passions. La seule Passion positive est celle qui est la source de nobles sentiments que l’homme peut éprouver. Le lac d’Indifférence représente l’ennui.
Source : Wikipédia.

« Vous vous souvenez sans doute bien, madame, qu’Herminius avait prié Clélie de luy enseigner par où l’on pouvoit aller de Nouvelle-Amitié à Tendre : de sorte qu’il faut commencer par cette première ville qui est au bas de cette Carte, pour aller aux autres ; car afin que vous compreniez mieux le dessein de Clélie, vous verrez qu’elle a imaginé qu’on peut avoir de la tendresse pour trois causes différentes ; ou par une grande estime, ou par reconnoissance, ou par inclination ; et c’est ce qui l’a obligée d’establir ces trois Villes de Tendre, sur trois rivières qui portent ces trois noms, et de faire aussi trois routes différentes pour y aller. Si bien que comme on dit Cumes sur la Mer d’Ionie, et Cumes sur la Mer Tyrrhène, elle fait qu’on dit Tendre sur Inclination, Tendre sur Estime, et Tendre sur Reconnoissance. Cependant comme elle a présupposé que la tendresse qui naist par inclination, n’a besoin de rien autre chose pour estre ce qu’elle est, Clélie, comme vous le voyez, Madame, n’a mis nul village le long des bords de cette rivière, qui va si vite, qu’on n’a que faire de logement le long de ses rives, pour aller de Nouvelle Amitié à Tendre. Mais, pour aller à Tendre sur Estime, il n’en est pas de mesme : car Clélie a ingénieusement mis autant de villages qu’il y a de petites et de grandes choses, qui peuvent contribuer à faire naistre par estime, cette tendresse dont elle entend parler. En effet vous voyez que de Nouvelle Amitié on passe à un lieu qu’on appelle Grand Esprit, parce que c’est ce qui commence ordinairement l’estime ; ensuite vous voyez ces agréables Villages de Jolis Vers, de Billet galant, et de Billet doux, qui sont les opérations les plus ordinaires du grand esprit dans les commencements d’une amitié. Ensuite pour faire un plus grand progrès dans cette route, vous voyez Sincérité, Grand CÅ“ur, Probité, Générosité, Respect, Exactitude, et Bonté, qui est tout contre Tendre : pour faire connoistre qu’il ne peut y avoir de véritable estime sans bonté : et qu’on ne peut arriver à Tendre de ce costé là, sans avoir cette précieuse qualité. Après cela, Madame, il faut s’il vous plaist retourner à Nouvelle Amitié, pour voir par quelle route on va de là à Tendre sur Reconnoissance. Voyez donc je vous en prie, comment il faut d’abord aller de Nouvelle Amitié à Complaisance : ensuite à ce petit Village qui se nomme Soumission ; et qui en touche un autre fort agréable, qui s’appelle Petits Soins. Voyez, dis-je, que de là, il faut passer par Assiduité, pour faire entendre que ce n’est pas assez d’avoir durant quelques jours tous ces petits soins obligeans, qui donnent tant de reconnoissance, si on ne les a assidûment. Ensuite vous voyez qu’il faut passer à un autre village qui s’appelle Empressement : et ne faire pas comme certaines gens tranquiles, qui ne se hastent pas d’un moment, quelque prière qu’on leur face : et qui sont incapables d’avoir cet empressement qui oblige quelques fois si fort. Après cela vous voyez qu’il faut passer à Grands Services : et que pour marquer qu’il y a peu de gens qui en rendent de tels, ce village est plus petit que les autres. Ensuite, il faut passer à Sensibilité, pour faire connoistre qu’il faut sentir jusques aux plus petites douleurs de ceux qu’on aime. Après il faut, pour arriver à Tendre, passer par Tendresse, car l’amitié attire l’amitié. Ensuite il faut aller à Obéïssance : n’y ayant presques rien qui engage plus le cÅ“ur de ceux à qui on obéit, que de le faire aveuglément : et, pour arriver enfin où l’on veut aller, il faut passer à Constante Amitié, qui est sans doute le chemin le plus seur, pour arriver à Tendre sur Reconnoissance. Mais, Madame, comme il n’y a point de chemins où l’on ne se puisse esgarer, Clélie a fait, comme vous le pouvez voir, que ceux qui sont à Nouvelle Amitié, prenoient un peu plus à droit, ou un peu plus à gauche, ils s’esgareroient aussi ; car si au partir du Grand Esprit, on alloit à Négligence, que vous voyez tout contre sur cette Carte ; qu’ensuite continuant cet esgarement, on allast à Inesgalité ; de là à Tiédeur ; à Légèreté ; et à Oubly ; au lieu de se trouver à Tendre sur Estime, on se trouveroit au Lac d’Indifférence que vous voyez marqué sur cette Carte ; et qui par ses eaux tranquiles représente, sans doute fort juste, la chose dont il porte le nom en cet endroit. De l’autre costé, si au partir de Nouvelle Amitié, on prenoit un peu trop à gauche et qu’on allast à Indiscrétion, à Perfidie, à Orgueil, à Médisance, ou à Meschanceté ; au lieu de se trouver à Tendre sur Reconnoissance, on se trouveroit à la Mer d’Inimitié, où tous les vaisseaux font naufrage ; et qui par l’agitation de ses vagues, convient sans doute fort juste avec cette impétueuse passion, que Clélie veut représenter. Ainsi elle fait voir par ces routes différentes, qu’il faut avoir mille bonnes qualitez pour l’obliger à avoir une amitié tendre ; et que ceux qui en ont de mauvaises, ne peuvent avoir part qu’à sa haine, ou à son indifférence. Aussi cette sage fille voulant faire connoistre sur cette Carte qu’elle n’avait jamais eu d’amour, qu’elle n’auroit jamais dans le cÅ“ur que de la tendresse, fait que la Rivière d’Inclination se jette dans une mer qu’on appelle la Mer Dangereuse ; parce qu’il est assez dangereux à une femme, d’aller un peu au delà des dernières bornes de l’Amitié ; et elle fait ensuite qu’au delà de cette Mer, c’est ce que nous appelons Terres Inconnuës, parce qu’en effet nous ne sçavons point ce qu’il y a, et que nous ne croyons pas que personne ait esté plus loin qu’Hercule ; de sorte que de cette façon elle a trouvé lieu de faire une agréable morale d’amitié, par un simple jeu de son esprit ; et de faire entendre d’une manière assez particulière, qu’elle n’a point eu d’amour, et qu’elle n’en peut avoir. »
Madeleine de Scudéry

La version plus contemporaine de La carte de Tendre (Bernard Villers)

 

The Clipperton project, collecte et navigation

Ca y’est ! Je suis en train de définir ce je vais réaliser dans le cadre de ma participation au projet Clipperton.
Quelles notes, comme elles viennent…
The Clipperton Project réunit une dizaine de chercheurs et environ six artistes, qui partiront à l’automne 2011 sur 2 voiliers, depuis Acapulco à destination de l’île de la Passion (plus connue sous sa dénomination anglaise « Clipperton » – du nom du corsaire qui y séjourna).
Les chercheurs se concentreront sur des questions relatives au changement climatique (ayant un impact très important sur cet atoll d’eau douce) notamment parce que c’est une zone de formation cyclonique et la biosphère de son environnement.
Les artistes participants produiront un travail se basant sur le passé historique de l’atoll, son histoire écologique, géologique et humaine, dans le but de dresser un portrait interculturel de cette île unique au milieu de Pacifique. Les travaux seront exposés dans certains espaces internationaux entre 2011 et 2014, entre autres the Institute of the Americas (Londres), Glagow Sculpture Studios (Glasgow) et Universum (Mexico City), etc.

Pour moi l’enjeu du projet est à la fois double, et la proposition que j’ai soumise tourne plutôt autour de la mission que de l’île elle-même :
– parler de cette collaboration entre artistes et scientifiques (auquel à priori je ne crois pas – car je la crois fondée sur des interprétations différentes du mot recherche). Je vais donc me concentrer dans un premier temps sur les idées et le vocabulaire communs aux deux champs de recherche (art, science). J’aimerai ensuite faire une proposition, sur internet, en me servant des données relevées par les scientifiques sur l’île.
Je vais aussi partir sur deux notions communes au vocabulaire de la mission et au vocabulaire d’internet : « collecte et navigation ».
– parler de ce qui semble être l’exploration d’une sorte d’hétérotopie* : un espace concret qui héberge l’imaginaire, à la fois réel et fantasmé au même moment, et qui fonctionne dans des conditions non-homogénique (j’en ai déjà un tout petit peu parlé avec Alex, coordinatrice du projet…).

Et puis dans les idées un peu plus saugrenues, pourquoi pas ne pas travailler autour de la création de timbre poste, d’un projet de mail art, puisque cette île inhabitée possède un code postal (98799 – Je vais essayer de connaître sa fonction).
… Si vous avez du courrier à poster cette automne pour l’île de la Passion, vous pouvez me le confier.

Et ce soir, je me plonge dans l’atlas des îles abandonnées.