Annapurna ou Everest?

Aujourd’hui, départ pour le Népal, pour clore la résidence d’un an à la Maison populaire (Montreuil).
Dans notre quête du Rheum Nobile – fleur qui a donné son nom à cette résidence – il semblerait que nous partirons finalement dans le Langtang, Près du lac sacré de Gosaikunda.
… Première étape, Kathmandou.

See you there! : ) 

 

 

 

 

 

 

 

L’île de la passion

Julie Morel, Clipperton island

Des photos de ce mois passé avec les participants de « The Clipperton Projet« , pour une mission sur l’île de la passion (plus connue sous le nom de Clipperton island – Pacifique sud). Photos du départ de La Paz des 3 bateaux de l’expédition, l’arrêt à Cabo Pulmo (Baja California – Mexique), les 15 jours de mer, le séjour sur l’île – paradis post-apocalyptique, plus proche de l’île aux fleurs version déchets plastiques – que d’un atoll de rêve avec ses débris charriés par la mer, le camps de base rudimentaire, son rocher à l’histoire maudite, le vent et le soleil écrasant, les cris constants des oiseaux et sa barrière de corail difficilement franchissable..
L’expérience a été dure, intense et pleine de mauvaises et bonnes surprises. Mes compagnons de fortune et d’infortune de ce mois vécu en parenthèses de toute civilisation (mais toujours omniprésente par les divers signes qu’elle a imprimée sur l’île) – Mia, Gwen, Carlos, Jean, Pablo, Hector, Kathy, Santiago, Mike, Martin, Enge, Caroline – me manquent tous depuis mon retour en France, où tout me semble matérialiste, compliqué et surfait, sur fond de campagne électorale.

Départ dans 2 jours pour le Népal.

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> Préparatifs de départ, La Paz.

> départ et la mer de Cortez

> Arrêt à Cabo Pulmo

> L’itinéraire, la pleine mer, les premiers quarts, et l’arrivée sur l’île.

Julie Morel, Clipperton

> Le camp de base et l’exploration de l’île

Julie Morel, Clipperton

 

If you read this, it means you were thinking about me.

I am for sure thinking about you.
Kiss from Clipperton.

San José / Los Cabos – La Paz – Mer de Cortez

Après 28h de trajet Avion+ avion+ bus Hier trajet San-Jose-Lapaz et arrivée sur les bords de la mer de Cortez. Camp de base : Marina del Palmare, avec le club d’échange de livres et de vidéos du port, le Lucia Celeste qui transportera matériel en tout genre et matériel de plongé, et le Piscies sur lequel j’ai embarqué hier, première nuit sur le bateau donc, les préparatifs, l’équipage.
L’autre voilier, l’Island seaker, plus petit, a pris de l’avance et est déja parti il y a quelques heures.
See you in 27 days! : )

RDV sur l’île de la passion

Du 27 février au 27 mars, je participe à « The Clipperton Project », une exploration scientifique et artistique sur l’île de la Passion (Clipperton island, pacifique sud).

Pour ceux qui le veulent (et si les conditions de communication nous le permettent) vous pourrez suivre l’expédition à cette adresse : http://www.clippertonproject.com/expeditions

Merci de me recontacter à mon retour, ou de laisser un message ! : )

Le voyage commencera au Mexique :
Départ de La Paz au à bord du voilier « Piscis », première étape la mer de Cortez et ses baleines, puis Cabo Pulmo et ses plages, et enfin Clipperton et son milieu hostile.

// Cabo Pulmo & la mer de Cortez

// Clipperton Island

Par (temps) vagues

Il y a peu, je me suis aussi posée la question de ce qu’étaient les vagues scélérates (Rogue waves) et examiné la différence entre le mot en français et en anglais :
« Les vagues scélérates are large and spontaneous ocean surface waves that occur far out in sea, they seem not to have a single distinct cause and for the longest time where a myth. The French “scélérate” means “perfidious”, which I quite like because it defines the phenomenon in relation to others (here sailors), not just its quality.»
(les vagues scélérates sont des vagues spontanées de très grande taille, qui surgissent en pleine mer. Elles ne semblent pas avoir une cause unique et pendant longtemps sont restées un mythe. J’aime le terme Français « scélérate » car il ne définit pas seulement la qualité d’un phénomène, mais décrit/définit le phénomène en relation à celui qui l’expérimente (les marins).

Depuis que je sais que je pars à Clipperton, sans trop savoir pourquoi, j’ai commencé à faire une collection d’images de vagues. Des toutes les images collectées, ce sont les vagues figées par le froid qui sont les plus étranges.

Et puis..

Murmuration from Islands & Rivers on Vimeo.

109° 13° W – 10° 18° N

À quelques jours du départ à Clipperton, je lis le journal de bord (qui est plein de faits intéressants) de Christian H. JOST, qui s’y est rendu en 1997.

« La carte IGN de l’île (de 1937, la seule existante) indique deux points possibles de débarquement : l’un au nord-est, l’autre au sud, mais les écrits attestent que le moins dangereux est celui du NE. Nous arrivons d’Acapulco par le nord-est. Pourtant peu avant l’aube, à 6h du matin, sur le pont arrière, je m’aperçois qu’ El Puma se dirige au sud de l’île ! J’en informe la Chef scientifique qui s’étonne que le capitaine, auquel elle avait indiqué le point nord, fonce vers la côte sud. Elle lui demande immédiatement correction du trajet mais, avancé comme l’est déjà le bateau, nous ne pouvons plus que faire le tour de l’île … par l’ouest. Perte de temps qui nous met finalement face au point de débarquement nord-est à 8h. Aux jumelles, on a repéré un mât avec un petit fanion semblant signaler le lieu de débarquement « idéal ». Mal nous en prit…

Ne pouvant ancrer, car les fonds tombent immédiatement à plus de 400m, El Puma s’arrête à près de 700m du récif et ne peut, que lentement dériver. Une première équipe de trois chercheurs physiquement solides et la responsable scientifique partent en reconnaissance de la côte avec le Zodiac piloté par un homme d’équipage. Le temps est relativement beau, quelques nuages, une houle assez faible de 50cm à 1m. Les vagues se brisent cependant avec fracas et force écume sur toute la côte. La première équipe se dirige vers le fanion et, jugeant l’accostage réalisable, se lance avec une vague porteuse et arrive à « beacher » sans casse et sans eau dans le Zodiac. Après contact et rapport par radio (talky-walky), les chercheurs restent à terre et le Zodiac doit revenir chercher la deuxième équipe dont je fais partie. Mais quitter la côte est bien plus difficile que d’y arriver et ce n’est que grâce à une grande adresse et expérience que Abel, le pilote du Zodiac, parvient, non sans mal et quelques aller-retours entre la barre et la plage lui valant des salves d’écume et quelques frayeurs, à franchir les premiers rouleaux les plus dangereux après avoir dérivé sur plusieurs centaines de mètres au-dessus du récif frangeant. Il arrive au navire visiblement secoué, trempé, avec un sourire un peu crispé. Je ne sais plus à ce moment là, si je n’ai pas été content de ne pas comprendre le mexicain, mais il me semble que je n’ai pas trop chercher à connaître les détails. De toutes façons c’était mon tour et je m’y apprêtais gaillardement sans beaucoup d’inquiétude. On verra bien après tout et ce n’est sûrement pas si près du but que l’on va renoncer pour quelques vagues.

Mais pour le deuxième débarquement, l’homme d’équipage change (question de tour de garde paraît-il). Nous embarquons à cinq avec le matériel, mon équipement comprenant déjà deux bon gros sacs marins étanches (quelle bon investissement avais-je fait à Nouméa peu avant le départ !) et les deux mâts de la station météo portable prêtée par Météo-France Nouvelle-Calédonie.

Nous nous lançons… il est près de 9h15. Arrivés près des premiers rouleaux, la technique consiste à observer les vagues pour se lancer sur celle jugée la plus haute pou pouvoir surfer jusqu’au rivage. Ainsi le Zodiac tourne et tourne en attendant la bonne. On y va ! …. mais, ce n’était pas la bonne et en quelques instants nous nous retrouvons submergés par la vague qui remplit à ras bord le Zodiac. Poussés, plus que portés par la vague nous finissons par atterrir en catastrophe sur le récif en raclant l’hélice sur le fond corallien; nous sautons à l’eau pour tenir et tirer le Zodiac et l’empêcher de repartir avec le reflux … mais, nous sommes saufs et n’avons pas eu le temps d’avoir peur. On débarque le matériel qui a bien résisté et on écope l’eau du Zodiac sur la plage. Le retour va cependant être encore plus périlleux.

En effet, Federico, le ‘pilote’ craint de retourner seul au navire pour chercher la troisième équipe (J’ai appris par la suite qu’il avait un jour fait naufrage et était resté plusieurs jours à la dérive; on peut comprendre ses réticences à partir seul dans cette mer difficile). Il doit pourtant bien y aller. Les échanges radio avec le capitaine sont animés et au récit et à la vue de ce 2 e débarquement, le capitaine décide qu’il n’y aura pas d’autre équipe. Il envoie la chaloupe vers la côte mais celle-ci ne pourra jamais accoster à cause de son étrave en V et de l’hélice qui est trop basse pour ‘beacher’. A bord cependant, il y a Adrien, jeune instructeur de plongée. Pendant ce temps, Federico doit passer cette fichue barre et va essayer. Le grand Angel, Vivianne et un autre le pousse jusqu’à la première barrière, à la limite de perdre pied… Une fois : il est renvoyé par la vague sur la plage. Deux fois : une grosse vague le fait tomber du Zodiac qu’il réussit à agripper et il se retrouve effrayé sur le rivage. Il refuse d’y aller une autre fois et part marcher dans son coin pendant que les échanges radio se poursuivent. Il doit y retourner, ordre du capitaine, mais avec quelqu’un à l’avant du Zodiac pour faire contrepoids (ce que je suggérais depuis un moment d’ailleurs). Nouvel essai à deux, Angel dans l’eau poussant le Zodiac pour l’aider à franchir la barre : mais cette fois l’océan met aussi le paquet et rejette les deux hommes qui lâchent le Zodiac; celui-ci est pris par une vague de près de trois mètres qui le chahute en tous sens avant de le dresser en l’air et de le retourner comme une crêpe. Tandis que les deux hommes réapparaissent hors de la vague grâce à leur gilet de sauvetage, le Zodiac est lui, drossé violemment sur le rivage. Dans la bagarre il aura perdu les trois-quart de son plancher et une tige du starter du moteur est cassée (par manipulation trop brutale de Federico qui tapait sur le moteur qui avait des ratés, dira-t’il; en fait, il ne mettait pas le moteur à l’eau suffisamment tôt et vite); le moteur ne peut donc plus démarrer, le Zodiac ne peut plus repartir… Nous voilà pour un petit temps, naufragés !

Pendant ce temps, je filme, on photographie, on ne s’inquiète pas, on se dit qu’on va passer la journée et la nuit et qu’on trouvera bien une solution. vivianne reçoit solennellement d’Alex huit boissons et quatre sandwiches lui disant que si ça tourne mal, ce sera au chef d’expédition de protéger puis de répartir les vivres. Elle s’assit alors pour réfléchir à cette nouvelle charge de protection des précieuses réserves à gérer avec l’organisation du travail de toute la journée quand, rapidement, un crabe vient sournoisement par derrière lui rappeler le nécessaire mouvement perpétuel qu’il faut avoir sur cette île… Nous avons toute l’île à découvrir. Nous oubliions à ce moment un détail d’importance : Nous n’avions, pour dormir au sol, aucun équipement capable de résister aux crabes… Je n’avais finalement pas emporté mon hamac qui aurait été la seule protection efficace…
Peu après, la chaloupe arrive et se positionne à plus de 100m du rivage sans pouvoir s’approcher plus près, le récif s’étirant à cet endroit sur au moins 60m. Pendant que Angel et Federico regagnent la terre comme ils peuvent, Adrien, depuis la chaloupe, dans une véritable opération de sauvetage, se jette à la mer avec un filin en main et nage vers nous. Adrien disparaît aussi souvent dans les vagues. Nous attendons avec inquiétude qu’il réapparaisse. Heureusement, excellent nageur, il gagne petit à petit sur la mer et arrive à nous rejoindre. Le filin est là, avec lui, seul lien désormais avec la chaloupe, le navire et … le monde ?

On ne perd pas beaucoup de temps à chercher le plancher du Zodiac qui a disparu; on attache celui-ci au filin; Federico monte à bord; la chaloupe tend le filin et tire lentement le Zodiac qui va passer la barre plus souvent près de la verticale que de l’horizontale. Le Zodiac part se faire réparer et reviendra plus tard. Rendez-vous est donné à 16h pour nous permettre une première inspection de l’atoll. Nous sommes désormais neuf sur la plage et l’on s’apprête à partir en exploration de l’île. »

Énoncé performatif : je t’aime

À Montreuil, aujourd’hui, je suis passée devant certains des affichages Decaux qui vont servir pour la proposition Rheum Nobile, que je finalise en ce moment.
10 affiches dans ces sucettes Decaux baliseront le parcours entre la maison pop et un autre lieu (Fonderie de l’image ou Instants chavirés). Ces affiches, je ne les vois que comme des supports pour des actes de langage, et chacune découlera, sera la matérialisation d’un énoncé performatif qui ponctuera le chemin entre les deux lieux d’exposition.

Un acte de langage est un moyen mis en œuvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots. Développée et théorisée par John L. Austin dans « How to do Things with Words », l’idée d’acte de langage insiste sur le fait qu’outre le contenu sémantique d’une assertion (sa signification logique, indépendante du contexte réel), un individu peut s’adresser à un autre dans l’idée de faire quelque chose (par opposition à dire quelque chose). Pour être plus précis, faire un acte de langage, c’est transformer, par les mots, la représentation des choses ou intentions/buts d’autrui, bref la réalité : on parle alors d’un énoncé performatif, par contraste avec un énoncé uniquement constatif.
Un énoncé performatif, c’est un énoncé qui dit ce qu’il fait, par exemple quand je dis : « je te demande pardon », je fais ce que je dis…
Et ce qui différencie ces deux énoncés, c’est aussi la direction d’ajustement : dans le constatif, on s’ajuste au réel, par la parole (ex : il pleut). Dans le performatif, en agissant par la parole, on modifie le réel : (c’est le réel qui s’ajuste à l’énoncé, ex : Je ne serai pas à l’heure).
C’est assez beau cette idée d’énoncé performatif… Ça pourrait même être pris au pied de la lettre, donner lieu à une performance justement.

L’installation que j’ai conçue pour la Fonderie de l’image (texte sérigraphié à l’encre phosphorescente sur du papier-peint) est en écho avec ces affiches.
D’une phrase tirée de « La part maudite » de Bataille, j’opère une mutation, un parasitage : je l’augmente en lui ajoutant des énoncés performatifs (exemple : « cette histoire a déjà commencée », « le texte serait ajourné, remis à plus tard, congédié, mais réapparaitrait irrémédiablement étendu, augmenté, commenté, toujours plus long et sa lecture toujours plus difficile »… ).
En rajoutant cette couche, je me l’approprie, je fais une conversion. Ma propre dépense d’énergie, par le biais d’énoncés performatifs, se transforme, et transforme le sens premier du texte original, qui apparait en majuscule, alors que le reste du texte est en minuscule.

Il y a quelques jours en lisant un passage de « Je suis vivant et vous êtes mort », j’ai confondu les mots « conversation » et « conversion ». Pas vraiment un hasard vu les recherches que je mène en ce moment…

> Introduction à la philosophie du langage
> La théorie du langage performatif de JL Austin
> Victor Burgin
> Christophe Fiat (Du performatif à la performance)

« Je-t-aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules. D’une certaine manière − paradoxe exorbitant du langage −, dire je t-aime, c’est faire comme s’il n’y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai (il n’a d’autre référent que sa profération : c’est un performatif) ».
R. Barthes, Fragments d’un discours amoureux, p. 176

Conversation

J’aime beaucoup ce texte, extrait de la biographie de Philip K. Dick d’Emmanuel Carrère.
La première fois que je l’ai lu, j’avais lu « conversation »….

« Le propre de la conversion est de changer celui qu’elle élit. Elle le retourne comme un gant. Il ne pense plus ce qu’il pensait, il n’agit plus comme il agissait, et souvent une ironie de la grâce le fait agir et penser d’une façon qui ne lui était pas seulement indifférente, mais lui répugnait. De ces transformations, dont la seule idée aurait été odieuse au vieil homme qui l’a dépouillé, il s’enchante. Elles garantissent l’authenticité de son expérience, le fait qu’un autre parle en lui. Pour un peu, il en rajouterait. L’intellectuel sceptique et railleur qui se fait catholique donnera volontiers dans les formes populaires de sa foi : petite dévotion, médailles miraculeuses. Fin lettré, connaisseur de peinture, il trouvera à aimer désormais Gilbert Cesbron ou des naïfs yougoslaves la joie subtile de qui s’arrache à un déterminisme et conquiert sa liberté. Aller contre sa pente naturelle, c’est très littéralement ce qu’on appelle se repentir.
Rebelle, mauvais con, ennemi de l’autorité sous toutes ses formes, Dick n’aurait de lui-même jamais pensé à appeler le FBI, à se mettre sous sa protection, à le renseigner. Si, quelques semaines avant l’arrivée de la photocopie du Daily World, on le lui avait prédit, il aurait réagi comme un pieux musulman à qui on annonce qu’il mourra d’une indigestion de boudin. Un type qui a grandi à Berkeley ne fricotera jamais avec les flics et, s’il le fait, cela ne prouve qu’une chose : ce n’est plus lui ; on l’a remplacé, ou bien manipulé, un autre que lui agit à sa place.
Exactement, pensait Dick, avec un gloussement d’allégresse.
C’est exactement ça qui m’est arrivé.
Et le plus fort, c’est que je m’en réjouis.
Et que je suis certain d’avoir raison de m’en réjouir.

Voici deux exemples de conversion.
Saül, jeune juif pieux et, à ce titre, persécuteur passionné de la secte chrétienne, subit sur le chemin de Damas une étrange expérience, au sortir de laquelle il devient l’apôtre Paul et s’en va répétant, avec la contagieuse ferveur que l’on sait : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi ».
Le héros du roman d’Orwell 1984 trouve peu à peu le courage de s’opposer à la tyrannie de Big Brother. Mais il est arrêté, soumis à la torture et à des manipulations mentales si efficaces qu’à la fin du livre, loin de lui manifester une allégeance factice, « il aime Big Brother ».
Il y a plusieurs différences entre ces histoires. D’abord celle qui sépare la torture de l’illumination, bien que dans les deux cas on ait affaire au viol d’une conscience humaine. Ensuite, Orwell et ses lecteurs s’accordent à trouver le héros de 1984 magnifiquement lucide avant son arrestation, tragiquement aliéné ensuite, tandis que l’auteur des Actes de des Apôtres et sans doute la majorité de ses lecteurs partagent la certitude qu’a saint Paul d’avoir gagné au change. Reste ce fait troublant que la même certitude anime le converti et la victime d’un lavage de cerveau : c’est maintenant, aimant le Christ ou Big Brother, qu’ils sont dans le vrai ; avant, ils se trompaient : la preuve, ils en craignaient rien tant que de voir advenir qui leur est advenu et qui est en fait le plus grand des biens. Cette rupture rend le commerce entre le converti et son entourage à peu près aussi difficile qu’entre Dracula et le docteur Van Helsing dans les films de vampires : si les hommes ont si peur d’être mordus par les morts vivants, c’est parce qu’ils devinent qu’une fois contaminés ils s’en réjouiront. Le plus effrayant, vu d’avant, c’est qu’après il ne reste de soi que ce qui se réjouit de n’être plus soi. Avant, c’est soi qui a peur ; après, c’est un autre qui triomphe. »

« Je suis vivant et vous êtes mort – Philip K. Dick », Emmanuel Carrère

A Pyrrhic Victory in Progress

En cours, un texte pour expliquer une première expérimentation plastique relative à mon voyage à Clipperton. Cette proposition est arrivée très rapidement, et serait montrée en avril au BBB (la production se faisant sans moi puisque je serai alors en voyage), tout de suite après mon retour, lors d’une exposition appelée « faux jumeau ».

Les tapis, moquettes, et autres aplats qui recouvrent la plupart du temps les sols en intérieur paraissent être des éléments décoratifs, voir peu importants, que l’on piétine sans s’en rendre compte.
Pourtant ces zones de recouvrement délimitent un territoire et sont souvent des espaces symboliques : des représentations abstraites du jardin dans les tapis de la culture perse, à la moquette rouge que l’on déroule lors de cérémonies officielles, en passant par l’espace religieux du tapis de prière, les exemples sont nombreux.
Et en un sens, le tapis est toujours un moyen d’être transporté, et il ne semble pas sans hasard qu’il ait été utilisé à cette fin dans de nombreux contes (le tapis volant).

Le tapis de sol que je propose dans l’installation A Pyrrhic Victory pour l’exposition « faux jumeaux » (avril 2012) peut se lire comme une prise de position, à la fois dans le sens de prendre un point de vue, mais aussi dans le sens de prendre (gagner) une position (stratégique).

Ce faux jumeau symbolique de l’île de Clipperton – ou je me rends au mois de mars dans le cadre d’une mission scientifique & artistique, et point de départ de cette réflexion – en reproduit les enjeux territoriaux.
Clipperton, nommée aussi l’île de la passion, est un point perdu dans l’océan pacifique, si petit et si plat que l’on peut passer à côté sans le voir. Un point néanmoins stratégique, ou le paradoxe d’un territoire dont les frontières minuscules que dessinent la nature sont remises en cause, augmentées par des frontières juridiques[1], formant une zone immense, insécable, et convoitée.

Le titre de cette proposition « A Pyrrhic Victory » fait référence, avec humour, à une expression militaire : une victoire à la  Pyrrhus étant une victoire avec un coût dévastateur pour le vainqueur. J’hésite encore à appeller le projet « A Pyrrhic Victory in Progress », histoire de lui donner un côté désastre annoncé.. ; )


[1] Le droit de la mer, augmente de 3 milles marins les territoire terrestres. Ce droit place la France en 2ème position par son espace maritime, après les USA.

Références pour Archives num

• DIAL HISTORY / Johan Grimonprez

« Dial History » est une recherche axée sur les archives télévisuelles et remet en question le spectacle médiatique. Le récit historique du détournement d’avion constitue le point de départ d’une analyse de l’impact des images sur nos sentiments, notre savoir, notre mémoire.
Les rêveries fragmentales d’un écrivain anonyme autour du pouvoir de l’écriture, dans une époque appartenant aux poseurs de bombes et aux pirates de l’air hypermédiatisés, focalisent à la fois le désir de catastrophe et le besoin de se sentir chez soi.
Au milieu du flot ininterrompu d’informations inutiles et contradictoires, le terroriste, lui, en promettant identification et récit, pathos et catharsis, suscite, comme chaque catastrophe réussie, un flux de sentiments entre l’image et le spectateur. Le succès de la « télévision-réalité » témoigne de l’alliance des médias, des téléspectateurs et de la catastrophe.

dial history

• Lettres de Sibérie / Chris Marker

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_de_Sib%C3%A9rie
http://www.dailymotion.com/video/x5snyk_lettres-de-siberie-extrait_news
http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/263/

DEDANLÉMO – Pretty Good Privacy

Des recherches en cours pour le travail à exposer lors de « Dedanlémo » (commissariat par David Poullard et Pierre Di Sciullo) et qui aura lieu à la halle Roublot (Fontenay sous bois) en avril..
J’ai suivi une première piste qui n’a pas aboutie, le matériau (colle) ne semblait pas adapté, et risque de ne pas être efficace à l’échelle demandée.
L’idée que je suis maintenant est de travailler sur une transposition de l’alphabet vers des signes les plus simples possible.
J’ai regardé diverses écritures dont les lettres sont des transpositions de l’alphabet en signes (le morse, le braille, etc.), mais aussi les cartes perforées. J’ai décidé de travailler à partir d’une grille de 30 cases : 26 pour les lettres, le reste pour la ponctuation de base).

What Happens in Halifax Stays in Halifax

En 1969 Robert Barry, invité au Nova Scotia College of Art and Design d’Halifaxen, propose aux étudiants un projet conceptuel basé sur le partage d’une idée, et sur le secret de ce que cette idée peut être et peut produire. Le projet n’existe donc qu’au sein d’un groupe d’étudiants, et ne doit pas être mis à jour sous peine de perdre sa raison d’être : «‘The piece will remain in existence as long as the idea remains in the confines of the group.’”».
En 2004, Mario Garcia Torres mène une enquête et rencontre les étudiants qui ont participé à cet atelier. Il leur demande s’ils ont gardé le projet caché, avec quelles difficultés et si cela leur a paru une expérience importante, et de quelle manière ce projet a eu un impact sur eux.
Il tire de cette enquête un diaporama N&B d’une cinquantaine d’images +bande son + d’interviews de 9 des anciens étudiants : on y voit défiler lentement images d’archives, photos des différents lieux, monuments/témoins d’un moment important de l’art conceptuel, mais dont on ne sait finalement rien. A la vision de ce diaporama, on prend toute la portée du paradoxe entre valeur de l’expérience liée à un projet conceptuel, et l’absence de diffusion au public de celui-ci. Et ce qui semble au centre de tout : le déplacement du projet initial car on peut se demander : qu’est ce qui fait projet? Le projet que les étudiants et Barry ont mis en place ensemble, réalisé et gardé secret, ou le projet global qui est le protocole de départ (un projet qui doit rester au sein d’un groupe, et dont l’existence dépend de ce protocole)? On pourrait même se demander s’il y a eu véritablement production, si cela aurait eu une importante..
J’aime autant l’idée de Robert Barry que sa « restitution » par Mario Garcia Torres (finalement assez romantique) mais qui ajoute une couche de sens au projet initial : il se sert du travail de Barry pour faire un projet comme Barry se sert du travail de ces étudiants pour faire un projet). Un méta-projet donc, ou comment raconter l’art conceptuel : entre son immatérialité et son impact sur l’histoire de l’art.

Vagues scélérates

Un petit rappel, en anglais, de pleins de choses déjà vues, ou en cours, pour le projet Clipperton.
À lire aussi ICI.

On the first page of « Islands, still boats », his introduction to the « Atlas of Remote Islands« , Olivier de Kersauson reminds that heaven and hell are often close on faraway islands, but that islands are hardly innocent in the matter.
As for examples, he quotes 2 islands: Pitcairn, and Clipperton.
That was my first acquaintance to Clipperton, in French called « île de la Passion », an island that strangely looks like a ring. Yes, maybe islands are not innocent.
Reading more on the matter of remote islands, I was not surprise to see that one island could have many names (depending on the nation discovering or claiming it), and that once again, naming something gives it an existence, a history, a context, and indexes it, immediately.
Yes words have that power, weather it is territory in the middle of the sea, or a territory of research. Art words. Science words. That is my project on Clipperton: observing similarities and differences between the terms, language used in art and science. Defining a corpus of vocabulary from both of these fields, examining the gaps and common ideas they share to produce a visual work out of it.

So as a start, it is fair to look at a few words (sometimes pictures) that came to my attention this last 2 months – subjectively or by searching the internet or libraries. Some are self explanatory, some have comments. But I  think are all related to the temporality of the Clipperton project and classified as such:
– The journey
/ waves / being at sea. Anticipation & projection
– The stay / being there working
Being back / Undulations / The output of the project.

 

  • -The journey / waves / Being at sea.

Vagues scélérates (Rogue waves)
« Les vagues scélérates » are large and spontaneous ocean surface waves that occur far out in sea, they seem not to have a single distinct cause and for the longest time where a myth. The French “scélérate” means “perfidious”, which I quite like because it defines the phenomenon in relation to others (here sailors), not just its quality.

Vija Celmins
A few years back, at the Pompidou Centre, I saw Vija Celmins‘ desolated drawings of sea, sky and desert.

  • The stay, being there.

Clipperton as a boat

 

 

This picture was taken during a weeklong workshop at the Brittany School of Art (Lorient), where I teach. The workshop, with artist Laurent Tixador (who is actually on his journey to the Kerguelen islands), was a bivouac and occupation of the school. Coming across it recently, I realise how Clippertonian this exepriment was and how Clippertonian the boat I slept on was..
In the beginning of my participating of the project, I went on GoogleEarth to see what Clipperton Island « really » looks like. What I found was more the visualisation of a still floating vessel (or a little like a cloud) than an island as such.
This floating vessel sent me back to Olivier de Kersauson’s introduction, but also, and more importantly to Michel Foucault best example of heterotopias.

Heterotopia, from a boat to heterotopia.

Being on Clipperton is also the occasion to look at this expedition as an exploration of a sorts of heterotopias. An heterotopias is a concept in human geography: a concrete space that holds imagination, reality and fantasy at the same time.
They are spaces of otherness, which are neither here nor there, that are simultaneously physical and mental. (ex: space of a phone call or the moment when you see yourself in the mirror).
Contrary to utopia which is an idea or an image representing a perfected version of society, Foucault uses the term heterotopias to describe a physical representation or approximation of an utopia, or a parallel space that contains undesirable bodies to make a real utopian space possible.

« First there are the utopias. Utopias are sites with no real place. They are sites that have a general relation of direct or inverted analogy with the real space of Society. They present society itself in a perfected form, or else society turned upside down, but in any case these utopias are fundamentally unreal spaces.

There are also, probably in every culture, in every civilization, real places – places that do exist and that are formed in the very founding of society – which are something like counter-sites, a kind of effectively enacted utopia in which the real sites, all the other real sites that can be found within the culture, are simultaneously represented, contested, and inverted. Places of this kind are outside of all places, even though it may be possible to indicate their location in reality. Because these places are absolutely different from all the sites that they reflect and speak about, I shall call them, by way of contrast to utopias, heterotopias ».
(For whole text and various category/principle descriptions of heterotopias: foucault.info).


Collect & navigation

These 2 words could summarise both my usual computer-based practice as an artist, the general objectif on this expedition to Clipperton, and the method of my enquieries.
Coral Reef
A lot of the talk around the Clipperton project is about coral reef life. This could be one good case of study on how artists and scientists projects their works. Data and representation are probably two sides of the same coin. Where could they meet?
The Institute for Figuring offered an incredible answer a few years back, with their project “Crochet reef. » The inspiration for making crochet reef forms begins with the technique of « hyperbolic crochet » discovered in 1997 by Cornell University mathematician Dr. Daina Taimina. The Wertheim sisters adopted Dr Taimina’s techniques and elaborated upon them to develop a whole taxonomy of reef-life forms.

 


« Crochet Coral and Anemone Garden » with sea slug by Marianne Midelburg.
Photos © The IFF by Alyssa Gorelick.

Loopy « kelps », fringed « anemones », crenelated « sea slugs », and curlicued « corals » have all been modeled with these methods. The basic process for making these forms is a simple pattern or algorithm, which on its own produces a mathematically pure shape, but by varying or mutating this algorithm, endless variations and permutations of shape and form can be produced. The Crochet Reef project thus becomes an on-going evolutionary experiment in which the worldwide community of Reefers brings into being an ever-evolving crochet « tree of life. »

  • Coming back. The output of the project.

Graphical method
“La méthode graphique”, developed by Etienne-Jules Marey consist in a mechanical transcription (on paper or on a sensitive surface) of pulsations, vibrations, undulations, quakes, and shivering produced by the movement of all living bodies or moving objects. The obtained graphic is the spatial memory, which enables us to see the variation of movement during a certain time. This information can either be continuous or non-continuous.
The graphical method made possible the knowledge of a number of phenomenon in medicine, physiology, natural sciences, and physics. These recording devices have for the first time in history, a graphical representation of movement or phenomenon invisible to the eye.


Etienne-Jules Marey, walking.

To end this post, I would like to quote Georges Didi-Huberman, who, speaking about the mareysienne curve sayd that it “transforms the idea of the phenomenon and its possibility of image” ( transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image).

If I had a definition for what is art (I have too many) it would be very close.
A vast program J

 


Tarantism


« Time of Hashsashins »

 


« From the Travel of Jonathan Harker »

Je reviens de la Biennale et autres manifestations en cours à Lyon. Ce qui m’a le plus marquée ne fait pas partie de la biennale : elle a lieu à l’IAC (Villeurbanne), il s’agit d’une exposition conséquente de Joachim Koester, « Of Spirits and Empty Spaces », incroyable par sa densité et la précision des travaux présentés.
Les premières salles/pièces permettent une immersion dans l’univers de Koester :
La première, enchevêtrement de doigts sur enchevêtrement de planches, dont le titre (Variations of Incomplete Open) situe la « famille » artistique tout en posant certains principes que l’on retrouve tout au long dans l’exposition (déplacement, transposition, transe, chorégraphie, paradoxe conceptuel-sensible..).
La deuxième salle est comme un sas, une lampe marocaine nous y accueille et éclaire la photo d’un escalier menant à un château en ruine? ..Le texte justement, fait référence à la manière dont est accueilli le narrateur d’une histoire potentielle.
Dans la troisième salle on se retrouve face à une photo ancienne (imprimée en grand format) d’un intérieur bourgeois, qui ressemble à une bibliothèque ou un fumoir. Lorsqu’on passe devant le projecteur 16mn situé à l’opposé, se déclenche sur la photo, comme par magie (en fait grâce à un capteur de présence, le même que j’ai utilisé pour « le virus s’appelait.. » – je l’ai vite repéré ; ) une projection de ce qui pourrait être des feuilles de haschich ou encore des vampires/chauves-souris en train de s’envoler. Le titre « The Hashish Club« , donne raison à la première version, alors que la salle suivante, des photos intitulées « From the Travel of Jonathan Harker » nous replonge immédiatement dans la deuxième hypothèse.
Pour accéder à la 4ème salle, on repasse devant « The Hashish Club« , et l’on prend conscience de ce jeu de va-et vient entre différentes interprétations, hypnotisant va-et-vient, sur lequel joue Koester et qui, de salle en salle, nous emmènera très loin – sans que l’on s’en aperçoive – dans des transpositions entre documentaire et fiction, entre expérience intellectuelle et expérience sensible. On se laisse guider, comme si l’on marchait éveillé (et éveillé il faut pourtant l’être pour appréhender toutes les subtilités des différentes propositions), jusqu’à se retrouver à nouveau dans des salles très (trop) éclairées, comme si l’on émergeait d’un état second.


« Tantrisme » Un extrait de « Tantrism » sur youtube.

Bref, j’ai énormément apprécié cette exposition, elle va me hanter longtemps ; ) ..J’en ai d’autant plus tirée du plaisir qu’elle flirte avec des choses que je suis en train de voir/lire pour le projet Rheum Nobile : des lectures de Lovecraft aux  déplacements de sens entre faits scientifiques réels et construction d’une narration dans le but d’interroger justement cette réalité, « abolition volontaire des frontières entre approche conceptuelle et empirisme », ou encore la réactivation de légendes populaires entre expérimental et conceptuel.

JOACHIM KOESTER à l’Institut d’art contemporain from Institut d’art contemporain on Vimeo.

 

Catalogue

Catalogue de Julie Morel, Édition de l’ACDD/Drac Aquitaine
« My Life is an Interactive Fiction » est mon premier catalogue!
Il regroupe une sélection de travaux : plutôt qu’un listing exhaustifs de projets, le catalogue fait le point sur un des axes de ma pratique, lié à des projets interactifs et textuels. J’ai donc sélectionné une douzaine de travaux qui sont connectés entre eux, se suivent ou se répondent. Il sont décrits brièvement, dans leurs contextes et enjeux, et certains sont analysés et commentés par des textes de critiques d’art ou chargés de programmation de lieux d’art contemporain (Camille de Singly, Damien Simon, Olivier Belhomme).

Édité et produit par l’ACDD/Drac Aquitaine, il est distribué par l’agence Culturelle départementale de la Dordogne. Vous pouvez donc le commander en vous adressant là ou à Violaine Marolleau, résidence de l’art en Dordogne – v.marolleau@culturedordogne.fr

catalogue, Julie Morel

Julie Morel, éditions catalogue et CD audio

Julie Morel, édition audio du projet partition

Rheum Nobile – Recherches pour sérigraphie

En cours d’écriture du texte qui sera sérigraphié sur papier peint pour l’installation à la Fonderie de l’image.
Ce texte se construit sur une phrase tirée du livre « La part maudite » (en majuscule) et à pour système :
– l’ajournement des mots utilisés,
– la description de la narration en train de s’écrire,
– la référence au réseau tenant à la fois à de la description et d’un embryon de narration.
Sa lecture, en résonance avec le dispositif lumineux mis en place pour activer l’encre phosphorescente, dure environ 1mn.

« LE PRINCIPE ou le commencement de ce récit ne se fait pas attendre, peut-être MÊME avait-il déjà débuté :
les mots, DE LA MATIÈRE VIVANTE malléable pour qui VEUT QUE LES calculs prennent forme, s’échappaient, hémophiles, de l’immense base de données, en une visualisation dynamique proche de celle que l’on utiliserait pour des expérimentations ou OPÉRATIONS CHIMIQUES complexes – tout venait et tout passait, tous les moments DE LA VIE filaient et défilaient à grande vitesse, sans qu’on en puisse concevoir l’importance – ceux QUI avaient peine à saisir ONT DEMANDÉ à ralentir le flux, se doutant bien que le texte serait ajourné, remis à plus tard, congédié, mais réapparaîtrait irrémédiablement étendu, augmenté, commenté, toujours plus long et sa lecture toujours plus difficile : UNE trop grande DÉPENSE D’ÉNERGIE, des efforts à fournir trop importants, et si l’ajout de règles visaient la garantie pour les utilisateurs les plus lents qu’ils SOIENT BÉNÉFICIAIRES d’un temps en plus, que leur relecture devienne CRÉATRICE d’un nouveau sens, elles conduisaient la narration à de nouvelles parenthèses, de nouvelles digressions, de nouveaux EXCÉDENTS. »

> Light my Fire

Installation aux instants Chavirés : Références et recherches.
L’installation à la fonderie se fera en avril 2012, et commencera le samedi dans le cadre des puces typographiques.

> Un cube en contreplaqué construit pour l’occasion, d’environ 3m x 3m de côté. On y pénètre par un côté et il y fait entièrement noir. Une lumière intermittente (toutes les 1mn environ) nous donne accès au texte sérigraphié à l’encre phosphorescente sur les murs. Ce texte est un ajournement d’une phrase tirée de « La part maudite » de G. Batailles.
J’entends par ajournement, un ajout de mots à l’intérieur de la phrase originale, qui la remet à plus tard (postpone en anglais serait un terme qui définirait assez bien l’intention à l’œuvre).
Bien sur la phrase de départ est transformée et elle persiste dans la nouvelle interprétation, mais elle la repousse dans le temps de la lecture, d’où ce terme d' »ajournement ».
La phrase choisie, c’est celle-ci:
« Le principe même de la matière vivante veut que les opérations chimiques de la vie, qui ont demandé une dépense d’énergie, soient bénéficiaires, créatrices d’excédents ».

 

> Je relis le texte « un romancier français » de Russel Fergusson, qui parle très justement du travail de Rodney Graham dans le catalogue monographique publié lors de son exposition à la Whitechapel.. C’est un livre vers lequel je reviens régulièrement, tant par les travaux de Graham que par les écrits qui lui sont consacrés.

> Je ne peux pas ne pas citer « comment j’ai écrit certain de mes livres« .

> Cette proposition me rappelle une pièce de Douglas Gordon « 30 seconds text ».

30 seconds text présente un dispositif qui nous donne à réfléchir sur une expérience macabre et subjective du temps, de la durée :
dans une pièce noire, on trouve une simple ampoule qui s’allume et s’éteint par intermittence, toutes les 30 secondes. Cette ampoule est placée devant un texte imprimé à même le mur, de façon à en faciliter la lecture. 30 secondes est approximativement le temps de lecture de ce texte qui relate une expérience scientifique menée au début du 20 siècle par un scientifique français. L’expérience est une tentative de communication avec un criminel dont la tête vient d’être coupée par la guillotine. Pendant environ 30 secondes le scientifique appel le mort par son nom. Les yeux du mort émettent un mouvement à l’appel de son nom, avant de s’éteindre pour de bon.

Pour l’installation « Light my Fire » à la fonderie de l’image (qui risque fort de prendre un autre nom d’ici avril – je déteste la musique des Doors et ai pris ce titre pour rire), je m’éloigne de la plante qui m’a lancé sur cette recherche.
Je ne sais pas si je dois chercher un lien entre celle-ci et l’installation. Pour le moment, je me concentre plutôt sur la phrase de départ, c’est peut être elle qui me donnera une piste pour le titre, ou alors l’idée d’ajourner justement….
Je rappelle néanmoins quelques propriétés du Rheum nobile, que j’irai chasser en Mai au Népal avec l’aide de Catherine Lenoble :

Rappel du Rheum Nobile:

– Distribution :

Asie himalayenne (nord de l’Inde, Pakistan, Afghanistan, nord de la Birmanie, Bhoutan, Nepal, Chine : sud Xizang). Pelouses, rocailles, entre 4000 et 4800 m. Floraison : Mai-Juin.

– Description :

Vivace (haut : 120 cm). Feuilles ovales à orbiculaires (long : 20-30 cm), subcoriaces, à la base subcordée, aux marges entières, à l’apex aigu, au pétiole glabrescent (long : 5-15 cm), à l’ochréa membraneuse. Fleurs aux pétales elliptiques, vert jaunâtre (long : 2 mm), groupées en panicule terminal.

Fruits ovoides (long : 6-7 mm).

Etapes : 199


Julie Morel, voir l’article dans le magazine Étapes.

Le nouveau Étapes : est sorti, et j’ai le plaisir d’y figurer, pour répondre à une interview de Caroline Bouige. Ce numéro est consacré à la lumière, partagé en 3 parties :
– Le fond & la forme
– L’écran
– Le mapping
« De la fonction éclairante au médium de communication, l’utilisation de la lumière s’élargit au vingtième siècle grâce à la diversification des techniques. Les studios et les créateurs proposent aujourd’hui une grande variété d’approche du médium ».

Avec : Superbien, Trafik, Julie Morel, LAb [au] , 1024 Archi, UVA, GRL, AntiVJ, Creators Project, Yann Kersale.

 

 

Auto-archivage immédiat / Séminaire à l’EESAB, les 7-8-9 décembre 2011


Le séminaire de la ligne de recherche « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre » aura lieu les 7-8-9 décembre 2011, à l’EESAB, site Lorient.
L’entrée est libre, et les intervenants intéressants, venez nombreux!

« Notre société a une relation complexe à la mémoire et développe depuis l’après-guerre
une hypermnésie. Cette hypertrophie de la mémoire s’est encore accentuée depuis
l’apparition de l’ordinateur (bases de données fermées) et internet (bases de données
ouvertes et partagées) et la démocratisation des supports artificiels de mémoire.
Cette démocratisation, cet accès à un auto-archivage immédiat change le statut
même de l’archive et notre manière d’appréhender l’information, l’histoire, l’art.
Ce séminaire tentera de questionner l’auto-archivage immédiat, c’est-à-dire l’archive
dans sa capacité à se reconstituer en permanence et sur laquelle on peut interagir à
tout moment, devenant fluctuante, variable, instable ».
> http://incident.net/recherche

Au programme :

Mercredi 7 décembre
14h – 17h : Yann Sérandour / Jean-Noël Lafargue / Maurice Benayoun
Jeudi 8 décembre
9h – 12h : Christophe Bruno / Joëlle Bitton / David Guez
14h – 17h30 : Jérome Joy / Reynald Drouhin, Sylvie Ungauer / Dominique Moulon
18h : Performance de Damien Schultz
Vendredi 9 décembre
9h – 12h : Manuel Schmalstieg / Hasan Helahi / Lionel Broye
12h30 : Lecture performée de Gwenola Wagon
École européenne supérieure d’art de Bretagne – site de Lorient
1 avenue de Kergroise
56000 Lorient
02 97 35 31 70

La ligne de recherche « De l’auto-archivage immédiat comme œuvre »
Direction scientifique : Julie Morel
Équipe de recherche : Reynald Drouhin, Grégory Chatonsky, Dominique Moulon, Karine Lebrun, Sylvie Ungauer, Gwenola Wagon.

Pretty Good Privacy

C’est l’automne, la pluie tombe, les feuilles tombent et les projets aussi!
Hier s’est tenue la première réunion pour l’exposition « Dedanlémo » montée par Pierre Di Sciullo et David Poullard. Cette exposition aura lieu au printemps à la halle Roublot (Fontenay). Elle regroupera 4 graphistes et 1 artiste (c’est moi je crois! : ) et la participation de 2 jeunes scénographes (un point c’est tout) qui travailleront autour de la mise en volume/spatialisation des mots.
Le protocole de l’exposition est d’avoir une production collective et collaborative, avec des moyens assez pauvres et minimaux (découpe papier-carton, découpe laser d’un matériau encore à définir).

En rentrant dans le métro j’ai déjà réfléchi au fait de retravailler sur la cryptographie (dont je note aujourd’hui la proximité avec le mot « crypte » – étymologiquement : « caché », ce qui peut donner lieu à des parallèles du meilleur goût ; ).
Une fois à la maison, j’ai regardé les logiciels de cryptographie pour mail et autres logiciels utilisant la cryptographie asymétrique*.
J’aime beaucoup PGP (Pretty Good Privacy...). De part son titre déjà, qui me donne envie de le ré-utiliser comme « chiffre » ou à détourner. Et puis j’aime aussi l’histoire de ce petit logiciel (un des premiers logiciel de chiffrement disponible sur l’Internet), interdit en France jusqu’en 1996, car il était considéré comme une arme de guerre de deuxième catégorie!
Si « Information is power », alors « crypted information is a weapon »…

Sur ce projet on est parti sur des moyens pauvres (carton, papier, colle), mais je me dis que peut-être il serait intéressant de travailler non pas les matériaux eux-mêmes mais ce qui lie ces matériaux entre-eux : la colle par exemple.
Cela vaudrait le coup d’expérimenter une structure – type réseau ou toile (formant un texte relatif à la cryptographie, ou mettant en place une « grille de lecture ») – dans l’espace, fabriquée uniquement avec un pistolet à colle?
Pour communiquer sur ce projet : world of texte ou frampad?


* « La cryptographie asymétrique, ou cryptographie à clé publique, est une méthode de chiffrement qui s’oppose à la cryptographie symétrique. Elle repose sur l’utilisation d’une clé publique (qui est diffusée) et d’une clé privée (gardée secrète), l’une permettant de coder le message et l’autre de le décoder. Ainsi, l’expéditeur peut utiliser la clé publique du destinataire pour coder un message que seul le destinataire (en possession de la clé privée) peut décoder, garantissant la confidentialité du contenu. Inversement, l’expéditeur peut utiliser sa propre clé privée pour coder un message que le destinataire peut décoder avec la clé publique ; c’est le mécanisme utilisé par la signature numérique pour authentifier l’auteur d’un message ». (source wikipédia).

 

La halle roublot :

Rheum Nobile

Les larges feuilles du Rheum Nobile, qui filtrent les ultra-violets mais laissent passer la lumière, permettent parfois à un microcosme de se développer, à certaines plantes de pousser à l’abri en dessous.. Le projet de résidence « Rheum Nobile » a lui aussi un effet de serre et devient de plus en plus un incubateur, avec des pistes diverses : lectures, discussions, voyages, production d’images.

Quelques images, glanées sur internet.

Méthode graphique?

Je suis en train de relire « Mouvements de l’air ». Voici quelques extraits qui m’apparaissent cohérents par rapport au projet que je veux développer sur les « mots de la recherche », lors de l’expédition à Clipperton. Si j’en suis au moment de définir une méthode, j’ai bien conscience que toute méthode oriente déjà formellement un travail, et je me pose cette question dès maintenant.
D’un autre côté, j’avais envie de produire, d’après les relevés faits par les scientifiques ou les relevés que je fais des mots des scientifiques, une visualisation graphique. Bien sur plusieurs pistes s’ouvrent à moi, et comme je le disais dans un précédent article, entre le dataflow classique et les visualisations de problèmes mathématiques grâce à de la laine tricotée au crochet, il y a un monde de possible..
Donc il me faut osciller entre cette envie / intuition qui me porte vers une sorte de visualisation de données, et une méthode à inventer, qui doit rester néanmoins expérimentale.
À ce propos, j’aime beaucoup ce que dit G. Didi-Huberman de la courbe mareysienne, qu’elle « transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image ». Si je devais me définir un objectif à atteindre avec cette méthode à inventer, ce serait celui-là. Vaste programme ; )

 

« Rappelons que la méthode graphique  consiste à transcrire sur papier ou sur une surface sensible, par des mécanismes souvent d’une grande ingéniosité, les pulsations, vibrations, ondulations, secousses, tressaillements, frémissement produits par tous les mouvements de tous les corps vivants ou des objets mobiles. Le graphique obtenu est une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps. L’acquisition des ces informations peut s’opérer soit en continu, soit à des instants déterminés. La méthode graphique a permis la connaissance, l’évaluation et donc, souvent, la maîtrise, d’innombrables phénomènes relevant de la médecine, de la physiologie, des sciences naturelles et des différentes branches de la physique. Les appareils enregistreurs ont en effet donné, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une représentation graphique de mouvements ou de phénomènes le plus souvent invisibles à l’œil nu. »
p.8 (Laurent Mannoni)

« Marey aura donc radicalisé, dans un sens très spécifique, la méthode expérimentale qu’il avait reçue de Claude Bernard. Le maître énonçait – dictum célèbre – que l’expérience n’est au fond qu’une observation provoquée. Déjà bien conscient du fait que provoquer une observation consiste, le plus souvent, à l‘instrumentaliser correctement. »

p.188 (Georges Didi-Huberman)

« Quel sera le statut de l’instant pour ces myriades d’ « instantanés » produits par Marey dans son laboratoire ou sa « station physiologique » ? Comment s’y pose la question cruciale – visuelle, temporelle – du mixte de discontinu et de discontinu en quoi consiste chaque phénomène, chaque mouvement étudié par le savant ? Il n’est pas douteux que Marey a conçu chacune de ses instrumentations, chacune de ses « méthodes » comme une tentative pour éclairer un aspect particulier de ce problème central à toute connaissance de temps et du mouvement.  Ainsi, la méthode graphique aura-t-elle promue des « appareils à inscription continue » dont l’image résultante offrait, paradoxalement, une discontinuité radicale de la forme à reconnaître (le tracé blanc) et du fond (le champ noir), la chronophotographie revenant, quand a elle, au principe d’inscription discontinue (l’intermittence des instantanés), mais pour aboutir , non moins paradoxalement , à des images capables d’inclure une continuité de mouvement, voire, pour finir, quelque chose comme un flux, une fumée ou une danse du temps tracé. »
p.188 (Georges Didi-Huberman)

« Il est légitime d’insister, comme le fait depuis longtemps Michel Frizot, sur la spécificité et la nouveauté de procédures qui aboutissent si souvent aux étranges figures abstraites que l’on connaît. La méthode graphique, en ce sens, réinvente pour son compte ce qu’image veut dire : « la représentation graphique appelle une extension de la notion d’image [selon] une référence à la fois iconique et mentale qui déplace les questions de langage, de signification, d’interprétation » et donc, de représentation en général. En poussant à l’extrême la figuration du temps, du mouvement et de l’intensité selon la seule dimension de l’espace, la courbe mareysienne transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image. Elle serait en ce sens, « d’une absolue nouveauté », à seulement « transposer un phénomène – caractérisé par une force, une pression, un mouvement – dans une image très simple, constituée principalement de lignes continues et souples, plus accessible à la perception et à l’observation que le phénomène lui-même ». »
p. 193 (Georges Didi-Huberman)

 

p.221

Un monde bien perçu, selon Bergson, est un monde qui ne cesse  pas d’être en mouvement. C’est donc un monde paradoxal pour la pensée – qui cherche spontanément les choses stables, les entités -, un monde épuisant, fait d’ébranlements sans nombre, tous liés dans une continuité ininterrompue, tous solidaires entre eux, et qui courent en tous sens comme autant de frisons ». Inversement, le monde des courbes mareysienne nous suggère que « les milles positions successives d’un coureur se contractent en une seule attitude symbolique […] qui devient, pour tout le monde l’image d’un homme qui court ». Et ce n’est pas en dressant le grand catalogue des positions successives, comme veut le faire Marey, que l’on résoudra cette aporie : « Nous le localisons ça et là par exemple sur une chronophotographie de la locomotion humaine, mais à la surface », ce qui a pour effet de réduire le mouvement à un simple « changement de lieu ». Façon de rater la « transformation universelle » qui, pourtant, l’a rendu possible.

Bergson précisera, dans l’Évolution créatrice, sa critique de la géométrisation spontanée à laquelle recourt notre intelligence – qui veut toujours saisir ce qu’elle approche –face à l’insaisissable mobilité de toute chose. Depuis la métaphysique des Grecs, notre notion du mouvement n’a toujours été pensée qu’ « adossée à une éternité d’immutabilité » ; depuis Zénon, « notre intelligence ne se représente clairement que l’immobilité » ; depuis Platon, notre raison « incurablement présomptueuse », se forme des concepts « à l’image des solides » géométriques, et se rend par la même « incapable de se représenter la vraie nature […] du mouvement ». Dire que « toutes les opérations de notre intelligence tendent à la géométrie, comme au terme où elles trouvent leur parfait achèvement », c’est dire l’artifice en quoi, selon Bergson, consiste l’approche géométrique et métrologique du mouvement.

La durée de toutes choses a fini par dessiner l’objet central de toute la pensée bergsonienne. Dès 1889, le philosophe avait commencé, dans son Essai sur les données immédiates de la conscience, par fustiger l’ « erreur de ceux qui considèrent la pure durée comme chose analogue à l’espace capable à ce titre de former une chaine ou une ligne ». Alors que, selon lui, chaque « oscillation » du temps doit être aperçue et pensée « l’une et l’autre, se pénétrant et s’organisant entre elles comme des notes d’une mélodie, de manière à former ce que nous appellerons une multiplicité indistincte ou qualitative ». Et il précisait dans la même page :

« bref, la pure durée pourraient bien n’être qu’une succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent, sans contours précis, sans aucune tendance à s’extérioriser les uns par rapports aux autres, sans aucune parenté avec le nombre : ce serait hétérogénéité pure. »

Voici donc esquissée toute une philosophie de l’implication et de l’hétérogénéité, une philosophie où se trouve systématiquement réfutée la prétention scientiste à expliquer  toute chose selon l’homogénéité d’une même échelle de mesure. Les Éléates sont bien loin, eux qui avaient décrétés toute durée mesurable en confondant l’  « espace parcouru » par le mobile avec l’ « acte  par lequel on le parcourt ». Même Kant est loin, lui dont l’erreur a été de prendre le temps pour un milieu homogène ». Quand à Marey, il fait partie de ces « mécaniciens » qui notent « l’instant précis où le mouvement commence », puis le « moment où le mouvement finit », enfin « l’espace parcouru, seule chose qui soit en effet mesurable » – mais sans s’apercevoir qu’ils n’auront traité, dans cette opération, ni de mouvement ni de durée, « mais seulement d’espace et de simultanéité ».
p.221

 

 

« Les machines chronophotographiques inventées par Marey sont légères, subtiles, elles n’aliènent jamais vraiment le corps qu’elles instrumentalises. Elles ne sont donc ni « célibataires », ni psychotiques. Elles répondent exactement à ce que Gilbert Simondon, ce grand philosophe de la technique nommait une machine ouverte. Or la caractéristique principale d’une telle machine c’est de ne pas sacrifier à l’automatisme l’étendue de ces possibilités, en sorte qu’une machine ne sera véritablement « perfectionnée » – « sensible », écrit même Simondon – qu’à admettre, dans son fonctionnement, « une certaine marge d’indétermination ». :

« Le véritable perfectionnement des machines, celui dont on peut dire qu’il élève le degré de technicité, relève non pas  à un accroissement de l’automatisme, mais au contraire au fait que le fonctionnement d’une machine recèle une certaine marge d’indétermination. C’est cette marge qui permet à la machine d’être sensible à une information extérieure. C’est par cette sensibilité des machines à l’information qu’un ensemble technique peut se réaliser, bien plus que par une augmentation de l’automatisme. Une machine purement automatique, complètement fermée sur elle-même dans un fonctionnement prédéterminé, ne pourrait donner que des résultats sommaires. La machine qui est doué d’une haute technicité est une machine ouverte […] « .

Il est relativement aisé de concevoir une machine fermée, certains protocoles mareysiens répondent sans doute – notamment à l’époque où il développait ses appareils graphiques – à une telle conception. La machine ouverte, quand a elle, demande en plus, de l’imagination : une certaine capacité à poursuivre ou accompagner, comme dans une danse, le mouvement même de la réalité expérimentale en train de s’inventer. Il est très probable que Marey fut quelquefois surpris par les résultats qu’obtenaient ses appareils chronophotographiques. Son génie imaginatif aura été de prolonger, de réinstrumentaliser cette surprise même, heuristiquement au dispositif expérimental. Façon, eût dit Simondon, d’accorder sa confiance au fond dynamique […]. Qui fait exister le système des formes [étant entendu que] le fond est le système des virtualités, des potentiels, des forces qui cheminent, tandis que les formes sont le système de l’actualité. L’invention, concluait-il, est une prise en charge du système de l’actualité par le système des virtualités, la création d’un système unique à partir de ces deux systèmes. »

p.234 (Georges Didi-Huberman).

Les mots de la recherche : art & science (de la passion)

Clipperton / île de la passion (merci Annick! ; )
Une île schizophrène, portant à la fois un nom anglais : le nom d’un pirate qui la « découvre », et un nom français, peu usité : ce nom de « passion » (passion religieuse, amoureuse ou autre, singulière ou plurielle?).

Objectivité / Subjectivité
 » L’objectivité, telle qu’elle a été utilisée au cœur même du travail scientifique, est née vers les années 1830. De plus, au fil de son évolution, elle implique tout à la fois des pratiques d’observation et la fondation d’une culture morale très particulière du savant. Au départ, elle n’avait rien à voir avec la vérité ni avec l’établissement d’une certitude. Elle visait au contraire l’idéal d’une machine : d’une machine conçue comme un opérateur neutre et transparent qui devait servir d’instrument enregistreur en l’absence de toute intervention ; d’une machine incarnant un idéal auquel les savants eux-mêmes devaient tendre dans leur discipline morale. L’objectivité, c’est ce qui restait quand étaient exclues la part de la subjectivité, de l’interprétation, de l’art.  »
(P. Galison,  » Judgment Against Objectivity « , in Caroline A. Jones, P. Galison (éd.), Picturing Science, Producing Art, Routledge, 1998, p. 163.

Recherche / recherche
Ethymologie (wikipedia) du mot chercher :
(Vers 1100)
cercer (« parcourir en tout sens, fouiller »). (Vers 1172) cerchier (« essayer de découvrir quelqu’un ou quelque chose »), puis cercher (encore attesté au dix-huitième siècle), passé à chercher par assimilation. L’ancien français est issu du bas latin circare, de circa, circum, circus (« autour »). Ce verbe, plus expressif et de conjugaison plus aisée, remplace le latin querre (« quérir »).
(Et puis d’un coup je pense à « La recherche », cette abréviation qui désigne À la recherche du temps perdu de Proust, c’est drôle ce terme tellement générique).

Recherche fondamentale ou recherche appliquée?
Sur l’île de la passion, la recherche apparait fondamentale. Mais appliquée je le suis quand je regarde la définition et que je constate que le mot recherche vient du mot chercher, qui est lui constitué de deux fois le mot « cher ».
Alors si re-chercher c’est chercher à nouveau, cela équivaudrait à chercher deux fois, donc chercherchercher?
Très cher. Tu me manques. À te chercher je t’ai trouvé. Et si chercher c’est essayer de découvrir quelqu’un, j’aimerai encore plus te déshabiller.

Des notes de Clipperton

Voila que l’équipe de Clipperton-project a enfin eu les permis pour naviguer dans les eaux de Clipperton. C’est réellement le début du projet et je peux enfin commencer à travailler sur la proposition que je voulais développer la-bas!
Cette nouvelle coïncidait avec ma rencontre avant hier avec Annick Bureaud et Jean-Luc Soret (qui entre autre s’occupent de Nunc), et la rencontre a été une opportunité pour questionner la proposition, notamment les rapports qu’entretiennent l’art et la science.

Quelques rappels :
Le but de « The Clipperton Project » est :
– de conduire une mission scientifique & artistique, pour mener des études collaboratives dans les domaines de la biologie marine, la géomorphologie, la climatologie.
– produire autour de ce bout de terre des propositions artistiques à caractère social, politique, historique
– la collaboration entre artistes et scientifiques pour repenser leur pratique et questionner des sujets environnementales.
– une mission informative sur les questions de changements climatiques, montée et pollution des eaux/océan, biodiversité.

Pour ma part, je rappelle que je suis partie sur 3 pistes, encore à articuler entre elles :
– Questionner la relation art & science en me faisait l’avocat du diable, car je crois que les collaborations entre ces deux milieux sont basés sur des approximations, des malentendus.
Je voudrais en priorité m’attacher aux mots employés. Les mots communs à ces deux domaines : en traquer les jointures, parallélismes, disjonctions, divergences, doubles sens.. (ex : « recherche », « pratique », « restitution », « innovation », « schémas », etc). Concrètement j’aimerai travailler en me rapprochant des scientifiques participants pour pouvoir : Définir les objets, outils et méthodologies de la recherche. Questionner la représentation des résultats des collectes réalisées sur place. Interroger la subjectivité dans les milieux scientifiques, qui semble être un tabou alors quelle semble un des points fortement assumé dans l’art.
– Collecte et navigation, qui sont les deux composants de cette expédition et sa transposition possible dans le domaine d’internet ou des bases de données. C’est sur cette partie que je suis surement le moins avancée – à voir donc.
– Parler de ce qui me semble l’exploration d’une hétérotopie. Une localisation d’un espace concret qui héberge l’imaginaire, en rupture avec le temps traditionnel. Je me dis que Clipperton (appelée en français « l’île de la passion » – quelle passion?) est bien un endroit qui à le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces (incompatibles).

Quelle forme prendrait cette proposition?

Pour le moment, c’est difficile à dire. Bien sur je suis dans les questions d’archivage immédiat en ce moment, et je me dis qu’une proposition sur internet serait possible. Et puis  je me pose la question de la traduction et la visualisation d’information, le dataflow, mais pas sous un angle forcément numérique. Même si je trouve les propositions récentes autour du dataflow très intéressantes, je me sens plus proche de choses de ce type, qui pour le coup s’éloigne d’un traitement graphique numérique de l’information :
– « Les mouvements de l’air », Etienne-Jules Marey, photographe des fluides, qui me donne un base de réflexion quand à la méthode de visualisation de l’information. Bien sur je suis sensible à la machine elle-même autant qu’aux images quelles produisent.
et
– Le projet crochetcoralreef de The Institute for Figuring, que je trouve magnifique (même si je regrette que les modalités d’expositions ne soient parfois pas aussi exigeantes que le projet lui-même).

En attendant de prendre contact avec les scientifiques qui participeront à l’expédition, je fais des recherches/images glanées au fil de ma navigation sur internet. Des notes historiques. Des choses qui me paraissent connexes au projet, ou des pistes dans la méthodologie à inventer pour cette proposition. À suivre.

Untitled (Ocean) – Vija Celmins, dont j’avais découvert le travail au cabinet graphique du CGP il y a quelques années, parce que j’aimerai dessiner comme elle.

De la série « Sirène » – Philippe Droguet, dont j’ai eu du mal à trouver des photos du travail (celle-ci ne lui rend pas justice).

Poisson – Nicolas Floc’h, 7 jours et 40 km pour écrire le mot (et 500 kg de poissons pêchés).

Enfin le livre « mouvement de l’air », avec les machines de fumées de Jules-Étienne Maray, et leur éclairage sur la méthode graphique.
« La méthode graphique consiste à transcrire sur papier ou sur une surface sensible, par des mécanismes extrêmement subtils et ingénieux, les pulsations, vibrations, ondulations, secousses, tressaillements, frémissements, produits par tous les mouvements de tous les corps vivants ou inanimés. Le papier étant porté par un mécanisme à vitesse constante, le tracé ainsi obtenu représente, en fonction du temps, les diverses phases des changements qui se sont produits dans l’organe ou l’objet. Le graphique est une forme de mémoire spatiale qui contient des informations sur la variation d’un mouvement dans le temps. L’acquisition de ces informations peut s’opérer soit en continu, soit à des instants déterminés. La méthode graphique a permis la connaissance, l’évaluation et donc, souvent, la maîtrise d’innombrables phénomènes relevant de la médecine, de la physiologie, des sciences naturelles et des différentes branches de la physique ».
Une image de la-dite machine et  un commentaire de cette méthode.

Puisque j’en suis à parler de mouvements de l’air, une autre méthode pour les explorer, et donc des résultats tout aussi différents chez
Timo Kahlen.

Le livre « Picturing Science, Producing Art » de Lorraine Daston et Peter Galison, que je n’ai pas encore lu, mais qui parait passionnant dans les questions soulevées, à suivre de ce côté là.

Et pour finir, je me souviens de ce spectacle de danse de Frédéric Flamand que j’avais vu à Exit (en 1999 je crois!), d’après Jules-Etienne Marey. Pas d’images ni vidéo en ligne..

Départ de La Paz (Californie du sud – Mexique) début Mars.