Recherches+notes

Recherches relatives à aux pojets

Hyperpropre / Performance au CAN

Hyperpropre, au CAN, Neuchâtel.
Ces derniers jours, mon projet de couleurs hyperactives a glissé d’un projet d’installation assez formel vers une proposition plus performative. J’étais partie sur la traduction des couleurs des additifs alimentaires qui sont censés rendre hyperactif, et je voulais installer ces couleurs dans les vitrines du port.
Ces vitrines ont été abandonnées puis utilisées pour nombres de performances d’artistes cette semaine et sont dans un sale état. La chose logique était donc de les nettoyer pour pouvoir installer mon projet. Et puis ces derniers jours, réfléchissant à l’absurdité de nettoyer systématiquement un lieu pour installer une proposition artistique (de plus), je me suis mise à réfléchir – assez superficiellement – au nettoyage en général, et au nettoyage en particulier dans l’histoire de l’art. J’ai bien sûr pensé en premiers lieux aux conneries racistes du président français, aux côtés policés des choses dans la vie occidentale, à la campagne de publicité pour se laver les mains contre le H1N1, et aussi à cette ville si propre qu’est Neuchâtel (à tel point que ces vitrines seraient le dernier bastion d’un abandon « urbain »), au côté territorial du nettoyage ou du souillage.
Je me suis mise au travail, d’abord avec l’aspirateur (un boucan pas habituel dans ce port tranquille) ce qui m’a laissé le temps de penser, en vrac, à l’inutilité de l’effort (Francis Alÿs) et à ses barenderros, et aussi à sa phrase toute bête “Sometimes doing something poetic can become political and sometimes doing something political can become poetic”, au nettoyage à l’envers, et au nettoyage d’os de Marina Abramovitch.
Aujourd’hui 3ème jour de nettoyage, je me suis rendue sur place avec un seau d’eau savonneuse et des éponges. Au fur et à mesure que je nettoyais, c’est la dimension plastique du matériau qui a commencé à ressortir. Et cette nuit, quand j’ai allumé la lumière, le projet a, à nouveau, glissé vers un domaine plus formel, plus plastique.
Suite demain…

hypercolor

Aujourd’hui durant le forum, discussion assez échauffée avec le groupe zürichois Bury the Jumbo, qui  emploie des moyens ultra-libéraux et toujours très spectaculaires pour diffuser des artistes, mais sans en avoir conscience… ni réaliser que c’est surtout leur auto-promotion qu’ils font par le biais de leurs dispositifs. La discussion a donc porté sur l’annulation de la critique quand il y a spectacularisation des propositions artistiques dans l’espace public. C’était un peu difficile car nous n’avions aucunes références communes. C’est dommage, j’aurais bien voulu pouvoir échanger des idées sur ce sujet…

Pour les projets vus aujourd’hui, ceux que j’ai le plus appréciés sont : « Revolve around » de Massimiliano Baldassarri, et le « Money tree » de Cris Faria.

Et j’ai ensuite eu le temps d’imprimer la série de tests pantones qui me semblait la plus efficace.

Colorant & additif

Quelques photos de la promenade et du port de Neuchâtel où je vais intervenir dans le cadre de « Hyperactivity ». En plein milieu d’un espace très passant, dédié au loisir et au tourisme, les vitrines du port sont laissées à l’abandon, elles s’allument le soir et dispensent une lumière quand le lieu se vide (cet endroit de Neuchâtel est pratiquement mort le soir).

En arrivant, j’avais envie de travailler avec ces vitrines (d’abord avec du grillage, à utiliser comme grille pour du texte, puis je suis partie sur autre chose…) et de les utiliser de façon minimaliste et presque invisible, peut-être simplement avec de la couleur).

Hier en faisant quelques recherches sur l’hyperactivité, je suis tombée sur la liste des colorants et additifs alimentaires que l’on trouve principalement dans les bonbons, et qui sont censés augmenter l’hyperactivité et l’impulsivité des enfants, et favoriser les troubles de l’attention. Ces colorants sont listés par des numéros (E 110, etc..), et peuvent donc être traduit en code couleurs Pantone (j’avais envie d’utiliser des Pantones depuis le début, clin d’œil à la Suisse – pays du design ;-)
Demain, je fais quelques tests de couleur, ensuite je me rends au port pour faire des tests, puis course au magasin de peinture avec Julian, le technicien du CAN.

Légendes

Ce matin avec Camille, nous avons réfléchi au dispositif scénique et à la dramaturgie pour le spectacle Speech qui aura lieu ce soir (on est en retard !). Nous avons mis en place le début et la fin de la représentation, mais il manque un lien… L’idée serait de travailler à partir d’un extrait de texte que j’avais écrit pour un article intitulé « je est un autre sur internet », car cet extrait traite de la légende, et depuis le début nous semblons tourner autour de cette idée sans vraiment la nommer.

De la légende
La légende, c’est une petite phrase courte, en tout petit, parfois en italique, en dessous d’une image, qui nous donne l’explication, la date ou le contexte de la-dite image.
Tout le monde le sais, une légende, (de l’adjectif legenda, «qui doit être lu»), c’est aussi « un récit mis par écrit pour être lu publiquement ».
Dans Facebook, les deux sens du mot légende se retrouvent mêlés: la petite phrase écrite en bas de l’image devient grande, elle acquière son autonomie, et l’anecdotique est livrée à une audience, au spectateur 2.0.

C’est donc par cette petite porte qu’aujourd’hui nous écrivons et décrivons nos vies (parfois en plus grand qu’elles ne sont ?). Nous avons besoin de fictionnaliser nos propres vies, nous avons besoin de les légender. C’est un mouvement naturel qui n’est pas dû à l’émergence du réseau : la fiction a toujours servie de régulateur de la réalité et toute famille, ou tout groupe d’individus, possèdent sa ou ses légendes, ses héros, ses traitres, ses challengers.. Ces récits qui participent au bon fonctionnement psychique et ont pour fonction de transmettre au groupe des éléments conscients et inconscients, bref de faire d’une chose individuelle une chose partagée, d’une chose commune une chose partagée.
Mais dans les réseaux sociaux, ce partage est étrange. C’est le flux qui y domine, les légendes s’empilent les unes sur les autres, les légendes se compilent les unes avec les autres. Parfois, les commentaires ralentissent les flux, parfois les compilations fédèrent des groupes…

Mais l’étrangeté et la nouveauté résident surtout dans le fait que l’histoire globale n’est la même pour personne. Personne n’a accès à la même légende : l’histoire est customisée, et le commun variable, chaque spectateur voit défiler une histoire différente.

Langages numériques & arts visuels : rencontre au musée des B-A de Nantes le 17 juin

Jeudi 17 juin 2010 à 18h30, PiNG propose en collaboration avec le Musée des Beaux-Arts de Nantes la 3ème rencontre du cycle « Histoire(s) de l’art numérique », dans le cadre du chantier reNUM.
J’interviendrai donc sur le thème : « My life is an Interactive Fiction » : langages numériques et arts visuels ».

Depuis quelques temps dans mes recherches, il semblerait que le texte ai pris le dessus, dans sa dimension plastique, pour laisser de côté le système de langage qui lui était affecté – celui de l’ordinateur. J’espère que cette conférence sera l’occasion de me ré-interroger sur ma pratique liant le mot et l’ordinateur, l’occasion aussi de faire le point.

À ce jour, les deux projets en cours, « partition » et « You’ve Been Chosen as an Extra in Movie Adaptation of the Sequel to your Life », se concentrent sur des dispositifs. Et le texte (dans son contenu ou dans sa forme) est le porteur de ce rapport de force contingent à tous types de dispositifs…
Dans mes expérimentations, l’idée de dispositif a émergé assez récemment et naturellement puisque j’ai souvent envisagé une proposition plastique comme un mécanisme à même de révéler les forces à l’œuvre, agissantes, fonctionnelles ou passives à l’intérieur de relations (qu’elles soient plastiques-formelles ou humaines d’ailleurs).
J’aime beaucoup le mot dispositif, et disposition qui viennent du mot préparer et choisir. De même que les mots mécanisme, fonction, et appareil. Tous ces mots qui nous font croire que nous avons le pouvoir (alors que le dispositif se joue sans cesse de nous, qu’une fonction n’est qu’un système fermé qui doit sans cesse être détourné et corrompu – profané, mais avec quels moyens ? -, qu’un appareil demande une alimentation constante, et qui la lui donne ? ).

Alors cette phrase « My Life is an Interactive Fiction » prend là aussi son sens. Celui de mise à disposition. Oui, ma vie, ma subjectivation, par le biais des mots notamment, n’est que de la fiction, un appareil fictionnel qui demande qu’à être nourrit, un ensemble de dispositifs visuels qui permettent et essayent de tester le réel.
… À disposition de quoi ?

wakeup1

Retour aux archives

De retour à Périgueux, je lis. Quelques extraits de « L’œuvrette » de Yannick Liron (qui écrit en ce moment un texte pour l’édition « Partition » : )
Dans l’interprétation que j’en fais, ce livre, tout comme « Sans effet personnel », est proche du projet que je développe en ce moment. Ce sont deux livres de partitions amoureuses : instrument de lecture du discours amoureux, écriture de l’incapacité de deux pronoms à exister l’un par rapport à l’autre, où l’absence d’un texte sur l’autre est formellement assumés (l’un et l’autre livre fonctionnent ensemble – fonctionnant étant le mot le plus sec que l’on puisse utiliser pour cette relation qui lie les deux ouvrages).
Les textes posent la question du rapport entre travail et expérience intime. Quand le travail me sert, quand il devint un moyen de formuler correctement un sentiment ou un ressentis, quand d’un seul coup, le sentiment devient une idée, ainsi acceptable. Et qu’à ce moment là, la situation se retourne et je me retrouve à nouveau au service de mon travail et non l’inverse…

En voici quelques extraits. Je n’ai pas mis les textes dans l’ordre d’apparition du livre (ils sont tous tirés de « L’œuvrette ») mais dans l’ordre de mes préférences dans une lecture non-linéaire. J’ai gardé les retours de ligne, qui semblent importants, mais la police n’est pas respectée.

28  Le corps de la lettre. Unité nomade complète possédant ses membranes, présentant ses ouverture et ses orifices ; à brancher directement sur « en prise directe ».

2  Tout les sépare donc. Répéter trois syllabes et buter ;
il tout elle ne partagent pas avec nous. Point. Et pas
de fuite. Il a la largeur de deux lettres, elle de quatre.
La première version, dite « de la différence de quatre »
peut se fabriquer simplement : il diffère d’elle par un
« i », puis un « e », puis un « l » suivit d’un deuxième
« e ». Quand à la seconde, dire « de la différence de trois »,
elle peut se construire tout aussi simplement : il ne
ressemble pas à elle étant donné le « i » précédemment
cité, suivi des deux « e » également présents dans la
première version. Dans cette version, dite « de la
différence de trois », le « l » disparaît selon le principe
qu’un « l » répète un même « l », seulement déplacé et
reconduit. Cependant dans la typographie ici choisie
(du nom de Gill sans), on remarquera que le « i »
majuscule répète un « l ». D’où cette interrogation : ce
« il », comment le prononcer : « il »? ou bien « elle
elle »?

7  lltéralement stricto autobio.

8  El. le susceptible d’être ôté. Tout encore les sépare.
Et qu’écrire d’ile, ou depuis ile, ou de quel non-site
désormais?

11  Faudrait-il d’un pronom se soucier de ses dessous,
songeant aux moyens de les lui ôter?

17  Quelque soit l’énoncé, quelque soit ce qu’il dit,
quelque soit ce qui peut venir, voire, insoupçonné, se
maintenir en lui quelque soit ce qu’il peut saisir : inexprimé.

26  Les modèles collent. Comment se débarrasser de cette consistance, crever la bulle? Comment interroger ce soi-disant donné d’unité de mesure? Comment qui? Comment quoi? Comment quand? Comment où? Comment comment? Comment qu’il dit : « Cela arrive bien quelquefois dans les livres. » Comment qu’elle répond : « Eh bien, que cela arrive à quelqu’un d’autre. »

Dans son laconisme répétitif je t’embrasse est une image
surdéterminée par une profusion de renvois, volontaires
ou non, des permutations et des déplacements qui
affectent les figures qui l’habitent et rendent sa lecture
interminable.

Ces textes sont publiés chez Action Poétique.

Néon & musique & braille

En faisant des recherches (assez peu fructueuses) sur la relation que pourraient entretenir néon et musique – cela me paraissait évident mais à part les signes lumineux représentants bière et guitares électriques, pas grand chose…- je n’ai vu que sur cette image de la pochette d’Arcade Fire, musique qui m’a donc finalement accompagnée aujourd’hui.
> Virgin Mary Highway
Puis je suis passée sur les connexions possibles entre néon et braille et je suis tombée sur Braille Ligado de Detanico & Lain dont le travail me touche toujours beaucoup dans ce qu’il entretient avec l’écriture, la traduction et la transformation quasi systématique qu’ils opèrent entre différents signes langagiers.

NeonBible_poster

braille_neon

La fabrique du commun au 104, les 26/27/28 mai 2010

Fabrique_du_commun_Julie_morel

Dans le cadre de « la fabrique du commun » organisée par Kom.post et Relais Culture Europe, je suis en train de mettre au point le livret pour le programme, ainsi que la signalétique qui doit à la fois s’intégrer dans le lieu mais aussi s’en démarquer. Il faut qu’elle soit repérable immédiatement par les utilisateurs de la Fabrique du commun qui chercheraient leur chemin – car les lieux pratiqués sont aux 4 coins du 104….
L’ouverture de la fabrique donnera aussi lieu à une conférence Upgrade! Paris, le 26 mai à 16h30 (Atelier 11), avec le collectif 1.0.3, et Benjamin Cadon, Adelin Schweitzer et Cédric Lachasse.

.

sharedfactory

sharedfactory2

cover

Dire que quelque chose est impossible alors qu’on n’a même pas tenté de le faire.
Ne pas essayer serait une cruelle excuse, une abdication, une résignation (abandon volontaire d’un droit) ou une résiliation (acte par lequel on met fin à un contrat).
Et tout est à double sens, et à double tranchant (qui est dur et effilé, peut diviser, couper).

Couverture partition – test#2

partition_Julie_morel

Avant/après, versions et changement d’échelle

Le projet partition est un travail dont le processus joue et se base sur une transition constante : celle de la partition originale vers sa traduction, via Sharpeye, en fichier son Midi, puis celle du fichier Midi obtenu vers son interprétation visuelle dans le logiciel de musique Live, et dans Live, d’une visualisation à 100% vers un zoom important pour pouvoir recomposer un morceau sonore. Et si j’envisage son projet dans sa globalité, il y aura encore nombre de transferts et transformations, la dernière étant effectuée dans l’installation même : le passage à une image musicale, celle des néons et de la traduction des déplacements du spectateur faisant varier la bande son.

Depuis ce matin, je passe d’une image à l’autre. Car il s’agit bien d’image ici, malgré le fait que je travaille de la matière sonore.
CoeurBrisé_1Piston1

> Le morceau midi brut, résultat du scan de la partition et le morceau-démo une fois retravaillée dans Live :

[display_podcast]

.

> Visualisation dans Live du fichier global, et d’un zoom sur une partie du morceau. Ce changement constant d’échelles a été ce qu’il y a eu de plus difficile a gérer pour moi aujourd’hui : je passe constamment d’une vision globale à une vision fragmentaire du morceau (du coup je repense à la conversation avec David avant-hier sur les différents types de détection visuelle du cerveau… ; ) . A chaque fois que j’opère un zoom, je sens réellement l’effort que produit mon cerveau pour analyser ce nouveau schéma abstrait et l’effort pour remettre en place les sons qui correspondent aux signes…

live1

live2

Facebook as a symbolic fiction.

sondes

Facebook as a symbolic fiction /// Spectators 2.0 as the feeding material of that fiction.

So we all know that fiction is a way to structure reality. It enables me to perceive the reality and is a condition of my accepting it. And we use fiction as a way to interrogate it.
Ex : Like when an event is too traumatic or too violent, (whether it is overly happy or horribly sad), it shatters the coordinate of our reality, so you  have to fictionalized it.
If on the contrary you take away from our reality the symbolic fictions that regulate it, you can’t get hold of reality anymore… you lose ground

Facebook is for me a machine for fiction, or I should rather say, it is a machine that process events into a strange form of fiction. A kind of written (or multimedia, but not as often) fiction that is unstable and that fluctuates all the time. And a fiction without authors.
Variable & interactive narrations is often seen as a way to get to the structure of narration itself (instead of being an occurrence of a story). It reveals the archetypes and also enriches the questioning by multiplying it. But here, we are beyond variable, and as Camille noticed, we are in a totally instable fiction, that rearrange itself all the time.

So I am asking myself : if a fiction rearrange itself all the time, how can it fulfils its regulating role?

Finally, if I have enough distance and observe Facebook, it becomes a tool that allows me to perceive, not the reality behind the illusion but the reality in illusion itself. Facebook is like Wonderland: if you stay an outsider (a spectator) you can see reality “through the looking glass”, that is to say you can read reality that is contained into illusion. If you become an actor, then you are fucked! You become the thing Facebook feeds on.

Keywords

Hier après-midi, pour mettre en place une méthodologie de production, Kom.post s’est interrogé sur ce qu’un spectateur observe et relève de son environnement lorsqu’il assiste à un spectacle vivant. Les réponses ont fusées et l’on a tenté de n’en retenir que des mots génériques qui constitueraient des catégories pour la proposition liée à Facebook.

Potentiality / The Expectation – before the beginning / Creativity / Bugs / The Costumes / Occupation of Space / Physical point of view / Other spectators / Space / Technical / Judgment / Reference / Am I surprised? / Do I have the opportunity to be alone / Rhythm / Time / Superficial / The outside / The absence

Sonde & morts vivants

Aujourd’hui, premier contact avec les sondes de la Chartreuse, avec Camille Louis et Emmanuel Guez.

Ce matin avec Camille, discussion autour de la thématique catastrophe qui sera explorée par l’une des sondes (qui n’est pas la thématique dont nous allons traiter, puisque nous nous poserons la question du spectateur 2.0, mais la lecture du texte « invention de la catastrophe au XVIIIe » qui nous avait été envoyé m’a interpelée…).

Le texte parle de cette dissociation entre dénouement et catastrophe, qui avant le XVIIIe siècle signifiait la même chose.

Donc : le dénouement marque une fin / La catastrophe est la conséquence du dénouement.

De manière très basique, dans une tragédie, quelle catastrophe est la plus commune, je me le demandais ? Et par catastrophe, je parle d’un dénouement de nature dite complexe (donc pas une catastrophe naturelle, mais plutôt un renversement lié au personnage agissant). Quel évènement force au dénouement, sans retour possible ?

La catastrophe ultime pour une fiction, c’est la mort du héros. Et logiquement la mort arrête la dramaturgie. Dans ce cas, il n’y a plus d’histoires possibles après cette mort.

Ou bien?

Alors que l’on est dans une société de flux, ou la fiction repose sur les flux (voir internet, voir les séries télévisées…) d’évènements et de catastrophes continuels, comment continuer l’histoire ? Et quelle est la figure la plus à même de représenter cette idée de flux ?
Je me demandais si ce « système » de catastrophes n’était pas rendu obsolète ou inversé, et que l’on est aujourd’hui juste dans une succession de catastrophes, qui finalement repoussent l’issue, le dénouement, continuellement.

Du coup je me disais que logiquement, la figure la plus proche est celle du mort-vivant. Le mort-vivant n’étant qu’une succession de catastrophes qui s’enchainent dans un flux ininterrompu…
On a beau tuer un mort-vivant, il se relève toujours. Il tombe, il se relève, indéfiniment.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Zombi_%28mort-vivant%29

Et bien sûr, je ne peux pas résister à poster ce vieux lien de Derren Brown, ce showman anglais qui a réalisé une de ces émissions (franchement contestable !) pour Channel 4…

chartreuse

chartreuse2

Partition _dispositif

Julie Morel, partition & néons
Test de visuel pour l’installation

C’est ma dernière semaine de résidence aux Archives Départementales de la Dordogne. Je serai de retour en Juin pour un mois environ. J’ai rencontré beaucoup de musiciens classiques de la région qui sont prêts à s’investir sur le projet, notamment Stéphane Séjourné (pianiste), le Centre Culturel de la Visitation et son école de musique ainsi que Dominique Lagarde à l’IMR. Le but de ces collaborations est de retourner à la source de ces partitions avant de continuer à les réinterpréter grâce à l’ordinateur.
Cette dernière semaine, je me suis interrogée sur le principe d’écoute (interactif) de ces morceaux : pour l’exposition aux Archives, je suis restée sur l’idée que les morceaux s’échapperont des casiers de l’entrée des Archives. Mais pour les expositions à venir (Allemagne en septembre, Paris à l’automne) j’avais envie de quelque chose de plus plastique, de modules autonomes qui soient liés à l’écriture, aux titres des morceaux même. Mes recherches m’ont menées à intégrer plus en avant l’écriture braille que je suis en train de mettre en place pour un projet d’édition.

Le dispositif à venir sera donc constitué de 12 mots ou phrases en braille, sous forme de néons accrochés au mur. Ces néons seront «en négatif» (les lettres sont recouvertes de peinture noire sur leur côté apparent, les mots en braille apparaissant donc par contraste sur le mur, formant un halo blanc très lumineux et s’effaçant graduellement).

Chaque néon définit sa propre zone lumineuse. Ces 12 zones lumineuses seront les seules sources d’éclairage dans la salle d’exposition, pour que les visiteurs s’y dirigent naturellement.
Quand un spectateur s’approche à moins d’un mètre d’un néon, un morceau de musique est déclenché (grâce à un capteur de distance situé au mur, prêt du sol). S’il choisit de s’éloigner du néon, le morceau faiblira petit à petit jusqu’à devenir inaudible. Et si deux spectateurs se succèdent devant deux différents néons, il s’opère un fondu-enchaîné entre les deux morceaux correspondants, ce qui permet une transition douce.
L’appartenance d’une musique à chaque néon laisse supposer que l’inscription sur le néon est vraisemblablement le titre du morceau joué (c’est le cas).
De même, on fait le rapprochement entre la «zone d’écoute» du morceau et la zone lumineuse.

Dans les prochaines semaines, je vais faire réaliser un néon test. La suite une fois que j’aurais l’objet sous la main.

casiers3b
Les casiers à l’entrée des archives

⠗⠑⠉⠓⠑⠗⠉⠓⠑⠎ ⠏⠕⠥⠗ ⠉⠁⠞⠁⠇⠕⠛⠥⠑

Je suis en train de faire quelques recherches sur l’écriture braille pour un projet d’édition…
http://libbraille.org/alphabet.php

Résultat :

partition

julie M

my life

Et aussi un lien très chouette sur la génération de musique en fonction du code d’une page en ligne, avec pour exemple, ce blog :
http://www.codeorgan.com/?url=http://incident.net/users/julie/wordpress/

« You’ve Been Chosen as an Extra in a Movie Adaptation of the Sequel to your Life »

Titles for ever. Les titres à nouveau. En anglais à nouveau. Parce que c’est sûrement plus cool ; ) …ou plus certainement parce que la langue anglaise à fait partie de ma vie pendant longtemps, et qu’elle revient me hanter épisodiquement dans ce qu’elle produit immédiatement de la fiction.

Retour en arrière :
La semaine dernière, Daniel Suter, commissaire & créateur de l’espace Marks Blond m’a demandé de penser une exposition pour avril. Le délai est court, sachant que la seule chose réellement imposée est que la proposition raisonne au niveau de l’espace public, dans cette rue passante à la croisée du Kino Kunstmuseum, galeries commerciales d’art contemporain et du centre d’assistance social….

Mais d’emblée, puisque c’est la façade qui est mise en avant, c’est les titres qui me prennent d’assaut. Mais quelle est la/les fonctions d’un titre ? Le titre, façade d’un projet ? Non, pas la façade : le titre = le projet. Mais en façade tout de même, puisque j’ai décidé d’en faire un rempart à ce que l’on voit à l’intérieur de la galerie. Le titre : une chose qui se dresse entre moi et la proposition, jusqu’à en devenir la proposition elle-même.

Il faut donc imaginer comment les phrases déterminées à partir du titre principal « You’ve Been Chosen as an Extra in a Movie Adaptation of the Sequel to your Life » peuvent être mise en place pour occuper les 2 vitrines de la galerie, et comment elles nomment la problématique développée : celle de la citation.

– « You’ve Been Chosen as an Extra in a Movie Adaptation of the Sequel to your Life ».
Ceci est une ex-pro-position-post-moderne.
Ceci est une proposition qui ne fait que façade, littéralement.
Ceci est une proposition qui ne fait que citer.
Cité, le titre tiré d’une chanson du groupe Pavement, parce qu’il se reforme cette année,
Cité, parce qu’il se réfère et répond à My Life is an Interactive Fiction.
Citée, l’intention, celle de montrer le fait d’éprouver un ravissement religieux à l’idée de notre propre existence, Peter Sloterdijk.
Citée, la forme, celui du papier, de la lettre, du mot, de la police de caractère choisie.
Citer, c’est faire une proposition mais à basse résolution, avec perte de qualité, parce que ce ravissement de la vie ne peut que s’accompagner de ce soupçon que peut-être ce ravissement est artificiel.

Matériaux : Lettres découpées en styrofoam (bleu clair ou jaune), hauteur et largeur variables, épaisseur 20cm.

M_BlondTitle

Fidelity revisited, and in progress

fidelity

Je commence à l’envers. Je fais des digressions. Le projet partition est en train de se développer lentement et je cherche une méthodologie de travail. Notamment en ce qui concerne la construction des morceaux d’après les fichiers midi issus des partitions. Je fais des piles : ce son avec celui-ci, celui là, sur cette pile, celui-là, là… Des tas de sons qui iraient ensemble donc, comme on classerait des tissus de couleurs, ou des familles conceptuelles…. j’échantillonne des morceaux que j’aime, d’autres qui ont attirés mon oreille, et j’essaye de comprendre…

Définir une famille sonore m’est difficile avec les partitions trouvées aux Archives Départementales, puisque les fichiers midi générés d’après ces partitions sont sans reliefs, juste une suite de notes monotones et plates. Les morceaux que j’écoute tous les jours et que j’échantillonne pour le moment semblent eux déjà contenir un son, qui peut être détourné et transformé par l’échantillonnage…
Artheist, qui développe en ce moment la partie technique du projet (et qui est plein de bonnes idées sur la conception aussi !) m’a envoyé ce passage de « Microsound » de Curtis Road, qui résume bien la situation :

« Certain composers design a complex strategy as prelude to the realization of a piece. The electronic music composer may spend considerable time in creating the sound materials of the work. Either of these tasks may entail the development of software. Virtually all composers spend time experimenting, playing with material in different combinations. Some of these experiments may result in fragments that are edited or discarded, to be replaced with new fragments. Thus it is inevitable that composers invest time pursuing dead ends, composing fragments that no one else will hear. This backtracking is not necessarily time wasted; it is part of an important feedback loop in which the composer refines the work. »

Thanks Artheist pour la réf. : )

En attendant de pouvoir démêler cette histoire de famille sonore, j’ai expérimenté hier soir avec le morceau « Fidelity » de Régina Spectors…
In progress et à écouter au casque.

[display_podcast]

Neige

J’ai commencé la semaine dernière une petite animation qui accompagnera le morceau « Les étoiles filantes » pour l’exposition aux Archives Départementales de la Dordogne. En voici un extrait.

De plus en plus, je commence à voir que le projet partition s’éloigne musicalement de mon intention première. Les partitions ont leur propre vie que l’interprétation et le ré-échantillonnage que je leur fais subir ne peut totalement effacer…
Cette semaine, lors d’une petite séance de travail avec David Bideau sur Live, je me suis aperçue de la manière dont, très rapidement, il arrivait à imprimer sa marque sur le morceau contenu dans la partition originale. N’ayant pas ses connaissance ni sa dextérité musicale, j’expérimente à ma façon.
Cela faisait très longtemps que je n’avais pas produit tout en apprenant un nouveau logiciel. C’est une pratique qui rend humble ! Et je trouve cela, malgré les frustrations, très agréable car je n’ai pas encore de réflexes, pas de bonnes ou mauvaises habitudes, pas d’a priori. Je me retrouve un peu dans la configuration des storms sessions, qui devraient reprendre leur cours cette année !

Mael Mail

oe

« Mais je voulais noter autre chose qui est en train de foutre le camp. C’est marrant je vois la forme de l’idée. E dans l’O. comme dans Edgar Poe. C’est le fait d’avoir parlé à fond sur la saloperie des histoires de divorce avec JJ qui m’a déclenché. (…) Une boule comme l’O dans l’E. Une boule de familiarisme pour retenir la bride des flux du désir, de l’étrange, du « on va crever », tout ça ne tient pas à grand-chose, un déclic et puis tout fout le camp, un accident d’auto, une agonie à la con dans un fossé loin de tout le monde, les autos qui foncent dans la nuit.
Partie l’idée ! Tant pis. »

p.372 > je fonce à la bibliothèque dès mon retour…

Les titres des autres

Après quelques jours de workshop avec les étudiants de 4/5ème année à l’ESAC de Pau, le blog spécifique à cet atelier que nous avons mis en place commence à prendre forme, et un angle de vision (à la fois individuel et collectif) des choses commence à émerger. Les questions soulevées (l’archive, le rapport méditation-écriture-lecture-action, la reprise, la question du choix, etc.) semblent commencer à produire du sens pour chacun.
Cette phase instable de questionnement commence à être prise en main par l’écriture des articles sur le blog, et l’incertitude de la « feuille blanche » est peu à peu remplacée par le discernement du désir face à ces questions et la construction de percepts. Les articles permettent, à quelques exceptions près, de passer du questionnement à l’appropriation de certains choix puis vers une mise en action.

Pourtant, alors que la construction bat son plein, subsiste des traces de l’inquiétude première : dans les titres.
Spontanés, les titres des articles conservent cette fragilité du début : décompte des  jours, description des étapes où l’on en est – comme pour se rassurer, questions franches (que faire ?), ou échappatoire du sans-titre ou du simple chiffre.
Les titres parlent, ils racontent la genèse de l’atelier.
.

3
Jour 3 / la reprise
Qu’est-ce donc ?
Mise en place de scénarios dans les pages mode de la presse féminine
recherches#2
Avancée des travaux
mal-entendu
➽ Premiers essais
SREVNE #2
Régénération
2
1
➽ Two days
Jour 2: Que faire?
Proposition / jour 2
Forever United
SREVNE
Que choisir et que faire ?
recherche #1
chantier
Premier post
et-change
jour 1
Analyse
début du chantier
RÉFLEXION
Mes dossiers
Premier jour
Intro
Workshop Archivage

access_archivages

Partition & mémoire

Tu m’écris souvent et je t’en sais gré, car ainsi tu te montres à moi par le seul moyen dont tu disposes. Chaque fois que ta lettre m’arrive, nous voila tout de suite ensemble.
Si nous sommes contents d’avoir les portraits de nos amis absents (…) comme une lettre nous réjouit d’avantage, puisqu’elle apporte des marques vivantes de l’absent, l’empreinte authentique  de sa personne. La trace d’une main amie, imprimée sur les pages, assure ce qu’il y a de plus doux dans la présence : retrouver. »*

.
Dans quelques jours, je pars pour Pau, où je vais travailler à un atelier de l’école d’Art, dans le cadre du festival Acces-s. Cet atelier portera sur l’archive, et notamment sur un exercice que je pratique quotidiennement ici : l’auto-archivage immédiat.
Cette question de l’archive, sous la forme spécifique d’hupomnêmata, est récurrente dans mon travail et je suis toujours surprise quand on me propose une résidence, ou de donner une conférence (dans 2 semaines au musée des beaux-art d’Orléans), un workshop sur ce thème, car il me semble que je me trouve à 10000 lieux de l’archive en tant que stockage et de la conservation d’informations.
Pour ma part, ce type d’archive a une durée de vie limitée (comme une œuvre d’art d’ailleurs, notamment numérique – voir la thèse d’Anne Laforêt) et je ne m’intéresse pas à sa conservation ou à rendre compte d’une certaine mémoire de manière didactique (j’envisagerai plutôt la conservation d’une œuvre d’art numérique comme un accompagnement vers sa disparition).
Me balader cet automne dans les quelques 20km de couloir d’Archives à Périgueux a été une expérience étrange… Généralement, on n’accède pas aux archives par leur matérialité (un lecteur se rend rarement dans les étages où elles sont stockées) mais par leur index, par la recherche dans une base de données, cette matérialité reste très présente dans son absence. L’ impression très pesante de ces milliers d’informations disponibles m’a fait me poser une fois de plus la question de cet auto-archivage que je mets en place dans mon blog : pourquoi produire plus d’archives, dans quel but ?

La réponse serait que l’auto-archivage permet une pratique qui se déploie dans le partage. Parfois, il fait œuvre (un peu à la Jonas Mekas finalement) et il en découle une certaine esthétique. Je reste convaincue que ce travail quotidien appartient bien à une sorte de réactivation et non à la conservation classique.

Je relis ce soir le texte « l’écriture de soi », ce très beau texte de Foucault.
« Il ne faudrait pas envisager ces hupomnêmata comme un simple support de mémoire, qu’on pourrait consulter de temps à autre, si l’occasion s’en présentait. Ils ne sont pas destinés à se substituer au souvenir éventuellement défaillant. Ils constituent plutôt un matériel  et un cadre pour des exercices à effectuer fréquemment : lire, relire, méditer, s’entretenir avec soi-même et avec d’autres, etc. Et cela afin de les avoir, selon une expression qui revient souvent, prokheiron, ad manum, in promptu. « Sous la main » donc, pas simplement au sens où on doit pouvoir les utiliser, aussitôt qu’il en est besoin, dans l’action. Il s’agit de se constituer un logos bioéthikos, un équipement de discours secourables, susceptibles – comme le dit Plutarque – d’élever eux-mêmes la voix et de faire taire les passions comme un maître qui apaise le grondement des chiens. Et il faut pour cela qu’ils ne soient pas simplement logés comme une armoire aux souvenirs mais profondément implantés dans l’âme, « fichés en elle » dit Sénèque, et qu’ils fassent ainsi partie de nous-mêmes : bref, que l’âme les fasse non seulement siens, mais soi.
L’écriture des hupomnêmata est un relais dans cette subjectivation du discours. »

misscollante

*Sénèque. Livre 4, lettre 40.

Partition (suite)

shooting_stars

Début du projet partition.
Après une moment chez Marielle (Marie Heuln) cette après-midi, me voila rentrée pour me remettre à apprendre Abelton Live et à travailler avec le premier morceau du projet Partition.
« Les étoiles filantes », que j’ai pu déchiffrer et transposer ce week-end en format midi (grâce à Noteflight, une application en ligne) m’était apparu potentiellement comme un morceau assez proche de ce que j’imaginais être une illustration musicale d’une nuit de vacances où l’on regarde les d’étoiles filantes.
Marielle m’a envoyé en fin d’après-midi une version beaucoup plus affinée de la partition, et j’ai tout juste commencé à expérimenter… résultat :

Partition #1

etoilesfilantes

« Les étoiles filantes » est la première partition du projet éponyme que je viens tout juste de commencer pour ma résidence aux Archives Départementales, après plusieurs de semaines de remise au lendemain…

Il s’agit de réactiver des chansons populaires du 19ème siècle. J’ai donc choisi plusieurs titres parmi le fond de partitions musicales que j’ai exploré en septembre à Périgueux. Il y en a huit pour le moment, mais j’aimerais bien atteindre la dizaine (on verra en fonction du nombre de casiers des vestiaires aux archives, endroit où je vais installer ces bandes-sons).

Ces archives sont aussi consultables en ligne :
http://pleade.cg24.fr/sdx/pl/search-s.xsp?base=fa&q=partitions&x=0&y=0

D’ici quelques jours, ce sera le lancement du projet et je convierai deux artistes/musiciens, David Bideau & Marie Heuln, à travailler avec moi sur ce premier morceau…

Alternate Reality

« Vers onze heures, je finis par n’avoir strictement plus rien à faire ; J’avais fait tout ce que je pouvais faire. Je m’étais coupés les ongles, curé les oreilles, j’avais pris un bain, regardé les infos à la télé. J’avais également fait des pompes et des flexions-extensions, j’avais dîné, et terminé mon livre. Mais je n’avais pas sommeil. Je voulais examiner une fois de plus l’ascenseur du personnel, mais il était encore trop tôt pour ça. Il valait mieux attendre minuit, heure à laquelle plus personne ne l’utilisait.
Après avoir réfléchis à diverses possibilités, j’optai finalement pour le bar du 26ème étage. J’y bus un Martini en regardant par la fenêtre la vaste étendue obscure sur laquelle tomba la neige, en pensant aux égyptiens. Comment pouvaient-ils bien vivre les habitants de l’Égypte ancienne ? Quelle sorte de gens allait prendre des cours de natation ? La jet-set égyptienne la plus branché, certainement. C’est certainement pour eux qu’une partie du Nil avait été séparé du reste et aménagée en Bassin de natation. C’est là que de sympathiques maîtres nageurs, avec le physique de mon ami devenu acteur de cinéma, leur enseignait la dernière nage branchée. Je le voyais s’adresser d’un air imperturbable à ces gens de la haute société égyptienne : « Parfait, seigneur. Oserais-je cependant vous conseiller d’allonger davantage votre dextre quand vous nager le crawl ? »
J’imaginais la scène. L’eau du Nil d’un bleu épais comme de l’encre, l’éclat aveuglant du soleil (évidemment, il devait il avoir au-dessus du bassin un toit de chaume ou quelque chose de ce genre en guise de protection), des soldats armés de perches pour chasser les crocodiles ou les manants. Les fils du Pharaon s’entrainaient dans le bassin. Et ses filles alors ? Je me demandai si les princesses égyptiennes apprenaient ou non à nager. Cléopâtre, par exemple ? Une Cléopâtre toute jeune, avec un petit air de Jody Foster. Elle aussi, si elle avait eu mon ami comme maître nageur, serait-elle tombée folle amoureuse de lui. Oui, sans doute, puisqu’elles tombaient toutes amoureuses de lui, il était né pour ça.
Ça ferait un bon scénario, me dis-je. Si ce film existait, j’irais le voir.
Ce maître nageur n’est pas un homme de basse naissance. C’est le fils d’un roi d’Israël ou d’Assyrie ou quelque chose comme ça, mais comme son pays a été vaincu il a été emmené en Égypte en esclavage. Mais, en devenant esclave, il n’a pas perdu une once de son élégance naturelle (c’est là qu’il diffère de Charlton Heston ou de Kirk Douglas). Il sourit en montrant ses belles dents blanches, il pisse avec distinction. Il pourrait même chanter debout sur le bord du Nil, en s’accompagnant au Ukulélé. Il n’y a que lui qui pourrait tenir ce rôle.
Un jour le Pharaon et son escorte passent devant lui, alors qu’il est en train de couper de joncs au bord du Nil. Juste à ce moment là le fleuve renverse la barque pharaonique. Sans la moindre hésitation, il plonge, nage jusqu’à la barque d’un crawl d’enfer, et revient sur la rive avec une petite fille dans les bras, tout en se battant avec les crocodiles. Le tout avec beaucoup d’élégance. Avec la même élégance que quand il allumait pour les filles les becs Bunsen des travaux pratiques de sciences. Le pharaon, qui a vu la scène, admire le jeune homme et décide de faire de lui le professeur de natation de ses fils. Il n’aimait pas la façon de parler du maître nageur précédent et vient juste de le faire jeter dans un puits une semaine plus tôt. Mon ancien condisciple devient ainsi professeur de l’école pharaonique de natation. Mais là, comme il est sympathique, il se met à faire des ravages. Les dames d’honneur du palais attendent la nuit pour oindre leur corps de parfums et se glisser dans son lit. Mêmes les princes et les princesses l’adorent. Là, on pourrait introduire un petit spectacle du genre Le Roi et Moi et La Princesse en maillot de bain réunis. Lui et les princes et princesses se livreraient à un ballet de nage synchronisée pour célébrer l’anniversaire du pharaon, ou quelque chose dans ce goût là. Le pharaon, fort réjoui, le fait encore monter en grade. Mais tout ça ne monte pas à la tête de notre héros. Il reste modeste. Il sourit toujours avec des dents blanches, et pisse avec distinction. Quand les dames du palais se glissent dans son lit, il passe à peu près une heure en préliminaires, les fait jouir, et quand c’est fini, leur caresse les cheveux en disant : « C’était super. »  Il est vraiment gentil.
Comment ca devait être, de coucher avec des dames d’honneur égyptiennes ? Je fis un effort d’imagination, mais aucune image concrète ne me venait. J’avais beau faire des efforts, les seules images qui me venaient étaient celle de l’horrible Cléopâtre tournée par la 20th Century Fox, avec Elisabeth Taylor, Richard Burton, et Rex Harison. Cet exotisme façon Hollywood, avec des filles noires à longues jambes qui éventent Elizabeth Taylor avec des éventails à franges. Elles prennent donc des poses audacieuses pour plaire au maître nageur. Les Égyptiennes excellent à ce genre d’exercice.
Et évidemment Jody Cléopâtre tombe folle amoureuse de notre héros. Ce n’est peut-être pas très original comme idée, mais sinon, il n’y a pas de film.
Donc lui aussi est amoureux de Jody Cléopâtre. 
Mais il n’est pas le seul. Un prince d’Abyssinie, à la peau noir d’ébène, brûle également d’amour pour la belle. Il l’aime tellement que chaque fois qu’il pense à elle, il se met inconsciemment à danser. Pour ce rôle là, il faudrait Michael Jackson et personne d’autre. Par amour, il traverse les désert d’Abyssinie jusqu’en Égypte. En dansant et chantant Billy Jean, un tambourin à la main, devant les feux de bivouac de sa caravane. Ses yeux brillent d’un éclat surnaturel sous la lumière des étoiles. La discorde naît évidemment entre le maître nageur et Michael Jackson, rivaux en amour.
À ce moment là, le barman vint vers moi et m’annonça que avec un air désolé que le bar allait fermer. Je regardai ma montre : il était déjà minuit et quart. Il ne restait plus que moi comme client, et le barman avait presque fini de ranger la salle. Je me demandai comment j’avais fait pour penser si longtemps à des choses aussi stupides. Absurde, ridicule ! Je dois avoir quelque chose qui ne tourne pas rond. Je signai ma note, bus le fond de mon verre de Martini, me levai et quittai le bar. Puis, les deux mains dans les poches, j’attendis l’arrivée de l’ascenseur.
Mais, me dis-je, la loi pharaonique exige que Jody Cléopâtre épouse son frère cadet. Je n’arrivai plus à chasser se scénario imaginaire de mon esprit, les scènes se présentaient les unes après les autres. Qui pourrait jouer le rôle du frère dégénéré ? Woody Allen ? Non, impossible. Le film tournerait à la comédie. Il déclamerait des plaisanteries stupides dans le palais, se taperait la tête avec un marteau en plastique. Non pas lui, ça ne marcherait pas.
Je réfléchirai au rôle du frère plus tard. Le pharaon, en tout cas, ce serait Laurence Olivier. Toujours en proie à de violentes migraines, il appuie les index sur ses tempes pour les calmer. Ils jettent les gens qui ne lui plaisent pas au fond de puits insondables ou bien leur fait faire la course avec les crocodiles du Nil.
J’en étais là quand la porte de l’ascenseur s’ouvrit. Sans le moindre bruit. J’entrai et j’appuyai sur le 16. Ensuite je pensais à la suite du film. Je n’avais plus envie d’y penser, mais je ne pouvais pas m’arrêter.
La scène change, et se situe maintenant dans le désert. Un oracle exilé par le pharaon vit dans une grotte au fin fond de ce désert aride, oublié du reste du monde. On lui a tranché les paupières, mais il a miraculeusement réussi à traverser le désert et à survivre. Il s’est mis une peau de mouton sur le dos pour éviter l’éclat trop fort du soleil, et vit dans la pénombre. Il mange des insectes, mâche des herbes. Ayant acquis la vision intérieure, il prédit l’avenir : la chute des pharaons, le crépuscule de l’Égypte, les changements du monde antique.
L’homme-mouton, me dis-je soudain. Qu’est ce que l’homme-mouton vient faire dans cette histoire ?
La porte s’ouvrit à nouveau sans un bruit. Je sortis distraitement, tout à mes réflexions. L’homme mouton. Il existerait donc depuis l’Égypte ancienne ? Ou tout cela n’était-il qu’affabulations de mon propre esprit ? Les mains dans les poches, je réfléchissais à tout cela dans le noir.
Dans le noir ? !
Je m’aperçus soudain que l’obscurité régnait autour de moi. Pas la moindre petite lueur. La porte de l’ascenseur se referma dernière moi et les ténèbres parurent s’épaissir encore. Je ne voyais pas ma propre main. Je n’entendais plus de musique. Plus d’amour est bleu, ni d’amour un soir d’été. Les ténèbres étaient totales, et ça sentait le moisi.
Je restai figé sur place dans le noir. »

Haruki Murakami. « Danse danse danse » (Chapître 9).