Pop-up / Flocons
Cet hiver à Québec, je me suis intéressée au cristaux de neige, et j’avais commencé à travailler sur les pop-ups de cristaux…
Je viens de trouver ceci… By R. Sabuda.
Cet hiver à Québec, je me suis intéressée au cristaux de neige, et j’avais commencé à travailler sur les pop-ups de cristaux…
Je viens de trouver ceci… By R. Sabuda.
Pendant la promenade à Fushimi-Inari, un des moments les plus marquants pour moi a été de croiser la route d’ouvriers du temple en train d’entretenir les toriis et le moment très poétique que constitue l’implantation d’un nouveau d’entre eux. Le torii est nommé, son nom est gravé au préalable puis peint en noir, sur ses deux côtés…
Alors que j’observais un moment, je me rendais compte qu’à l’approche du lieu, les passants devenaient soudain bien silencieux. J’ai eu l’impression d’être témoin de quelque chose de l’ordre du rituel. Le peintre, dont le visage est resté caché tout le temps, effectuait sa tâche par une chaleur étouffante, un rouleau d’encens brûlant à ces côtés, pour éloigner les moustiques. Lui aussi gardait un silence près du recueillement – un silence que seuls les cigales et les corbeaux semblaient ignorer.
Dès son arrivée au temple de Fushimi-Inari, le visiteur est engagé à effectuer un rituel consistant à se laver les mains et à boire de l’eau fraîche. Cette relation à l’eau va se reproduire tout au long du chemin. Par nécessité physique d’abord (le trajet est long et plutôt physique), mais aussi par spiritualité (ce rituel apparaît, comme celui de soulever des pierres – j’y reviendrai – une ponctuation où l’on se soulage de quelque chose, où l’on se débarrasse d’un poids, ne serait-ce que de sa sueur).
Étangs, fontaines, ruisseaux, voici quelques exemples rencontrés sur le chemin…
Suite du repérage pour le projet « Inarigraphie ». Étape 1 : départ de la promenade avec le double passage et première station.
Une série d’images créées à Noirmoutier pendant la session « iceberg »… La suite dans le blog consacré à ce projet.
A PROPOS DE LA STRUCTURE
> À partir des données d’un ordinateur, le générateur doit composer une image d’iceberg selon plusieurs propriétés qui peuvent varier :
– Forme générale de l’iceberg (tabulaire, biseauté, trapu, érodé, pointu, en dôme)
– Taille générale de l’iceberg
– Nombre de blocs
– Forme des blocs
– Taille des blocs
– Couleur/teinte des blocs
A PROPOS DES COULEURS
A PROPOS DE LA TAILLE
Noirmoutier, Plage de Luzeronde. 17 sept. 07, 21h30 environ.
C’est l’occasion pour Marie et moi de nous retrouver après la grande pause de cet été (elle en Chine, moi au Japon) où nous avons dû mettre de côté le projet à peine entamé, et de réfléchir ensemble à deux choses en priorité :
L’édition d’un livre consacré au projet Iceberg.
Les prises de vues de paysages où nous voulons insérer les icebergs qui auraient dérivés.
Nous avons commencé par une séance de type “think tankâ€, avec une liberté totale dans les différentes directions que peux prendre le projet : fiction, graphisme, aspect géographique…
Pour le moment, l’approche du projet reste très expérimentale et il me semble que c’est un vrai enjeu que de dériver du sujet justement, vers des formes et des contenus très diversifiés, voir même borderline, pour voir jusqu’où cela peut nous mener.
Hier, dans la voiture (5h de voiture pour arriver jusqu’ici), on parlait d’ailleurs de la part d’intuition dans la production d’un projet artistique.
On s’est amusé à penser que l’intuition était comme une identité presque à part de notre être. Un poltergeist à qui on laissait les rennes, et qui prenait une/notre direction, suivait son chemin malgré nous mais dont on épiait les moindres mouvements. Et peut-être que le moment décisif pour un projet est le moment opportun où l’on réalise que cette entité a rempli sa fonction, a trouvé le bon élément, la bonne direction et que, par un choix conscient, on éjecte cette entité presque violemment, pour qu’il n’en reste rien et pour que notre mental reprenne définitivement le contrôle.
Ce parasite ré-émerge-t-il à un autre moment ? Combien de fois répète-t-on ce procédé ? Et d’ailleurs, le répète-t-on plusieurs fois lors d’un projet ?
Dessins préparatoires pour le projet d’habillage de la passerelle (Architectes : Artificial architecture) à l’école Chomel, Paris 6ème.
La galerie Duplex a enfin son site internet, check it out…
> http://www.galerieduplex.com
> http://www.galerieduplex.com/Julie-morel.html
– The initials HD in the name Henry Dark refer to Humpty Dumpty.
– Who?
– Humpty Dumpty. You know who I mean. The egg.
– As in « Humpty Dumpty sat on a wall? »
– Exactly.
– I don’t understand.
– Humpty Dumpty: the purest embodiment of the human condition. Listen carefully sir. What is an egg? Is it that which has not yet been born. A paradox, is it not? For how can Humpty Dumpty be alive if he has not been norn? And yet, he is alive – make no mistake. We know that because he can speak. More than that, he is a philosopher of language. « When I use a word, Humpty Dumpty said, in rather a scornful tone, it means just what I choose it to mean – neither more nor less. The question is, said Alice, whether you CAN make words mean so different things. The question is, said Humpty Dumpty, which is to be master – that’s all. »
– Lewis Carroll.
– Through the Looking Glass, chapter six.
– Interesting.
It’s more than interesting, sir. It’s crutial. listen carefully, and perhaps you will learn something. In his little speech to Alice, Humpty Dumpty sketches the futur of human hopes and gives the clue to our salvation: to become master of the words we speak, to make language answer our needs, Humpty Dumpty was a prophet, a man who spoke truths the world was not ready for.
– A man?
– Excuse me. A slip of tongue. I mean an egg. But the slip is instructive and helps to prove my point. For all men are eggs, in a manner of speaking. We exist, but we have not yet achieved the form that is our destiny. We are pure potential, an example of the not yet arrived. For man is a fallen creature – we know that from Genesis. Humpty Dumpty is also a fallen creature. He falls from his wall, and no one can put him back together again – neither the king, nor his horses, nor his men. But that is what we must all now strive to do. It is our duty as human beings: to put the egg back together again. For each of us, sir, is Humpty Dumpty. And to help him is to help ourselves.
– A convincing argument.
– It’s impossible to find a flaw in it.
– No cracks in the egg.
– Exaclty.
– And, at the same time, the origin of Henry Dark.
Paul Auster, City of Glass, Chapter 9.
Petit clin d’œil. Le 14 août dernier, Nicolas Tilly m’envoie un mail pour que l’on se rencontre, car son travail semble proche du mien. À mon retour, je passe un peu de temps sur son blog, qui présente ses travaux en cours et ceux déjà exposés.
J’aime particulièrement « le crapaud », par sa simplicité, cette pièce se situe à mi-chemin d’une maquette et d’une sculpture, elle impose sa vision hybride entre paysage et animal, sans décorum. « La forme du paysage » m’interpelle aussi…
Un lien, donc, à ajouter à notre projet iceberg.
> http://www.espacedubug.com
Autre référence, Marie me fait découvrir le travail “True Northâ€, d’Isaac Julien, un travail de ré-interprétation méditatif de l’aventure au grand nord de l’explorateur Matthew Henson. Le travail est un mélange de moments kitchs (à voir la thématique, je doute que ce soit voulu ?) et sublimes, un montage fragmenté grâce au split screens, qui me fait penser aux expérimentations que j’avais faites à Québec… À l’inverse de ce que nous voulons faire apparaître (la dérive des glaces), cette vidéo révèle la dérive des personnages face à l’immobilité des paysages glacés.
“True North, is meditative and comprises reflective images of the sublime, uses the landscape as a key location and theme. Loosely inspired by the story of the black American explorer, Matthew Henson (1866-1955) who accompanied Robert Peary and was one of the first people to reach the North Pole, later writing an account of his experience. In this fragmented narrative, Julien contemplates on ideas and histories of the hierarchical as well as in the struggling figure we find a succinct metaphor of endless traversing, symbolising the voyage of the modern that has to be experienced by others. The installation offers a fascinating new visual reading of space and time and its relation to counter histories. Here, the sublime moment of cognition of the image is presented to the mind which, in turn, can only comprehend the absolute of magnitude which itself defies conceptualisation. The installation contests binaries which are present in many notations of the expedition and of adventure that clutter the history of discovery- here reason, order and stability are replaced by irrational meanderings, symbolic gestures from shamanistic tropes and the constant seeping inertia of the ice. â€
Dans la série de références pour les icebergs de couleurs dans notre projet « Iceberg ». J’ai le cÅ“ur grenadine / Marco Evaristti…
De retour à Paris, loin de la canicule Tokyoïte, je retrouve Marie, qui s’est activée côté tests : avec l’aide de Benjamin, elle a inséré un iceberg noir dans les prises de vue de la maquette.
De mon côté, j’ouvre un blog spécifique au projet iceberg, pour que l’on puisse toutes les deux poster nos idées, et dialoguer plus efficacement sur le sujet !
Une visite au village de Hida-Takayama, est toujours un moment de pur bonheur, d’anachronisme et d’exotisme. Une sorte d' »Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants », revu par Miyazaki.
Bien sur, envisagé comme témoignage architectural, le village est un exemple impressionnant d’habitations construites en concordance avec la nature. Mais pour moi, et j’en suis sûre, comme pour la majorité de visiteurs, c’est surtout de romantisme dont il est question ici. Car dans ces grandes fermes, je peux idéaliser ce que je n’ai pas connu, ce qui n’existe pas, et ce que je sais nommer sans mal : une vision fantasmée d’un art de vivre passé, à la campagne.
Les Japonais eux-mêmes reconnaissent rarement que leur vision paisible de la vie de la campagne n’est qu’un romantisme dicté par l’envie d’échapper à la vie citadine. Partagent-ils ce même sentiment ? Ou bien est-ce pire : une nostalgie passéiste, comme celle qui est décrite dans « L’éloge de l’ombre » ? Dans ce livre ambigu l’écriture oscille entre ressenti et complexe d’infériorité face à l’occident pénétrant le Japon à l’air Meiji d’une part, et moments esthétiques, magiques et descriptions éthérées d’autre part.
Peut-être.
Mais malgré moi, Hida-Takayama fonctionne pour moi, tire sur cette corde sensible qu’est ce fantasme de vie à la campagne. Peut-être est-ce le trop plein de ville, de monde, de ces derniers jours ?
Me voilà de retour à Tokyo et mon voyage tire doucement à sa fin. La chaleur est toujours aussi écrasante. Hier soir, je dîne avec Aï et Fred. Quelques verres, la conversation s’attarde, je me couche tard, enfin, éteinte.
Je dors. L’air conditionné allumé, j’ai presque froid : je tire la couverture, inconsciemment.
Je dors profondément, et avec plaisir. Je dors, et l’on me secoue. La conscience me revient, j’ai dû dormir trop tard, Aï doit être en train de me réveiller. J’ouvre les yeux : personne, mais on me secoue.
Il fait noir, il fait nuit. Je ne suis pas pleinement réveillée, je m’appuie sur mon coude. Je constate cette sensation de perte d’équilibre liée à l’ébriété, mais je ne suis pas ivre. Je m’allonge, immobile quelques secondes, j’épie mon corps. Non, je ne suis pas ivre.
La terre tremble. Et moi avec. N’est-ce pas drôle qu’un tremblement de terre dicte à mon corps la réaction physique de la peur ?
Pourtant, à travers ce tremblement imposé, malgré moi, pas de crainte, mais de l’étonnement. Allongée à l’horizontale, les yeux fermés ; les deux mains à plats de chaque côté de ma tête, j’oscille. Pendant une trentaine de secondes. Puis la terre cesse de trembler et je sens encore les vibrations dans ma chair bien après. Je guette les bruits et tout est paisible. Silence dans l’appartement, dehors, j’écoute encore un moment pour savoir si ça va recommencer.
À travers le fin futon, j’écoute la terre. Les idées embuées, je me remémore les paroles de Yoshiko qui, quelques jours plus tôt m’a décrit les mouvements des tremblements de terre. D’abord horizontal, le plus dangereux puis vertical, plus déstabilisant. Plus l’horizontal dure longtemps, plus l’épicentre est loin. Je n’ai pas senti les spasmes verticaux, je devais être encore trop ensommeillée. Je m’endors. Je dors.
Mon voyage à Kyoto prend fin (demain je pars pour l’île de Manabe-Jima), et j’aurai passé le plus clair de mon temps à Fushimi-Inari à produire des images pour la maquette du projet « Inarigraphie »… Je dis bien produire car c’est ce qui ressort de ce temps sans réflexion, deux appareils photos et une caméra dans mon sac, constamment l’un d’entre eux à la main, ou à jongler de l’un à l’autre, sans prendre le temps de regarder réellement.
Pourtant, la sérénité du lieu m’a parfois rattrapé et j’ai pu retrouver ce que j’avais pratiqué dans ces couloirs sans fin, lors de ma première visite, il y a 12 ans… Ce sentiment d’exploration qui sans cesse se réactive, assez proche d’une addiction. J’ai parcouru les 8 kilomètres du temple 5 fois cette semaine et je suis toujours étonnée de voir la richesse et la versatilité du lieu.
Ce qui se dégage du pèlerinage, c’est l’équilibre dans la ponctuation des déplacements : le parcours commence par des couloirs de Torii très serrés, où l’on ne distingue la forêt que très légèrement, jusqu’au moment où on débouche sur la première plate-forme où se situe le premier sanctuaire. Puis on a à nouveau le choix entre plusieurs galeries, et ainsi de suite. Durant toute la promenade, la marche est ponctuée de ces sanctuaires.
En observant un pèlerin, et en le croisant d’étape en étape, je me suis rendu compte du rythme imposé par Fushimi-Inari :
Au temps spirituel, et donc dans le lieu qui lui est dédié – le sanctuaire, c’est l’action physique qui prime (les inflexions, se laver les mains dans les fontaines, sonner les cloches, soulever les pierres prévues à cet effet).
Ce « système » est ensuite inversé lors du temps de la marche qui agit, lui, comme une action de réflexion dans l’action physique.
Les deux moments, les deux vitesses, les deux dynamiques se répondent,efficacement, sans que l’on se fatigue vraiment… Ils permettent une certaine légèreté de l’esprit et du corps.
Ce n’est pas du Mont Fuji-Yama dont je vais parler ici, mais un lieu du même nom qui est en passe de devenir culte. Il s’agit d’un cybercafé de Kyoto, situé près de Marumatchi arcade. Joëlle me l’a fait découvrir, il y a quelques jours, et j’y suis venue aujourd’hui me reposer. Je compte y dormir ce soir…
Oui, dormir. Car le terme cybercafé est ici très réducteur. Fuji-Yama café relaxing (c’est le nom complet), est un endroit ouvert 24h/24, où l’on peut louer des box de différentes grandeurs – type box de bureau, dont les cloisons ne vont qu’à mi-hauteur de la pièce – avec un fauteuil confortable et connexion internet, ou avec un sofa – tout aussi confortable, télé et ordinateur, ou encore la même chose mais dans une pièce plus large avec tatami… Les boissons sont gratuites, ainsi que les glaces au distributeur, les douches impeccables, le prêt de milliers de mangas ou de jeux vidéo… Loin d’être une salle de jeux en réseau ou un cybercafé glauque français, c’est un lieu hors du temps, sans fenêtres, dont le statut utilitaire varie en fonction du besoin de ses utilisateurs.
Le prix d’un box est relativement dérisoire si l’on considère le raffinement de la chose (1700 yen/nuit = 10 euros environ). Je me demande combien d’étudiants fauchés, de salaryman éméchés finissent leurs nuits ici. À en croire les ronflements qui me parviennent des box du fond, l’endroit doit être plutôt populaire la nuit.
Un peu de pub : )
Hier soir, c’était le vernissage de l’installation « Abstract » de Joëlle, à la Galerie Ef. Tokyo. Je dois bien avouer que je suis toute acquise à la cause, mais j’ai trouvé cette installation particulièrement réussie. Le principe méditatif fonctionne parfaitement, notre appréciation du temps s’estompe complètement et l’on se laisse bercer par les images, la musique et l’exploration des jardins par le biais notre silhouette. Izumi, la galeriste, a eu la brillante idée de organiser des cérémonies du thé qui se déroulent sur le tapis de projection*, par une professionnelle de cet art, qui – bonus – invente et prépare des mets subtils et étonnants. Un moment de recueillement, alors que dehors il fait toujours aussi chaud et que les rues d’Asakusa grouillent de monde…
* pour ce qui est de l’explication de l’installation et du projet :
Le projet « memory », qui explore la mise en mémoire électronique de certains types de narration, nous a conduit ici (Joëlle & moi) et dans le cadre de cette archéologie des nouveaux médias, nous avons parlé de superposition de l’information, de stratification, etc. En voici, en 2 jours de ballades, quelques exemples :
Tokyo a changé depuis mon dernier séjour, il y a 12 ans. Bien sûr, le contexte dans lequel je voyage aussi est très différent.
À l’époque, mon quartier préféré était Jiyugaoka. Un quartier excentré, au sud, simple et tranquille, avec ses voies de trains omniprésentes, ses petits magasins sombres… Aujourd’hui, Jiyugaoka a fermé son magasin de céramique et a vu des dizaines de magasins européens s’ouvrir dans ses rues étroites.
Le design graphique et le packaging japonais courent après ces belles années, car on emballe désormais les achats dans d’innombrables calques de sacs plastiques. À l’ouverture d’un paquet, l’effeuillage est toujours présent, mais visuellement appauvri – les sacs plastiques blancs ont gagné la bataille… Plus zen ? Dans les distributeurs de boissons, les bouteilles en plastiques ont remplacées les canettes en alu de thé.
Ce qui ne change pas, et a même sûrement augmenté, c’est l’effervescence de Tokyo… Les flux. Toujours, sans arrêt, à tout moment, des flots d’informations, d’images, de gens, de bruits. Je dois avouer que je reste sans inspirations face à tant de sollicitations, devant lesquels je ne sais pas prendre de la distance. Les images que j’ai produites ces dernières semaines sont fades et me paraissent sans points de vues, et cela me semble normal.
Je choisis donc de ne rien montrer, ça se décantera à mon retour.
Demain je pars à Kyoto, pour plus de chaleur, et plus de calme.
Aujourd’hui, visite au musée d’art contemporain de Tokyo.
Je me retrouve dès la première pièce devant quelque chose qui ne peut que me faire penser au projet d’iceberg laissé en suspens pour le temps du voyage…
Je me rends aussi compte que le projet d’iceberg se révèle proche des questions de miroir (déformant) déjà en jeu dans mes précédents projets (générateur de l’autre côté du miroir, questions soulevées dans mon mémoire de DEA, etc.).
Tokyo-Dé. À Tokyo, donc. Pour ne pas déroger au cliché exotique, j’écris tard et je n’ai pas assez dormi cette nuit, ni les nuits précédentes. Je baille sans arrêt, ma vision est trouble, mais ici le manque sommeil est un mode de vie.
Je connais, comme tout le monde, les images de ces milliers de gens qui, chaque jour, s’endorment en un clin d’œil dans le métro, dans le train… Mais après une semaine à Tokyo, je reconnais les positions les plus fréquentes des dormeurs.
Il y a d’abord, mais assez rarement, la tête en arrière, le nez relevé, la bouche ouverte et un léger souffle qui risque de virer au ronflement en cas de sommeil profond… Ensuite, c’est la tête de côté, la tête toujours elle qui penche dangereusement mais lentement sur le côté. Les muscles se relâchent et l’on finit sur l’épaule du voisin.
C’est sans doute la troisième qui comporte le moins de risque, la tête en avant, les cheveux, qui sur le visage jouent de rôle de rideaux, filtrent la lumière trop vive du wagon…. Ce soir, dans le métro pour Hakusan, pour la première fois, de la musique dans les oreilles, je somnole au côté de milliers de gens.
Ce week-end, avant mon départ au Japon, je retrouve Marie à son bureau pour travailler sur notre « projet d’icebergs » (toujours pas de nom pour ce projet, on verra plus tard).
L’idée, c’est de faire une maquette en papier, puis de la filmer et ensuite insérer des images d’icebergs en 3D, en attendant de pouvoir prendre des images vidéos de paysages réels.
On passe une bonne heure à dessiner des plans possibles pour la maquette. J’essaye de me poser la question du décor, et de la perspective. Marie a une vision beaucoup plus cinématographique que moi : elle dessine naturellement les cadrages de la caméra…
Puis on se met au découpage. Du papier cartonné blanc, du scotch. c’est tout. On mixe des éléments plats et des éléments en volume. Taille finale de la maquette : environ 1m50 de largeur, pour 30cm max de hauteur.
Le lendemain, la maquette est montée sur une table. On éclaire l’espace avec des mandarines. C’est du bricolage à la Gondry, on essaye de pas trop y penser : )
On filme de longs plans séquences, le plus lentement et régulièrement possible. Marie m’envoie aujourd’hui une image fixe-test.
En regardant cette image, je me pose la question du fantôme, et de l’illusion : la différence de nature entre l’image 3D et l’image capturée de la maquette est à peine perceptible, est-ce parce que l’image modélisée se réfère elle-même à une identité/réalité qui n’existe pas (un décor en carton).
Dans notre expérimentation, la capture de l’image ne détermine pas son esthétique, elle fait partie du principe d’imitation… 2 manières d’être qui se répondent, 2 « models » (c’est logique que le mot anglais « Model » – maquette – ait la même racine que le mot modéliser – rendre/calculer une image 3D avec une machine – en français).
Est-ce que c’est le mot « modeler » que l’on interroge, ou les (images) fantômes qu’il peut engendrer ?
Je m’aperçois que je n’ai pas encore posté de texte explicatif sur le projet d’iceberg, alors que voila déjà deux petites semaines que Marie et moi travaillons dessus. Voici une ébauche qui nous servira de base pour notre travail.
Dans un premier temps, nous voulons nous poser la question de l’architecture de la montagne et de sa représentation, en particulier quand elle est modélisée sur un ordinateur.
Les icebergs sont classés en plusieurs catégories, selon leurs formes : Tabulaire, Non tabulaire, En dôme, Pointus, Biseauté, En bloc, Érodé. Ce qui constitue notre base de travail.
Nous avons pensé à la conception d’un programme informatique qui permettrait de générer des formes d’iceberg, d’après toutes les données contenues dans un ordinateur. La masse visible de l’iceberg étant générée d’après les données de l’ordinateur accessibles d’emblée (dossiers sur le bureau, logiciels, menus, etc.) alors que la partie immergée de l’iceberg reflétera les données « cachées » (tous les types de librairies, contenus …).
Chaque ordinateur posséderait donc sa propre visualisation (en 3 dimensions) d’une montagne de glace, avec ses propres spécificités, que ce soit au niveau de sa forme, de sa taille, de sa densité, de sa couleur, etc.
Dans un deuxième temps, ces visualisations de montagnes de glace sont intégrées dans de grandes projections vidéo. Dans ces images, nous voulons placer en situation les icebergs générés, à l’échelle, dans un milieu naturel tempéré. En opposition à l’esthétique virtuelle des modélisations, les paysages seront captés en vidéo. Tous ces tournages auront lieu en extérieur, probablement dans le centre de la France. Les plans naturels et les icebergs modélisés seront assemblés sur After effects, avec la volonté de laisser percevoir l’hétérogénéité du rendu visuel des deux sources. Néanmoins, on travaillera, au niveau du compositing, à donner l’illusion d’un espace unifié et réaliste.
Une impression de douceur et de vague étrangeté doit dominer. Comme les icebergs numériques n’ont pas à obéir réellement aux lois de la physique, ils ne seront pas obligatoirement immergés dans un milieu liquide. Rien ne nous empêche de les faire dériver sur un terrain vague, une prairie… Cependant, on prendra toujours le niveau du sol comme ligne de flottaison (les icebergs ne flottent pas dans l’air).
Il nous faut jouer avec l’idée que les icebergs, qui ne dérivent généralement pas au delà du 48ème parallèle, ont réussi à atteindre un autre territoire.
Enfin, le dernier volet de ce travail est un livre qui combinera plusieurs axes de lecture.
Une sélection d’icebergs virtuels sera mise en image dans des paysages en papier (pop-ups). Les techniques de photomontage seront très proches de celles utilisées pour les vidéos, mais cette fois on percevra une aberration de l’échelle, dans un esprit « maquette ».
On aura également des planches-séquences extraites des vidéos, accompagnées de la date et du lieu de prise de vue, ainsi que des schémas de type scientifique et des rapports d’observation. Ces rapports apporteront des précisions sur les singularités géographiques du lieu (géologie, flore, activités industrielles…)
Un certain nombre de pleines pages, ou une partie de chaque page, ou bien la tranche du livre sera en rupture éditoriale avec le reste du volume. Imprimés en noir sur fond sombre, des textes pourront reprendre les données « cachées » entrées dans le générateur pour définir la partie submergée des icebergs.
En écho à cette partie cachée de la montagne, toute une partie du livre sera réalisée en pop-up, où l’on découvrira ce qui se passe en dessous des paysages de la vidéo. La feuille jouant le rôle de la surface, les pop-ups de montagne pourront se déplier dans un sens ou un autre, offrant la possibilité de jouer avec un effet de miroir, l’échelle, la superposition, etc.
Des images créées par Marie pour notre projet Icebergs…