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Kakemono – suite à retour / détour

En revenant du Japon, l’année dernière, j’ai commencé un travail autour du kakemono… Par manque de temps, je l’ai mis de côté rapidement, puis je m’y suis à nouveau intéressée quand j’ai commencé à mettre en place l’installation « Sweet Dream (Paris-Toulouse) ». Je voulais produire une série d’images puis sélectionner et suspendre l’une d’entre elle près de l’installation. L’image sélectionnée est dépendante du lieu où est montrée la pièce.

Au delà de ce parallèle à la « chose suspendue », plusieurs choses me plaisaient dans les codes et fonctions du kakemono traditionnel. Entre autres : pouvoir les interchanger selon les saisons, l’idée d’accompagnement (le kakémono va par exemple accompagner un arrangement floral), l’une de ses fonctions qui est d’aider à composer l’atmosphère spirituelle de la pièce où il est placé.

Après l’exposition à Duplex, Olivier m’a demandé si il pouvait voir les quelques tests que j’avais commencé… pour les présenter au salon du dessin contemporain. Je les ai postés ici, ne sachant que trop en penser. Au delà du fait qu’ils sont loin d’être finis (la composition ne me plaît pour le moment pas), je les trouve déjà très décoratifs et je ne sais pas si c’est une bonne chose. Par contre je suis fixée sur la phrase (issue de mon statut Facebook – cette grande machine à fiction – , référence aux deux fuseaux horaires qui m’ont « suivis » récemment) et le motif (le déplié de l’iceberg pour « Dérives »).

Retour à Fushimi-Inari

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Je viens de récupérer des images restées sur l’ordinateur de Joëlle pendant 4 mois. Des images que je n’avais pas vues depuis la prise de vue…
En les regardant, Inari me parait bien loin. Et très documenté. Ces photos me font réaliser à quel point il faut que je m’implique visuellement : disons dans la production d’images nouvelles, beaucoup plus interprétatives que ces photos documentaires. Il me faut prendre de la distance par rapport au contenu de ces images, le lieu lui-même, pour mieux m’approprier son iconographie et, maintenant, en dégager une problématique visuelle, plutôt que théorique…

Éloge de l’ombre ?

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Une visite au village de Hida-Takayama, est toujours un moment de pur bonheur, d’anachronisme et d’exotisme. Une sorte d' »Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants », revu par Miyazaki.
Bien sur, envisagé comme témoignage architectural, le village est un exemple impressionnant d’habitations construites en concordance avec la nature. Mais pour moi, et j’en suis sûre, comme pour la majorité de visiteurs, c’est surtout de romantisme dont il est question ici. Car dans ces grandes fermes, je peux idéaliser ce que je n’ai pas connu, ce qui n’existe pas, et ce que je sais nommer sans mal : une vision fantasmée d’un art de vivre passé, à la campagne.
Les Japonais eux-mêmes reconnaissent rarement que leur vision paisible de la vie de la campagne n’est qu’un romantisme dicté par l’envie d’échapper à la vie citadine. Partagent-ils ce même sentiment ? Ou bien est-ce pire : une nostalgie passéiste, comme celle qui est décrite dans « L’éloge de l’ombre » ? Dans ce livre ambigu l’écriture oscille entre ressenti et complexe d’infériorité face à l’occident pénétrant le Japon à l’air Meiji d’une part, et moments esthétiques, magiques et descriptions éthérées d’autre part.
Peut-être.
Mais malgré moi, Hida-Takayama fonctionne pour moi, tire sur cette corde sensible qu’est ce fantasme de vie à la campagne. Peut-être est-ce le trop plein de ville, de monde, de ces derniers jours ?

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Premiers tremblements

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Me voilà de retour à Tokyo et mon voyage tire doucement à sa fin. La chaleur est toujours aussi écrasante. Hier soir, je dîne avec Aï et Fred. Quelques verres, la conversation s’attarde, je me couche tard, enfin, éteinte.
Je dors. L’air conditionné allumé, j’ai presque froid : je tire la couverture, inconsciemment.
Je dors profondément, et avec plaisir. Je dors, et l’on me secoue. La conscience me revient, j’ai dû dormir trop tard, Aï doit être en train de me réveiller. J’ouvre les yeux : personne, mais on me secoue.
Il fait noir, il fait nuit. Je ne suis pas pleinement réveillée, je m’appuie sur mon coude. Je constate cette sensation de perte d’équilibre liée à l’ébriété, mais je ne suis pas ivre. Je m’allonge, immobile quelques secondes, j’épie mon corps. Non, je ne suis pas ivre.
La terre tremble. Et moi avec. N’est-ce pas drôle qu’un tremblement de terre dicte à mon corps la réaction physique de la peur ?
Pourtant, à travers ce tremblement imposé, malgré moi, pas de crainte, mais de l’étonnement. Allongée à l’horizontale, les yeux fermés ; les deux mains à plats de chaque côté de ma tête, j’oscille. Pendant une trentaine de secondes. Puis la terre cesse de trembler et je sens encore les vibrations dans ma chair bien après. Je guette les bruits et tout est paisible. Silence dans l’appartement, dehors, j’écoute encore un moment pour savoir si ça va recommencer.
À travers le fin futon, j’écoute la terre. Les idées embuées, je me remémore les paroles de Yoshiko qui, quelques jours plus tôt m’a décrit les mouvements des tremblements de terre. D’abord horizontal, le plus dangereux puis vertical, plus déstabilisant. Plus l’horizontal dure longtemps, plus l’épicentre est loin. Je n’ai pas senti les spasmes verticaux, je devais être encore trop ensommeillée. Je m’endors. Je dors.

Julie à Fushimi-Inari

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Mon voyage à Kyoto prend fin (demain je pars pour l’île de Manabe-Jima), et j’aurai passé le plus clair de mon temps à Fushimi-Inari à produire des images pour la maquette du projet « Inarigraphie »… Je dis bien produire car c’est ce qui ressort de ce temps sans réflexion, deux appareils photos et une caméra dans mon sac, constamment l’un d’entre eux à la main, ou à jongler de l’un à l’autre, sans prendre le temps de regarder réellement.
Pourtant, la sérénité du lieu m’a parfois rattrapé et j’ai pu retrouver ce que j’avais pratiqué dans ces couloirs sans fin, lors de ma première visite, il y a 12 ans… Ce sentiment d’exploration qui sans cesse se réactive, assez proche d’une addiction. J’ai parcouru les 8 kilomètres du temple 5 fois cette semaine et je suis toujours étonnée de voir la richesse et la versatilité du lieu.

Ce qui se dégage du pèlerinage, c’est l’équilibre dans la ponctuation des déplacements : le parcours commence par des couloirs de Torii très serrés, où l’on ne distingue la forêt que très légèrement, jusqu’au moment où on débouche sur la première plate-forme où se situe le premier sanctuaire. Puis on a à nouveau le choix entre plusieurs galeries, et ainsi de suite. Durant toute la promenade, la marche est ponctuée de ces sanctuaires.
En observant un pèlerin, et en le croisant d’étape en étape, je me suis rendu compte du rythme imposé par Fushimi-Inari :
Au temps spirituel, et donc dans le lieu qui lui est dédié – le sanctuaire, c’est l’action physique qui prime (les inflexions, se laver les mains dans les fontaines, sonner les cloches, soulever les pierres prévues à cet effet).
Ce « système » est ensuite inversé lors du temps de la marche qui agit, lui, comme une action de réflexion dans l’action physique.
Les deux moments, les deux vitesses, les deux dynamiques se répondent,efficacement, sans que l’on se fatigue vraiment… Ils permettent une certaine légèreté de l’esprit et du corps.

Fujiyama relax

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Ce n’est pas du Mont Fuji-Yama dont je vais parler ici, mais un lieu du même nom qui est en passe de devenir culte. Il s’agit d’un cybercafé de Kyoto, situé près de Marumatchi arcade. Joëlle me l’a fait découvrir, il y a quelques jours, et j’y suis venue aujourd’hui me reposer. Je compte y dormir ce soir…
Oui, dormir. Car le terme cybercafé est ici très réducteur. Fuji-Yama café relaxing (c’est le nom complet), est un endroit ouvert 24h/24, où l’on peut louer des box de différentes grandeurs – type box de bureau, dont les cloisons ne vont qu’à mi-hauteur de la pièce – avec un fauteuil confortable et connexion internet, ou avec un sofa – tout aussi confortable, télé et ordinateur, ou encore la même chose mais dans une pièce plus large avec tatami… Les boissons sont gratuites, ainsi que les glaces au distributeur, les douches impeccables, le prêt de milliers de mangas ou de jeux vidéo… Loin d’être une salle de jeux en réseau ou un cybercafé glauque français, c’est un lieu hors du temps, sans fenêtres, dont le statut utilitaire varie en fonction du besoin de ses utilisateurs.
Le prix d’un box est relativement dérisoire si l’on considère le raffinement de la chose (1700 yen/nuit = 10 euros environ). Je me demande combien d’étudiants fauchés, de salaryman éméchés finissent leurs nuits ici. À en croire les ronflements qui me parviennent des box du fond, l’endroit doit être plutôt populaire la nuit.

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Abstract

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Un peu de pub : )
Hier soir, c’était le vernissage de l’installation « Abstract » de Joëlle, à la Galerie Ef. Tokyo. Je dois bien avouer que je suis toute acquise à la cause, mais j’ai trouvé cette installation particulièrement réussie. Le principe méditatif fonctionne parfaitement, notre appréciation du temps s’estompe complètement et l’on se laisse bercer par les images, la musique et l’exploration des jardins par le biais notre silhouette. Izumi, la galeriste, a eu la brillante idée de organiser des cérémonies du thé qui se déroulent sur le tapis de projection*, par une professionnelle de cet art, qui – bonus – invente et prépare des mets subtils et étonnants. Un moment de recueillement, alors que dehors il fait toujours aussi chaud et que les rues d’Asakusa grouillent de monde…

* pour ce qui est de l’explication de l’installation et du projet :

> http://www.gallery-ef.com/

Nostalgie… Same difference ?

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Tokyo a changé depuis mon dernier séjour, il y a 12 ans. Bien sûr, le contexte dans lequel je voyage aussi est très différent.
À l’époque, mon quartier préféré était Jiyugaoka. Un quartier excentré, au sud, simple et tranquille, avec ses voies de trains omniprésentes, ses petits magasins sombres… Aujourd’hui, Jiyugaoka a fermé son magasin de céramique et a vu des dizaines de magasins européens s’ouvrir dans ses rues étroites.
Le design graphique et le packaging japonais courent après ces belles années, car on emballe désormais les achats dans d’innombrables calques de sacs plastiques. À l’ouverture d’un paquet, l’effeuillage est toujours présent, mais visuellement appauvri – les sacs plastiques blancs ont gagné la bataille… Plus zen ? Dans les distributeurs de boissons, les bouteilles en plastiques ont remplacées les canettes en alu de thé.
Ce qui ne change pas, et a même sûrement augmenté, c’est l’effervescence de Tokyo… Les flux. Toujours, sans arrêt, à tout moment, des flots d’informations, d’images, de gens, de bruits. Je dois avouer que je reste sans inspirations face à tant de sollicitations, devant lesquels je ne sais pas prendre de la distance. Les images que j’ai produites ces dernières semaines sont fades et me paraissent sans points de vues, et cela me semble normal.
Je choisis donc de ne rien montrer, ça se décantera à mon retour.

Demain je pars à Kyoto, pour plus de chaleur, et plus de calme.

Visite au Musée d’Art Contemporain de Tokyo

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Aujourd’hui, visite au musée d’art contemporain de Tokyo.
Je me retrouve dès la première pièce devant quelque chose qui ne peut que me faire penser au projet d’iceberg laissé en suspens pour le temps du voyage…
Je me rends aussi compte que le projet d’iceberg se révèle proche des questions de miroir (déformant) déjà en jeu dans mes précédents projets (générateur de l’autre côté du miroir, questions soulevées dans mon mémoire de DEA, etc.).

東京 で

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Tokyo-Dé. À Tokyo, donc. Pour ne pas déroger au cliché exotique, j’écris tard et je n’ai pas assez dormi cette nuit, ni les nuits précédentes. Je baille sans arrêt, ma vision est trouble, mais ici le manque sommeil est un mode de vie.
Je connais, comme tout le monde, les images de ces milliers de gens qui, chaque jour, s’endorment en un clin d’œil dans le métro, dans le train… Mais après une semaine à Tokyo, je reconnais les positions les plus fréquentes des dormeurs.
Il y a d’abord, mais assez rarement, la tête en arrière, le nez relevé, la bouche ouverte et un léger souffle qui risque de virer au ronflement en cas de sommeil profond… Ensuite, c’est la tête de côté, la tête toujours elle qui penche dangereusement mais lentement sur le côté. Les muscles se relâchent et l’on finit sur l’épaule du voisin.
C’est sans doute la troisième qui comporte le moins de risque, la tête en avant, les cheveux, qui sur le visage jouent de rôle de rideaux, filtrent la lumière trop vive du wagon…. Ce soir, dans le métro pour Hakusan, pour la première fois, de la musique dans les oreilles, je somnole au côté de milliers de gens.

Pop-up Window (2004)

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> Installation de papiers découpés:

« Pop-up Window » est une installation de 7 pop-ups* en bristol blanc sur le thème du parcours, s’inspirant de l’architecture du temple de Fushimi-Inari à Kyoto. Ce temple est dédié à la déesse du riz, une renarde messagère des dieux, et prend la forme d’une promenade plantée de milliers de torii (portail shinto rouge et noir), environ 4 Km à flanc de montagne.
Ce projet a émergé comme une extension du projet interactif consacré à ce temple – en préparation actuellement – qui envisage l’expérience vécue par les visiteurs du temple comme proche du parcours dans un jeu vidéo, et en particulier du schéma classique d’exploration, tel que Michel de Certeau le pose. En effet, pour lui, une narration classique comme l’Odyssée établit d’abord un itinéraire : elle guide,  puis elle va au-delà de celui-ci, elle transgresse.
Le visiteur du temple Fushimi-Inari est dès son arrivée placé dans ce rôle d’explorateur, il parcourt un réseau de galeries, il peut à tout moment changer de direction, inspecter d’autres chemins, puis revenir à son objectif principal.

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« Pop-up Window » reprend ce principe d’exploration mais d’une manière plus simple : par l’ouverture**. On y dépliera des perspectives de portails shintos qui conduiront vers l’au-delà, l’arrière de la feuille cartonnée, non-accessible puisque inexistant.
La difficulté d’une architecture zen face au pop-up est une difficulté de forme : avec le pliage du pop-up on est dans le baroque. C’est pourquoi il a été fait le choix d’utiliser une seule couleur, le blanc (le riz) et de se référer à la pratique japonaise de l’origami.

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* pop-up : livre ou carte en papier que l’on ouvre et qui déplie des architectures ou tableaux en 3 dimensions.
** Le mot anglais utilisé dans le vocabulaire du pop-up book, « unfold », rend d’ailleurs très bien ce concept, signifiant à la fois déplier et découvrir.

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