Sur l’invitation de Camille Louis, rédactrice de la revue du 104, je fais des recherches pour produire un projet spécifiquement pour internet, pour le premier numéro de la revue, qui focalise sur Aby Warburg, et l’ouverture de sa recherche.
Le champ d’action et d’exploration de mon projet prendra, dans la lignée de cette transversalité, la forme d’une extension. Celle du projet interactif « Sweet Dream (Toulouse-Paris) » que je suis en train de développer pour mon exposition à Duplex « My Life is an Interactive Fiction » (qui aura lieu en Mai à Toulouse & Paris), et dont voici le résumé :
« Toulouse. Sur un des murs de la galerie Duplex, se trouvent les deux petites touches noires aux textes blancs “Sleep†et “Wake upâ€, d’un clavier classique d’ordinateur. Ces deux touches, à hauteur de la main, sortent du mur, et l’on peut appuyer dessus. C’est tout. Enfin, c’est tout à Toulouse, car ces deux touches sont reliées à ma lampe de chevet, à Paris. Ainsi, pendant toute la durée de l’exposition, soit 1 mois, les visiteurs auront tout loisir de contrôler l’allumage et l’arrêt de ma lampe, de jour comme de nuit. »
Ce projet interactif interroge deux espaces concrets comme éléments narratifs – un espace public : la galerie Duplex, et un espace privé : ma chambre – et par là même, deux espaces symboliques liés :
la réalité et la fiction.
Dans ce projet, je retourne la conception classique et romantique d’un dialogue entre un artiste et un public, qui voudrait que l’artiste « touche » son public lorsque celui-ci voit/expérimente son Å“uvre. Ici, en effet, le projet, de manière assez radicale, ne donne jamais accès à l’un et à l’autre simultanément : pour le visiteur n’y a pas d’image retour, « compte-rendu » de ce qui se passe dans la chambre au moment où il appuie sur l’un des boutons, et l’habitant de l’appartement, l’artiste, n’a pas non plus accès à l’autre côté : il subit les conséquences des gestes de l’utilisateur, et ne peut ni voir, ni prévoir à quel moment son espace va être envahi…
Pour le visiteur, l’utilisateur, ce principe est bien sur déceptif (une référence au « principe de réalité » en psychologie) puisqu’il se trouve devant un vide.
Ce vide, laissé entre le bouton et la lampe, entre le visiteur et l’artiste : c’est internet (c’est en effet par ce biais que la commande de l’allumage et l’arrêt de la lampe se fait). Pour le projet de la revue du 104, j’aimerais – non pas rendre visible ce vide, cet interstice – mais l’affecter.
Et comme point de départ, il est intéressant de noter que le mot « affecter », tire sa racine du mot latin « affectare », soit « rechercher », « poursuivre ». Il s’agit donc de poursuivre et rechercher les histoires potentielles qui relient ces deux espaces…
Une note sur le titre…
OZ, le titre donné au projet, vient de ON (une référence au projet Still On), mot constitué de ces mêmes lettres qui, lorsqu’elles ont subies une rotation à -90°, nous transportent dans un autre univers.
Avec ce fonctionnement, je ne suis pas très loin d’Alice (dont j’avais déjà exploré l’univers déformé). Mais c’est bien sûr aussi un rappel du magicien d’Oz, et le rapport particulier que ce film entretient avec la question de la fiction.
Au delà des diverses interprétations historiques, le magicien d’Oz est l’histoire d’une découverte paradoxale : celle que l’illusion, la croyance est nécessaire à la fiction (pour que le spectateur « embrasse » l’histoire, il faut qu’il y croit, qu’elle lui apparaisse comme étant réelle – il n’y a rien de pire par exemple que de regarder un film et d’en « sortir » – signe que l’illusion ne fonctionne pas), mais que le pouvoir émotionnel de cet espace fictionnel réside dans la démystification même de cette illusion.
Pour que je sois affectée par un film, il faut à la fois que je sois dans le film, tout en sachant qu’il n’est pas la réalité.