Recherches+notes

Recherches relatives à aux pojets

Science Po

Je serais dès janvier et ce pour un semestre, invitée à enseigner avec Dominique Moulon un atelier commun à Science Po Paris. Le cours, intitulé « nouveaux médias, nouvelles écritures » permettra aux étudiants, grâce à deux pratiques complémentaires (un critique, une artiste), de détourner les services de l’Internet 2.0 pour faire Å“uvre. Leurs expérimentations seront documentées sur un blog de recherche dédié à l’acquisition des cultures numériques. Et c’est l’une de ces expérimentations qui les conduira à réaliser la création en ligne qu’ils devront présenter à l’écran en fin d’atelier.
Descriptif ICI.

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Lieux dits – Poitiers

Collecter et éditorialiser la ville grâce à différents dispositifs : Une sonosphère / une revue contributive en ligne / des ateliers / des fabriques du commun / des performances / des séances d’écoute collective / des créations sonores et plastiques singulières, un fanzine…
Comment habite-t-on aujourd’hui ? A quoi ressemble l’expérience d’un corps, toujours déjà pris dans un tout : la ville, son territoire, ses habitants… ? Et comment rendre à chacun la possibilité :
De se réapproprier, intimement, ce collectif qui le constitue autant qu’il le constitue.
De le rencontrer, au delà des terminologies génériques, dans l’intimité d’une relation interindividuelle qui se construit à la manière d’une conversation ?
De voir la ville se redessiner comme un langage, une narration voire une fiction déjouant toute «carte établie » (sociale, politique, économique, urbanistique….) dans la création progressive et collaborative de cartographies sensibles, individuelles et collectives ?

Je travaille en ce moment avec Grégoire Romanet à un projet d’éditorialisation de la ville de Poitier. Ce projet fait suite à une invitation de Jérome Delormas au collectif Kom.post. Dans ce cadre, j’ai proposé un atelier Fanzine à l’EESI, puis dans le cadre du projet global, de concevoir une revue/fanzine en ligne.
Dans cette revue, la navigation (basée sur un principe sonore) permettra une promenade dans les différents contenus (textes, images, sons) collectés. La navigation elle-même, unique pour chaque internaute, sera mise en mémoire et pourra ainsi donner lieu à la création d’un fanzine, généré automatique depuis les contenus consultés en ligne, et dont la mise en page sera automatisée et variable, grâce aux métadonnées disponibles. Chacun pourra donc imprimer son propre Fanzine papier, soit chez soi, soit sur des postes de consultations (scéno-graphiés par Grégoire).
Pour moi le véritable enjeux de ce projet est bien là : comment passer, enfin, d’internet au papier? Comment faire que l’un soit le prolongement de l’autre, sans que l’opposition de ces deux médiums ressurgisse toujours?
Le projet durera 6 mois, et se terminera par un événement, une fête à l’échelle de la ville, sur trois jours. RDV fin mai.

Images des recherches pour l’arborescence du site internet.

Auto-archivage immédiat comme œuvre, dernier RDV

La semaine du 10 décembre verra le point final de 2 années de recherches sur ce que j’ai appelé l’auto-archivage immédiat. Ce projet a impliqué entre autre : Reynald Douhin, Gwenola Wagon, Dominique Moulon, Sylvie Ungauer, Thomas Daveluy, Karine Lebrun, Yannick Liron, et des étudiants de l’EESAB (ainsi que pleins d’artistes lors d’un séminaire à l’EESAB Lorient : Damien Schultz, Jean-Noël Lafargue, Yann Sérandour, Manuel Schmalstieg, Hasan Helahi entre autres…).
Pour clôturer la ligne de recherche nous ferons une présentation des divers projets réalisés (le but avoué de celle-ci était la production d’Å“uvres liées à l’auto-archivage immédiat), mais aussi de manière un peu plus distanciée et réflexive, la présentation portera sur le contexte et les modalités d’une recherche dans les écoles d’art. Cette présentation aura lieu salle Malraux, au Ministère de la Culture (la ligne avait été soutenue par le conseil scientifique de la recherche du Ministère) le lundi 11 et le mardi 12.
Le reste de la semaine se passera à l’atelier à la Gaité Lyrique, et sera consacré à la conception d’une édition qui donnera un aperçu de cette recherche.
Cette nouvelle aventure éditoriale augmentera la recherche de pistes encore non suivies et l’ouvrira à des potentiels encore non explorés, et permettra d’intégrer d’autres points de vues, d’autres propositions (critiques ou plastiques) d’artistes qui n’ont pas forcément pris part à celle ci. La forme que va prendre cette édition est encore à inventer (nous sommes déjà passés par la présentation des résultats de recherche via un site internet et la synthèse du séminaire via un numéro de la revue Pratiques qui paraitra début 2013) mais l’objectif est clair : l’objet et les outils formels à disposition ont pour fonction de rendre clair et réinterroger, voir réactiver les problématiques développées pendant ces deux années. Nous traiterons donc des changements de paradigmes de la mise en mémoire (archives) et de sa diffusion/de son accès face aux flux des supports artificiels de mémoire, et notamment l’appropriation par les artistes de ces supports.

Quelques photos de l’atelier en cours :

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Et en attendant la fin de cette publication, la revue Pratiques consacrée au séminaire sur le même sujet devrait sortir début janvier.

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Programmation Upgrade! Paris à la Gaité Lyrique / « Littérature SF & Art numérique – De l’invasion du fantastique dans la vie réelle »

RDV à la Gaité Lyrique le mardi 20 novembre à 19h.
À l’occasion de la sortie du numéro hors-série « Sous Influence », je programme avec la collaboration de Jean-Noël Lafargue une soirée Upgrade! Paris.
Cette session proposera quelques pistes d’investigations sur l’irruption, mine de rien, du fantastique dans notre vie quotidienne, où quand les choses semblent un peu sur la frontière et que l’on a des doutes, ou au contraire explosent carrément vers l’apocalypse… :
La littérature SF et les arts ont toujours entretenues des relations de voisinages, cette soirée, envisage un des aspects souvent développés par ses deux champs artistiques : l’invasion du fantastique dans la vie réelle. Réunissant performeurs, artistes et théoriciens cette session de Upgrade! Paris remontera le temps ou anticipera sur celui ci pour tisser des liens et explorer de possibles trajectoires entre ces différentes formes d’écritures.

> Au programme :
19h30 : « Le cri de Godzilla », performance de Christophe Fiat
20h15 : « L’Homme le plus doué du monde », conférence de Jean Noël Lafargue
21h : « Living in the Ice Age », film de Thomas Léon
21h40 : « De Masticatione mortuorum in tumilis », conférence de Damien Simon
22h30 : « Du Cyberpunk à l’Iphone5 (le réel de la fiction.) », présentation de Adelin Schweitzer

Expérience du récif

Julie Morel - "expérience du récif" - édition Expérience du récit

Il y a quelques semaines, Yannick Liron m’a demandé de participer à une édition qui portera le nom de « Expérience du récit », et qui sortira en début d’année. Soit 12 pages pour raconter son point de vue sur le récit et la narration.
J’ai travaillé cette semaine à ma proposition, qui elle portera le nom de « l’expérience du récif » ; )
Le texte d’introduction et quelques images en cours…

Julie Morel - "expérience du récif" - édition Expérience du récit

Expérience du récif, Julie Morel

Julie Morel - "expérience du récif" - édition Expérience du récit

 

Auto-archivage immédiat


Genèse de la ligne de recherche

La fin de l’année 2004 a vu pour moi la création d’un blog. Depuis 1996, je possédais plusieurs sites internet : une plateforme collaborative avec le collectif incident.net, des sites qui étaient des pièces artistiques en tant que telles, et un site internet personnel, galerie « obligatoire » de projets archivés.
La fonction de ce dernier site n’était pas satisfaisant : j’écrivais sur des pièces et projets déjà réalisés alors que j’aurais préféré parler de recherches en cours. Petit à petit, la partie carnet de notes que je développais en parallèle a prise de l’ampleur mais la lourdeur de la réactualisation régulière de pages en Html rendait les choses difficiles.
Je me suis penchée sur les éditeurs en ligne mais j’avais un apriori sur les blogs en ce qu’ils délocalisaient le contenu depuis mon ordinateur vers un serveur que je ne pouvais pas maîtriser complètement[1], rendant les données encore plus immatérielles puisque contenues dans une base de données et non dans un fichier « en dur ».
Un autre à priori était d’ordre méthodologique : le blog mettait à disposition immédiatement la chose écrite, sans filtre. Paradoxalement, partager une pensée en train de se construire me paraissait une bonne chose, de même que pouvoir la commenter, la remettre en jeux et la confronter (individuellement mais aussi collectivement) à d’autres manières de faire.
C’est à ce moment que j’ai pris connaissance du texte de Michel Foucault « L’écriture de soi », qui traite notamment des hupomnêmata[2] et la manière dont la culture gréco-romaine les utilisait.

Le texte de Foucault a considérablement raisonné, notamment dans l’analogie que l’on pouvait naturellement construire entre hupomnêmata et ce que potentiellement un blog (ou tout autre support artificiel de mémoire électronique partageable) offre de plus riche : une mémoire matérielle ouverte à utiliser comme une boite à outils pour la réflexion, la méditation et l’échange avec soi-même et avec l’autre.
Cette analogie m’a donné une méthode ; elle m’a poussée à envisager le blog comme un outil. Un outil pour pratiquer une pensée critique attachée à un projet artistique en train de se faire, pour développer un mode d’écriture non figé qui ne fait pas l’économie de la fragilité d’une réflexion en cours, et assumer les retours que ce mode d’écriture suscite une fois livrée.

Chaque type d’outils engendrent des objets spécifiques, et après quelques mois de pratique du blog j’ai observé l’objet que j’avais produit et sa nature.
Après réflexion, le dispositif stockait et classait (de manière chronologique, par catégories, par mots clés, etc.) automatiquement mes idées, mes productions, ainsi que toutes sortes de médias et données qui m’importaient : j’archivais mon travail d’une façon systématique et immédiate. De fait, cet auto-archivage pouvait bien produire une esthétique en temps que telle.
J’ai décidé d’appeler cette pratique l’auto-archivage immédiat.
Le terme auto renvoyait à l’automatisation du traitement des médias et données, son stockage et son archivage par l’éditeur en ligne, et à autonome : dans ce qu’elles pouvaient être reprises (flux RSS par exemple) et/ou réutilisées (mashups[3]). Ce terme « auto » n’était donc pas à prendre en premier lieu comme relatif à une pratique personnelle (comme dans « auto-portrait » par exemple), il n’était pas question ici de faire un « récit de soi-même »[4].
Ainsi jour après jour, je produisais un nouveau type d’archive : une archive immédiatement consultable, échangeable et contribuable (dans le cas d’éditeurs de textes à plusieurs contributeurs, ou dans la possibilité d’ajouter des commentaires), une archive performative, une action.



[1] À l’heure où j’écris ce texte, mon site internet a été « hacké » et toutes mes données sont inaccessibles, voire pour certaines perdues. La question de la perte, et donc de la conservation des données reste centrale dans l’archivage en ligne. Mais on peut aussi se poser la question autrement : de tels contenus sont-ils destinés à être conservés ?

[2] Supports artificiels de mémoire. (voir M. Foucault – « L’écriture de soi », texte reproduit dans « Théorie »)

[3] En Français application composite. C’est à dire une application qui combine des contenus provenant de plusieurs sources déjà existantes. Par exemple dans le cas du site internet, le fait d’agréger des contenus provenant d’autres sites afin d’en créer un nouveau.

[4] « Aussi personnels qu’ils soient, ces hupomnêmata ne doivent pas cependant être pris comme des journaux intimes (…). Il ne constitue pas un « récit de soi-même » ; ils n’ont pas pour objectif de faire venir à la lumière du jour les arcana conscientiæ dont l’aveu – oral ou écrit – a valeur purificatrice. Le mouvement qu’ils cherchent à effectuer est inverse de celui-là : il s’agit non poursuivre l’indicible, non de révéler le caché, non de dire le non-dit, mais de capter au contraire de déjà-dit, rassembler ce qu’on a pu entendre ou lire, et cela pour une fin qui n’est rien de moins que la constitution de soi. » (M. Foucault – « L’écriture de soi », dans Dits et écrits, p.1238).

 

Appel à projet pour la ligne de recherche de l’EESAB,

Appel à projet EESAB Géographies variables

Voila trois ans que je développe des projets de recherches au sein de l’EESAB où j’enseigne. Malgré le fait que le mot recherche est soudainement été appliqué, sans filtre, sans définition et de manière brutale au monde des écoles d’art, je me suis engagée dans cette direction, y voyant une opportunité de dialogues entre les écoles et le monde de l’art et sa réalité, quelque chose à détourner de façon positive. En cela le premier projet de recherche « de l’auto-archivage comme Å“uvre » a été un vrais succès : une collaboration avec pleins d’artistes, critiques et d’étudiants. Le deuxième ligne de recherche commencera début 2103. Elle découle d’une certaine manière de pratiquer, que j’ai expérimentée ces dernières années : la résidence. Et notamment des résidences dans des milieux non artistiques, parfois même dans des milieux extrêmes, voir hostiles. Et cela sur des périodes parfois assez importantes (entre 1 mois et 1 an).
La résidence s’est imposée à moi comme un moyen cohérent de produire de l’art, parfois matérialisé par des Å“uvres, parfois non. La résidence m’est apparu comme un possible quand j’ai compris que la pratique d’atelier ne me poussait pas forcément vers une recherche de fond (qui ne demande pas de lieu, mais bien une quotidienneté de celle-ci), voir qu’elle figeait ma pratique, jusqu’à la rendre confortable – dans le mauvais sens du terme..
J’ai donc abandonné mon atelier et travaille contextuellement depuis 5 ans. J’ai aussi créé le programme de résidences Géographies variables dans le même but : donner la possibilité à d’autres de confronter leur pratique artistique à la réalité d’un lieu, d’un contexte, d’une population ou d’un autre artiste, in situ.
Aujourd’hui donc je commence, à l’EESAB, une nouvelle version de Géographies variables (sans abandonner la précédente, qui continue entre le Québec et la France) qui prendra des aspects pédagogiques, de commissariat et bien sur de production d’Å“uvres. La question principale de cette recherche sera : qu’est-ce qu’une résidence? Voici de possibles éléments de réponse, que j’introduis dans l’appel à projet :

Pratiquer le dispositif d’une résidence c’est expérimenter une hétérochronie, c’est à dire faire l’expérience d’un temps en rupture par rapport au temps traditionnel. L’hétérochronie est une expression limitrophe au concept foucaldien d’hétérotopies : un seul lieu réel qui a le pouvoir de juxtaposer plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles [1].

La résidence est une hétérotopie. Elle est aussi l’occasion d’une double mutation : celle des personnes qui la pratiquent, et celle du territoire/milieux qui l’accueille. Pour l’artiste, elle modifie une façon de voir les choses en l’obligeant à réagir et à s’interroger de façon inhabituelle, contextuellement. Pour le milieu dans lequel elle s’insert, elle opère un processus de redéfinition par divers procédés : description, détournement, déconstruction, prolongement, reconstitution…

La ligne de recherche Géographies variables va questionner cela en s’articulant autour de la forte connexion d’expériences vécues par les artistes invités et la direction scientifique. Ces artistes ont en effet à leur actif des résidences de recherche et création hors-normes : inSitu, dans des environnements extrêmes, variables, souvent non spécifiques à l’art. On peut citer : la mission Tara ou des missions sur les îles Tristan da Cunha ou Clipperton, des résidences sur les îles Kerguelen, ou encore des projets développés sous terre… Ainsi tous ont produit des dispositifs et/ou stratégies artistiques interrogeant à la fois la pratique de l’art en résidence et son encrage dans un lieu et un contexte précis.
Ils partiront de ces expériences antécédentes pour interroger la résidence sous l’angle d’une hétérotopie. La recherche portera donc autant sur l’exploration d’une résidence artistique, sur son statut, que sur son territoire de déploiement (physique, humain, sociologique).
Cette connaissance pragmatique par les artistes sera complétée par d’importantes interventions de critiques ou curateurs spécialisés dans ses questions de création dans des environnements hors-normes. Ces intervenants viendront interroger et théoriser les productions artistiques en cours.
Cette recherche convoquera naturellement différents médiums et champs artistiques : espace de l’installation, performance, écritures (critique, littérature), vidéo, nouvelles technologies et espace virtuel.
Ouverte, elle tendra se placer à la croisée d’autres champs disciplinaires : architecture, histoire, sociologie, géographies, philosophies.

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Ci dessous, l’appel à projet pour sélectionner 3 jeunes artistes pour le programme de recherche, qui sera diffusé dans quelques jours..

 

Appel à projet EESAB Géographies variables

Appel à projet EESAB Géographies variables

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[1] « Mais ce qui m’intéresse, ce sont, parmi tous ces emplacements, certains d’entre eux qui ont la curieuse propriété d’être en rapport avec tous les autres emplacements, mais sur un mode tel qu’ils suspendent, neutralisent ou inversent l’ensemble des rapports qui se trouvent, par eux, désignés, reflétés ou réfléchis. Ces espaces, en quelque sorte, qui sont en liaison avec tous les autres, qui contredisent pourtant tous les autres emplacements, sont de deux grands types.
Il y a d’abord les utopies. (…) C’est la société elle-même perfectionnée ou c’est l’envers de a société, mais, de toute façon, ces utopies sont des espaces qui sont fondamentalement essentiellement irréels.
Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables.» Michel Foucault « Des espaces autres », dans Architecture, Mouvement, Continuité (1984).

Protocoles / énnoncés – A Pyrrhic Victory

Suite à la production et l’exposition de ma pièce « A Pyrrhic Victory » au BBB, Cécile Poblon et moi-même nous sommes posées la question de la mise en place d’un protocole pour la vente et/ou reproduction de celle-ci. La question du protocole (ou énoncé), notamment dans ce que l’art conceptuel a pu mettre en place, m’a toujours attirée et posée question : à la fois outil, Å“uvre, parfois les deux, constitués de mots, le protocole interroge via une description la possibilité d’une production, ou d’une reproduction.
Il s’agirait donc de la description d’un ensemble de règles* qu’un artiste ou collectif définit pour réaliser une Å“uvre ; et ses descriptions ont un côté réflexif, affirmatif (elles définissent une sorte de manifeste appliquée à une Å“uvre – le mot « statement » en anglais porte bien plus ce sens que le mot français « Ã©noncé ») et un côté pratique (permettre à l’artiste, s’il le désire, de faire exécuter ou reproduire son Å“uvre par un autre).**
Définir un protocole ou un énoncé pour A Pyrrhic Victory représente une ré-interrogation de la pièce elle-même, dans ses limites et frontières notamment, qui sont une partie intrinsèque de cette pièce qui parle avant tout de territoire et de stratégie des espaces (du nom de l’exposition du BBB, pour laquelle elle fût originellement produite).
Dans un premier temps, j’ai décidé de m’en tenir aux faits : quelques sont les composantes formelles de l’Å“uvre (matériaux, dimensions, couleurs), le contexte « minimum » dans lequel elle doit s’inscrire, quelles sont les règles qui définissent précisément la pièce sans la figer?


A Pyhrric Victory :

1. Le protocole s’accompagne du texte original, ainsi que d’un pantonier, d’un plan de découpe en fichier vectoriel, d’une image « suggestion de présentation » au format .jpg (on peut aussi penser à l’impression HD de l’image et du plan).
Tout protocole ne comprenant pas ces 4 éléments est rendu caduque.

2. Description générale de la pièce :
La pièce est constituée d’une moquette (bleue claire) recouvrant le sol de l’espace exposition, et d’une découpe laser de 2 morceaux de moquette imbriqués (l’un jaune et l’autre clair) représentant le plan de l’île de Clipperton.
Cette pièce a pour but de transformer un espace et l’appréhension qu’on peut en avoir : c’est l’insertion, dans un espace, du plan de Clipperton (petite surface « furtive ») qui détermine la disposition de immense applat de moquette bleue. (formulation à revoir, je n’en suis pas trop contente).

3. Condition de réalisation de la pièce :
– Le fichier illustrator permet la découpe laser des moquettes jaunes et grises. La taille de l’île est fixée par le fichier illustrator, soit 70cm x 1m environ.
– Couleur de la moquette : bleu, jaune, gris (Ref. Pantone) . Nous recommandons les moquettes suivantes (ref. des moquettes et fournisseurs).
– Taille minimum des laies de moquette : 5m.

4. Condition de démonstration de la pièce :
– Condition minimal de réalisation :
• On entend par espace d’exposition tout lieux public ou privé.
• La surface minimale de l’espace d’exposition pour la pièce est de 35m2. Il n’y a pas de surface maximale.
• La moquette bleue doit recouvrir toute la surface de l’espace où elle est exposée. La moquette et tous les murs sont bord-à-bord.
• Aucune autre Å“uvre ne peut être disposée sur la moquette. (Dans le cas d’une acquisition privée, les meubles peuvent être disposés sur la moquette).
• Une distance d’au moins 6m doit être comprise entre la découpe de l’île et toute Å“uvre au mur. Les Å“uvres au mur ne peuvent pas toucher la moquette (distance minimum 30cm).
• Position de la découpe de l’ile : l’île ne doit pas être située à moins de 3m d’un mur ou d’un meuble.
– Selon le budget de production, la découpe de l’île peut être intégrée à la moquette bleue, ou bien collée dessus la moquette bleue.
– La pièce reproduite est accompagnée du texte original.

 


Avant la rédaction du protocole A Pyrrhic Victory, j’ai listé quelques exemples de protocoles/énoncés que j’aime particulièrement…
– Laszlo Moholy-Nagy (Telephone Paintings, 1924) commande par téléphone à un fabricant d’enseignes, des peintures en se servant de référence standardisées de couleurs. Ces peintures auront pour titres des numéros, en référence à des numéros de fabrication.
– Sol Lewitt (Wall Drawing, 1970) donne le droit à l’acquéreur d’une Å“uvre (une notice et un certificat) d’exécuter « Des lignes droites de différentes longueurs, dessinées au hasard, en utilisant quatre couleurs uniformes se dispersant avec une densité maximale recouvrant la surface entière du mur ».
A propos d’un énoncé de travail, Sol Lewitt écrit : « Quand un artiste utilise une forme conceptuelle d’art, cela signifie que tout est prévu et décidé au préalable et que l’exécution est affaire de routine. L’idée devient une machine qui fait l’art. Ce genre d’art n’est pas théorique; il est à base d’intuition, il est lié à toutes sortes de processus mentaux et ne poursuit aucun objectif. Il ne dépend généralement pas de l’habileté manuelle de l’artiste ».
J’aime bcp cet article baptisé Do-it Yourself Sol Lewitt Wall Drawings.

– Vito Acconci (Following Piece, 1969) est un type de protocole plutôt classique (ou l’artiste définie le protocole et l’applique lui-même) ou il choisit un passant au hasard et suit cette personne jusqu’à qu’elle entre dans un espace privé.
– Lawrence Weiner (Blocked Off With, 1979) n°465 du catalogue des énoncés.
Cette pièce actualisée selon l’une des trois propositions fondant le principe du travail et sa relation au contexte d’exposition :
1. L’artiste peut construire le travail
2. Le travail peut être fabriqué
3. Le travail peut ne pas être réalisé
Chaque proposition étant égale et en accord avec l’intention de l’artiste, le choix d’une des conditions de présentation relève du récepteur à l’occasion de la réception.
Cette formulation que l’on trouve dans le Specific and General Works de Lawrence Weiner distingue nettement la « construction » de l’œuvre, qui relève de l’artiste, la « fabrication », qui est une possibilité offerte au « récepteur à l’occasion de la réception », et enfin la « non-réalisation » : cette troisième proposition est en réalité la plus simple, paradoxalement, à « réaliser » puisqu’au « travail », c’est-à-dire au référent que décrit l’énoncé, elle permet de substituer l’énoncé lui-même, qui est alors peint directement sur le mur, avec une police de caractères et une couleur définies initialement par Lawrence Weiner.
> voir l’article du Frac Bourgogne, très bien écrit sur cette pièce.
> Le numéro de la revue Pratiques, autour des énoncés et de leur réactivation lors d’un atelier à l’EESAB-Rennes.
– stanley brouwn, (casier en métal, 1000 fiches, 1974), propose des « marches programmées » ou l’espace est déterminer par la mesure, sous forme de segments de pas (distances de marche et les mesures de distance). Les fiches contenues dans le casier sont utilise comme support qui donne une lisibilité optimale des distances grâce à leur caractère standardisé et systématique.


Sol Lewitt – Wall Drawings

Sol Lewitt - Wall Painting 1975
Sol Lewitt – Wall Drawing 273 (lines to points on a grid) –

*La semaine dernière, lors d’une promenade en forêt, très « rousséene », avec Claire Grino (philosophe) nous avons discuté de la fracture qui existe entre sciences molles et sciences dures depuis l’époque des lumières, et des conséquences très contemporaines notamment cette (mauvaise) habitude de certaines institutions de l’art de se référer aux sciences dures dès qu’il s’agit de recherche appliquées ou tangibles. J’ai donc pris le temps à l’écriture de cet article sur le protocole – une pratique plutôt conceptuelle – de me pencher sur sa définition scientifique ; )
En science, la méthode expérimentale est une démarche « qui consiste à tester par des expériences répétées la validité d’une hypothèse en obtenant des données nouvelles, qualitatives ou quantitatives, conformes ou non à l’hypothèse initiale » et le protocole expérimental la « description précise des conditions et du déroulement d’une expérience qui permet d’aboutir à des résultats exploitables ». C’est donc un acte pratique, qui découle d’expérimentations, parfois empirique.

** Scénario, partition, récits autorisés sont aussi des termes employés, avec des nuances car ils impliquent aussi un autre point de vu..

Vacances en gaité

Un petit article pour annoncer qu’après 4 mois de vadrouille sur la planète j’ai enfin pu prendre mes marques pour la résidence Upgrade! à la Gaité, qui durera un an et programmera en partenariat avec Dorkbot et Devart des laboratoires ouverts autours des arts num..
Trois jours de travail au frais donc pour avancer sur la programmation de l’Upgrade du 20 novembre (la page est là mais pas encore les infos ..suspens!) sur les passerelles entre littérature SF et arts num.
L’atelier est au 6ème étage, juste à côté de la table de ping-pong, mais par encore eu le temps de jouer :)

Retour fin septembre… avec l’upgrade! organisé par Marika et Catherine : ici.

Cover in Progress

Cette semaine, Catherine Lenoble était à Briant pour finaliser les textes de « Hello World, bonjour Bazaar », l’édition qui clôture ma résidence à la Maison populaire et le voyage dans l’Himalaya. J’en ai aussi profité pour finaliser la maquette et adopter les modifications, notamment de la couverture, réalisées par David Poullard.
La semaine prochaine, crochet par Paris, pour choisir le papier et voir si l’on peut avoir une découpe arrondie sur les angles de l’édition..

Montage au Glasgow Sculpture Studio

3ème jour de montage pour l’exposition que je fais au Glasgow Sculpture Studio pour le projet Clipperton. Vernissage de l’exposition le 14 juillet!
Le GSS occupe tout le « Whisky Bond » (TWB), un ancien dépôt de Whisky, un lieu magique avec des moyens logistiques et humains incroyables : c’est avant tout un lieu de production dédiée à la sculpture contemporaine qui accueille environ 60 studio d’artistes (dont Alexandra P. Spaulding, David Shrigley, Nick Evans..), des ateliers de production, et un espace d’exposition.
C’est un vrais plaisir de retrouver certains membres de l’expédition… ou de les découvrir presque présents dans le film produit par Miguel Alcalde.
Encore 4 jours de montage, plusieurs dessins à finir et j’attends avec impatience les cartes générées à partir des entretiens menées à Clipperton, qui ont été imprimées sur de l’adhésif et dialogueront avec les dessins.

C’est l’été, les vacances, vive le travail!

RDV à Désert numérique du 28 juin au 1er juillet 2012. Si vous êtes dans le sud, venez faire un tour dans ce merveilleux festival en pleine brousse :
> http://desertnumerique.incident.net/2012/

Desert numerique, festival à St Nazaire le desert

 

À partir du 2 juillet, ce sera direction Briant pour encore des travaux, en attendant la résidence Géographies Variables.
> http://incident.net/geo

 

Du 9 au 16 juillet, je serai à Glasgow pour une exposition au Glasgow Sculpture Studio, un lieu de production et d’expositions incroyable, dédié à la sculpture et l’installation.
Cette exposition fait suite à mon voyage sur l’île de Clipperton en mars, et j’y présenterai « DataIsland » une série de dessins et cartes qui explorent les interactions des artistes, scientifiques et marins qui ont participés à l’expédition.
> http://www.glasgowsculpturestudios.org/

The Whisky Bond, Glasgow Sculpture Studio

See you there!

Les trois écritures – Clarisse Herrenschmidt

Je suis sur le livre « Les trois écritures », et ça commence très bien. Un extrait :

« (…) Nos langues modernes, couchées sur papier grâce à un alphabet qui note consonnes et voyelles, comprennent des noms de nombres qui s’écrivent « quatre », « III », « IV » ou « 4 ». Le lecteur conviendra que les éléments q, u, a, t, r, e de « quatre » ne sont identiques ni aux éléments I et V de « IV » ou de « IIII », ni à l’élément « 4 », et que cette dernière graphie note avec un seul élément ce que « quatre » écrit avec six éléments, « IV » avec deux et « IIII » avec quatre. Il n’est pas étrange de dire que « quatre » écrit le nom du nombre comme entité arithmétique, et qu’importe la langue dans laquelle il est nommé.
De fait, la graphie romaine « IV » signifie « 5 moins 1 » tandis que l’indo-arabe « 4 » montre que ce nombre est un nombre entier qui contient quatre unité dans la classe des unités et aucune dans celles des dizaines, des centaines des milliers, est.Reste que ces deux façons d’écrire le même nombre donnent à voir, différemment, que celui-ci ne se réduit pas à son expression linguistique, qu’il a des propriétés et que les chiffres qui le représentent ont à voir avec ces propriétés. Comme il se doit, « nombre » entité arithmétique se distingue de « chiffre » entité graphique : ainsi, en graphie indo-arabe, les nombres entiers positifs, dont la production est infinie, peuvent-ils s’écrire avec seulement dix chiffres, de 0 à 9. »

Hello world – bonjour bazaar

Julie Morel - Rheum Nobile, édition de la résidence

Julie Morel, Rheum Nobile

Je suis en train de travailler avec Catherine Lenoble sur l’édition Rheum Nobile qui regroupe sous une forme racontée un an de résidence à la maison populaire et le voyage au Népal que nous avons fait Catherine et moi en avril 2012. Je viens de finir le petit texte d’introduction qui viendra ouvrir l’édition. Le voici, avec quelques planches de la maquette.

Rheum Nobile
Le nom d’une fleur, donné à un temps de recherche à la Maison populaire : une résidence sous la forme d’un voyage exploratoire, une hétérochronie d’un an. Un moment pour cheminer librement dans des territoires réels et fictionnels, seule ou à plusieurs.
Un ensemble de propositions artistiques à pratiquer dans l’espace public montreuillois et au sein de deux lieux culturels : la Maison populaire et les Instants chavirés. Un petit réseau qui interroge nos mécanismes de perception des espaces et la façon dont la lumière peut influer sur la préhension des lieux que nous pratiquons quotidiennement.
Une expédition sur une île déserte – télescopage hasardeux qui change la donne – et directement après un voyage / vertige dans le Langtang à la recherche du déclencheur du projet, le Rheum Nobile.
Un site internet pour lister les différentes pistes suivies.
Un livre – extension du projet initial . Un objet qui déplie des espaces analogiques, horizontaux et verticaux, vécus ou rêvés, qui rend compte de temporalités superposées : où quand la nouvelle année népalaise 2062 commence le 13 avril 2012.
Bienvenue dans un futur simultané.

Bonjour Bazaar
Le titre donné à une fiction de Catherine Lenoble. Un état d’écriture en marche, de 9 jours et 9 nuits, dans l’Himalaya, à la recherche du Rheum Nobile.
Une exp-édition.

Julie Morel _ Edition de la résidence Rheum Nobile

Julie Morel - Rheum Nobile, édition de la résidence

Julie Morel - Rheum Nobile, édition de la résidence à la Maison populaire

Julie Morel - Rheum Nobile, édition de la résidence

Julie Morel - Rheum Nobile, édition de la résidence

Une présentation du projet et la lecture du texte de Catherine : RDV mardi 19 juin à 19h à l’atelier Alain Lebras, à Nantes.

L’île de la passion

Julie Morel, Clipperton island

Des photos de ce mois passé avec les participants de « The Clipperton Projet« , pour une mission sur l’île de la passion (plus connue sous le nom de Clipperton island – Pacifique sud). Photos du départ de La Paz des 3 bateaux de l’expédition, l’arrêt à Cabo Pulmo (Baja California – Mexique), les 15 jours de mer, le séjour sur l’île – paradis post-apocalyptique, plus proche de l’île aux fleurs version déchets plastiques – que d’un atoll de rêve avec ses débris charriés par la mer, le camps de base rudimentaire, son rocher à l’histoire maudite, le vent et le soleil écrasant, les cris constants des oiseaux et sa barrière de corail difficilement franchissable..
L’expérience a été dure, intense et pleine de mauvaises et bonnes surprises. Mes compagnons de fortune et d’infortune de ce mois vécu en parenthèses de toute civilisation (mais toujours omniprésente par les divers signes qu’elle a imprimée sur l’île) – Mia, Gwen, Carlos, Jean, Pablo, Hector, Kathy, Santiago, Mike, Martin, Enge, Caroline – me manquent tous depuis mon retour en France, où tout me semble matérialiste, compliqué et surfait, sur fond de campagne électorale.

Départ dans 2 jours pour le Népal.

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> Préparatifs de départ, La Paz.

> départ et la mer de Cortez

> Arrêt à Cabo Pulmo

> L’itinéraire, la pleine mer, les premiers quarts, et l’arrivée sur l’île.

Julie Morel, Clipperton

> Le camp de base et l’exploration de l’île

Julie Morel, Clipperton

 

Par (temps) vagues

Il y a peu, je me suis aussi posée la question de ce qu’étaient les vagues scélérates (Rogue waves) et examiné la différence entre le mot en français et en anglais :
« Les vagues scélérates are large and spontaneous ocean surface waves that occur far out in sea, they seem not to have a single distinct cause and for the longest time where a myth. The French “scélérate” means “perfidious”, which I quite like because it defines the phenomenon in relation to others (here sailors), not just its quality.»
(les vagues scélérates sont des vagues spontanées de très grande taille, qui surgissent en pleine mer. Elles ne semblent pas avoir une cause unique et pendant longtemps sont restées un mythe. J’aime le terme Français « scélérate » car il ne définit pas seulement la qualité d’un phénomène, mais décrit/définit le phénomène en relation à celui qui l’expérimente (les marins).

Depuis que je sais que je pars à Clipperton, sans trop savoir pourquoi, j’ai commencé à faire une collection d’images de vagues. Des toutes les images collectées, ce sont les vagues figées par le froid qui sont les plus étranges.

Et puis..

Murmuration from Islands & Rivers on Vimeo.

109° 13° W – 10° 18° N

À quelques jours du départ à Clipperton, je lis le journal de bord (qui est plein de faits intéressants) de Christian H. JOST, qui s’y est rendu en 1997.

« La carte IGN de l’île (de 1937, la seule existante) indique deux points possibles de débarquement : l’un au nord-est, l’autre au sud, mais les écrits attestent que le moins dangereux est celui du NE. Nous arrivons d’Acapulco par le nord-est. Pourtant peu avant l’aube, à 6h du matin, sur le pont arrière, je m’aperçois qu’ El Puma se dirige au sud de l’île ! J’en informe la Chef scientifique qui s’étonne que le capitaine, auquel elle avait indiqué le point nord, fonce vers la côte sud. Elle lui demande immédiatement correction du trajet mais, avancé comme l’est déjà le bateau, nous ne pouvons plus que faire le tour de l’île … par l’ouest. Perte de temps qui nous met finalement face au point de débarquement nord-est à 8h. Aux jumelles, on a repéré un mât avec un petit fanion semblant signaler le lieu de débarquement « idéal ». Mal nous en prit…

Ne pouvant ancrer, car les fonds tombent immédiatement à plus de 400m, El Puma s’arrête à près de 700m du récif et ne peut, que lentement dériver. Une première équipe de trois chercheurs physiquement solides et la responsable scientifique partent en reconnaissance de la côte avec le Zodiac piloté par un homme d’équipage. Le temps est relativement beau, quelques nuages, une houle assez faible de 50cm à 1m. Les vagues se brisent cependant avec fracas et force écume sur toute la côte. La première équipe se dirige vers le fanion et, jugeant l’accostage réalisable, se lance avec une vague porteuse et arrive à « beacher » sans casse et sans eau dans le Zodiac. Après contact et rapport par radio (talky-walky), les chercheurs restent à terre et le Zodiac doit revenir chercher la deuxième équipe dont je fais partie. Mais quitter la côte est bien plus difficile que d’y arriver et ce n’est que grâce à une grande adresse et expérience que Abel, le pilote du Zodiac, parvient, non sans mal et quelques aller-retours entre la barre et la plage lui valant des salves d’écume et quelques frayeurs, à franchir les premiers rouleaux les plus dangereux après avoir dérivé sur plusieurs centaines de mètres au-dessus du récif frangeant. Il arrive au navire visiblement secoué, trempé, avec un sourire un peu crispé. Je ne sais plus à ce moment là, si je n’ai pas été content de ne pas comprendre le mexicain, mais il me semble que je n’ai pas trop chercher à connaître les détails. De toutes façons c’était mon tour et je m’y apprêtais gaillardement sans beaucoup d’inquiétude. On verra bien après tout et ce n’est sûrement pas si près du but que l’on va renoncer pour quelques vagues.

Mais pour le deuxième débarquement, l’homme d’équipage change (question de tour de garde paraît-il). Nous embarquons à cinq avec le matériel, mon équipement comprenant déjà deux bon gros sacs marins étanches (quelle bon investissement avais-je fait à Nouméa peu avant le départ !) et les deux mâts de la station météo portable prêtée par Météo-France Nouvelle-Calédonie.

Nous nous lançons… il est près de 9h15. Arrivés près des premiers rouleaux, la technique consiste à observer les vagues pour se lancer sur celle jugée la plus haute pou pouvoir surfer jusqu’au rivage. Ainsi le Zodiac tourne et tourne en attendant la bonne. On y va ! …. mais, ce n’était pas la bonne et en quelques instants nous nous retrouvons submergés par la vague qui remplit à ras bord le Zodiac. Poussés, plus que portés par la vague nous finissons par atterrir en catastrophe sur le récif en raclant l’hélice sur le fond corallien; nous sautons à l’eau pour tenir et tirer le Zodiac et l’empêcher de repartir avec le reflux … mais, nous sommes saufs et n’avons pas eu le temps d’avoir peur. On débarque le matériel qui a bien résisté et on écope l’eau du Zodiac sur la plage. Le retour va cependant être encore plus périlleux.

En effet, Federico, le ‘pilote’ craint de retourner seul au navire pour chercher la troisième équipe (J’ai appris par la suite qu’il avait un jour fait naufrage et était resté plusieurs jours à la dérive; on peut comprendre ses réticences à partir seul dans cette mer difficile). Il doit pourtant bien y aller. Les échanges radio avec le capitaine sont animés et au récit et à la vue de ce 2 e débarquement, le capitaine décide qu’il n’y aura pas d’autre équipe. Il envoie la chaloupe vers la côte mais celle-ci ne pourra jamais accoster à cause de son étrave en V et de l’hélice qui est trop basse pour ‘beacher’. A bord cependant, il y a Adrien, jeune instructeur de plongée. Pendant ce temps, Federico doit passer cette fichue barre et va essayer. Le grand Angel, Vivianne et un autre le pousse jusqu’à la première barrière, à la limite de perdre pied… Une fois : il est renvoyé par la vague sur la plage. Deux fois : une grosse vague le fait tomber du Zodiac qu’il réussit à agripper et il se retrouve effrayé sur le rivage. Il refuse d’y aller une autre fois et part marcher dans son coin pendant que les échanges radio se poursuivent. Il doit y retourner, ordre du capitaine, mais avec quelqu’un à l’avant du Zodiac pour faire contrepoids (ce que je suggérais depuis un moment d’ailleurs). Nouvel essai à deux, Angel dans l’eau poussant le Zodiac pour l’aider à franchir la barre : mais cette fois l’océan met aussi le paquet et rejette les deux hommes qui lâchent le Zodiac; celui-ci est pris par une vague de près de trois mètres qui le chahute en tous sens avant de le dresser en l’air et de le retourner comme une crêpe. Tandis que les deux hommes réapparaissent hors de la vague grâce à leur gilet de sauvetage, le Zodiac est lui, drossé violemment sur le rivage. Dans la bagarre il aura perdu les trois-quart de son plancher et une tige du starter du moteur est cassée (par manipulation trop brutale de Federico qui tapait sur le moteur qui avait des ratés, dira-t’il; en fait, il ne mettait pas le moteur à l’eau suffisamment tôt et vite); le moteur ne peut donc plus démarrer, le Zodiac ne peut plus repartir… Nous voilà pour un petit temps, naufragés !

Pendant ce temps, je filme, on photographie, on ne s’inquiète pas, on se dit qu’on va passer la journée et la nuit et qu’on trouvera bien une solution. vivianne reçoit solennellement d’Alex huit boissons et quatre sandwiches lui disant que si ça tourne mal, ce sera au chef d’expédition de protéger puis de répartir les vivres. Elle s’assit alors pour réfléchir à cette nouvelle charge de protection des précieuses réserves à gérer avec l’organisation du travail de toute la journée quand, rapidement, un crabe vient sournoisement par derrière lui rappeler le nécessaire mouvement perpétuel qu’il faut avoir sur cette île… Nous avons toute l’île à découvrir. Nous oubliions à ce moment un détail d’importance : Nous n’avions, pour dormir au sol, aucun équipement capable de résister aux crabes… Je n’avais finalement pas emporté mon hamac qui aurait été la seule protection efficace…
Peu après, la chaloupe arrive et se positionne à plus de 100m du rivage sans pouvoir s’approcher plus près, le récif s’étirant à cet endroit sur au moins 60m. Pendant que Angel et Federico regagnent la terre comme ils peuvent, Adrien, depuis la chaloupe, dans une véritable opération de sauvetage, se jette à la mer avec un filin en main et nage vers nous. Adrien disparaît aussi souvent dans les vagues. Nous attendons avec inquiétude qu’il réapparaisse. Heureusement, excellent nageur, il gagne petit à petit sur la mer et arrive à nous rejoindre. Le filin est là, avec lui, seul lien désormais avec la chaloupe, le navire et … le monde ?

On ne perd pas beaucoup de temps à chercher le plancher du Zodiac qui a disparu; on attache celui-ci au filin; Federico monte à bord; la chaloupe tend le filin et tire lentement le Zodiac qui va passer la barre plus souvent près de la verticale que de l’horizontale. Le Zodiac part se faire réparer et reviendra plus tard. Rendez-vous est donné à 16h pour nous permettre une première inspection de l’atoll. Nous sommes désormais neuf sur la plage et l’on s’apprête à partir en exploration de l’île. »

Énoncé performatif : je t’aime

À Montreuil, aujourd’hui, je suis passée devant certains des affichages Decaux qui vont servir pour la proposition Rheum Nobile, que je finalise en ce moment.
10 affiches dans ces sucettes Decaux baliseront le parcours entre la maison pop et un autre lieu (Fonderie de l’image ou Instants chavirés). Ces affiches, je ne les vois que comme des supports pour des actes de langage, et chacune découlera, sera la matérialisation d’un énoncé performatif qui ponctuera le chemin entre les deux lieux d’exposition.

Un acte de langage est un moyen mis en Å“uvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots. Développée et théorisée par John L. Austin dans « How to do Things with Words », l’idée d’acte de langage insiste sur le fait qu’outre le contenu sémantique d’une assertion (sa signification logique, indépendante du contexte réel), un individu peut s’adresser à un autre dans l’idée de faire quelque chose (par opposition à dire quelque chose). Pour être plus précis, faire un acte de langage, c’est transformer, par les mots, la représentation des choses ou intentions/buts d’autrui, bref la réalité : on parle alors d’un énoncé performatif, par contraste avec un énoncé uniquement constatif.
Un énoncé performatif, c’est un énoncé qui dit ce qu’il fait, par exemple quand je dis : « je te demande pardon », je fais ce que je dis…
Et ce qui différencie ces deux énoncés, c’est aussi la direction d’ajustement : dans le constatif, on s’ajuste au réel, par la parole (ex : il pleut). Dans le performatif, en agissant par la parole, on modifie le réel : (c’est le réel qui s’ajuste à l’énoncé, ex : Je ne serai pas à l’heure).
C’est assez beau cette idée d’énoncé performatif… Ça pourrait même être pris au pied de la lettre, donner lieu à une performance justement.

L’installation que j’ai conçue pour la Fonderie de l’image (texte sérigraphié à l’encre phosphorescente sur du papier-peint) est en écho avec ces affiches.
D’une phrase tirée de « La part maudite » de Bataille, j’opère une mutation, un parasitage : je l’augmente en lui ajoutant des énoncés performatifs (exemple : « cette histoire a déjà commencée », « le texte serait ajourné, remis à plus tard, congédié, mais réapparaitrait irrémédiablement étendu, augmenté, commenté, toujours plus long et sa lecture toujours plus difficile »… ).
En rajoutant cette couche, je me l’approprie, je fais une conversion. Ma propre dépense d’énergie, par le biais d’énoncés performatifs, se transforme, et transforme le sens premier du texte original, qui apparait en majuscule, alors que le reste du texte est en minuscule.

Il y a quelques jours en lisant un passage de « Je suis vivant et vous êtes mort », j’ai confondu les mots « conversation » et « conversion ». Pas vraiment un hasard vu les recherches que je mène en ce moment…

> Introduction à la philosophie du langage
> La théorie du langage performatif de JL Austin
> Victor Burgin
> Christophe Fiat (Du performatif à la performance)

« Je-t-aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules. D’une certaine manière − paradoxe exorbitant du langage −, dire je t-aime, c’est faire comme s’il n’y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai (il n’a d’autre référent que sa profération : c’est un performatif) ».
R. Barthes, Fragments d’un discours amoureux, p. 176

Conversation

J’aime beaucoup ce texte, extrait de la biographie de Philip K. Dick d’Emmanuel Carrère.
La première fois que je l’ai lu, j’avais lu « conversation »….

« Le propre de la conversion est de changer celui qu’elle élit. Elle le retourne comme un gant. Il ne pense plus ce qu’il pensait, il n’agit plus comme il agissait, et souvent une ironie de la grâce le fait agir et penser d’une façon qui ne lui était pas seulement indifférente, mais lui répugnait. De ces transformations, dont la seule idée aurait été odieuse au vieil homme qui l’a dépouillé, il s’enchante. Elles garantissent l’authenticité de son expérience, le fait qu’un autre parle en lui. Pour un peu, il en rajouterait. L’intellectuel sceptique et railleur qui se fait catholique donnera volontiers dans les formes populaires de sa foi : petite dévotion, médailles miraculeuses. Fin lettré, connaisseur de peinture, il trouvera à aimer désormais Gilbert Cesbron ou des naïfs yougoslaves la joie subtile de qui s’arrache à un déterminisme et conquiert sa liberté. Aller contre sa pente naturelle, c’est très littéralement ce qu’on appelle se repentir.
Rebelle, mauvais con, ennemi de l’autorité sous toutes ses formes, Dick n’aurait de lui-même jamais pensé à appeler le FBI, à se mettre sous sa protection, à le renseigner. Si, quelques semaines avant l’arrivée de la photocopie du Daily World, on le lui avait prédit, il aurait réagi comme un pieux musulman à qui on annonce qu’il mourra d’une indigestion de boudin. Un type qui a grandi à Berkeley ne fricotera jamais avec les flics et, s’il le fait, cela ne prouve qu’une chose : ce n’est plus lui ; on l’a remplacé, ou bien manipulé, un autre que lui agit à sa place.
Exactement, pensait Dick, avec un gloussement d’allégresse.
C’est exactement ça qui m’est arrivé.
Et le plus fort, c’est que je m’en réjouis.
Et que je suis certain d’avoir raison de m’en réjouir.

Voici deux exemples de conversion.
Saül, jeune juif pieux et, à ce titre, persécuteur passionné de la secte chrétienne, subit sur le chemin de Damas une étrange expérience, au sortir de laquelle il devient l’apôtre Paul et s’en va répétant, avec la contagieuse ferveur que l’on sait : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi ».
Le héros du roman d’Orwell 1984 trouve peu à peu le courage de s’opposer à la tyrannie de Big Brother. Mais il est arrêté, soumis à la torture et à des manipulations mentales si efficaces qu’à la fin du livre, loin de lui manifester une allégeance factice, « il aime Big Brother ».
Il y a plusieurs différences entre ces histoires. D’abord celle qui sépare la torture de l’illumination, bien que dans les deux cas on ait affaire au viol d’une conscience humaine. Ensuite, Orwell et ses lecteurs s’accordent à trouver le héros de 1984 magnifiquement lucide avant son arrestation, tragiquement aliéné ensuite, tandis que l’auteur des Actes de des Apôtres et sans doute la majorité de ses lecteurs partagent la certitude qu’a saint Paul d’avoir gagné au change. Reste ce fait troublant que la même certitude anime le converti et la victime d’un lavage de cerveau : c’est maintenant, aimant le Christ ou Big Brother, qu’ils sont dans le vrai ; avant, ils se trompaient : la preuve, ils en craignaient rien tant que de voir advenir qui leur est advenu et qui est en fait le plus grand des biens. Cette rupture rend le commerce entre le converti et son entourage à peu près aussi difficile qu’entre Dracula et le docteur Van Helsing dans les films de vampires : si les hommes ont si peur d’être mordus par les morts vivants, c’est parce qu’ils devinent qu’une fois contaminés ils s’en réjouiront. Le plus effrayant, vu d’avant, c’est qu’après il ne reste de soi que ce qui se réjouit de n’être plus soi. Avant, c’est soi qui a peur ; après, c’est un autre qui triomphe. »

« Je suis vivant et vous êtes mort – Philip K. Dick », Emmanuel Carrère

A Pyrrhic Victory in Progress

En cours, un texte pour expliquer une première expérimentation plastique relative à mon voyage à Clipperton. Cette proposition est arrivée très rapidement, et serait montrée en avril au BBB (la production se faisant sans moi puisque je serai alors en voyage), tout de suite après mon retour, lors d’une exposition appelée « faux jumeau ».

Les tapis, moquettes, et autres aplats qui recouvrent la plupart du temps les sols en intérieur paraissent être des éléments décoratifs, voir peu importants, que l’on piétine sans s’en rendre compte.
Pourtant ces zones de recouvrement délimitent un territoire et sont souvent des espaces symboliques : des représentations abstraites du jardin dans les tapis de la culture perse, à la moquette rouge que l’on déroule lors de cérémonies officielles, en passant par l’espace religieux du tapis de prière, les exemples sont nombreux.
Et en un sens, le tapis est toujours un moyen d’être transporté, et il ne semble pas sans hasard qu’il ait été utilisé à cette fin dans de nombreux contes (le tapis volant).

Le tapis de sol que je propose dans l’installation A Pyrrhic Victory pour l’exposition « faux jumeaux » (avril 2012) peut se lire comme une prise de position, à la fois dans le sens de prendre un point de vue, mais aussi dans le sens de prendre (gagner) une position (stratégique).

Ce faux jumeau symbolique de l’île de Clipperton – ou je me rends au mois de mars dans le cadre d’une mission scientifique & artistique, et point de départ de cette réflexion – en reproduit les enjeux territoriaux.
Clipperton, nommée aussi l’île de la passion, est un point perdu dans l’océan pacifique, si petit et si plat que l’on peut passer à côté sans le voir. Un point néanmoins stratégique, ou le paradoxe d’un territoire dont les frontières minuscules que dessinent la nature sont remises en cause, augmentées par des frontières juridiques[1], formant une zone immense, insécable, et convoitée.

Le titre de cette proposition « A Pyrrhic Victory » fait référence, avec humour, à une expression militaire : une victoire à la  Pyrrhus étant une victoire avec un coût dévastateur pour le vainqueur. J’hésite encore à appeller le projet « A Pyrrhic Victory in Progress », histoire de lui donner un côté désastre annoncé.. ; )


[1] Le droit de la mer, augmente de 3 milles marins les territoire terrestres. Ce droit place la France en 2ème position par son espace maritime, après les USA.

Références pour Archives num

• DIAL HISTORY / Johan Grimonprez

« Dial History » est une recherche axée sur les archives télévisuelles et remet en question le spectacle médiatique. Le récit historique du détournement d’avion constitue le point de départ d’une analyse de l’impact des images sur nos sentiments, notre savoir, notre mémoire.
Les rêveries fragmentales d’un écrivain anonyme autour du pouvoir de l’écriture, dans une époque appartenant aux poseurs de bombes et aux pirates de l’air hypermédiatisés, focalisent à la fois le désir de catastrophe et le besoin de se sentir chez soi.
Au milieu du flot ininterrompu d’informations inutiles et contradictoires, le terroriste, lui, en promettant identification et récit, pathos et catharsis, suscite, comme chaque catastrophe réussie, un flux de sentiments entre l’image et le spectateur. Le succès de la « télévision-réalité » témoigne de l’alliance des médias, des téléspectateurs et de la catastrophe.

dial history

• Lettres de Sibérie / Chris Marker

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_de_Sib%C3%A9rie
http://www.dailymotion.com/video/x5snyk_lettres-de-siberie-extrait_news
http://iconotheque-russe.ehess.fr/film/263/

DEDANLÉMO – Pretty Good Privacy

Des recherches en cours pour le travail à exposer lors de « Dedanlémo » (commissariat par David Poullard et Pierre Di Sciullo) et qui aura lieu à la halle Roublot (Fontenay sous bois) en avril..
J’ai suivi une première piste qui n’a pas aboutie, le matériau (colle) ne semblait pas adapté, et risque de ne pas être efficace à l’échelle demandée.
L’idée que je suis maintenant est de travailler sur une transposition de l’alphabet vers des signes les plus simples possible.
J’ai regardé diverses écritures dont les lettres sont des transpositions de l’alphabet en signes (le morse, le braille, etc.), mais aussi les cartes perforées. J’ai décidé de travailler à partir d’une grille de 30 cases : 26 pour les lettres, le reste pour la ponctuation de base).

What Happens in Halifax Stays in Halifax

En 1969 Robert Barry, invité au Nova Scotia College of Art and Design d’Halifaxen, propose aux étudiants un projet conceptuel basé sur le partage d’une idée, et sur le secret de ce que cette idée peut être et peut produire. Le projet n’existe donc qu’au sein d’un groupe d’étudiants, et ne doit pas être mis à jour sous peine de perdre sa raison d’être : «‘The piece will remain in existence as long as the idea remains in the confines of the group.’”».
En 2004, Mario Garcia Torres mène une enquête et rencontre les étudiants qui ont participé à cet atelier. Il leur demande s’ils ont gardé le projet caché, avec quelles difficultés et si cela leur a paru une expérience importante, et de quelle manière ce projet a eu un impact sur eux.
Il tire de cette enquête un diaporama N&B d’une cinquantaine d’images +bande son + d’interviews de 9 des anciens étudiants : on y voit défiler lentement images d’archives, photos des différents lieux, monuments/témoins d’un moment important de l’art conceptuel, mais dont on ne sait finalement rien. A la vision de ce diaporama, on prend toute la portée du paradoxe entre valeur de l’expérience liée à un projet conceptuel, et l’absence de diffusion au public de celui-ci. Et ce qui semble au centre de tout : le déplacement du projet initial car on peut se demander : qu’est ce qui fait projet? Le projet que les étudiants et Barry ont mis en place ensemble, réalisé et gardé secret, ou le projet global qui est le protocole de départ (un projet qui doit rester au sein d’un groupe, et dont l’existence dépend de ce protocole)? On pourrait même se demander s’il y a eu véritablement production, si cela aurait eu une importante..
J’aime autant l’idée de Robert Barry que sa « restitution » par Mario Garcia Torres (finalement assez romantique) mais qui ajoute une couche de sens au projet initial : il se sert du travail de Barry pour faire un projet comme Barry se sert du travail de ces étudiants pour faire un projet). Un méta-projet donc, ou comment raconter l’art conceptuel : entre son immatérialité et son impact sur l’histoire de l’art.

Vagues scélérates

Un petit rappel, en anglais, de pleins de choses déjà vues, ou en cours, pour le projet Clipperton.
À lire aussi ICI.

On the first page of « Islands, still boats », his introduction to the « Atlas of Remote Islands« , Olivier de Kersauson reminds that heaven and hell are often close on faraway islands, but that islands are hardly innocent in the matter.
As for examples, he quotes 2 islands: Pitcairn, and Clipperton.
That was my first acquaintance to Clipperton, in French called « Ã®le de la Passion », an island that strangely looks like a ring. Yes, maybe islands are not innocent.
Reading more on the matter of remote islands, I was not surprise to see that one island could have many names (depending on the nation discovering or claiming it), and that once again, naming something gives it an existence, a history, a context, and indexes it, immediately.
Yes words have that power, weather it is territory in the middle of the sea, or a territory of research. Art words. Science words. That is my project on Clipperton: observing similarities and differences between the terms, language used in art and science. Defining a corpus of vocabulary from both of these fields, examining the gaps and common ideas they share to produce a visual work out of it.

So as a start, it is fair to look at a few words (sometimes pictures) that came to my attention this last 2 months – subjectively or by searching the internet or libraries. Some are self explanatory, some have comments. But I  think are all related to the temporality of the Clipperton project and classified as such:
– The journey
/ waves / being at sea. Anticipation & projection
– The stay / being there working
Being back / Undulations / The output of the project.

 

  • -The journey / waves / Being at sea.

Vagues scélérates (Rogue waves)
« Les vagues scélérates » are large and spontaneous ocean surface waves that occur far out in sea, they seem not to have a single distinct cause and for the longest time where a myth. The French “scélérate” means “perfidious”, which I quite like because it defines the phenomenon in relation to others (here sailors), not just its quality.

Vija Celmins
A few years back, at the Pompidou Centre, I saw Vija Celmins‘ desolated drawings of sea, sky and desert.

  • The stay, being there.

Clipperton as a boat

 

 

This picture was taken during a weeklong workshop at the Brittany School of Art (Lorient), where I teach. The workshop, with artist Laurent Tixador (who is actually on his journey to the Kerguelen islands), was a bivouac and occupation of the school. Coming across it recently, I realise how Clippertonian this exepriment was and how Clippertonian the boat I slept on was..
In the beginning of my participating of the project, I went on GoogleEarth to see what Clipperton Island « really » looks like. What I found was more the visualisation of a still floating vessel (or a little like a cloud) than an island as such.
This floating vessel sent me back to Olivier de Kersauson’s introduction, but also, and more importantly to Michel Foucault best example of heterotopias.

Heterotopia, from a boat to heterotopia.

Being on Clipperton is also the occasion to look at this expedition as an exploration of a sorts of heterotopias. An heterotopias is a concept in human geography: a concrete space that holds imagination, reality and fantasy at the same time.
They are spaces of otherness, which are neither here nor there, that are simultaneously physical and mental. (ex: space of a phone call or the moment when you see yourself in the mirror).
Contrary to utopia which is an idea or an image representing a perfected version of society, Foucault uses the term heterotopias to describe a physical representation or approximation of an utopia, or a parallel space that contains undesirable bodies to make a real utopian space possible.

« First there are the utopias. Utopias are sites with no real place. They are sites that have a general relation of direct or inverted analogy with the real space of Society. They present society itself in a perfected form, or else society turned upside down, but in any case these utopias are fundamentally unreal spaces.

There are also, probably in every culture, in every civilization, real places – places that do exist and that are formed in the very founding of society – which are something like counter-sites, a kind of effectively enacted utopia in which the real sites, all the other real sites that can be found within the culture, are simultaneously represented, contested, and inverted. Places of this kind are outside of all places, even though it may be possible to indicate their location in reality. Because these places are absolutely different from all the sites that they reflect and speak about, I shall call them, by way of contrast to utopias, heterotopias ».
(For whole text and various category/principle descriptions of heterotopias: foucault.info).


Collect & navigation

These 2 words could summarise both my usual computer-based practice as an artist, the general objectif on this expedition to Clipperton, and the method of my enquieries.
Coral Reef
A lot of the talk around the Clipperton project is about coral reef life. This could be one good case of study on how artists and scientists projects their works. Data and representation are probably two sides of the same coin. Where could they meet?
The Institute for Figuring offered an incredible answer a few years back, with their project “Crochet reef. » The inspiration for making crochet reef forms begins with the technique of « hyperbolic crochet » discovered in 1997 by Cornell University mathematician Dr. Daina Taimina. The Wertheim sisters adopted Dr Taimina’s techniques and elaborated upon them to develop a whole taxonomy of reef-life forms.

 


« Crochet Coral and Anemone Garden » with sea slug by Marianne Midelburg.
Photos © The IFF by Alyssa Gorelick.

Loopy « kelps », fringed « anemones », crenelated « sea slugs », and curlicued « corals » have all been modeled with these methods. The basic process for making these forms is a simple pattern or algorithm, which on its own produces a mathematically pure shape, but by varying or mutating this algorithm, endless variations and permutations of shape and form can be produced. The Crochet Reef project thus becomes an on-going evolutionary experiment in which the worldwide community of Reefers brings into being an ever-evolving crochet « tree of life. »

  • Coming back. The output of the project.

Graphical method
“La méthode graphique”, developed by Etienne-Jules Marey consist in a mechanical transcription (on paper or on a sensitive surface) of pulsations, vibrations, undulations, quakes, and shivering produced by the movement of all living bodies or moving objects. The obtained graphic is the spatial memory, which enables us to see the variation of movement during a certain time. This information can either be continuous or non-continuous.
The graphical method made possible the knowledge of a number of phenomenon in medicine, physiology, natural sciences, and physics. These recording devices have for the first time in history, a graphical representation of movement or phenomenon invisible to the eye.


Etienne-Jules Marey, walking.

To end this post, I would like to quote Georges Didi-Huberman, who, speaking about the mareysienne curve sayd that it “transforms the idea of the phenomenon and its possibility of image” ( transforme à la fois l’idée du phénomène et celle de sa possibilité d’image).

If I had a definition for what is art (I have too many) it would be very close.
A vast program J

 


Tarantism


« Time of Hashsashins »

 


« From the Travel of Jonathan Harker »

Je reviens de la Biennale et autres manifestations en cours à Lyon. Ce qui m’a le plus marquée ne fait pas partie de la biennale : elle a lieu à l’IAC (Villeurbanne), il s’agit d’une exposition conséquente de Joachim Koester, « Of Spirits and Empty Spaces », incroyable par sa densité et la précision des travaux présentés.
Les premières salles/pièces permettent une immersion dans l’univers de Koester :
La première, enchevêtrement de doigts sur enchevêtrement de planches, dont le titre (Variations of Incomplete Open) situe la « famille » artistique tout en posant certains principes que l’on retrouve tout au long dans l’exposition (déplacement, transposition, transe, chorégraphie, paradoxe conceptuel-sensible..).
La deuxième salle est comme un sas, une lampe marocaine nous y accueille et éclaire la photo d’un escalier menant à un château en ruine? ..Le texte justement, fait référence à la manière dont est accueilli le narrateur d’une histoire potentielle.
Dans la troisième salle on se retrouve face à une photo ancienne (imprimée en grand format) d’un intérieur bourgeois, qui ressemble à une bibliothèque ou un fumoir. Lorsqu’on passe devant le projecteur 16mn situé à l’opposé, se déclenche sur la photo, comme par magie (en fait grâce à un capteur de présence, le même que j’ai utilisé pour « le virus s’appelait.. » – je l’ai vite repéré ; ) une projection de ce qui pourrait être des feuilles de haschich ou encore des vampires/chauves-souris en train de s’envoler. Le titre « The Hashish Club« , donne raison à la première version, alors que la salle suivante, des photos intitulées « From the Travel of Jonathan Harker » nous replonge immédiatement dans la deuxième hypothèse.
Pour accéder à la 4ème salle, on repasse devant « The Hashish Club« , et l’on prend conscience de ce jeu de va-et vient entre différentes interprétations, hypnotisant va-et-vient, sur lequel joue Koester et qui, de salle en salle, nous emmènera très loin – sans que l’on s’en aperçoive – dans des transpositions entre documentaire et fiction, entre expérience intellectuelle et expérience sensible. On se laisse guider, comme si l’on marchait éveillé (et éveillé il faut pourtant l’être pour appréhender toutes les subtilités des différentes propositions), jusqu’à se retrouver à nouveau dans des salles très (trop) éclairées, comme si l’on émergeait d’un état second.


« Tantrisme » Un extrait de « Tantrism » sur youtube.

Bref, j’ai énormément apprécié cette exposition, elle va me hanter longtemps ; ) ..J’en ai d’autant plus tirée du plaisir qu’elle flirte avec des choses que je suis en train de voir/lire pour le projet Rheum Nobile : des lectures de Lovecraft aux  déplacements de sens entre faits scientifiques réels et construction d’une narration dans le but d’interroger justement cette réalité, « abolition volontaire des frontières entre approche conceptuelle et empirisme », ou encore la réactivation de légendes populaires entre expérimental et conceptuel.

JOACHIM KOESTER à l’Institut d’art contemporain from Institut d’art contemporain on Vimeo.

 

Rheum Nobile – Recherches pour sérigraphie

En cours d’écriture du texte qui sera sérigraphié sur papier peint pour l’installation à la Fonderie de l’image.
Ce texte se construit sur une phrase tirée du livre « La part maudite » (en majuscule) et à pour système :
– l’ajournement des mots utilisés,
– la description de la narration en train de s’écrire,
– la référence au réseau tenant à la fois à de la description et d’un embryon de narration.
Sa lecture, en résonance avec le dispositif lumineux mis en place pour activer l’encre phosphorescente, dure environ 1mn.

« LE PRINCIPE ou le commencement de ce récit ne se fait pas attendre, peut-être MÊME avait-il déjà débuté :
les mots, DE LA MATIÈRE VIVANTE malléable pour qui VEUT QUE LES calculs prennent forme, s’échappaient, hémophiles, de l’immense base de données, en une visualisation dynamique proche de celle que l’on utiliserait pour des expérimentations ou OPÉRATIONS CHIMIQUES complexes – tout venait et tout passait, tous les moments DE LA VIE filaient et défilaient à grande vitesse, sans qu’on en puisse concevoir l’importance – ceux QUI avaient peine à saisir ONT DEMANDÉ à ralentir le flux, se doutant bien que le texte serait ajourné, remis à plus tard, congédié, mais réapparaîtrait irrémédiablement étendu, augmenté, commenté, toujours plus long et sa lecture toujours plus difficile : UNE trop grande DÉPENSE D’ÉNERGIE, des efforts à fournir trop importants, et si l’ajout de règles visaient la garantie pour les utilisateurs les plus lents qu’ils SOIENT BÉNÉFICIAIRES d’un temps en plus, que leur relecture devienne CRÉATRICE d’un nouveau sens, elles conduisaient la narration à de nouvelles parenthèses, de nouvelles digressions, de nouveaux EXCÉDENTS. »

> Light my Fire

Installation aux instants Chavirés : Références et recherches.
L’installation à la fonderie se fera en avril 2012, et commencera le samedi dans le cadre des puces typographiques.

> Un cube en contreplaqué construit pour l’occasion, d’environ 3m x 3m de côté. On y pénètre par un côté et il y fait entièrement noir. Une lumière intermittente (toutes les 1mn environ) nous donne accès au texte sérigraphié à l’encre phosphorescente sur les murs. Ce texte est un ajournement d’une phrase tirée de « La part maudite » de G. Batailles.
J’entends par ajournement, un ajout de mots à l’intérieur de la phrase originale, qui la remet à plus tard (postpone en anglais serait un terme qui définirait assez bien l’intention à l’Å“uvre).
Bien sur la phrase de départ est transformée et elle persiste dans la nouvelle interprétation, mais elle la repousse dans le temps de la lecture, d’où ce terme d' »ajournement ».
La phrase choisie, c’est celle-ci:
« Le principe même de la matière vivante veut que les opérations chimiques de la vie, qui ont demandé une dépense d’énergie, soient bénéficiaires, créatrices d’excédents ».

 

> Je relis le texte « un romancier français » de Russel Fergusson, qui parle très justement du travail de Rodney Graham dans le catalogue monographique publié lors de son exposition à la Whitechapel.. C’est un livre vers lequel je reviens régulièrement, tant par les travaux de Graham que par les écrits qui lui sont consacrés.

> Je ne peux pas ne pas citer « comment j’ai écrit certain de mes livres« .

> Cette proposition me rappelle une pièce de Douglas Gordon « 30 seconds text ».

30 seconds text présente un dispositif qui nous donne à réfléchir sur une expérience macabre et subjective du temps, de la durée :
dans une pièce noire, on trouve une simple ampoule qui s’allume et s’éteint par intermittence, toutes les 30 secondes. Cette ampoule est placée devant un texte imprimé à même le mur, de façon à en faciliter la lecture. 30 secondes est approximativement le temps de lecture de ce texte qui relate une expérience scientifique menée au début du 20 siècle par un scientifique français. L’expérience est une tentative de communication avec un criminel dont la tête vient d’être coupée par la guillotine. Pendant environ 30 secondes le scientifique appel le mort par son nom. Les yeux du mort émettent un mouvement à l’appel de son nom, avant de s’éteindre pour de bon.

Pour l’installation « Light my Fire » à la fonderie de l’image (qui risque fort de prendre un autre nom d’ici avril – je déteste la musique des Doors et ai pris ce titre pour rire), je m’éloigne de la plante qui m’a lancé sur cette recherche.
Je ne sais pas si je dois chercher un lien entre celle-ci et l’installation. Pour le moment, je me concentre plutôt sur la phrase de départ, c’est peut être elle qui me donnera une piste pour le titre, ou alors l’idée d’ajourner justement….
Je rappelle néanmoins quelques propriétés du Rheum nobile, que j’irai chasser en Mai au Népal avec l’aide de Catherine Lenoble :

Rappel du Rheum Nobile:

– Distribution :

Asie himalayenne (nord de l’Inde, Pakistan, Afghanistan, nord de la Birmanie, Bhoutan, Nepal, Chine : sud Xizang). Pelouses, rocailles, entre 4000 et 4800 m. Floraison : Mai-Juin.

– Description :

Vivace (haut : 120 cm). Feuilles ovales à orbiculaires (long : 20-30 cm), subcoriaces, à la base subcordée, aux marges entières, à l’apex aigu, au pétiole glabrescent (long : 5-15 cm), à l’ochréa membraneuse. Fleurs aux pétales elliptiques, vert jaunâtre (long : 2 mm), groupées en panicule terminal.

Fruits ovoides (long : 6-7 mm).